Interview de Mme Brune Poirson, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, avec Radio Classique le 8 novembre 2017, sur la part du nucléaire dans la production d'électricité, l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes et sur la question climatique.

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Média : Radio Classique

Texte intégral


GUILLAUME DURAND
Elle travaille avec Nicolas HULOT, mais d'abord merci de nous rejoindre amis de Paris Première, Brune POIRSON, bonjour.
BRUNE POIRSON
Bonjour.
GUILLAUME DURAND
Bienvenue. Nous allons parler évidemment de cette affaire de l'écologie qui fait tourner beaucoup de rotatives dans la presse écrite et qui nous concerne, évidemment, directement, puisqu'il s'agit de la part du nucléaire rapportée à 50 % du mix énergétique, ce ne sera donc pas en 2025, a prévenu Nicolas HULOT. Est-ce une promesse de campagne abandonnée ? Ce matin c'est une affaire politique que traite Guillaume TABARD.
(…) Edito de Guillaume TABARD.
GUILLAUME DURAND
Nous sommes avec Brune POIRSON en direct, je vous rappelle qu'elle collabore et qu'elle travaille avec Nicolas HULOT dans le gouvernement Edouard PHILIPPE. On vous a vue à ses côtés hier à la télévision, Brune POIRSON, alors qu'est-ce qui a prévalu finalement, le réalisme, dans cette affaire, ou le renoncement ?
BRUNE POIRSON
Vous savez, nous, ce qu'on veut faire, dans ce gouvernement, et c'était un engagement du président de la République, et c'est ce que Nicolas HULOT et moi-même nous nous attachons à faire, ce que nous voulons faire c'est mettre en oeuvre l'Accord de Paris, et donc cela ça suppose de tenir les engagements que nous avons pris à l'Accord de Paris, et donc de réduire nos émissions de CO2. Et, vous l'avez dit vous-même…
GUILLAUME DURAND
C'est TABARD qui l'a dit.
BRUNE POIRSON
Oui, excusez-moi ; si on souhaite baisser nos émissions de CO2, eh bien ça supposerait de fermer un grand nombre de réacteurs, en tout cas, d'ici 2025, de 23 à 27, et donc, pour compenser cette fermeture-là, d'ouvrir d'autres centrales thermiques, et donc de faire repartir à la hausse nos émissions de CO2.
GUILLAUME DURAND
Mais Brune POIRSON, c'est le constat d'EDF depuis des années ça. Quand les écologistes ont défendu cette loi énergétique, avec Ségolène ROYAL, ils avaient déjà face à eux un constat d'EDF qui était complètement alarmiste, qui disait c'est totalement irréalisable, et HULOT, à l'époque, il était pour…
BRUNE POIRSON
Ce qu'on voit c'est que fermer ce nombre de réacteurs-là supposerait d'ouvrir d'autres réacteurs, thermiques, et donc d'augmenter nos émissions de CO2. Eh bien nous, et c'est l'approche de Nicolas HULOT, nous ne sommes pas dogmatiques. Nous partons de la réalité, nous sommes dans le faire, nous voulons avoir des résultats concrets. Vous savez, je crois qu'il y a une différence de méthode qui est absolument fondamentale avec le gouvernement précédent. Nous on pense que se fixer des ambitions irréalistes ça amène à des désillusions qui, derrière, amènent à de la résignation, et la résignation, dans la lutte contre le changement climatique, c'est ce qu'il y a de pire. Et la méthode qui a prévalu dans le gouvernement précédent, c'était de se fixer des grands objectifs, presque des slogans, et puis de ne pas vraiment se poser la question, et en tout cas de ne pas regarder, et de ne rien mettre en oeuvre, et de ne pas se donner les moyens, de la mise en oeuvre derrière, pour atteindre ces objectifs-là.
