Interview de Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation à Radio Classique le 25 septembre 2017, sur la rentrée universitaire et le plan de rénovation des universités.

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Média : Radio Classique

Texte intégral


GUILLAUME DURAND
Je ne sais pas si vous vous souvenez les transmissions ou les passages de pouvoir, eh bien Najat VALLAUD-BELKACEM n'était pas très contente de passer son ministère, si l'on peut dire, à Jean-Michel BLANQUER, en revanche, Thierry MANDON, qui était secrétaire d'Etat chargé de l'Enseignement supérieur, a été ravi de le passer à Frédérique VIDAL, qui est donc ministre de l'Enseignement supérieur et qui est en direct sur l'antenne de Radio Classique. Alors, quelques mots à caractère biographique, vous vous venez de la société civile, pour ceux qui ne vous connaissent pas, mais vous avez dirigé la grande diversité de Nice pour ceux qui vous connaisse, et vous êtes une grande spécialiste, si ma mémoire, ou plutôt mes renseignements sont bons, de biologie moléculaire, c'est exact ?
FREDERIQUE VIDAL
Oui, absolument. Bonjour.
GUILLAUME DURAND
Voilà, vous êtes beaucoup plus compétente que moi, donc je vais essayer d'être à la hauteur. Première question, elle est à caractère politique, au fond, vous vous occupez du monde étudiant, MELENCHON leur a carrément demandé, c'est une question évidemment politique, de descendre dans la rue, de sortir des cours, etc., etc., pour contester le pouvoir actuel. Est-ce que vous considérez, comme ministre, que cela appelle une réponse ?
FREDERIQUE VIDAL
Non, je crois que Jean-Luc MELENCHON a un discours qui est toujours totalement anxiogène et que, au moment où nous sommes en train, avec l'ensemble des partenaires sociaux, que ce soit les lycéens, les étudiants, les professeurs, les proviseurs, de construire le nouvel enseignement supérieur que nous souhaitons tous pour la réussite des étudiants, eh bien moi je suis ravie de voir que…
GUILLAUME DURAND
Il leur dit sortez de cours, ça n'a aucune importance cette politique-là, ce qui est important c'est la rue, la cause du peuple, la rue, la cause du peuple, la rue…
FREDERIQUE VIDAL
Oui, mais moi ce que je constate, et j'en suis vraiment ravie, c'est avec quelle responsabilité, justement, les organisations étudiantes et l'ensemble des partenaires prennent ce sujet à coeur et sont présents lors des concertations. Je crois que c'est une responsabilité collective, on ne peut pas rester dans la situation dans laquelle on est actuellement, pour l'accès à l'enseignement supérieur.
GUILLAUME DURAND
Alors justement, j'ai beaucoup de questions à vous poser dans ce domaine. D'abord, c'est le dernier jour de la plateforme, là, pour l'Admission post-bac, ça se termine ce soir pour tous ceux qui sortent et qui pourraient trouver au dernier moment, sans éventuellement qu'il y ait tirage au sort, une situation à l'université. Je crois que la situation est très tendue dans tout ce qui concerne le sport, la psychologie, le droit. Est-ce qu'il ne serait pas bon, finalement, de repousser le deadline de ce soir ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, la plateforme se termine ce soir, ce n'est pas pour ça qu'on ne travaille plus avec les candidats et qu'on va arrêter de les aider, ça se fait sur le terrain, avec les rectorats, avec les universités. Maintenant, la rentrée est déjà bien engagées, les dernières universités rentrent cette semaine, l'objectif c'est vraiment qu'on travaille au plus près du terrain, avec un maximum de candidats, pour leur trouver des places. Les réponses, au travers de la plateforme, vont se poursuivre jusqu'au 30 septembre, et au-delà on peut continuer bien sûr à les accompagner et…
GUILLAUME DURAND
Donc ce n'est pas la guillotine ce soir, complète ou absolue ?
FREDERIQUE VIDAL
Non, ce n'est pas la guillotine du tout, c'est complément qu'à un moment il faut fermer le site parce que les rentrées ont eu lieu et que si ces étudiants rejoignent les formations plus tard, il faudra qu'on les accompagne pour qu'ils rattrapent le retard.
