Texte intégral
Monsieur le Président, Cher Gérard Worms,
Monsieur le Président putatif, Cher Philippe Varin,
Mesdames et Messieurs,
D'abord je voudrais vous remercier de m'accueillir. Cela me fait plaisir d'être ici et je souhaite, par ma présence, saluer votre contribution de longue date aux réflexions sur la régulation du commerce international et la résolution des différends commerciaux. Vous avez rappelé le statut d'observateur à l'Organisation des Nations Unies, qui a été attribué en 2016 à la Chambre de commerce internationale, c'est la marque de reconnaissance et l'estime que vous porte la communauté internationale. Enfin, je souhaite rappeler que la présence de la Chambre de commerce internationale sur le territoire français, vous en avez rappelé l'historique, demeure très importante pour le gouvernement, notamment parce que cette présence garantit l'attractivité de notre place juridique dans la compétition internationale.
Votre invitation me donne l'occasion, quelques mois après ma nomination, de m'exprimer sur la diplomatie économique et sur le commerce extérieur, qui sont au coeur de des responsabilités qui m'ont été confiées par le président de la République.
Nous vivons dans une période d'incertitudes politiques majeures au niveau mondial.
Un environnement stratégique bouleversé avec, pour vous qui êtes au coeur de l'entreprise, des incidences quotidiennes sur vos activités. Les signes les plus manifestes de cette situation, ce sont d'abord la multiplication des crises et leur inscription dans la durée. Je ne vais pas en faire le catalogue mais vous le vivez tous les jours.
C'est ensuite la mise en cause du système de règlement international des conflits, vous l'avez souligné, et la contestation de facto de normes que l'on avait pu croire jusqu'à présent reconnues et agréées. C'est enfin, sur les deux sujets, ce qui complique la situation, le comportement difficilement prévisible de certains acteurs - il n'y en a pas qu'un et je vois tout de suite à qui vous pouvez penser - souvent majeurs, et par conséquent, la difficulté où se trouvent les États pour rechercher une plus grande unité de vues ou de destin face à des logiques qui sont de plus en plus de logiques de puissance, des logiques d'influence avec même des logiques obligatoires avec, en même temps, des projets hégémoniques de plus en plus affirmés. La difficulté dans laquelle nous sommes c'est que les trois aspects se mélangent : les crises, la contestation des normes et l'imprévisibilité d'un certain nombre d'acteurs.
En un mot, jamais depuis la fin de la guerre froide les divergences, les tensions et le niveau de conflictualité n'ont été aussi élevés, et, en même temps, le monde n'a jamais aussi interdépendant. C'est cette contradiction majeure que nous devons gérer et, malgré la mondialisation, la coopération est devenue moins évidente ; avec la remise en cause croissante des règles du jeu multilatéral, les tentations du repli ou du cavalier solitaire qui vont grandissantes.
Tous ces bouleversements engagent, à un titre ou à un autre, les intérêts de la France et la sécurité des Français. Ces crises nous concernent : elles affectent notre sécurité et celle de l'Europe, elles peuvent mettre en cause notre prospérité, elles touchent à notre vie quotidienne ; par ailleurs, et de façon indissociable, ces crises compromettent l'ordre international dès lors que s'affaiblissent les normes qui l'organisent l'ordre international et les équilibres qui le sous-tendent.
La première priorité de la politique étrangère que le président de la République m'a demandé de mettre en oeuvre, c'est donc de faire face à ces ruptures et de contribuer à mieux défendre nos intérêts, notamment en définissant des démarches politiques nouvelles et concrètes pour y répondre. En essayant d'avoir un regard lucide et pragmatique sur l'état actuel des rapports de forces internationaux, je me suis donc attelé à déployer une diplomatie active pour défendre au mieux la place de la France dans le monde.
La France a des moyens, sa voix porte dans le concert des nations ; elle est perçue comme une puissance d'équilibre. Nous devons donc, dans tous les domaines et notamment ceux que j'ai évoqué tout à l'heure, être en permanence à l'initiative, nous devons être créatifs, agiles pour défendre nos intérêts mais aussi pour garantir les principes qui organisent et qui régulent la vie internationale ; ces principes qui n'ont eu de cesse de se développer ces dernières décennies comme ceux qui restent à inventer pour organiser de façon juste les nouveaux domaines dans lesquels nous évoluons, définir des normes, définir du multilatéralisme dans des domaines nouveaux comme l'espace numérique et la lutte contre le dérèglement climatique.
