Interview de Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'Etat à l'égalité entre les femmes et les hommes à France Culture le 9 novembre 2017, sur les violences faites aux femmes et la libération de la parole dans les cas de harcèlement sexuel.

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Média : France Culture

Texte intégral


GUILLAUME ERNER
Bonjour Marlène SCHAPPIA.
MARLENE SCHAPPIA
Bonjour.
GUILLAUME ERNER
Vous êtes secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, on vient d'entendre un certain nombre de sons d'actualité, d'extraits et notamment la voix de Tariq RAMADAN en disant qu'il ne s'exprimerait pas sur les accusations qui sont portées contre lui et puis Edwy PLENEL évoquant les enquêtes que Mediapart avait réalisées autour du cas de Tariq RAMADAN, que pensez-vous de cette affaire ?
MARLENE SCHAPPIA
Ecoutez bien évidemment moi je soutiens toutes les femmes qui prennent la parole, j'avais lu le livre de Henda AYRI dans lequel elle expliquait avoir été effectivement violée par une personne – elle ne nommait pas à ce moment-là Tariq RAMADAN - je trouve que le récit est assez glaçant et ceux qui se rajoutent sont extrêmement glaçant et vont dans le sens du discours qui est tenu par Caroline FOUREST et d'autres depuis quelques années, d'une forme de duplicité de Tariq RAMADAN, maintenant bien évidemment en tant que membre du gouvernement je respecte la présomption d'innocence et j'attends que la justice passe dans cette affaire comme dans les autres.
GUILLAUME ERNER
Au-delà de ce cas particulier, pensez-vous qu'il faille que la parole se libère, autrement dit que dans tous ces cas où semble-t-il une omerta régnait les femmes parlent plus, les médias relèvent – puisque là en l'occurrence ce sont les médias qui sont accusés d'avoir fait silence sur une situation qui aurait été connue par elle ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui, enfin ça honnêtement je pense que c'est un sujet qui est extrêmement complexe, à chaque fois qu'il y a une affaire on nous dit : « tout le monde savait », pour WENSTEIN on nous a dit ça, pour BAUPIN on nous a disait la même chose au demeurant à l'époque, je pense qu'effectivement il y a un travail à mener des médias, mais je pense qu'on ne peut pas non plus blâmer les médias dans leur ensemble pour des viols qui ont été commis - il y a une justice – quand quelqu'un a connaissance d'un fait de viol ce n'est pas un journaliste qu'il faut appeler c'est un commissariat de police ou un avocat.
GUILLAUME ERNER
Toujours dans la suite de l'affaire WEINSTEIN, des remous qu'elle a provoqués et de la libération de la parole Marlène SCHAPPIA, on a appris hier le report de la rétrospective Jean-Claude BRISSEAU à la Cinémathèque de Paris, votre réaction.
MARLENE SCHIAPPA
Moi je remercie d'abord la Cinémathèque puisque c'est une organisation totalement indépendante et qui a pris cette décision en toute indépendance, mais suite notamment à la demande que j'avais formulée ainsi que la ministre de la Culture qui avait fait part de son émoi disons face à cette rétrospective consacrée à une personne qui a été deux fois accusée là en justice - il ne s'agit pas d'accusation en l'air - pour harcèlement sexuel et agressions sexuelles, donc bien évidemment je salue cette décision et je remercie la Cinémathèque de nous avoir entendues et nous avoir comprises.
GUILLAUME ERNER
Comment faire avec ces artistes, dont le statut d'artiste n'est pas discuté, mais qui ont eu dans leur vie privée - enfin je vous laisserais d'ailleurs commenter cette notion - des actes délictueux, criminels, que va-t-on faire de leurs oeuvres, est-ce qu'on est capable aujourd'hui d'avoir un avis précis sur ce qu'il conviendrait de faire ?
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez non, moi je n'ai pas d'avis précis, moi vous savez mon rôle ça n'est pas de dire la morale, mon rôle c'est de créer et, conduire des politiques publiques efficaces et de faire en sorte que ces politiques publiques luttent pour l'égalité entre les femmes et les hommes ne soient pas entravées. On m'a posé la question récemment de savoir si j'aimais toujours les anciennes chansons de NOIR DESIR, je trouve que c'est une question extrêmement compliquée parce que c'est une question philosophique : est-ce qu'on peut choisir d'aimer ? Est-ce qu'on peut choisir de désaimer ? Est-ce qu'on peut choisir notre attachement à telle ou telle oeuvre d'art ? Je trouve que c'est une question qui est extrêmement compliquée. Ce que j'observe en l'espèce précisément c'est que le talent ne doit pas être une excuse, moi je n'adhère pas au discours de dire : « untel a violé cinq femmes, mais il a eu deux Oscars, donc quand même il a beaucoup de talent » comme si ça devait nous permettre de relativiser les agressions sexuelles et les crimes, en revanche évidemment c'est compliqué d'arriver à dans la dans la censure, finalement dans une forme de censure. Donc, effectivement, il y a une ligne de crête qui est assez délicate pour tout vous dire.
