Texte intégral
BRUCE TOUSSAINT
Avec Jean-Michel APHATIE, nous recevons ce matin le ministre de l'Education nationale Jean-Michel BLANQUER. Juste un mot tout d'abord sur l'ouragan Irma. On en parle beaucoup depuis le début de la matinée évidemment sur Franceinfo. Cela concerne aussi toutes les écoles, les collèges, les lycées dans les Antilles françaises. Des mesures de fermeture ont été prises, j'imagine, dans toutes ces îles.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr, des mesures de fermeture qui sont opératoires aujourd'hui et nous reverrons peut-être demain à la mi-journée, mais nous attendons évidemment ce qui va se passer pour savoir quand on pourra rouvrir et comment.
BRUCE TOUSSAINT
Aucun risque ne sera pris, j'imagine, compte tenu de la situation météorologique exceptionnelle.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr, tout à fait. Le rectorat va fermer dans quelques instants et donc aucun risque n'est pris. Cela va de soi.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est l'heure du bilan, Jean-Michel BLANQUER, déjà. Vous êtes ministre depuis quelques mois mais c'est le bilan de la rentrée que nous attendons de vous. Lundi, 12,8 millions élèves et 884 000 enseignants ont fait leur rentrée. Ça s'est bien passé de votre point de vue ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, oui, ça s'est bien passé. Vous savez, ce qu'on attend d'une rentrée c'est que les professeurs soient là, devant les élèves, et que les élèves soient là évidemment. Et c'est ce qui s'est passé avec évidemment quelques petites exceptions comme chaque année, mais dans l'ensemble c'est une rentrée qui s'est vraiment bien passée.
JEAN-MICHEL APHATIE
Un problème dans cette rentrée, les emplois aidés, parce que le gouvernement a décidé d'en supprimer un nombre. Il y en avait 70 000 dans l'éducation nationale, 20 000 ont été retirés quelques jours ou quelques semaines avant la rentrée. Des parents d'élèves on va en écouter quelques-uns s'en sont plaints bien évidemment. On les écoute.
UNE MERE DE FAMILLE GARDOISE (DOCUMENT FRANCE 2)
On arrive là aujourd'hui, on nous dit qu'il n'y a pas d'ATSEM. Nos enfants sont tout seuls. Qu'est-ce qu'on fait ? Comment vont être gardés les enfants aujourd'hui ?
UNE MERE DE FAMILLE GARDOISE
Un manque criant de personnes autour pour la sécurité, pour encadrer, pour soutenir les instituteurs. Non, c'est vrai que ce n'est vraiment pas une bonne nouvelle en cette rentrée.
JEAN-MICHEL APHATIE
La méthode a un peu surpris. Un peu brutal comme ça.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ça dépend évidemment des cas et des lieux. La situation est très hétérogène. On peut trouver des problèmes évidemment dans certains endroits. Ce qu'il faut rappeler, c'est qu'on a défini des priorités. La grande priorité, de façon générale d'ailleurs, c'est l'accueil des élèves en situation de handicap. On n'a supprimé aucun contrat aidé en la matière. Il y en avait 50 000, on a gardé les 50 000. En plus, il y avait 22 000 postes plus robustes que des contrats aidés pour accueillir les handicapés. Non seulement on ne les a pas supprimés mais on en a rajouté 8 000, donc ça fait en tout 80 000 personnes pour l'accueil des élèves en situation de handicap. Donc on a su faire des choix. Bien entendu, on est aujourd'hui en situation d'avoir à gérer ce qui se passe du côté des collectivités locales, notamment quand elles utilisaient des contrats aidés par exemple pour la cantine ou pour les ATSEM comme on vient de l'entendre. Il va de soi que c'était, de toutes les façons, des situations non satisfaisantes. D'ailleurs, tout le monde s'en plaignait.