GUILLAUME DURAND
Pardonnez-moi, je vous pose une ou deux questions, et après vous répondrez tranquillement. Mais, HULOT, il l'a accompagnée, en tout cas idéologiquement, cette loi, jusqu'à présent. Lui aussi il était pour 2025.
BRUNE POIRSON
Nous restons…
GUILLAUME DURAND
Il a raison d'être réaliste.
BRUNE POIRSON
Mais l'objectif n'a pas changé. Nous voulons réduire la part du nucléaire dans le mix énergétique français, faire en sorte qu'il passe de 75 %, comme c'est actuellement, à 50 %, mais pour ça, pour le faire justement, pour qu'il y ait un résultat concret, il faut une méthode qui est différente du gouvernement précédent. Et notre méthode, à nous, c'est de s'équiper et de mettre en place toute une série de politiques publiques qui visent à mettre et à faire en sorte que la transition énergétique devienne une réalité, par exemple le plan Climat, par exemple toute une série de mesures en faveur des plus modestes, comme par exemple la lutte contre les passoires thermiques, ou encore la prime à la conversion. Aussi, plus récemment, vous savez que nous sommes en train de faire voter une loi qui vise à mettre fin à l'exploitation des hydrocarbures d'ici 2040. Nous travaillons, et nous allons l'annoncer bientôt, sur un plan de rénovation énergétique dans le bâtiment. Et donc, c'est tout ce faisceau-là, de politiques publiques, qui, derrière, nous permet d'atteindre, dans la concertation, de mettre en place, et de dérouler, un moyen, non seulement on s'y tient, mais ensuite un moyen de…
GUILLAUME DURAND
Et alors, est-ce qu'on a une date maintenant ?
BRUNE POIRSON
Une date pour quoi ?
GUILLAUME DURAND
Justement pour basculer, puisqu'on garde cet objectif.
BRUNE POIRSON
Je vous ai expliqué…
GUILLAUME DURAND
Non, mais j'ai compris.
BRUNE POIRSON
Il est encore trop tôt pour le dire, Guillaume DURAND.
GUILLAUME DURAND
Donc il n'y a pas de date ?
BRUNE POIRSON
Je vous ai expliqué la méthode avec laquelle nous allons travailler. L'objectif est clair, il est de réduire la part du nucléaire dans le mix énergétique français, et pour ça, ce qu'on va faire, c'est travailler en concertation. Vous savez, la question de l'énergie et de l'électricité, ça touche les Français dans leur intimité, ça a aussi un très fort impact sur les entreprises. On ne peut pas décider, comme ça, sur un coin de table, qu'on va faire un slogan qui sonne bien, 50 % d'ici 2025. Nous, la méthode…
GUILLAUME DURAND
Mais, il y a beaucoup de gens, sur le plan politique, qui depuis des années, disent que de toute façon ce que défendent les écologistes est totalement aberrant sur le plan économique. Il y a beaucoup de gens, récemment, qui ont combattu cette loi de transition énergétique, en disant qu'elle était absurde au regard de ce qu'est l'industrie nucléaire aujourd'hui. Et ce qui est paradoxal, dans le cas d'HULOT, c'est qu'il avale une couleuvre à partir du moment où, avant, et vous avez raison de considérer que ce qui était proposé était absurde, mais avant il était plutôt pour, maintenant il est ministre et il est plutôt contre. Donc les gens se posent la question, ce matin, politique, qui est de savoir pendant combien de temps il va avaler des couleuvres.
BRUNE POIRSON
Vous savez, je crois que la question elle n'est absolument pas là. On est en train de parler de la compétitivité…
GUILLAUME DURAND
Elle n'est peut-être pas là, mais c'est la question.