J'ai pu constater la semaine dernière, lors de l'Assemblée générale des Nations unies. Qu'il y avait, à cet égard, dans le monde occidental deux lignes. Même si les relations entre le président Macron et le président Trump sont cordiales et toniques, il n'empêche que la dominante à l'Assemblée générale a été celle de deux discours totalement différents, deux lignes quasiment opposées. Une ligne plutôt empreinte d'optimisme, d'ouverture, de foi dans le multilatéralisme, de foi dans la capacité des hommes de l'humanité à s'organiser, de respect de l'autre et une volonté de régulation. Et l'autre, faite de repli, d'agressivité, de scénario de puissance et de protectionnisme. Deux lignes totalement différentes sur la même histoire de l'Occident. C'était particulièrement frappant et cela se décline sur les trois sujets que j'évoquais en commençant. À la fois sur la manière de régler les crises, elles sont nombreuses, immédiates et elles font l'actualité permanente, à la fois dans la manière d'assumer les règles et de définir un ordre mondial multilatéral et aussi dans la capacité des acteurs nouveaux à s'insérer dans ce nouveau dispositif. Je considère que la situation est grave et elle mérite une attention de chaque instant mais les perspectives optimistes sont faibles.
Dans ce monde en état de transformation accélérée, l'économie n'est pas un espace à part, vous le savez mieux que quiconque : elle n'est pas indépendante des évolutions stratégiques que je viens de rappeler ; elle peut les subir ; mais elle peut, à l'inverse, les orienter...
Nous sommes aussi face à une nouvelle donne économique. Le premier élément de cette situation c'est d'abord la grande redistribution des cartes à laquelle nous avons assisté ces dernières d'années, et avec elle les transformations à l'oeuvre dans la répartition mondiale de la puissance économique. Nous étions encore habitués, il y a peu, à une division claire entre le Nord et le Sud, les pays développés d'un côté et les pays émergents de l'autre ; bien sûr des différences majeures existent toujours s'agissant du développement économique et humain. Mais nous devons aussi être attentif au fait que la concurrence économique transgresse aujourd'hui la ligne de partage Nord-Sud : je pense notamment à la recherche de plus en plus concurrentielle de la maîtrise de la technologie, pour ne citer que cet exemple.
La situation économique mondiale a aussi changé en raison d'une modification par beaucoup d'acteurs de leur manière de concevoir et de ressentir la mondialisation. Je suis tenté de dire que nous assistons à une politisation accrue des phénomènes économiques, à la fois dans la perception des individus, mais aussi dans la conduite de certains États.
Le premier facteur de politisation de l'économie internationale, c'est que les effets de l'ouverture commerciale sont maintenant critiqués systématiquement par de nombreux citoyens. La mondialisation fait débat. Les résultats de la dernière élection américaine, le référendum britannique montrent que même dans des pays de tradition libérale, la mondialisation fait débat. En réalité, des franges importantes de nos sociétés occidentales sont travaillées par une contradiction fondamentale : jamais autant de gens n'ont simultanément dénoncé les conséquences sociales et politiques générées par la mondialisation et jamais une sortie de la mondialisation n'a été perçue comme crédible. Et nous devons vivre dans cette contradiction.
Il faut avoir la lucidité de le reconnaître : le sentiment d'être laissé pour compte est partagé par une part croissante des citoyens occidentaux et l'imaginaire du progrès social qui a animé nos sociétés est mal en point. Cette perception affecte profondément notre vie démocratique, elle met au défi les responsables politiques de proposer un chemin qui fait le pari de l'optimisme, le pari du progrès et le pari de l'ouverture plutôt que de l'isolement de la fermeture et du déclin. Et nous avons vécu en France, sans faire de commentaire politique, cette situation il y a peu de mois.
Il faut que, du même coup, la puissance publique, pour éviter ce risque, fasse preuve d'initiative, qu'elle soit en situation de proposer d'autres modes de régulation et, pour ce faire, elle doit réorganiser ses systèmes de protection, permettant à chacun de pouvoir avoir accès au marché du travail. C'est le sens des réformes initiées par le gouvernement, réformes qui vont aller bien au-delà des ordonnances publiées récemment : l'enjeu est de transformer en profondeur notre marché du travail pour permettre aux entreprises de s'adapter aux évolutions économiques et technologiques, pour permettre aussi aux salariés l'accès à une formation professionnelle de qualité, qui rende également possible, par la formation continue, la mise à jour régulière de leur compétence.