GUILLAUME DURAND
Madame VIDAL, c'est vrai qu'il y a des secteurs d'activité, comme je le disais tout à l'heure, le sport, la psychologie et le droit, où malheureusement ça va être très très compliqué d'admettre tout le monde ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, dans ces domaines-là c'est sûr que nous avons poussé les murs au maximum, et d'ailleurs je remercie l'ensemble des facultés qui ont vraiment, là encore, fait preuve de beaucoup de responsabilité, qui ont accueilli au maximum les étudiants. On ne peut pas aller au-delà d'une certaine limite, parce qu'ensuite on a des contraintes de sécurité qui font qu'on ne peut pas accueillir tout le monde dans ces filières-là. C'est toute la difficulté. Il reste presque 100.000 places dans l'enseignement supérieur, mais ça ne correspond pas aux souhaits des candidats, et donc toute la difficulté c'est l'adéquation…
GUILLAUME DURAND
Mais est-ce qu'on n'est pas là justement – pardonnez-moi de vous interrompre – dans la contradiction fondamentale entre la politique qui était menée avant et celle que l'équipe MACRON, BLANQUER et vous, voulez mener dans ce domaine, qui est l'affaire de la sélection. Parce que je me souviens de déclarations de Najat VALLAUD-BELKACEM ici, ou dans d'autres médias, où elle disait, au fond, il faut que l'accès, par exemple aux masters, soit l'accès au plus grand nombre, voire, en gros, à tout le monde. La réponse à la situation qu'on connaît c'est peut-être une beaucoup plus grande sélection, ce qui éviterait, évidemment, ces embouteillages.
FREDERIQUE VIDAL
Alors, la question ce n'est pas la sélection - moi je ne souhaite pas la sélection, et je veux qu'on arrête de tirer au sort – donc c'est vraiment tout l'objet de la concertation, c'est comment on concilie ces deux exigences, et je crois que la façon de le faire c'est d'abord de permettre une meilleure information et une meilleure orientation. On a des étudiants qui arrivent et qui découvrent les sujets qu'ils vont avoir face à eux pendant leur première année universitaire et qui, du coup, au bout de quelques semaines, se disent que ce n'est pas du tout ce qu'ils voulaient faire. Donc ça, déjà, c'est un vrai sujet. On a besoin, pour mieux accompagner le passage dans le supérieur des bacheliers professionnels et des bacheliers technologiques, d'avoir plus de places dans les BTS et les IUT. On a une très belle expérience qui a été menée cette année sur cinq académies pour que les lycéens, bacheliers professionnels, accèdent aux BTS pour recommandation des conseils de classe, ça a très bien marché, 23 académies supplémentaires vont se lancer là-dedans l'année prochaine. Donc, il faut qu'on trouve des solutions en personnalisant, en rendant les parcours plus flexibles et en accompagnant vraiment à la réussite.
GUILLAUME DURAND
La sélection n'est pas solution ?
FREDERIQUE VIDAL
La sélection c'est dire oui ou c'est dire non, et l'objectif c'est quand même qu'on accompagne la jeunesse vers l'enseignement supérieur, parce que ça c'est une vraie chance pour eux par rapport à l'emploi.
GUILLAUME DURAND
Oui, enfin à condition qu'ils soient au niveau. Je ne suis pas en train de faire le professeur, bien que j'ai été professeur, beaucoup moins brillant que vous, mais enfin j'ai quand même été professeur, si on emmène des gens vers le master alors que fondamentalement il y a déjà un problème de niveau, puis, vous l'avez dit vous-même, un problème de connaissance même de la matière vers laquelle ils se dirigent, c'est quand même un échec programmé.
FREDERIQUE VIDAL
Absolument, mais c'est bien pour ça qu'il faut qu'on change, c'est même pour ça qu'il faut qu'on dise quels sont les prérequis pour qu'ils sachent de quoi ils vont avoir besoin pour réussir et qu'on mette en place les moyens pour qu'ils puissent acquérir ces prérequis. Donc, il ne s'agit pas de les laisser partir dans l'enseignement supérieur, parce qu'après, finalement, ils échouent et ce n'est plus le problème de personne.
GUILLAUME DURAND
Est-ce qu'il y a justement, en masters, un embouteillage actuellement ?