JEAN-MICHEL APHATIE
« Situations non satisfaisantes », vous voulez dire que les contrats aidés sont des situations non satisfaisantes pour ceux qui bénéficient d'un contrat.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien entendu.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais ça les aide quand même aussi.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr. Mais nous sommes clairement dans une période de transition. Ce que l'on doit regarder, c'est au cas par cas comment on améliore les choses pour tout le monde. C'est ce qui a été demandé aux préfets et aux recteurs, et ils y travaillent actuellement pour qu'au cas par cas, on résolve les problèmes que l'on vient d'entendre, mais aussi pour réfléchir sur la durée et le plus rapidement possible, évidemment, pour de nouveaux contrats. C'est ce que certaines collectivités ont pu faire et c'est au bénéfice de tout le monde.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous avez besoin dans l'éducation nationale de ce type d'emploi. Vous avez besoin d'aider les collectivités territoriales à assurer le service qui doit être assuré au sein de l'éducation nationale.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr, mais on n'en a pas besoin d'autant que ce qui a pu exister dans le passé.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est vrai ? Il y en avait trop ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, parce que les contrats aidés, vous le savez bien, ont été utilisés par les gouvernements successifs pour faire baisser le chômage mais on a vu à quel point ça menait peu à l'emploi les personnes concernées et à quel point beaucoup se plaignaient du caractère précaire de ces emplois. Donc aujourd'hui on passe à autre chose, il faut reconnaître que c'est un moment de transition et que ça n'est pas toujours facile au cas par cas, mais c'est dans un but d'améliorer la situation que nous faisons cela.
JEAN-MICHEL APHATIE
Nous avons entendu hier, avec un peu d'émotion d'ailleurs, une auditrice de France Inter qui se plaignait de la suppression et des conditions dans lesquelles son emploi aidé a été supprimé. On l'écoute.
UNE ANCIENNE SALARIEE EN EMPLOI AIDE
J'étais en contrat aidé dans une école maternelle et jeudi 31 août à 13 heures 30, sans aucun préavis ni entretien et dans une violence inouïe, la section académique m'a téléphoné pour que je ne me présente pas à mon poste de secrétaire le lendemain. Si un employeur privé utilisait de telles méthodes, ce serait un scandale absolu, mais que l'Etat se permette de mépriser à ce point des humains en situation précaire certes, mais qui occupent des postes souvent stratégiques, ça ne choque personne.
JEAN-MICHEL APHATIE
Pas facile de répondre à ce type de témoignage. Et là, c'est l'inspection académique donc vos services qui sont mis en cause dans ce cas.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ça n'a malheureusement rien de nouveau. C'est-à-dire qu'un contrat aidé, ça s'arrêtait toujours brutalement, ça n'était pas renouvelé au bout de deux fois, et cetera. Le contrat aidé n'a jamais été un idéal. Je ne connais pas cette situation particulière. Evidemment, c'est déplorable si ça s'est passé dans les conditions qui viennent d'être décrites, mais le contrat aidé n'a jamais été la solution. Donc non, pour le futur nous devons faire mieux que cela et c'est ce sur quoi nous travaillons avec Muriel PENICAUD.
JEAN-MICHEL APHATIE
L'autre grande particularité de la rentrée, c'est que désormais les temps scolaires sont laissés à la disposition des communes. On choisit une semaine de quatre jours ou de quatre jours et demi. Quatre jours et demi, c'était la réforme qu'avait instaurée l'un de vos prédécesseurs Vincent PEILLON. Vous n'étiez pas très favorable à cette réforme, vous avez laissé les communes libres de faire comme elles le souhaitaient. Un tiers des communes environ ont choisi de revenir aux quatre jours et beaucoup qui disent que le service public doit être égalitaire sur le territoire, regrettent votre décision, Jean-Michel BLANQUER. Eric COQUEREL de la France Insoumise était notre invité hier et il résume cette position.
