Texte intégral
Monsieur l'administrateur général, cher Daniel Verwaerde,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs les officiers généraux,
Mesdames et messieurs, chers amis,
J'ai la lourde mission de conclure ce colloque, placé sous le haut patronage du Président de la République. Les débats, les conférences, l'exposition que vous avez pu voir aujourd'hui apportent, je crois, un éclairage sain et utile sur les sources même de la dissuasion nucléaire.
D'abord, ce colloque inscrit la dissuasion nucléaire dans son contexte historique. Je crois à la valeur de l'histoire, j'y crois profondément. Je suis convaincue qu'on ne peut comprendre nos décisions, nos stratégies, nos appréhensions aussi, sans connaître le sens et la profondeur de chaque événement.
Comment comprendre combien la dissuasion nucléaire est encore aujourd'hui déterminante sans connaître le fil de notre histoire? Sans connaître la bataille de l'eau lourde de février et mars 1940 ?
Parler de l'esprit de résistance, c'est d'abord faire oeuvre de mémoire. C'est redonner du sens à l'exceptionnelle aventure atomique française, à la singularité de notre dissuasion nucléaire.
Evoquer les liens entre résistance et dissuasion, c'est aussi tisser le fil qui a conduit ceux qui voulaient la liberté de la France à choisir le nucléaire et la dissuasion pour maintenir la souveraineté de notre pays.
Cet enjeu n'est en rien dépassé. Dans un temps de paix apparente, où les conflits semblent lointains et les modes opératoires si renouvelés, nous ne pouvons pas nous passer de pédagogie. Nous devons sans cesse expliquer la dissuasion nucléaire, son rôle central pour notre indépendance, pour notre capacité à parler et être entendus.
Comme l'a rappelé le Président de la République ici même le 13 juillet, la dissuasion nucléaire est la «clé de voûte de notre sécurité et la garantie de nos intérêts vitaux». Les Français l'ont bien compris et y sont attachés.
Nous ne devons pas prendre cet attachement pour acquis et, au contraire, continuons à commémorer, partager et expliquer.
C'est aussi l'un des objectifs de ce colloque et de son exposition.
Ils oeuvrent à cultiver notre esprit de défense, à rappeler les règles élémentaires de cette «grammaire stratégique» dont nous avons parfois, depuis la guerre froide, oublié les rudiments.
Je crois comprendre que l'exposition associée à ce colloque sera itinérante. A Paris, à Londres, à Bordeaux, d'où l'eau lourde avait été évacuée le 18 juin 1940, des événements sont prévus. Je m'en réjouis car c'est un pont entre nos armées et notre Nation. C'est le signe que ces colloques ne sont pas des réunions de spécialistes mais des manifestations ouvertes et utiles à tous les Français.
Cette manifestation s'inscrit bien sûr dans une dynamique. Les travaux menés sur les archives de la dissuasion nucléaire sous l'égide du SGDSN en sont un exemple. J'ai aussi en tête le soutien fort que nous portons à la recherche universitaire, la contribution déterminante du CEA ou la création d'un Centre interdisciplinaire d'études sur le nucléaire et la stratégie à l'ENS-Ulm. Je pense enfin à l'effort tout particulier qui doit être mené au profit de notre jeunesse. C'est le sens du lancement il y a trois ans du « Réseau nucléaire et stratégie - Nouvelle génération », dont certains membres sont aujourd'hui parmi nous.
La France a joué un rôle pionnier dans la découverte de l'énergie nucléaire. Becquerel, Pierre et Marie Curie, Frédéric Jolliot et Irène Curie: autant de noms qui demeurent intimement liés à la découverte et à l'éclosion de la science nucléaire.
C'est la seconde guerre mondiale, ensuite, qui a donné à l'aventure nucléaire française son sens et sa nécessité.
On ne pourrait retracer l'épopée du nucléaire sans parler de celui qui en fut le grand fédérateur: le général de Gaulle. C'est dans un bureau à cet étage, que vous avez traversé en venant ici, qu'il a poussé l'intégration des «atomiciens de la France Libre» au sein des équipes britanniques, qu'il a refusé d'imaginer la France tomber à nouveau sous les griffes de la tyrannie et de l'oppression, et qu'il a exclu de voir notre sécurité et notre défense dépendantes de nos alliés britannique et américain.
La guerre froide n'a fait que confirmer ces nécessités et y a ajouté un élément nouveau: se doter de l'arme nucléaire était devenu nécessaire pour assurer la paix et la stabilité, se doter d'une force de frappe pour ne pas être frappé soi-même.
