Interview de M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, avec Radio Classique le 31 octobre 2017, sur son exclusion du parti Les Républicains et sur la politique du gouvernement en matière d'environnement.

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Média : Radio Classique

Texte intégral


RENAUD BLANC
Sébastien LECORNU, vous avez écouté avec beaucoup d'attention, je pense, Guillaume TABARD, vous êtes secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Ecologie Nicolas HULOT, mais vous êtes aussi, encore pour quelques heures, membres des Républicains. Le théorème de WAUQUIEZ, cogner d'abord, propose après, WAUQUIEZ c'est, pour vous, un danger pour la droite ou pas ?
SEBASTIEN LECORNU
J'écoutais effectivement, comme toujours, avec attention ce que disait Guillaume TABARD, et, voilà ce qui arrive lorsqu'une formation politique, une famille politique, n'a plus de ligne. Entre les deux tours de la présidentielle, première rupture de la digue, en ne sachant pas clairement choisir entre le Front national et Emmanuel MACRON. La semaine dernière, et depuis d'ailleurs plusieurs semaines, deuxième rupture de digue, on exclut celles et ceux qui ont fait le choix de servir le pays plutôt que de servir purement le parti. On dit clairement, et les masques tombent, on veut l'échec, non seulement d'Emmanuel MACRON, mais on veut l'échec de ce quinquennat. On veut perdre 5 ans pour la France, c'est ce disent clairement les amis de monsieur WAUQUIEZ et monsieur WAUQUIEZ. Et puis là, on a la troisième digue qui est en train de sauter, et Guillaume TABARD l'a bien rappelé, c'est, comme on n'est plus audible, comme ils ne sont plus audibles, comme il n'y a plus de ligne politique, comme il n'y a plus de propositions qui sont faites, eh bien on commence à tomber dans le quolibet, dans l'insulte même, dans les propos faciles. Et effectivement je pense qu'une étape, encore supplémentaire, a été franchie dimanche dernier, notamment dans Le JDD, dans ce portrait quasiment chinois, puisqu'on ne sait pas très très bien… Laurent WAUQUIEZ veut parler d'Emmanuel MACRON, mais enfin on a l'impression qu'il parle un peu de lui-même, dans lequel il lance un certain nombre d'insultes sur le chef de l'Etat, très franchement, tout ça n'est pas digne. Et quand Guillaume TABARD disait que ça lui rappelait Nicolas SARKOZY sur la méthode, je ne suis pas d'accord avec ça, parce que le président SARKOZY il y avait toujours des propositions, il y avait toujours une ligne de fond, il y avait toujours un contrepoint, une contre-proposition, pour dire « nous, la droite républicaine, ce n'est pas l'extrême droite parce que c'est ça, nous, la droite républicaine, ce n'est pas la gauche parce que c'est ça. » Et ça, pour le coup, Laurent WAUQUIEZ est en train de tourner le dos définitivement à l'héritage de Nicolas SARKOZY et à l'héritage de Jacques CHIRAC.
RENAUD BLANC
Vous êtes, parmi ceux qui vont être exclus, peut-être celui qui semble le plus attaché au parti Les Républicains, vous avez même dit que vous pourriez poursuivre le parti en justice, est-ce que vous allez le faire ?
SEBASTIEN LECORNU
C'est vrai que je suis un militant de longue date, j'ai battu le Parti socialiste dans ma commune à Vernon, j'ai battu le Parti socialiste en reprenant le département de l'Eure en Normandie, je suis attaché à cette notion de famille politique, et je suis assez triste de la manière dont tout cela tourne. Et, effectivement, je verrai ce soir comment ça se passe, parce que, très franchement, la semaine dernière le spectacle a été assez pathétique, enfin on a bien vu que non seulement Laurent WAUQUIEZ et ses amis n'avaient pas la majorité politique pour nous exclure, puisque lorsqu'il n'y a pas le quorum dans une instance disciplinaire, ça veut dire qu'il n'y a pas de majorité…
RENAUD BLANC
Vous avez gagné une semaine.
