Intervention de Mme Nicole Péry secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle sur la présentation du BTS "assistant de gestion" et de la maîtrise universitaire "'adjoint de dirigeant PME-PMI", Paris le 18 mai 1999.

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Circonstance : Présentation du BTS "assistant de gestion" et de la maitrise universitaire "adjoint de dirigeant PME-PMI", à Paris le 18 mai 1999

Texte intégral

L'événement qui nous réunit aujourd'hui pourrait paraître anodin à un observateur peu familier des questions de formation. Pourquoi tant de cérémonie pour présenter officiellement deux nouveaux diplômes alors qu'on reproche régulièrement au système français d'accorder trop d'importance aux titres et aux diplômes ? Il est vrai que l'on recense actuellement 687 diplômes professionnels de l 'Education nationale, 349 titres du ministère de l'emploi et de la solidarité, 660 titres des autres ministères, sans parler des 706 titres homologués émanant d'organismes divers et 300 certificats de qualification professionnelle élaborés par les branches professionnelles !
Mais précisément, me direz vous, les diplômes qui sont présentés aujourd'hui "ne sont pas comme les autres" , et cela justifie pleinement que la CGPME ait souhaité entourer leur lancement d'une certaine solennité. Il est vrai que le BTS assistant de gestion PME-PMI et la maîtrise universitaire " adjoint de dirigeant PME-PMI " constituent des innovations importantes. Je ne me prononcerai pas sur leur degré de pertinence au regard de la nature des emplois préparés car je ne suis pas une spécialiste des questions de gestion. Ce qui me frappe plutôt, au regard de mes responsabilités ministérielles, c'est qu'ils constituent deux bons exemples de la nouvelle génération de diplômes et de titres que Claude Allègre et moi appelons de nos voeux :
- l'un et l'autre ont été construits en tenant le plus grand compte de la réalité des activités de travail. Dans un domaine comme celui de la gestion, seule cette volonté de rapprocher la certification du contenu réel des emplois pouvait faire apparaître la spécificité des PME-PMI. Du point de vue académique, les disciplines qui se réfèrent à la gestion différencient peu les petites et moyennes entreprises des grandes. Mais si l'on examine les contours et les contenus des emplois de gestionnaire, la taille de l'entreprise est certainement un élément déterminant. Ces deux nouveaux diplômes ont pleinement pris en considération cette réalité.
- Par ailleurs, les acteurs qui ont procédé à leur élaboration semblent avoir eu le souci de construire cette certification en la rendant accessible aussi bien à des jeunes en formation initiale qu'à des adultes en formation continue ou encore à des personnes qui souhaiteraient faire valider leurs acquis professionnels.
- Enfin, il y a manifestement une volonté de revaloriser des formations dites de niveau III et II, en organisant une filière qui offre de vraies possibilités d'insertion à des jeunes qui n'aspirent pas à faire des études longues.
Les trois éléments que je viens d'évoquer sont au coeur de la réflexion que nous menons actuellement, en liaison étroite avec l'Education nationale, sur la réforme de notre système de formation professionnelle . Claude Allègre vous dira sûrement tout à l'heure ce que ce type d'initiative représente par rapport au développement de l'enseignement professionnel intégré. Pour ma part j'insisterai sur les transformations que je souhaite engager avec tous les acteurs dans le domaine de la formation continue.
Dans le diagnostic sur le fonctionnement de notre système que j'ai présenté en mars dernier en conseil des ministres, j'ai mis l'accent notamment sur deux objectifs qui rejoignent tout a fait les préoccupations qui semblent avoir animé les créateurs de ce BTS et de cette maîtrise.
Tout d'abord l'objectif de professionnalisation des jeunes. Les difficultés que rencontrent les jeunes générations doivent nous conduire à repenser l'insertion professionnelle, non pas en aménageant une période de "transition" entre vie scolaire et vie de travail, mais plutôt en favorisant un processus graduel de professionnalisation qui commence au sein même du système éducatif et qui se prolonge tout au long des premières années sur le marché du travail. Ce n'est pas en multipliant les stages de toutes sortes que nous viendrons à bout de ce défi majeur pour notre société mais en étendant progressivement à l'ensemble des jeunes les principes de la formation par alternance. Cette formation par alternance peut s'effectuer aussi bien sous statut scolaire que par l'apprentissage ou par l'accès à un contrat de formation par alternance. Cette diversité de voie est un des atouts de notre système. Sachons le préserver car il nous donne des souplesses que d'autres pays n'ont pas. L'objectif de professionnalisation signifie que les jeunes doivent être accompagnés dans leur parcours jusqu'à ce qu'ils aient pu accéder à la maîtrise d'un métier par une formation en alternance ou par l'obtention d'un emploi dont la qualification est reconnue. Cela implique des partenariats forts entre le système éducatif, les acteurs économiques et les organismes intervenants dans le domaine du placement et de l'aide à l'insertion. La création de ces deux diplômes est une concrétisation de ce partenariat et de cette démarche de professionnalisation.