GUILLAUME ERNER
Une ligne de crête et là aussi au travers de la libération de la parole et de ce vaste débat qui s'est ouvert en France, il y a eu également une notion qui est apparue, la culture du viol, avec une tentative de revisiter un certain nombre d'oeuvres, par exemple d'oeuvres cinématographiques, on a pu entendre par exemple sur cette antenne des gens expliquer que des films présentaient des scènes d'amour qui étaient au départ ouvertes par des femmes qui disait non, beaucoup de films : « Star Wars » par exemple, mais d'autres films, qu'est-ce qu'il faut faire par rapport à ça. Marlène SCHIAPPA ?
MARLENE SCHIAPPA
Moi je ne suis pas du tout sur la ligne de revisiter les oeuvres passées eu égard à des codes, des comportements ou même des lois actuelles, j'ai trouvé ça assez ubuesque qu'on veuille interdire par exemple un moment « Autant en emporte le vent » sous prétexte que c'était un film esclavagiste, anti Yankee, etc., je pense que c'est une question qui est délicate. La culture du viol, moi j'ai écrit un livre sur ce sujet, un des premiers livres de France au demeurant, je crois qui s'appelait « Où sont les violeurs ? » il y a à peu près deux ans sur le sujet de la culture du viol, mais pour moi la culture du viol ce n'est pas culture au sens la culture, les arts, c'est culturel au sens de phénomènes culturelles, d'habitus au sens sociologique du terme, c'est-à-dire c'est tout ce qui dans notre environnement nous fait baigner dans une atmosphère qui banalise, excuse, relativise les viols, les agressions sexuelles, qui dégrade le langage en parlant par exemple de frotteur ou de main aux fesses quand on doit parler d'agressions sexuelles – c'est cela la culture du viol – pour moi il ne s'agit pas de blâmer les oeuvres d'art en tant que telles.
GUILLAUME ERNER
Je continue à dérouler les différentes propositions qui sont aujourd'hui sur la table. On a parlé d'écriture inclusive, chacun voit à peu près ce que c'est, mettre un point avec la possibilité d'avoir les deux genres par écrit, aujourd'hui on évoque également la grammaire inclusive, vous y êtes favorable ?
MARLENE SCHIAPPA
D'abord peut-être l'écriture inclusive ce n'est pas juste le point médian, vous savez l'écriture inclusive normalement ça désigne le fait de dire : « les Françaises et les Français, celles et ceux », choisir le mot épisème, de mettre un e, et il y a plusieurs au sein de l'écriture inclusive, il y a un canal historique, il y a des courants, il y a des favorables au tiret...
GUILLAUME ERNER
Oui, Emmanuel MACRON dit celles et ceux par exemple ?
MARLENE SCHIAPPA
Voilà ! Moi je suis très favorable à féminiser le lange, je pense que c'est intéressant de voir de quelle manière on n'invisible pas les femmes dans le langage, je dis aussi : « celles et ceux, les Françaises et les Français, les policières et les policiers, etc. ». En revanche le point médian très honnêtement comme ça ce n'est pas quelque chose auquel j'adhère, je pense que c'est compliqué d'abord de l'enseigner à l'école, donc pour moi on enseigne aux enfants... c'est déjà difficile de le faire comprendre qu'une phrase commence par une majuscule et se termine par un point, ça me semble compliqué de rajouter des points, en revanche même si je ne suis pas pour l'écriture inclusive ni pour son caractère obligatoire je ne pense pas non plus... je pense que considérer l'écriture inclusive comme un symptôme de dégénérescence de la société c'est un tout petit peu excessif, je pense qu'on peut avoir le débat sémantique de la place des femmes dans le langage, dans le patrimoine, etc., sans en faire l'alpha et l'oméga du débat de l'égalité entre les femmes et les hommes à notre époque.
GUILLAUME ERNER
Et la grammaire inclusive, où là il s'agit par exemple de modifier les règles entre le masculin qui ne l'emporterait plus sur le féminin avec différentes variantes possibles ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui, oui, c'est un débat aussi qui existe, c'est un débat qui existe de longue date chez les féministes, chez les experts...