SEBASTIEN LECORNU
Ouais, surtout ils y perdent encore un peu leur âme, et en plus, sur le terrain juridique, ils n'ont pas d'argument pour nous excluez puisque, j'ai demandé mon dossier, en milieu de semaine dernière, pour voir ce qu'il y avait dedans, il n'y a rien, il y a quelques coupures de presse, des portraits. Donc, tout ça pour dire que moi je m'autorise effectivement toutes les voies de recours potentiels. J'en discuterai avec les autres constructifs, comme on les appelle, comme les journalistes nous ont appelés, pour voir ce qu'il convient de faire. Après, il y a une réalité depuis dimanche dernier, c'est quand je vois le tournant que cela prend, notamment avec les propos de Laurent WAUQUIEZ, on n'a pas franchement non plus envie de se battre pour y rester. Donc, je suis partagé entre cet attachement de militant, où je n'ai rien fait de mal et je n'ai pas envie de me faire virer comme un mal propre, et en même temps je trouve que tout cela est vain, puisque ce parti se rétrécit sur lui-même, à cause notamment de monsieur WAUQUIEZ.
RENAUD BLANC
Scénario le plus probable, vous allez être exclu, vous allez quitter Les Républicains, qu'est-ce que vous faites, parce que vous avez toujours dit « je ne suis pas un Marcheur » ? Thierry SOLERE veut monter un parti, il était à votre place hier, est-ce que vous allez suivre Thierry SOLERE, est-ce que vous allez rejoindre En Marche, qu'est-ce que va faire Sébastien LECORNU dans quelques heures ?
SEBASTIEN LECORNU
Moi, déjà, je suis un homme de droite, dans la majorité présidentielle, et donc en rentrant au gouvernement j'accepte, bien évidemment, qu'Emmanuel MACRON soit le chef de la ligne politique à laquelle maintenant j'adhère, qui est celle de cette recomposition politique nouvelle pour le pays. Donc, mon attachement aux Républicains est une chose, mais je sais où je suis aujourd'hui, et je suis pleinement dans la majorité présidentielle dirigée par Emmanuel MACRON, sur la question partisane, on la verra plus tard, mes tâches ministérielles m'occupent déjà suffisamment. Sur les initiatives qui peuvent naître ici ou là, elles sont légitimes. Il faut voir le nombre d'élus locaux, il faut regarder le nombre de militants qui ne renouvellent pas leur carte aux Républicains en ce moment, plein de gens qui disent « nous on n'était pas forcément pour Emmanuel MACRON avant le premier tour de la présidentielle, mais maintenant que les Français l'ont choisi comme chef de l'Etat, on a envie qu'il réussisse, on a envie que ça fonctionne. » Et puis, surtout, on voit bien que les premières semaines de ce quinquennat sont quand même une réelle réussite sur un certain nombre de réformes.
RENAUD BLANC
Donc l'idée de Thierry SOLERE, elle a plutôt tendance à vous séduire.
SEBASTIEN LECORNU
Comme celle de Christian ESTROSI et quelques autres, évidemment. Thierry SOLERE, Franck RIESTER, Christian ESTROSI, ont raison de lancer ces initiatives, puisque, en province, puisqu'on parle de la province, et j'en suis issu moi-même, on voit bien que beaucoup de personnes sont attachées à ce que ça puisse fonctionner, à ce que ça puisse réussir, et veulent le succès du quinquennat.
RENAUD BLANC
Alors, vous travaillez depuis 4 mois avec Nicolas HULOT, comment ça se passe ?
SEBASTIEN LECORNU
Très bien. Très bien au quotidien, humainement…
RENAUD BLANC
Je m'attendais à votre réponse.
SEBASTIEN LECORNU
Non, mais, vous savez, le jour où ça ne fonctionnera pas bien pour moi, je le dirai avec la même franchise, je suis un élu local attaché à cette franchise de parole.
RENAUD BLANC
Mais vous avez été surpris, ou pas, par son interview ce week-end dans Le Monde où il se donne 1 an pour voir s'il est utile, pour le citer ?
SEBASTIEN LECORNU
Non, parce que, enfin, les Français connaissent son engagement, ce n'est pas un politique, il est issu de la société civile, il a mené des combats environnementaux importants. Ça fait partie de ces ministres ; il y en a d'autres d'ailleurs au gouvernement ; qui sont en mission, en mission sur une thématique, sur des politiques publiques, et des grandes causes à faire avancer.
RENAUD BLANC
Et vous qui êtes – ce n'est pas péjoratif – un politique, c'est facile de travailler justement avec une personne de la société civile ?