BRUNE POIRSON
On est en train de parler de la compétitivité de la France, on est en train de parler de, comme je vous disais, ce qui touche les Français tous les jours, là il y a l'hiver qui arrive, l'énergie c'est vraiment dans leur quotidien, donc la question elle n'est pas de se demander si Nicolas HULOT a avalé une couleuvre ou pas. La question elle est de se dire, nous on a un objectif, et l'objectif reste inchangé, je vous le répète à nouveau, réduire la part du nucléaire dans le…
GUILLAUME DURAND
Oui, mais j'ai compris, mais ce n'est pas ce qu'Emmanuel MACRON a dit dans la campagne électorale, il avait plus ou moins accepté cette loi de transition…
BRUNE POIRSON
Emmanuel MACRON, pendant la campagne électorale, il a été très claire, et extrêmement cohérent, et il n'a pas changé de cap entre la campagne électorale et aujourd'hui. Nous voulons réduire la part du nucléaire, développer les énergies renouvelables, mais nous ne le ferons pas en proclamant des objectifs arbitraires, nous le ferons en se donnant les moyens de le faire, et nous allons lancer une concertation, je vous l'ai dit, avec des citoyens, des entreprises, des associations, des représentants de l'Etat, parce que c'est ensemble qu'on doit déterminer la méthode et surtout quand nous allons, peu à peu, fermer ces réacteurs.
GUILLAUME DURAND
David CORMAND, le patron des Verts, disait il y a quelques instants sur RFI, voici ces quelques mots sur l'avenir politique de Nicolas HULOT, on l'écoute ensemble, nous sommes avec Brune POIRSON. Ecoutez.
DAVID CORMAND
Le problème de Nicolas HULOT, mais depuis le début, c'est qu'il est un écologiste sincère, dans un gouvernement qui n'en n'a rien à faire de l'écologie. Après, moi, je n'ai pas à dire à Nicolas HULOT ce qu'il a à faire. Il essaye de faire ce qu'il peut, en milieu hostile, et c'est une crainte qu'on avait indiquée dès l'origine de ce gouvernement.
GUILLAUME DURAND
Voilà. Ne me répétez pas l'argumentation que vous venez de me donner, parce que je l'ai parfaitement comprise, et beaucoup de ceux qui nous écoutent aussi, mais vous avez une pression des Verts, une pression des ONG, une pression de Delphine BATHO, qui disait à Nicolas HULOT ce matin : « bas-toi ou alors pars. »
BRUNE POIRSON
Mais vous savez, chacun est dans son rôle. Nicolas HULOT il se bat pour avoir des résultats concrets, et bien sûr, quand on est une ONG, quand on est dans l'opposition, bien sûr, leur rôle c'est de pousser, et parfois, d'ailleurs, ça nous aide aussi, vous savez, ça nous permet aussi de réfléchir à nos objectifs, mais là on parle de faire, on parle de réalité concrète, pragmatique, c'est là-dedans qu'on est. Et, vous savez, je vous le répète encore, dans le gouvernement précédent, on faisait des annonces, on ne se posait pas la question de la mise en oeuvre, eh bien ici, nous, on ne prend pas les Français pour des idiots, on dit, quand va faire quelque chose…
GUILLAUME DURAND
Vous savez que tous les ministres du gouvernement de François HOLLANDE rappellent, y compris Bernard CAZENEUVE, qui a été Premier ministre, que, quand même, Emmanuel MACRON était dans un bureau pas très loin de celui de François HOLLANDE, donc s'il avait quelque chose à dire là-dessus, il aurait peut-être pu le dire à l'époque, et Alexis KOHLER aussi n'était pas très loin, puisqu'il était à Bercy.
BRUNE POIRSON
Quand on se fixe un objectif nous cherchons les moyens de le mettre en oeuvre, et non seulement nous cherchons, mais nous le faisons. Si vous voulez, on continue à faire des annonces, des slogans, ou alors on met en oeuvre. Je crois que là on parle du pragmatisme, on sort du dogmatisme, et ça c'est moins confortable, bien souvent, que de faire des annonces ou de critiquer.
GUILLAUME DURAND
Notre-Dame-des-Landes, on aura une décision de la médiation quand ?
BRUNE POIRSON
En décembre, je ne peux pas vous donner la date exacte.