ERIC COQUEREL, LA FRANCE INSOUMISE (DOCUMENT FRANCEINFO)
C'est une très mauvaise chose parce que je pense que ça développe l'inégalité territoriale. Je crains que du fait de la baisse des activités périscolaires que les villes doivent maintenant assumer, elles aillent pour des raisons budgétaires à la semaine de quatre jours et non pas pour des raisons j'allais dire pédagogiques.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il a raison ? C'est le budget qui va déterminer le projet pédagogique ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, c'est évidemment tout le contraire. C'est bien normal que vous donniez la parole, là comme dans le point précédent, à des personnes qui critiquent, mais on ne peut pas dire non plus des contre-vérités. Je n'étais pas et nous n'étions pas contre la réforme précédente. Ce n'est pas le sujet. Le problème de la réforme précédente n'était pas son contenu, c'était le fait d'être uniformément appliqué dans toute la France. Elle a donc crée à la fois des mauvaises choses et des bonnes choses. Des bonnes choses parce que certaines communes s'en sortent très bien à quatre jours et demi, des mauvaises choses parce qu'on a créé des inégalités justement, et la situation que j'ai trouvée était très hétérogène et très inégalitaire. Vous aviez 20 % des communes qui avaient par exemple pris le vendredi après-midi. Vous aviez des communes incapables d'assurer le périscolaire. Et donc ce que nous avons voulu, c'est tout simplement libérer les possibilités des communautés éducatives de décider ce qui leur convient.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça choque un peu.
JEAN-MICHEL BLANQUER
La motivation n'a pas été budgétaire du tout. Ce n'était pas du tout ça. C'était, au contraire, de permettre aux communautés éducatives de faire leur choix, ce qui est quand même le moins que l'on puisse faire.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça choque un peu que l'on ne soit pas capable dans ce pays où la centralisation est une valeur, où l'égalité est une valeur plutôt, ça choque un peu que l'éducation nationale fasse deux poids, deux mesures. C'est une rupture par rapport à ce à quoi on est habitué.
BRUCE TOUSSAINT
Justement, ça risque de rechanger quand les municipalités et les majorités changeront.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, c'est justement l'inverse.
BRUCE TOUSSAINT
Ça va changer tous les trois, quatre ans.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, non, c'est justement l'inverse pour deux raisons, par rapport à vos deux questions. C'est l'inverse. Parce qu'en France, trop souvent, on se complait dans la fausse égalité, celle qu'aime monsieur COQUEREL sans doute. C'est-à-dire qu'on dit : « Tout le monde fait pareil » et puis à la fin on débouche sur de très grandes inégalités. C'est ça la situation qu'on a trouvée. C'est-à-dire encore une fois, entre un village de montagne et la ville de Paris, je peux vous dire que la situation périscolaire qu'on a trouvée n'est évidemment pas la même.
Au lieu de ça, on a embêté des familles. Vous avez des écoles qui ne terminaient pas à la même heure tous les soirs, et cetera, donc on a crée des situations totalement hétérogènes et inégalitaires. Donc nous allons désormais vers plus d'égalité parce qu'on fait des choses qui sont plus pragmatiques, qui correspondent au bon sens local. Et en plus parce qu'on s'intéresse évidemment aux plus fragiles et donc on va aider les communes à définir leurs activités périscolaires et à les aider.
J'ai aussi la jeunesse et la vie associative dans mes compétences. Nous allons avoir des plans pour aider à la qualité du périscolaire. On s'est contenté des apparences dans le passé ; nous, nous allons véritablement dans un contenu pédagogique et dans un contenu périscolaire concret et efficace. [ ]
JEAN-MICHEL APHATIE
Beaucoup de dossiers évidemment dans votre ministère et alors ce vieux serpent de mer : la réforme du baccalauréat. Le Premier ministre l'a évoquée lors de son discours de politique générale, c'était le 4 juillet à l'Assemblée nationale.