SEBASTIEN LECORNU
Mais oui, bien sûr, parce que moi j'aime bien les gens qui fonctionnent à la mission, avec des objectifs, et quand on regarde ce qui a été fait depuis le mois de juin, très franchement, on n'a pas à rougir, déjà, de ce bilan que nous sommes en train de dresser dans ce ministère : la loi sur les hydrocarbures, le paquet solidarité pour les mesures de transition pour les Français au quotidien, pour leur voiture, ou pour leur logement. Un projet de loi de Finances qui est ambitieux en matière de transition énergétique et qui va développer une véritable souveraineté énergétique avec les énergies renouvelables. Il y a quand même un virage là aussi. Là où parfois madame ROYAL était beaucoup dans les incantations et dans des objectifs, qui étaient parfois très ambitieux, mais souvent, au final, prétentieux, parce que pas suivis d'effets et pas suivis de moyens, au contraire, avec Nicolas HULOT on a une vision pragmatique de l'écologie. Donc, moi je trouve que ça se passe bien, on forme, en plus, une bonne équipe avec Elisabeth BORNE et Brune POIRSON, autour de lui, et preuve en est, on a déjà des résultats.
RENAUD BLANC
Alors, en décembre il y a un dossier, quand même, qui est assez explosif, c'est Notre-Dame-des-Landes, trois experts vont rendre leur rapport, on sait que Nicolas HULOT était contre l'aéroport. Vous, vous étiez pour ou contre l'aéroport ?
SEBASTIEN LECORNU
Non, moi c'est un dossier que je connais mal, on est un peu loin de ma terre de l'Eure, c'est un dossier…
RENAUD BLANC
Vous aviez au moins un avis avant de rentrer au gouvernement.
SEBASTIEN LECORNU
Oui, parce que j'ai 31 ans et c'est un dossier dont on entend parler depuis, je ne sais pas, 10 ou 15 ans, donc je le connais pas les médias. Moi j'ai commencé à travailler sur ce dossier, la mission va être importante. Vous savez, il ne faut pas croire que cette mission elle est faite pour gagner du temps, comme j'ai pu le lire ici ou là, d'un certain nombre de chroniqueurs, un peu malveillants. La mission elle a pour but, déjà, de balayer l'ensemble des positions, les élus locaux, le monde économique, les associations environnementales, de réinterroger le modèle économique du projet, parce qu'il est quand même question d'argent, dans les deux cas d'ailleurs, que l'aéroport se fasse ou ne se fasse pas…
RENAUD BLANC
Il y avait eu un référendum, Sébastien LECORNU.
SEBASTIEN LECORNU
Il y avait eu un référendum qui avait interrogé effectivement…
RENAUD BLANC
Les gens avaient tranché.
SEBASTIEN LECORNU
Oui, mais ça, ça ne tranche pas forcément les questions financières. Je veux dire, il y a un certain nombre de choses à regarder, et la mission va éclairer…
RENAUD BLANC
55 % pour l'aéroport.
SEBASTIEN LECORNU
La mission va éclairer justement la décision qu'il conviendra d'être prise, mission dont le résultat sera rendu au mois de décembre.
RENAUD BLANC
Prudence de Sébastien LECORNU sur cette question.
SEBASTIEN LECORNU
Oui, prudence, parce qu'une fois de plus c'est des sujets sérieux, pour arrêter aussi de les traiter dans des matinales en moins de 10 ans, c'est comme ça aussi qu'on a bien remonté tout le monde les uns contre les autres, sur ce dossier-là depuis, une fois de plus, 10 ou 15 ans, je pense que les Français ils veulent aussi qu'on fasse des choix sur la base d'arguments rationnels et fiables.
RENAUD BLANC
La taxation du diesel, de 10 %, vous nous rappelez le calendrier.
SEBASTIEN LECORNU
Je l'assume, c'est une convergence pour l'ensemble du quinquennat, elle démarre au 1er janvier 2018. 48.000 morts prématurées par an, liées au diesel et à ses particules, derrière, au-delà même de la taxe carbone et de la protection de la planète, on est aussi sur un sujet, un enjeu, de santé publique important, donc ça se fera progressivement. Et surtout ça se fera en même temps avec des mesures de transition pour permettre aux Françaises et aux Français de changer leur véhicule diesel, c'est la prime qu'on appelait prime à la casse, prime à la conversion, 1000 euros pour tous les Français dès le 1er janvier 2018, 2000 euros pour les Français qui ne sont pas imposables, pour acheter un véhicule neuf, ou d'occasion, moins polluant, et qui, potentiellement, ne soit pas diesel.