FREDERIQUE VIDAL
Non, il n'y a pas de problème particulier au niveau du master, il y a quelques cas… vous savez, l'accès en master, maintenant, se fait avec une sélection, et donc les étudiants qui ne peuvent pas avoir les masters qu'ils souhaitent, peuvent demander de l'aide au rectorat pour obtenir des propositions. Donc, on a quelques cas d'étudiants qui sont en train se s'adresser au rectorat pour avoir des propositions, les masters ça rentre plus tard, donc pour le moment il n'y a pas de difficulté majeure, mais ça a été anticipé puisqu'on sait qu'il y a plus de places dans les masters que…
GUILLAUME DURAND
Alors, c'est toujours compliqué dans une situation politique – vous êtes l'invitée politique de la matinale – c'est vrai que les gens sont dans la bataille politique, il y a les sénatoriales, l'épine dans le pied d'Emmanuel MACRON avec ce résultat décevant, et en même temps on essaye de parler de l'avenir des enfants, c'est aussi important, on va essayer de faire le lien entre les deux. Il y a le grand plan d'investissement qui va être défendu aujourd'hui par le Premier ministre, Edouard PHILIPPE. Et je regarde, ou j'ai regardé avec attention le rapport de la Cour des comptes, qui n'est gentil avec personne, mais qui a quand même considéré que six universités étaient très dégradées en France – vous avez été patronne d'une université – neuf étaient totalement dégradées, c'est quand même assez catastrophique, donc est-ce qu'il va y avoir de l'argent, combien, on dit 1 milliard par an, pour accompagner un plan de rénovation des universités ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, effectivement, quand je vous quitte je vais à Matignon pour recevoir le plan d'investissement tel qu'il a été présenté, tel qu'il sera présenté par Monsieur PISANI-FERRY et puis ensuite l'annonce du Premier ministre. Bien sûr, il faut qu'on soit en capacité d'accompagner les universités, mais c'est déjà le cas, elles sont accompagnées, dès qu'elles ont des difficultés financières, pour les aider à redresser leurs finances. Et bien sûr le gouvernement, je pense, a fait la démonstration qu'il souhaitait investir dans la jeunesse, ce n'est pas pour rien que le budget de l'Education nationale – et là on parle vraiment de budgétaire – a augmenté, que le budget de mon ministère a aussi augmenté pour 2018, c'est en tout plus de 2 milliards d'euros d'augmentation, et bien entendu je serai présente à Matignon puisque mon ministère sera concerné par le plan d'investissement.
GUILLAUME DURAND
Est-ce qu'il ne faut pas accéder à certains endroits à des formes de privatisation, de partenariats, comme ça peut exister ailleurs ?
FREDERIQUE VIDAL
On n'a pas besoin d'accéder à des formes de…
GUILLAUME DURAND
Alors, c'est le tabou absolu de dire que l'Education nationale doit travailler avec le privé, mais quand on a besoin d'argent, regardez, les musées font bien du mécénat, pourquoi les universités ne pratiqueraient pas le mécénat aussi ?
FREDERIQUE VIDAL
Mais ce que je vais vous répondre, ce n'est pas du tout qu'on ne peut pas le faire, c'est que ça se fait déjà, bien sûr…
GUILLAUME DURAND
Je le sais, mais massivement, quand on manque tellement d'argent…
FREDERIQUE VIDAL
Mais les universités sont en capacité déjà d'avoir des fondations qui justement leur permettent de travailler avec les mécènes, mais c'est, j'allais dire, la mentalité qui fait que, on ne fonctionne pas comme ça en France, vous savez que dans de très nombreux pays, les étudiants sont extrêmement fiers des universités dans lesquelles ils ont fait leurs études, et donc ensuite, naturellement…
GUILLAUME DURAND
Donnent de l'argent…
FREDERIQUE VIDAL
Donnent de l'argent à ces universités…
GUILLAUME DURAND
Absolument, vous avez même des amphithéâtres qui portent le nom des donateurs.
FREDERIQUE VIDAL
Absolument, et donc, c'est cette fierté…
GUILLAUME DURAND
En France, ça ferait un scandale…
FREDERIQUE VIDAL
C'est cette fierté d'être allé à l'université, cette fierté d'avoir fait des études qu'il faut qu'on donne aux étudiants, et pour ça, il faut qu'on les accompagne vers la réussite.
GUILLAUME DURAND
Vous êtes, je le disais tout à l'heure, donc une chercheuse à l'origine, Bernard TAPIE n'a fait strictement aucune étude, mais vous avez dirigé et vous connaissez bien le Midi de la France, comment vous expliquez justement que ce personnage si controversé soit au fond si populaire, lui, qui n'a fait aucune étude, et qui a eu des rapports, un rapport sinueux avec la République, c'est-à-dire que, c'est un peu l'anti-Frédérique VIDAL ?
FREDERIQUE VIDAL
On n'est pas obligé d'avoir fait des études pour être populaire, la preuve, et puis, voilà, c'est quelqu'un qui effectivement a réussi, par ses propres moyens…
GUILLAUME DURAND
Du côté de Nice et de Marseille, que vous connaissez bien, il est extraordinairement populaire.
FREDERIQUE VIDAL
C'est vrai, il a ce petit côté peut-être bad boy qu'on aime bien dans le Sud, oui.
GUILLAUME DURAND
Oui. En tout cas, c'est la Une du Parisien ce matin donc le cancer de Bernard TAPIE, son combat, voici la Une du journal. Merci d'être venue donc expliquer cette politique économique et éducative, car c'est très important pour nos enfants et nos grands enfants. Frédérique VIDAL était l'invitée politique de « La Matinale ». Bonne journée à vous !
FREDERIQUE VIDAL
Merci beaucoup.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 septembre 2017