En France, mais aussi en Europe - le président de la République vient de prononcer à l'instant un discours refondateur -, il s'agit, et ce sera un chemin long, un chemin partagé dont vous avez une part, nous aussi, de faire comprendre que l'ouverture, à condition qu'elle soit régulée, qu'elle soit loyale, donne des fruits pour l'accès au travail et pour la sécurité. Et c'est une tâche énorme tant aujourd'hui il y a de rejets, que vous devez sentir, en tout cas que nous sentons et qui se traduisent par des actes politiques, y compris aux dernières élections allemandes. Et pourtant, l'Allemagne, 3,5% de chômage, avec un commerce extérieur florissant, il n'empêche que l'on va voter pour le repli, pas énormément mais avec des signes extrêmement forts. Donc, tout cela nécessitera, nécessite pour nous, dans le cadre de ce que j'appelle cette politisation de l'action commerciale, un travail d'explication, un travail de régulation, un travail d'information considérables. Et cela suppose également, et j'y reviendrai, qu'au niveau de l'Union européenne, on ait la même logique.
Le second facteur de politisation des relations économiques, c'est l'instrumentalisation politique des relations commerciales par les États. Le «doux commerce», si cher à Montesquieu, facteur d'ouverture, de paix et d'un rapport harmonieux entre les puissances, n'engendre pas les effets positifs que vous pouvez imaginer. Nous réapprenons que les rapports économiques ne peuvent être pensés en dehors du cadre des relations politiques. Je pourrais multiplier les exemples, vous les voyez vous-mêmes. Ne serait-ce que lorsque les États-Unis prennent des mesures de sanctions contre tel ou tel pays et qu'ils imposent l'extraterritorialité aux mesures de sanctions, on est dans ce cadre et ce n'est que le début. Si d'aventure demain, je ne sais, sur l'Iran, l'administration Trump décide de renoncer au traité de Vienne, des mesures de sanctions seront prises avec l'extraterritorialité qui viendra avec. Dans le même état d'esprit, sur l'Ukraine, on voit apparaître des tentations du même type. Bref, ces risques-là sont aussi devant nous. Donc, c'est une double politisation des échanges commerciaux, sur lesquels on peut avoir des prises mais qui nécessitent de notre part un combat exemplaire, solidaire, explicatif. Il faut faire comprendre aussi que c'est l'intérêt collectif que l'on passe au multilatéralisme, qui est à la fois politique et commercial, les deux sont liés. D'ailleurs, ce sont ceux qui remettent en cause le rôle des Nations unies qui, en même temps, remettent en cause toute forme normative au niveau du commerce international.
Donc, nous sommes dans cette situation extrême, importante, majeure, avec, dans tout cela, une Union européenne fragilisée, tentée par le déclin ou, en tout cas, tentée par l'immobilisme. Et je pense que le discours du président de la République sur l'Europe nous permettra, je l'espère, d'avoir des initiatives fortes pour faire en sorte que la politique commerciale, puisque c'est une des compétences de l'Union européenne, soit une politique commerciale qui permette d'être un instrument de projection de la puissance européenne et non pas uniquement un élément de normes et de règlements.
Je suis extrêmement attentif - je suis d'ailleurs ravi d'entendre le président de la République redire des choses à peu près identiques cet après-midi, tant mieux d'ailleurs car il vaut mieux que nous soyions d'accord - au fait que, dans ces crises, il faut que l'Union européenne affirme sa puissance, qu'elle soit facteur de puissance et qu'elle soit, pour notre pays, un élément de déploiement, de renforcement qui nous permette d'avoir un élément démultiplicateur de puissance, que l'Europe soit pour la France cet espace-là.
Il faut donc que l'Europe montre à chaque citoyen que l'Union européenne est en mesure de défendre ses intérêts, ses technologies et ses emplois. Elle doit aussi montrer que la force économique du marché intérieur peut être un levier pour définir les règles du jeu du commerce international au XXIème siècle. Il ne s'agit pas du tout d'être protectionniste, frileux, défensif dans les négociations commerciales. Il s'agit, pour l'Union européenne, d'être consciente collectivement de sa force économique et de l'utiliser à bon escient, en négociant des accords commerciaux fondés sur la réciprocité et en limitant les pratiques déloyales et en ayant cet esprit collectif.