GUILLAUME ERNER
Et vous, votre opinion ?
MARLENE SCHIAPPA
Moi je pense qu'il y a une grammaire, voilà, une grammaire officielle, moi je fais les accords, mais je pense que ça ne doit pas empêcher le débat, si vous voulez on peut débattre de ça. Après j'ai vu la pétition des enseignants, je pense que c'est à ça que vous faites référence, qui disent : « qu'ils ne vont plus enseigner cela », moi là honnêtement je trouve que c'est assez problématique, je pense qu'on ne peut pas décider de son proche chef ce qu'on va enseigner ou pas quelle qu'en soit la raison, mais je pense que qui le débat doit être porté par des grammairiens et des grammairiennes il doit peut l'être évidemment.
GUILLAUME ERNER
Marlène SCHIAPPA, vous êtes secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, à la suite de l'affaire WEINSTEIN qu'est-ce qu'il est possible de faire en matière de loi, qu'est-ce que vous allez changer si vous allez changer quelque chose ?
MARLENE SCHIAPPA
On va changer des choses, on n'est pas là pour ne rien faire et tout laisser comme tel. En matière de loi on avait déjà annoncé avant cette affaire avec la garde des Sceaux la construction d'une grande loi citoyenne contre les violences sexistes et sexuelles, le constat de base c'est qu'il y a une proportion de viols et d'agressions sexuelles qui sont réellement condamnés qui sont extrêmement faibles et déjà à la base, avant la condamnation, il y a une part de viol et d'agression sexuelle qui donne lieu à des plaintes qui sont aussi extrêmement faibles - ça veut dire que nous devons améliorer des choses - donc nous travaillons d'abord sur le combat culturel avec des brandes campagnes de communication, de sensibilisation sur le modèle de ce qui avait été fait pour la sécurité routière – et ça nous l'avions annoncé dès mai 2017 – et avec la garde des Sceaux nous travaillons à une grande loi citoyenne contre les violences sexistes et sexuelles, une loi citoyenne ça veut dire que chacune et chacun peut participer à l'élaboration de cette loi et venir nous dire d'après lui, d'après elle qu'est-ce qui manque, qu'est-ce qui doit être amélioré dans cette loi. Donc, nous avons déjà auditionné un certain nombre d‘experts et d'expertes, il y a des...
GUILLAUME ERNER
Quels sont les points qui vous paraissent intéressants au travers de cette consultation ?
MARLENE SCHIAPPA
Nous on a déjà trois points saillants, qui sont : 1) la verbalisation du harcèlement de rue, ce qui permet d'abaisser le seuil de tolérance de la société à ces phénomènes de harcèlement y compris dans la rue...
GUILLAUME ERNER
Comment définit-on le harcèlement de rue ?
MARLENE SCHIAPPA
C'est une vraie question ! C'est pour ça que nous avons créé un groupe de travail avec le ministère de l'Intérieur et de la Justice, il y a cinq députés de tous bords politiques qui sont en train justement de plancher pour savoir comment on définit le harcèlement de rue, qu'on pourrait aussi au demeurant appeler outrage sexiste – il y a une discussion en cours sur ce sujet – et ils sont en train de regarder ce qui est du harcèlement et ce qui n'en est pas.
GUILLAUME ERNER
J'ai lu par exemple que pour vous siffler une femme dans la rue ce n'était pas du harcèlement ?
MARLENE SCHIAPPA
C'est mon point de vue personnel. Mais effectivement je pense que tout ne doit pas être considéré comme du harcèlement de rue, je pense que de la manière qu'il faut véritablement qualifier les choses pour ce qu'elles sont, une main aux femmes, un frotteur, c'est une agression sexuelle, ça n'est pas quelque chose de... ce n'est un jeu, ce n'est pas quelque chose de fun, de la même manière je pense qu'il ne faut pas non plus que tout tombe dans le harcèlement, il me semble qu'un sifflement une fois n'en est pas – mais c'est mon avis personnel – on verra ce que les parlementaires nous disent à ce sujet.
GUILLAUME ERNER
La question de la prescription, avec l'imprescriptibilité des crimes sexuels, qu'en pensez-vous Marlène SCHIAPPA ?