EDOUARD PHILIPPE, PREMIER MINISTRE (DISCOURS DU 4 JUILLET 2017)
Quant au baccalauréat, nous le ferons profondément évoluer. Une concertation sera lancée dès la rentrée prochaine pour resserrer les épreuves finales autour d'un petit nombre de matières et définir ce qui relève du contrôle continu. Nous aboutirons avant septembre 2018 pour une mise en oeuvre complète de cette réforme pour le bac 2021.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le calendrier, vous le respecterez ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr, évidemment. C'est dans la déclaration de politique générale du Premier ministre.
BRUCE TOUSSAINT
Vous prenez votre temps, pardon.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non.
BRUCE TOUSSAINT
2021 !
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, c'est normal puisque la réforme du baccalauréat va avoir un impact sur la classe de Terminale de 2020-2021, ensuite donc sur la classe de Première de 2019-2020, le cas échéant peut-être un peu sur la classe de Seconde.
BRUCE TOUSSAINT
Nous ne sommes qu'en 2017, je vous le rappelle.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, mais la rentrée prochaine c'est 2018. Vous ne pouvez pas faire autrement, puisque vous avez la classe de Seconde de 2018-2019, Première 2019-2020, Terminale 2020-2021. Donc les effets en fait en amont, vous les verrez avant.
JEAN-MICHEL APHATIE
L'attachement est tel au baccalauréat, c'est une institution, que d'autres que vous François FILLON, je m'en souviens, en 2003 je crois, a essayé d'instaurer l'idée d'un contrôle continu. Il a vite arrêté parce que les résistances étaient nombreuses. Vous allez rencontrer de telles résistances sans doute, Jean-Michel BLANQUER.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Autre temps, autres moeurs. Du temps a passé. Tout le monde comprend qu'on est arrivé à la limite de certains aspects du système, à commencer par sa lourdeur d'ailleurs, et ça n'est bon pour personne. Donc je discute beaucoup avec les lycéens d'ailleurs, avec les professeurs. Je pense qu'aujourd'hui il y a une forte acceptabilité de cette idée qui a été portée par Emmanuel MACRON pendant la campagne présidentielle et, bien entendu, comme on va faire en plus une concertation puisque bien entendu nous avons fixé des grands principes mais il reste beaucoup de choses à définir, on va écouter beaucoup. Je suis au contraire optimiste sur le fait qu'on peut arriver à quelque chose d'intérêt général qui convienne presqu'à tout le monde.
BRUCE TOUSSAINT
Pardon, donc ce sera 50/50, la proportion de contrôle continu et d'examen ? Ce sera 60/40 ? 70/30 ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Notre chiffre point de repère, c'est ce qu'a dit Emmanuel MACRON pendant la campagne, c'est-à-dire quatre matières à passer en contrôle terminal et le reste en contrôle continu. Donc on est sur cette base-là et on discute sur cette base-là, mais il y a encore fois même bien d'autres aspects que celui-là à traiter.
JEAN-MICHEL APHATIE
Lié au baccalauréat, vous avez annoncé la fin du logiciel APB qui attribue dans l'université ou l'enseignement supérieur les places aux élèves qui passent le baccalauréat. APB, c'est fini ? La rentrée prochaine se fera sans ce système-là ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Vous avez raison de dire que les sujets sont liés puisque nous raisonnons de plus en plus dans une logique bac 3/bac +3. On doit ouvrir des perspectives aux étudiants. Vous savez, il y a deux scandales plus importants encore que tous les autres dans nos systèmes actuellement. Il y a le fait qu'on ait 20 % des élèves qui sortent de l'école primaire sans savoir bien maîtriser les savoirs fondamentaux et un scandale un peu symétrique qui est qu'on ait tant d'étudiants qui échouent dans les premières années de licence.
Donc si on veut vraiment le progrès, si on veut vraiment plus d'égalité dans notre société, on doit évidemment réformer cela. Ce scandale est apparu à tout le monde avec cette affaire du tirage au sort qui est apparu totalement injuste. Autrement dit, quand on refuse de regarder les choses en face, quand on veut de la fausse égalité, on débouche sur de l'injustice et nous voulons corriger cela.