Aujourd'hui, alors que de nombreuses nations modernisent de manière ostensible leurs capacités de dissuasion et que la Corée du Nord accélère le développement de son propre programme nucléaire, la dissuasion nucléaire garde tout son sens, la dissuasion nucléaire garde tout son sens.
Je crois que chacun en est conscient. Et parmi les éléments forts que met en avant ce colloque, il y a la continuité remarquable de la dissuasion nucléaire française. Elle n'a pas de parti, pas de couleur politique, pas de gouvernement: tous nos dirigeants ont poursuivi un but commun, celui d'assurer l'indépendance et l'autonomie stratégique de la France. La dissuasion a montré les grandes choses que peuvent faire un pays lorsqu'il est uni derrière un objectif commun et qu'il jette toutes ses forces pour l'atteindre. La force de la dissuasion, c'est de vivre libre.
Nous sommes héritiers d'une histoire et conscients des défis et des incertitudes du monde d'aujourd'hui. Ce matin, Arnaud Danjean m'a remis les travaux de la revue stratégique, ils montrent combien les menaces qui pèsent sur la France se font plus diverses, plus violentes, plus pernicieuses. Nous ne pouvons pas baisser la garde.
C'est pourquoi le Président de la République l'a clairement souligné avant même son élection : notre stratégie de dissuasion nucléaire doit être maintenue, tout comme ses deux composantes complémentaires, océanique et aéroportée. Le président a aussi pris acte du besoin de renouvellement de ces composantes. C'est le sens de l'effort financier qui y sera consacré au cours des prochaines années. Il est essentiel à la crédibilité de notre force de dissuasion.
Je pense à la crédibilité politique, qui repose sur une volonté nationale sans faille. Elle est incarnée par le Président de la République, qui en a la responsabilité ultime, mais aussi par le Parlement dont je salue les représentants présents ce soir.
Je pense à la crédibilité opérationnelle avec les composantes complémentaires aéroportée et océanique qui offrent au chef de l'Etat des options nombreuses et des moyens diversifiés. C'est aussi cette crédibilité opérationnelle qui garantit l'autonomie de sa décision et la pertinence des moyens engagés.
Je pense enfin à la crédibilité scientifique, technologique et industrielle. L'aventure atomique est une réussite française exceptionnelle et depuis l'arrêt des essais nucléaires en 1996, elle a permis de relever des défis techniques considérables et de repousser les frontières de l'innovation. Le programme Simulation en est un exemple, mais c'est tout un écosystème qui naît et grandit autour de la dissuasion. Il joue un rôle clé pour toute notre économie de défense, nous devons le promouvoir et le préserver.
Mais derrière ces innovations, ces recherches et cette exigence se trouvent surtout des femmes et des hommes. Civils et militaires, ils sont les visages et les forces de notre dissuasion. Ils travaillent tous les jours au service de cette «oeuvre commune», en assurent la crédibilité et la permanence opérationnelles. A l'Ile Longue, à bord du Terrible, sur la base aérienne d'Istres ou à la direction des applications militaires du CEA, j'ai eu l'occasion de les rencontrer, de leur parler et de saisir l'exigence de leur engagement.
J'en arrive maintenant à l'issue de ces quelques mots.
Il fallait oser pour associer les mots «résistance» et «dissuasion». Oser, aussi, pour réunir tant d'acteurs et construire ensemble une réflexion sur les racines historiques de notre dissuasion. Je souhaitais donc remercier l'ensemble des participants aux différentes tables-rondes de ce colloque, mais aussi toutes celles et ceux qui ont permis la réalisation de l'exposition: conservateurs d'archives, familles et ayant-droits de certaines personnalités dont le rôle pour notre dissuasion a été déterminant.
Mes remerciements s'adressent également à la Fondation pour la recherche stratégique et aux partenaires de cette initiative : la Fondation Charles de Gaulle, la Fondation de la France Libre, le Musée Curie, le Service historique de la défense, les Archives diplomatiques, l'ENS-Ulm et la revue «L'Histoire».
Enfin, bien sûr, je remercie le directeur des applications militaires, François Geleznikoff, toute l'équipe de la direction de la stratégie et plus largement tout le CEA/DAM, sans qui cet événement n'aurait jamais pas avoir lieu.
Merci à tous !
Vive la République ! Vive la France !
Source http://www.defense.gouv.fr, le 9 octobre 2017