MARLENE SCHIAPPA
On allonge les délais de prescription, notamment pour les crimes sexuels sur mineur, ça fait partie des volets de cette grande loi contre les violences sexistes et sexuelles, l'idée c'est d'allonger – là on est à 20 ans – nous nous basons sur une mission de consensus qui a été coprésidée par Flavy FLAMENT et par un magistrat qui s'appelle Jacques CALMETTES qui recommande de les allonger à 30 ans, donc on est en train de voir si on va jusqu'à 30 ans ou pas. En revanche l'imprescriptibilité, notre position, la ligne du gouvernement, c'est qu'on n'y est pas favorable, pour plusieurs raisons : d'abord pour une question de droit, parce que je pense que ça ne passerait pas la barrière du Conseil constitutionnel ; ensuite, parce qu'en France il y a une graduation des peines, seuls les crimes contre l'humanité sont imprescriptibles, si l'on décide que les crimes sexuels sont aussi imprescriptibles quid des crimes, quid des meurtres, est-ce qu'ils doivent devenir aussi imprescriptibles ou est-ce qu'on considère que la hiérarchie des sanctions est remise en cause ? Ca me semble assez compliqué du côté du monde de la justice ; et enfin, un certain nombre d'experts, mais ça c'est une position qui est controversée - mais je vous en fais part telle qu'elle – un certain nombre d'experts nous disent que de leur point de vue avoir une date butoir de prescriptibilité ce serait un déclencheur de mémoire pour les victimes et ça leur permettrait de s'emparer de ce sujet peu après ou peu avant le délai d'imprescriptibilité.
GUILLAUME ERNER
Certains juristes disent que le problème du délai de prescription c'est l'administration de la preuve 30 ans après, que peut-on faire à cet égard Marlène SCHIAPPA ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui, c'est un vrai sujet, c'est une vraie question de la question de la preuve. Mais je vais vous dire très honnêtement, même deux ans après, pour un harcèlement sexuel qu'est-ce que vous avez comme preuve ? Et on le voit bien là sur les affaires, certaines affaires dont il est question, quand il y a des faisceaux d'indices concordants majeurs et quand il y a une quantité de victimes incroyable la justice peut passer peut-être moins difficilement, mais lorsque vous êtes seule, lorsque vous être une femme et que vous accusez un homme de harcèlement sexuel et que vous n'avez pas de preuve, que vous n'avez plus les messages éventuels, que vous n'avez pas de témoin, c'est extrêmement compliqué, et ça c'est compliqué que ce soit deux après ou 25 ans après.
GUILLAUME ERNER
Et l'autre question c'est l'accompagnement des femmes qui portent plainte, là aussi on a eu l'occasion de dire que c'était compliqué de porter plainte, qu'on n'était pas nécessairement bien reçu. Est-ce vrai Qu'en pensez-vous ? Comment faire ?
MARLENE SCHIAPPA
Je pense qu'on a souvent dit que les femmes n'étaient pas assez bien reçues dans les commissariats de police - et moi-même dans le passé j'ai tenu aussi ce discours, néanmoins je m'aperçois en regardant les associations – et je m'en suis aperçue comme maire adjointe pendant quatre ans en charge de ces questions dans les permanences – que ça risque aussi de décourager les femmes parfois de tenir ce discours , il y a des femmes qui nous disent : « je ne vais pas porter plainte parce que je vais être mal reçue », on dit : « mais pourquoi vous seriez mal reçue ?, « parce que j'ai entendu qu'on était mal reçu ». Donc, je pense que parfois il arrive que des femmes soient mal reçues – et ça ce n'est pas tolérable, ça ne doit pas être laissé passé – il y a une hiérarchie dans la police, donc il faut contacter la hiérarchie, les préfectures, qui de droit pour faire en sorte que les femmes soient bien reçues dans les commissariats, mais je pense que dans l'immense majorité des cas les policiers et les policières font leur travail. Il y a 1.281 fonctionnaires dans les commissariats de police qui sont mobilisés sur les violences conjugales, intrafamiliales, sexuelles, qui ont été formés pour cela et qui en sont référents et responsables, c'est une profession de surcroit qui se féminise considérablement de façon exponentielle les forces de police et donc qui accueillent les femmes, et il y a des formations qui sont faites par la MIPROF – la Mission Interministérielle de Protection des Femmes – il y a un colloque-là de nouveau fin novembre pour reformer de nouveau toute une cohorte de professionnels à cet égard, donc nous travaillons là-dessus, nous renforçons ces efforts de formation, d'accompagnement, de sensibilisation. Mais on voit il y a une enquête-là de Fondation Jean Jaurès qui est sortie qui nous montre que pour 1 personne sur 2 en cas de violences sexistes ou sexuelles le réflexe c'est le commissariat de police, 1 personne sur 2, c'est très important, ça veut dire qu'il y a quand même un lien de confiance je pense entre la population et sa police à cet égard. En revanche un chiffre qui pour nous est une piste de travail c‘est que seulement je crois 12 ou 16 % des personnes interrogées disent qu'elles font appel à une association, or nous la totalité de notre budget il va en soutien à ces associations, la quasi-totalité, ça veut dire que pour nous nous avons un effort à faire pour faire connaître davantage ces associations, par exemple « Droit d'urgence » est une association qui anime des PAD – des Points d'Accès au Droit – dans Paris et qui permet aux femmes de les aider à construire leur plainte, parce que c'est vrai qu'arriver dans un commissariat quand vous avez déjà été victime de violences sexuelles ou de viol, vous arrivez, il y a des gens que vous ne connaissez pas, vous êtes toute seule, l'uniforme, le contexte peut être un peu déstabilisant, donc c'est important de préparer également sa plainte ; Il y a des CIDFF - des Centres d'Information des Droits des Femmes et des Familles - partout en France, que l'Etat finance très largement, qui peuvent aussi accompagner les femmes dans cette démarche.