Oui, il y aura une réforme d'APB, c'est ma collègue Frédérique VIDAL, la ministre de l'Enseignement supérieur qui est en train de justement mener les discussions pour cela. Et moi en tant que ministre de l'Education nationale, je dois tenir compte de ce qui va se passer du point de vue des universités pour, en amont, évidemment mieux travailler à l'orientation des étudiants, des futurs étudiants.
Notamment ce qui est très important, c'est que nos élèves puissent avoir une orientation beaucoup plus en continuum, qu'ils puissent beaucoup plus avoir d'informations sur la vie économique et sociale, sur leur insertion professionnelle future, qu'ils puissent faire des stages, des essais, des erreurs. Donc on va travailler beaucoup à cela et cela métamorphosera sans doute beaucoup le paysage pour le bien des élèves.
JEAN-MICHEL APHATIE
Dès la rentrée prochaine, à votre avis, ce sera en place, un autre système ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Evidemment, les choses se feront progressivement. Dès cette année, il y aura effectivement la réforme d'APB comme vous le disiez et nous allons faire un travail pour que, dès décembre-janvier, nos élèves de Terminale puissent être déjà mieux informés sur l'orientation. L'orientation, c'est difficile d'imaginer qu'elle se passe juste dans un instant T de manière presque magique, si je puis dire. On doit avoir quelque chose de beaucoup plus travaillé sur la durée.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça n'est pas directement dans votre champ de compétences mais vous pensez qu'on évitera la nécessité de sélectionner à l'entrée de l'université pour éviter que la sélection ne se fasse en première année de l'université ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Le mot « sélection » est un mot qui divise dans la société française.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc vous ne l'emploierez pas.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, je ne l'emploierai pas. J'emploierai plutôt notre capacité générale de discernement, si vous voulez. C'est-à-dire prenons un exemple typique. Vous avez la plupart des bacheliers professionnels qui s'inscrivent à l'université qui échouent à l'université. Parce que tout simplement le bac pro ne prépare pas à réussir à l'université. Il faut le dire. En revanche, certains bacheliers professionnels peuvent réussir en BTS. Or, nous avons des bacheliers généraux souvent qui vont en BTS. Nous devons réserver plus de places en BTS pour les bacheliers professionnels et avoir une politique volontariste en la matière. Voilà quelque chose qui fera progresser.
JEAN-MICHEL APHATIE
Les amphis de droit qui sont surchargés en première année par exemple. Beaucoup de professeurs d'université disent : « C'est de la boucherie, donc sélectionnons avant de laisser entrer les étudiants dans ces amphis. »
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr. C'est un débat qui est crée dans l'enseignement supérieur, je ne vais pas aller sur des compétences qui ne sont pas les miennes et donc je laisse Frédérique VIDAL s'exprimer sur ce point, mais le débat que vous présentez existe bel et bien et il faut évidemment le regarder en face.
BRUCE TOUSSAINT
Et quand vous dites : « Il faut réserver plus de places aux bacheliers professionnels », il faut quoi ? Des quotas ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui. On peut par exemple alors là, c'est dans ma compétence puisque les BTS sont dans les lycées on peut en effet réserver des places pour les bacheliers professionnels dans les BTS.
BRUCE TOUSSAINT
Sous forme de quotas.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Sous forme de quotas, oui. Il y a des mots comme ça, « sélection », « quotas » qui divisent dans la société française mais
BRUCE TOUSSAINT
Vous assumez visiblement.
JEAN-MICHEL BLANQUER
J'assume complètement qu'il faut avoir plus de places pour les bacheliers professionnels lorsqu'ils veulent poursuivre leurs études, parce que rappelons que le bachelier professionnel, le bac professionnel c'est fait d'abord pour l'insertion professionnelle, et donc il ne faut pas perdre ça de vue. Mais quand il y a poursuite d'études, c'est souhaitable que ce soit en BTS.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le budget de l'éducation nationale, c'est 68 milliards à peu près. Vous avez annoncé une augmentation pour l'année prochaine de 1,2, c'est ça ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui. Alors ça dépend comment vous comptez d'ailleurs parce que le chiffre que vous donnez inclut ce qu'on appelle les pensions et l'assurance sociale.