Le deuxième objectif est celui du développement de la validation des acquis. Depuis 1992, il est possible d'accéder à un diplôme en faisant valider les connaissances et les savoir-faire acquis à travers l'expérience professionnelle. Nous n'avons sans doute pas mesuré suffisamment la portée de cette réforme au moment où elle a été adoptée. Une grande partie de la population active n'a qu'un faible niveau de formation initiale. Environ 30 % n'a pas dépassé le niveau V et près de
40 % n'ont pas de diplôme professionnel supérieur au CAP. Et pourtant ces personnes ont, à travers une expérience professionnelle parfois très riche, des compétences nombreuses et appréciées des entreprises. Mais ces compétences ne sont pas validées et, par conséquent, ne sont pas toujours reconnues, notamment en cas de mobilité professionnelle. Permettre à des adultes d'accéder à une véritable reconnaissance de leur qualification sans les obliger à effectuer la totalité d'un cursus de formation est donc un objectif essentiel. Les diplômes et les titres professionnels sont encore trop souvent considérés comme la sanction d'un parcours de formation initiale. Progressivement, ils devront être accessibles aussi bien par la formation initiale que par la formation continue ou la validation des acquis professionnels.
Je sais que cela heurte bien des habitudes. Il est significatif que, malgré les dispositions législatives adoptées en 1992, la validation des acquis n'ait connu jusqu'à présent qu'une progression très modeste. Si nous voulons lui donner un nouvel élan, il faudra non seulement sensibiliser l'ensemble des acteurs à cette démarche mais revoir également la construction même de nos titres et de nos diplômes. Malgré les efforts accomplis ces dernières années, beaucoup d'entre eux privilégient encore trop les modes d'apprentissage scolaire et ne prennent pas suffisamment en compte les conditions effectives de mise en oeuvre des savoirs dans les situations professionnelles. Les deux diplômes qui sont officiellement présentés aujourd'hui me semble une très bonne illustration de ce vers quoi nous devons nous orienter. Ils suscitent manifestement un grand intérêt auprès des jeunes, si j'en juge par le nombre de ceux qui se sont engagés dans les cursus de formation correspondants. Nous aurons pleinement montré leur pertinence lorsque nous aurons fait la preuve qu'ils sont accessibles aussi bien par des jeunes en formation initiale que par la voie de la formation continue et la validation des acquis.
L'engagement de la CGPME dans la construction de ces nouveaux diplômes est donc très positive et je tiens à l'en féliciter. Je suis persuadée, à l'issue de l'ensemble des entretiens que j'ai conduit pendant cette phase de diagnostic, que c'est dans les petites et moyennes entreprises que se joue le devenir de notre système de formation professionnelle. Elles jouent un rôle essentiel dans le développement de l'alternance sous contrat de travail. L'AGEFOS PME accompli un travail d'impulsion des contrat en alternance qui est décisif. Si les branches professionnelles ont incontestablement leur rôle à jouer dans ce domaine, notamment pour favoriser de véritables politiques d'intégration des jeunes en fonction des caractéristiques propres à chaque secteur de l'industrie ou des services, le travail de terrain, au plus près des petites entreprises, dans une logique territoriale, demeure un des atouts essentiels de réussite du processus de professionnalisation que j'évoquais il y a un instant.
C'est également à travers les efforts accomplis dans les PME que nous parviendrons à redonner toute sa portée à la formation continue. Comme je l'ai souligné dans le livre blanc, elle doit être à la fois un facteur de performance économique et de cohésion sociale. Au cours de mes déplacement sur le terrain, j'ai eu l'occasion de visiter des PME qui réalisent des choses remarquables dans ce domaine. Il s'agit le plus souvent d'entreprises particulièrement performantes dans leur secteur d'activité. Pour elles, la formation n'est pas une charge supplémentaire ou une contrainte à laquelle il faut se soumettre dans le cadre de leur politique sociale ; c'est un investissement stratégique, directement lié à leurs efforts en matière de réorganisation du travail et développement de nouvelles technologies et de nouveaux produits. Les inégalités d'accès à la formation demeurent cependant très marquées en fonction de la taille des entreprises. Il nous faudra sans doute un peu de temps pour combler les écarts qui existent aujourd'hui. Mais je suis persuadée que nous sommes sur la bonne voie. La concertation que j'engage dés à présent sur la base du diagnostic réalisé par le Secrétariat d'Etat, devrait nous permettre d'imaginer collectivement des solutions pour rendre notre système plus lisible, plus performant, et plus équitable. Il nous faudra en particulier trouver un meilleur équilibre entre le nécessaire développement des plans de formation dans les entreprises et l'accès à une qualification pour tous ceux qui connaissent de nombreuses ruptures dans leur vie professionnelle. Nous devons tout mettre en oeuvre pour réduire l'écart qui s'est progressivement creusé entre une logique d'adaptation à court terme des compétences dans les entreprises et une logique individuelle d'accès à une formation. C'est dans cette perspective que j'ai proposé aux partenaires sociaux de réfléchir à la mise en place d'un droit individuel transférable et garanti collectivement. Je suis persuadée que la CGPME apportera une contribution essentielle à ce débat. La manifestation de ce matin me confirme dans cette idée en démontrant sa capacité à coopérer avec l'Etat pour mettre en place des actions qui répondent à la fois aux aspirations des salariés et au souci de compétitivité économique des entreprises.
(source http://www.cgpme.org., le 08 juin 1999)