C'est-à-dire que, pour être un peu cynique toujours sur l'Union européenne, on ne peut pas être à la fois largement bénéficiaire des fonds structurels, c'est-à-dire de la solidarité, faire en même temps du dumping social et du dumping fiscal et en plus acheter américain. Tant que l'Union européenne acceptera des situations de ce type, alors les citoyens se détourneront de l'Europe. Parce que, quand même, ceux qui étaient réputés les plus ouverts au marché international par leur histoire, les Anglo-saxons, les Britanniques en particulier, ont dit «non» et se sont repliés, si bien que l'Union européenne a eu l'effet inverse que celui que nous souhaitons voir mettre en oeuvre.
Dans ce cadre, et au-delà de l'Union européenne, nous avons besoin d'une Organisation mondiale du commerce (OMC) qui fonctionne, c'est-à-dire qui définisse des règles adaptées à l'économie mondiale qui élargisse son champ, en particulier tout ce qui tourne autour du numérique, qui définisse des règles adaptées à l'économie mondiale du 21ème siècle et qui est un organe de règlement des différends qui soit respecté.
Il est clair que les évolutions de l'économie mondiale ne sont pas celles que l'on attendait à la création de l'OMC en 1994 : à rebours du soi-disant triomphe du néo-libéralisme anglo-saxon, nous avons assisté à des succès économiques saisissants dont la stratégie repose sur un fort degré d'intervention publique. Aujourd'hui, au-delà de la politisation dont je parlais tout à l'heure, nous ne pouvons que prendre acte du morcellement de l'économie internationale, entre les économies de marché et celles où l'État conserve un rôle directif important.
Mais cet interventionnisme devient problématique s'il conduit à des effets négatifs pour les partenaires, par exemple au travers de surcapacités industrielles avec des effets d'éviction. De fait, la neutralisation partielle des mécanismes de marché est toujours susceptible de conduire à une mauvaise allocation des ressources. Et, de telles inefficacités peuvent avoir de lourdes conséquences sur l'économie mondiale. Il faut donc établir des règles multilatérales qui assurent une concurrence équitable. C'est la condition indispensable pour être crédible aux yeux de l'opinion publique. Et il faut parallèlement travailler à une meilleure articulation du droit du commerce international avec l'environnement, la fiscalité et les normes sociales pour éviter le dumping dans ces domaines.
À court terme, il est essentiel que l'Union européenne dispose d'instruments efficaces pour lutter contre les pratiques déloyales : la France est fortement mobilisée pour que l'Union réforme rapidement ses instruments d'anti-dumping, de manière à être plus réactifs et à prendre en compte les distorsions économiques majeures lorsqu'elles existent.
Nous sommes aussi très attentifs aux négociations en cours menées par la Commission européenne avec les partenaires étrangers. On parle beaucoup de l'accord avec le Canada, entré en vigueur de manière provisoire il y a quelques jours. Dans un souci de parfaite transparence et conformément aux engagements pris pendant la campagne, une commission d'experts indépendants a remis au Premier ministre un rapport sur les impacts environnementaux et sanitaires du CETA.
La commission relève que l'accord aurait pu prévoir une ambition plus grande en matière d'environnement et de santé mais souligne avant tout que des avancées réelles interviennent dans cet accord, sur la garantie du droit des États à réguler et sur un mécanisme transparent et impartial de règlement des différends entre investisseurs et États. Le rapport souligne surtout que ce sont les modalités de mise en oeuvre de l'accord qui seront déterminantes. Donc, cet accord sera mis en oeuvre et le gouvernement présentera dans les prochaines semaines un plan d'actions détaillé, pour renforcer les normes européennes et les normes de coopération avec le Canada s'agissant de l'environnement.
Mais le débat, y compris sur un accord qui globalement est positif, amène à une interrogation sur la manière de conclure ces accords. Il faut la transparence pour permettre l'acceptabilité et pour permettre la compréhension. C'est cette logique-là qui, à mon sens, devra être mise en oeuvre dans les autres accords qui sont en cours de préparation ; je pense au Mercosur, je pense à l'Australie, je pense à la Nouvelle Zélande. Nous avons des laboratoires potentiels pour faire autrement dans l'affirmation de la nécessité ou de l'intérêt du multilatéralisme et de la régulation : faire autrement, expliquer. Parce que, autrement, l'on risque d'avoir une montée protectionniste, des populismes qui sont mêlés et avoir des rejets et des retours au protectionnisme.