JEAN-MICHEL APHATIE
Je me disais bien que ce n'était pas aussi simple, oui.
JEAN-MICHEL BLANQUER
En gros, on va passer le cap des 70 milliards si on prend le chiffre que vous venez de dire, le cap des 50 milliard si on prend cela sans les pensions et les retraites.
JEAN-MICHEL APHATIE
Comment vous allez utiliser cette somme ? Vous allez embaucher des enseignants ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bien sûr. Il y aura à la rentrée prochaine, dans l'enseignement primaire, des embauches. La priorité, si vous voulez, de ce gouvernement, et c'est extrêmement clair aussi bien dans les propos du président que du Premier ministre ou dans les miens, la priorité c'est l'école primaire. On a un travail à faire sur l'école primaire pour que les enfants démarrent dans la vie sur des bonnes bases. Ça suppose des moyens, c'est pourquoi nous nous sommes donnés en cette rentrée déjà les moyens importants avec la division des classes de cours préparatoire par deux en réseau d'éducation prioritaire renforcée. C'est une mesure très significative. Il y a d'ailleurs une étude scientifique qui vient de sortir aujourd'hui, qui montre son efficacité quand ç'a été réalisé dans d'autres pays, et donc qui confirme le choix, la qualité du choix que l'on vient de faire. Nous accordons beaucoup d'importance à cela parce que c'est la pointe avancée d'une politique générale à l'école primaire pour que tous les enfants partent avec des savoirs fondamentaux dans la vie. [ ]
BRUCE TOUSSAINT
Le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel BLANQUER, est notre invité ce matin sur Franceinfo. Vous nous disiez à l'instant que vous alliez profiter, vous répondiez à la question de Jean-Michel APHATIE, profiter de l'augmentation de votre budget pour créer des postes d'enseignant, notamment dans le primaire. Combien ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, le chiffre, évidemment, n'est pas déterminé. Vous savez, la question des moyens...
BRUCE TOUSSAINT
Une fourchette, enfin, un ordre d'idées.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Je vais vous en donner un, mais je voudrais dire d'abord que les moyens doivent être au service des fins. Ce n'est pas une finalité en soi que d'augmenter les moyens, ce qui compte c'est d'avoir des politiques qualitatives, et au service de ces politiques qualitatives, d'augmenter les moyens, sinon on augmenterait les moyens en permanence, de façon éternelle. Donc, ce qui est important, c'est de définir ce que l'on veut, c'est ce qu'on est en train de faire pour l'école primaire, et c qui justifie d'augmenter les moyens pour l'école primaire, c'est notamment cette politique d'un taux d'encadrement très spécifique pour le Cours préparatoire et le CE1, en Réseau d'éducation prioritaire, autrement dit d'aller à la racine, des difficultés de l'école primaire aujourd'hui, puisqu'on s'adresse aux publics les plus défavorisés, et on le fait au moment où on peut être le plus efficace, c'est-à-dire au moment où on entre dans lecture, écriture et le calcul.
BRUCE TOUSSAINT
Donc il y aura plus de classes dédoublées l'an prochain ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Il y aura plus de classes dédoublées l'an prochain, et c'est ce qui... et donc j'en arrive à votre question, c'est ça qui va justifier plus de moyens puisque l'année prochaine, nous dédoublerons aussi les CE1 en Réseau d'éducation prioritaire renforcé, autrement dit, les enfants qui ont bénéficié cette année de ce dédoublement, continueront à en bénéficier l'année prochaine, et puis nous dédoublerons les classes de cours préparatoire en Réseau d'éducation prioritaire, en REP, et ça, aussi, évidemment, nécessitera des moyens supplémentaires.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais donc, du coup, quel ordre de grandeur ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Mais, alors...