GUILLAUME DURAND
Mais qui consisterait essentiellement à essayer de réaménager l'ancien aéroport ou d'évacuer les zadistes ?
BRUNE POIRSON
Il y a une mission de médiation qui est actuellement en train de faire son travail. Je n'ai pas à commenter une mission qui est en train de faire son travail, ça ne serait simplement pas correct.
GUILLAUME DURAND
Mais quand, par exemple, CORMAND dit que finalement c'est un gouvernement qui n'en n'a rien à faire du nucléaire, et c'est vrai que, par exemple, le Premier ministre, Edouard PHILIPPE, il a toujours été plutôt favorable au nucléaire.
BRUNE POIRSON
Ça c'est vous qui le dites. Vous savez, le Premier ministre il est parfaitement aligné avec la vision d'Emmanuel MACRON qui est…
GUILLAUME DURAND
Mais je n'ai pas dit le contraire, j'ai dit qu'il était favorable au nucléaire.
BRUNE POIRSON
Qui est de développer les énergies renouvelables en France et de rééquilibrer notre mix énergétique, c'est tout.
GUILLAUME DURAND
Vous n'avez pas l'impression qu'il y a un problème politique ce matin ?
BRUNE POIRSON
Absolument pas. Moi, ce que j'ai l'impression, ce matin, vraiment, c'est que là on est enfin dans la vérité, on est dans la mise en oeuvre, on est dans le concret, on est dans le pratique et on n'est pas dans le dogmatique.
GUILLAUME DURAND
Dernière question Brune POIRSON, c'est la question de la COP23. Vous savez que tous les indicateurs montrent actuellement que la ligne des 2 % est quand même une ligne extrêmement difficile, qu'est-ce que la France peut faire pour justement essayer de ramener tout le monde dans un trend qui serait logique par rapport à ce qui a été décidé avant, c'est-à-dire la COP21 ?
BRUNE POIRSON
Vous savez, cette conférence, cette COP23 à Bonn, elle est présidée par un Etat, Fidji, qui est un petit Etat insulaire, et nous aussi en France nous en avons, cet Etat-là c'est un signe fort parce qu'il est menacé, c'est une population entière qui pourrait disparaître avec son identité, et nous avons, nous aussi, des territoires qui le sont en France. Eh bien, l'objectif de la COP23, pour nous les Français, c'est de soutenir cette présidence Fidjienne, pour accélérer la mise en oeuvre de l'Accord de Paris, mais aussi pour encourager le rehaussement des ambitions. Et ça, c'est d'autant important que, un pays comme les États-Unis, a décidé de se retirer de l'Accord de Paris.
GUILLAUME DURAND
Et on l'invite, justement TRUMP, pour la prochaine réunion ?
BRUNE POIRSON
Et nous allons aussi soutenir les pays les plus vulnérables, le président de la République a annoncé que nous allions engager 5 milliards d'euros, à partir de 2020, pour des projets en faveur du climat, dont 1 milliard pour les populations les plus vulnérables au changement climatique.
GUILLAUME DURAND
Et est-ce qu'on l'invite, TRUMP, à la future Conférence de Paris ?
BRUNE POIRSON
A la Conférence de Paris nous allons envoyer… après la COP23, les États-Unis seront présents, et nous allons envoyer une invitation à l'Etat fédéral américain, qui choisira à quel niveau il veut être représenté, mais de toute façon les États-Unis seront présents. Ils seront présents à travers les représentants de leurs villes, de leurs entreprises, de leurs Etats fédérés. Donc, les États-Unis sont un allié de la France et ils seront présents, bien sûr.
GUILLAUME DURAND
C'est une situation compliquée que cette affaire, merci d'être venue ce matin la défendre, avec véhémence. Bonne journée à vous.
BRUNE POIRSON
Bonne journée à vous.
Source : Servie d'information du Gouvernement, le 14 novembre 2017