RENAUD BLANC
Une voiture électrique, alors ce n'est pas forcément…
SEBASTIEN LECORNU
Non, ça peut être à essence vignette Crit'Air 1 ou 2, voilà.
RENAUD BLANC
Une voiture électrique c'est entre 12.000 et 70.000 euros.
SEBASTIEN LECORNU
Oui, mais il y a aussi des véhicules essence récents qui consomment moins qu'un véhicule essence d'avant 1999, ce qui compte c'est la vignette Crit'Air, c'est pour ça qu'elle a été créée, c'est un bon indicateur. Il vaut mieux un véhicule essence récent qu'un véhicule essence ancien.
RENAUD BLANC
Mais vous savez bien que cette mesure va toucher, au départ, les plus modestes.
SEBASTIEN LECORNU
Pas que, mais il est normal d'accompagner justement les plus modestes en cela, et c'est pour ça que cette prime de transition, de 2000 euros, elle est efficace. Un véhicule d'occasion c'est 3500 euros en moyenne, et là, justement, pour la première fois, on ouvre la prime à la conversion aux véhicules d'occasion. Ça veut dire que pour 2000 euros, de cette prime, sur 3500 euros, vous voyez quand même que l'effort est significatif, c'est pratiquement…
RENAUD BLANC
Si vous trouvez une bonne occasion à 3500 vous m'appelez…
SEBASTIEN LECORNU
Je vous la trouverai, à Vernon, dans les courages de Vernon, vous verrez, venez avec moi…
RENAUD BLANC
Avec plaisir.
SEBASTIEN LECORNU
Venez avec moi dans l'Eure, dans les garages ; pratiquement, quand même, 60 % de la somme du véhicule, franchement c'est inédit. Alors, on peut toujours dire que ce n'est pas assez, mais disons aussi la vérité, c'est inédit, ça n'a jamais été fait avant.
RENAUD BLANC
Quand on parle d'écologie punitive, vous répondez quoi ?
SEBASTIEN LECORNU
Je réponds que je ne suis pas d'accord avec ça. La vraie écologie punitive ça serait effectivement de taxer sans mesure de transition en même temps, pour reprendre la formule présidentielle consacrée. Il y a un enjeu de protection de la planète, il faut l'assumer, le carbone a un coût, on l'a bien vu avec les phénomènes climatiques en Outre-mer il y a maintenant quelques semaines, cela a un coût pour la planète, il y a aussi un coût pour la santé publique, et ce que l'on demande aux pouvoirs publics c'est aussi d'engager des trajectoires et des transitions pour l'avenir, les Français auraient raison, dans 15 ou 20 ans, de nous reprocher de ne pas l'avoir fait.
RENAUD BLANC
Sébastien LECORNU, vous l'avez dit en début d'interview, vous êtes un homme de droite, jusqu'où vous pouvez aller dans ce gouvernement ? Vous avez dit « si c'est contre mes convictions je quitterai ce gouvernement », qu'est-ce qui pourrait vous faire sortir du gouvernement aujourd'hui ?
SEBASTIEN LECORNU
Très franchement, aujourd'hui rien, je m'y sens bien. je m'y sens bien puisque je retrouve une famille de pensée, une manière de faire de la politique bienveillante, qui tourne aussi d'ailleurs le dos à la malveillance que je peux voir ici ou là, y compris dans les propos, dimanche dernier, de monsieur WAUQUIEZ. Moi je suis attaché aux résultats, j'ai été maire, j'ai été président de département, j'aime faire, j'aime pousser des projets, mettre en oeuvre des politiques publiques concrètes, enfin je suis attaché à ce pragmatisme-là. Et je l'ai encore vu en Guyane le week-end dernier, Emmanuel MACRON a le même logiciel, aller aux résultats, comme on dit si bien, et tant qu'on sera dans cette dynamique d'aller aux résultats concrets, je crois qu'il y en a déjà un certain nombre depuis le début du quinquennat, je me sentirai à ma place.
RENAUD BLANC
Merci beaucoup Sébastien LECORNU d'avoir répondu à mes questions. Le secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Transition écologique, auprès de Nicolas HULOT, était l'invité de Paris Première et de Radio Classique. Très bonne journée à vous.
SEBASTIEN LECORNU
A vous aussi, merci beaucoup.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 31 octobre 2017