GUILLAUME ERNER
Ce débat il est monté Marlène SCHIAPPA à partir d'un hastag balancetonporc, votre bilan rétrospectif, bilan d'étape, sur ce qui s'est déroulé sur les réseaux sociaux ?
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez on a beaucoup dit que la parole se libérait, effectivement la parole se libère, mais moi je pense que la parole ne se libère par magie, si la parole se libère c'est parce qu'il y a une écoute surtout qui se libère et parce qu'enfin la société écoute les femmes. Parce que moi je n'ai pas le sentiment que les femmes soient restées silencieuses, on a beaucoup entendu des questions du type : mais pourquoi les femmes ne nous avaient-elles pas dit avant que c'était d'une tel ampleur le harcèlement sexuel, les agressions sexuelles ? Ca fait des années que les femmes essaient de parler, qu'on ne les écoute pas beaucoup, je vous rappelle cette vidéo de Courtney LOVE en 20105 – donc il y a plusieurs années – quand quelqu'un lui dit quel conseil donneriez-vous à une jeune actrice ? Elle répond : « mon conseil c'est si Harvey WEINSTEIN vous invite dans sa chambre d'hôtel, à une fête, n'y allez pas », je pense que c'est quand même assez explicite.
GUILLAUME ERNER
Est-ce que vous observez une augmentation des plaintes, on l'a vu par exemple au Canada, à Montréal, est-ce que vous observez une augmentation des plaintes depuis l'apparition de ce hastag, depuis la montée de ce débat, Marlène SCHIAPPA ?
MARLENE SCHIAPPA
On n'a pas encore les chiffres précis qui nous permettraient de faire vraiment une comparaison sur les plaintes sur ces sujets, en revanche on observe une augmentation des appels au numéro tel que le 39.19 et au numéro d'urgence, on observe une augmentation des visites dans les associations et on observe même une augmentation des appels puisque nous pendant un moment – là ça c'est un peu calmé – mais pendant plusieurs semaines on a eu dans le secrétariat d'Etat des appels de femmes victimes de viol qui ne savaient pas qui appeler, qui ne savaient pas où aller et qui appelaient du coup au standard, au secrétariat , dans le secrétariat d'Etat.
GUILLAUME ERNER
Et alors du coup est-ce qu'on est capable de quantifier cela, est-ce que vous pensez que cela va aboutir effectivement à des procédures judiciaires – puisque vous aviez dit en substance que Twitter ne pouvait se substituer à la justice - Marlène SCHIAPPA ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui, ça semble évident, on est dans un état de droit, je pense que c'est très important que les femmes parlent ; on ne peut pas non plus considérer, c'est difficile mais c'est ça l'état de droit, ça veut dire qu'à partir du moment où une femme parle il faut qu'on lui dise qu'on la croit et qu'on est de son côté et, de la manière, on ne peut pas non plus considérer que le simple fait d'avoir donné un nom soit déjà une condamnation, il faut que la justice passe pour tout le monde et c'est ce qui préserve l'état de droit.
GUILLAUME ERNER
Marlène SCHIAPPA, vous restez avec nous, on va vous faire réagir à l'actualité et puis aux environs de 8 h 20 vous serez rejointe par Monique PELLETIER qui a être ministre déléguée chargée de la Famille et de la condition féminine de 1978 à 1980, on évoquera avec elle les combats qui ont été menés, les combats qui restent à mener pour l'égalité entre les femmes et les hommes.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 novembre 2017