C'est un enjeu important que l'Europe doit prendre considérablement en compte pour la mise en oeuvre ensuite des outils de réciprocité et faire valoir l'intérêt pour l'ensemble de nos concitoyens de cette nécessité. Il faut avoir une logique de préparation, d'explications, d'accoutumance pour que l'on sorte de cet esprit de repli qui mobilise les foules parfois, mobilise les votes de manière significative et qui entraîne de l'hésitation, de la frilosité pour aller au-delà et qui ne correspond pas, Monsieur Varin, au discours que vous avez fait en introduction.
Je voudrais maintenant dire deux mots sur le commerce extérieur français, dont j'ai la charge.
Nous ne pouvons pas rester comme nous sommes. Vous connaissez les réalités, l'ampleur du déficit qui ne s'améliore pas même si la croissance monte, peut-être même parce que la croissance monte, ce qui est très significatif. Et vous connaissez le nombre d'entreprises qui exportent : 125.000. On a un chiffre d'entreprises exportatrices qui est inférieure à l'Allemagne, au Royaume-Uni, à l'Italie, alors que nous n'avons pas à rougir de nos capacités. Mais il y a un problème de culture dans l'exportation dans nos entreprises, sûrement. Il y a aussi un problème d'outil. Je réfléchis à ces questions depuis l'été. Je serais amené à faire des propositions avant la fin de l'année.
En tout cas, je constate que, lorsque j'interroge les chefs d'entreprise qui exportent, il y a, de manière générale, sauf les grands groupes qui se débrouillent tout seuls ou qui viennent demander l'appui du gouvernement sur tel ou tel grand contrat - et ils ont raison parce que c'est une affaire d'État à État quasiment - mais, pour le reste, je constate une interrogation constante sur le dispositif mis en place. La multiplication des acteurs, sans doute tous aussi compétents les uns que les autres, que ce soit les chambres de commerce, que ce soit Business France, que ce soit les régions, que ce soit les métropoles, que ce soit l'État lui-même sur les territoires, les conseillers du commerce extérieur, on ne sait pas vers qui se tourner. Tous aussi respectables, tous certainement convaincus de l'importance de leur mission mais entraînant des perturbations et finalement de l'incapacité à mobiliser des entreprises, en particulier des PME, y compris les ETI. Et lorsqu'on interroge les mêmes acteurs à l'arrivée, sur le territoire, c'est la même complication, les mêmes difficultés de repérer le bon outil, la bonne personne, la bonne entrée, le bon moyen, le bon appui, le bon appui bancaire, le bon interlocuteur, le bon partenaire. Sans doute cela n'est-il pas vrai partout, mais c'est une thématique permanente. J'ai cru lire d'ailleurs que, dans votre document, vous n'étiez pas loin de ce propos.
Donc, je veux mettre en place de la fluidité et de l'efficacité, de la simplicité et de l'efficacité.
Pour cela, je vais agir de trois manières :
La première, c'est d'avoir, sur les territoires, un guichet unique, non pas une maison ou un bureau mais un guichet d'accès unique, c'est-à-dire que l'entrepreneur qui veut exporter s'adresse à une seule adresse qui, ensuite, relaie en fonction des compétences des uns et des autres. Cela peut-être un outil bancaire, cela peut-être une chambre de commerce, cela peut être Business France, cela peut être X, mais il faut que celui qui a l'idée d'exporter soit encouragé immédiatement et ne soit pas bloqué par des procédures trop longues pour chercher qui est qui, comme on fait. Il faudrait, ensuite, avoir du même coup un dossier unique au départ.
Quand j'ai dit cela, tout le monde a cru que c'était lui qui était désigné, ce qui montre finalement que la remise en cause n'est pas encore au rendez-vous.
Je pense que, dans ce domaine-là, au départ, le rôle des régions me paraîtra déterminant. Il y a maintenant une nouvelle organisation régionale, il y a treize régions métropolitaines.
J'ai réuni, il y a quelques jours, treize présidents de région pour leur dire comment on fait, comment cela se passe chez eux. Le constat était le même. Donc, il faut regarder, dans chacune des régions, comment on peut créer ce guichet unique, qui peut être différent selon les régions, nous ne sommes pas sur l'uniformité, il y a des histoires, il y a des cultures, il y a des branches, il y a des activités plus ou moins fortes dans chacune des régions. Nous allons donc mettre en place, avec les régions, un scénario de ce type. Et le dispositif global sera clarifié, je pense, avant la fin de l'année avec ce partenariat au départ.