BRUCE TOUSSAINT
Il ne lâche pas l'affaire, vous avez vu.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non non, mais je vais vous donner un ordre de grandeur, mais qui n'est qu'un ordre de grandeur, puisque par définition il faut travailler au plus près du terrain, en fonction des données démographiques, en fonction de toute une série de choses, donc on est dans des ordres de grandeur qui vont vers 4 000 postes, c'est de cet ordre-là. Mais ce n'est pas un chiffre, ce que je viens de vous dire n'est pas absolument pas un chiffre stabilisé, c'est un ordre de grandeur.
BRUCE TOUSSAINT
Et donc les classes de CE1, pour les zones concernées, sont aussi... bientôt il y aura tout le primaire qui sera en classes dédoublées, finalement.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, pas du tout, non non.
JEAN-MICHEL APHATIE
Peut-être pas tout le primaire, non.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Vous avez, donc, ce qu'on appelle REP...
BRUCE TOUSSAINT
Non mais, c'est un objectif ou...
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non non non, c'est...
BRUCE TOUSSAINT
CP, CE1, CE2, on peut dire que c'est important aussi.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non non non non, tout ceci est très rationnel, et c'est un petit peu ce que nous essayons de... C'est cette nouvelle étape que je souhaite pour l'Education nationale. On ne prend pas des mesures au doigt mouillé, on prend des mesures parce qu'il y a des études scientifiques qui nous montrent l'efficacité, soit par des expérimentations faites en France, soit parce que d'autres pays, il n'y a pas que nous dans le monde, font des choses intéressantes et qu'il faut savoir les regarder. Et si cette mesure s'est retrouvée dans le programme d'Emmanuel MACRON, c'est parce que, quand vous regardez différentes expériences dans le monde, vous voyez que c'est ça qui est efficace, et il y a u Prix Nobel d'économie qui a montré que quand vous dépensez 1 à ces moment-là, c'est-à-dire dans les premiers âges de la vie, en réalité, vous économisez 8 plus tard en dépenses diverses que vous n'avez plus à faire. Et donc, c'est extrêmement rationnel et bien entendu ça n'a pas vocation à concerner tous les CP et CE1. Par contre, il y a derrière ça un dynamisme, il y a un volontarisme, il y a une pédagogie qui a un impact sur l'ensemble de l'école primaire. Nous voulons que tous les enfants de France, ça passe notamment par la formation des maitres, initiale et continue, et toute une série de facteurs, je me suis un petit peu exprimé sur ce sujet, permettent à l'école primaire française de trouver toutes les qualités nécessaires pour que tous les enfants entrent en 6ème, en sachant lire, écrire, compter, respecter autrui et toute une série d'autres choses, mais fondamentalement déjà ce quatre piliers là.
JEAN-MICHEL APHATIE
Fondamentalement, certains vous reprochent, Jean-Michel BLANQUER, d'avoir participé dans un quinquennat ancien, celui de Nicolas SARKOZY, vous étiez directeur de l'Enseignement scolaire, et quand Luc CHATEL était ministre de l'Education, à la suppression un peu aveugle de postes d'enseignants à cette époque-là, puisqu'un départ sur trois à la retraite n'était pas remplacé. Vous regrettez un peu ces politiques passées qui ont pu pénaliser l'Education nationale ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
J'aime pas trop m'exprimer là-dessus, simplement parce qu'on est dans les caricatures et qu'on perd du temps à parler de chose qui n'ont plus d'intérêt, mais on est dans la pure caricature, les gens ne voient pas que je suis arrivé au bout de trois ans dans cette fonction. Regardez qui était dans ces fonctions au moment du début du quinquennat...
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous êtes arrivé en 2010.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Je suis arrivé en 2010. Pourquoi est-ce que c'est toujours... Moi j'étais un fonctionnaire, cette politique elle avait été votée, etc., c'est donc... On essaie de me mettre sur le dos beaucoup de choses, c'est sans doute bon signe finalement, donc, mais c'est un peu bizarre.