À l'arrivée, c'est un peu la même chose. Il faut donc que l'entreprise qui exporte sur un territoire ait aussi un interlocuteur qui le mette en relation avec les gens avec qui il est souhaitable d'avoir un rapport en fonction de l'histoire même du pays ; ce n'est pas la même chose si l'on est en Azerbaïdjan que si l'on est à Shanghai. C'est à l'ambassade, j'estime que c'est le travail de l'ambassadeur de mettre en réseau l'entreprise pour que sur tel ou tel territoire il soit en relation avec tel ou tel partenaire français qui puisse l'aider dans son action.
Je n'ai pas défini, à ce jour, au-delà. J'ai beaucoup de réflexion en cours. J'ai demandé à M. Lecourtier, le nouveau directeur général de Business France - qui, par ailleurs, lorsqu'il était ambassadeur en Australie, a été à l'origine du contrat du siècle, puisque c'est lui qui a vendu pour 24 milliards d'euros de matériels militaires avec tout ce que cela peut entraîner comme conséquences -, de faire rapport sur la manière dont il percevait l'accueil des entreprises à l'arrivée. Et, en même temps, comment il percevait l'évolution de Business France en la matière.
Je connais les critiques qu'il y a sur les uns et sur les autres. Il y a des critiques sur Business France, il y a des critiques sur les CCI, il y a des critiques sur tout le monde parce qu'il faut, pour éviter cela, revenir à l'entreprise, quelle est la demande, et pas commencer par la structure. Si vous commencez par la structure, vous avez des batailles d'appareils, des situations de rente qui sont tout à fait préjudiciables au développement. Ce sera le deuxième pan.
Le troisième pan : il faut que nous ayons des «équipes France» sur les principales filières que, avec Bruno Le Maire, je souhaite organiser de telle sorte que nous soyons, sur les filières majeures où nous avons une capacité, où nous avons des résultats potentiels ou des résultats déjà acquis, en situation offensive et que ce soit les mêmes filières au ministère de l'Europe et des affaires étrangères qu'au ministère de l'économie et des finances ; c'est quand même plus simple. Parce qu'il y a, aujourd'hui, - je découvre cela - plusieurs systèmes de filières qui ont-elles-même parfois leur propre réseau d'exportation qui s'ajoute aux réseaux que je viens d'évoquer. Alors, il ne faut pas s'étonner que l'on n'y arrive pas. On n'y arrive pas surtout parce que cela démobilise, cela crée le désarroi sur ceux qui ont envie et puis, finalement, ils renoncent. Alors que, bien évidemment, la capacité à l'exportation c'est tout à fait essentiel pour notre pays.
Je souhaite - je fais un peu de la propagande gouvernemental, mais c'est normal, je suis membre du gouvernement - que l'embellie de l'image de la France, que vous constatez, je le souhaite, dans vos déplacements à l'étranger depuis les dernières élections présidentielles, puisse nous servir de locomotive et profiter de cette phase pour agir vite. Je ferai donc des propositions et il y aura des prises de décision avant la fin de l'année pour nous donner beaucoup plus de dynamique et de force parce que nous méritons cela.
Je constate d'ailleurs que, quand on regarde ce que font les voisins, cela se rapproche un peu de ces idées-là, même si nous avons un handicap par rapport à eux même si on modifie demain les structures et c'est ce que l'on va faire, c'est que cette culture de l'exportation n'est pas encore au rendez-vous. Donc, le rôle des fédérations, le rôle là aussi des chambres de commerce en l'occurrence ou des agences de développement sera dans chacune des régions de faire en sorte que l'esprit d'exportation soit au rendez-vous. Et cela passera aussi par les «équipes France» à l'exportation en fonction des branches et en fonction des filières les plus significatives qu'il faudra développer.
C'est un gros chantier, c'est un chantier qui peut parfois rendre fou parce que j'ai pu constater que sur l'exportation tout le monde se concurrençait, prenait des parts de rentes avec comme priorité la préservation de l'institution plutôt que la capacité de l'entreprise à agir. Je serai contre cela, je serai du côté de l'entreprise en l'occurrence, je serai dans cette dynamique-là.
Voilà, brièvement, ce que je compte faire en souhaitant que cela puisse aboutir. J'ai un peu la détermination pour cela. Et, vous l'avez rappelé Monsieur Varin, j'ai au moins pour background moi d'avoir vendu beaucoup ; donc, je sais ce que c'est et je suis prêt à la concurrence. Voilà. Merci.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 octobre 2017