JEAN-MICHEL APHATIE
D'accord, et puis il reste le fond de la politique, mais vous avez raison, on ne va pas refaire l'histoire. Vous êtes devenu ministre, donc, il y a trois mois, quatre mois maintenant. Vous êtes à l'aise dans ce rôle-là d'homme politique ? Puisque vous étiez avant Haut-fonctionnaire ou un dirigeant de grande école. Vous aimez ça ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, je suis à l'aise. Oui, j'aime beaucoup ce que je fais, évidemment, sinon je ne l'aurais pas accepté, et je suis très heureux dans cette fonction, parce que j'ai le sentiment, et je sais que c'est le sentiment d'autres membres du gouvernement, si vous voulez, d'être en action, pour l'intérêt général, avec des idées claires, qui ont été affirmées pendant la campagne, donc qui ont une forte approbation, et aujourd'hui ce sentiment de pouvoir évoluer concrètement, dans le sens de l'intérêt général notre Education nationale, est évidemment quelque chose de très stimulant.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous voilà donc maintenant dans la politique, membre d'une équipe gouvernementale, qui a parfois du mal à se faire comprendre. Hier, Emmanuel MACRON, devant les préfets, a eu une sortie sur la baisse des allocations logement, qui a été reçue diversement, on écoute le président de la République.
EMMANUEL MACRON, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
J'ai été surpris du silence collectif, de ne pas appeler les bailleurs sociaux, les propriétaires, à baisser de 5 le prix du logement. C'est ça la responsabilité collective. C'est ça ce qu'il faut faire à partir du 1er octobre. J'appelle publiquement tous les propriétaires à baisser de 5 le loyer par mois, si on veut accompagner le locataire. L'Etat n'a pas à payer tout.
JEAN-MICHEL APHATIE
« L'Etat n'a pas à payer tout », cette sortie du président de la République a un peu surpris, l'appel à la baisse générale des loyers, peut-être ne sera pas entendu.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Vous savez, Emmanuel MACRON a le mérite de nommer les choses et de dire les choses telles qu'elles sont. Ce qu'il dit, c'est que sur la politique du logement, comme sur d'autres politiques, en réalité, en augmentant les dépenses publiques, on n'a pas fait spécialement du bien à ceux qui étaient censés en bénéficier, on a contribué à l'inflation des loyers. Et donc c'est ce qu'il dit là, il dit : en fait, on devrait maintenant arriver à une forme de déflation des loyers, en tout cas avoir des loyers qui n'augmentent pas trop, même qui pourraient baisser, ce serait ça une véritable solidarité nationale, et surtout c'est une logique économique qui serait, pour le coup, vraiment au service des locataires.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous connaissez votre surnom, Jean-Michel BLANQUER ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Je crois que j'en ai plusieurs.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah ah. Ctrl Z. Ça vous dit quelque chose ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui oui, ça je me souviens j'ai bien vu qu'il apparaissait beaucoup ces derniers temps.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est ça, c'est-à-dire hop, on efface tout et...
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est évidemment assez injuste cela aussi, puisqu'en réalité, ce que je fais, c'est : on garde ce qui marche et on change ce qui ne marche pas.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est quoi les autres surnoms ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, non... je laisse mes...Ce n'est jamais des surnoms agréables.
BRUCE TOUSSAINT
Le moins vache, allez-y.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le plus drôle.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non mais c'est vrai que récemment, vous avez raison, c'est Ctrl Z, j'en ai aucun d'autre qui me vient à l'esprit. Ça doit être freudien.
JEAN-MICHEL APHATIE
D'accord, très bien.
BRUCE TOUSSAINT
Ah, ils doivent être très méchants alors, pour que vous ne vous souveniez pas.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ctrl Z.
BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup Jean-Michel BLANQUER, ministre de l'Education nationale, vous étiez notre invité ce matin sur France Ino.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 septembre 2017