Interview de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale à LCI le 6 octobre 2017, sur la relance de l'apprentissage et la réforme de la formation professionnelle.

Prononcé le

Média : La Chaîne Info

Texte intégral


AUDREY CRESPO-MARA
Bonjour Jean-Michel BLANQUER.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bonjour.
AUDREY CRESPO-MARA
Ministre de l'Education nationale. Pas facile d'être ministre !
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est surtout une mission fantastique, magnifique…
AUDREY CRESPO-MARA
Fantastique, mais ce n'est pas toujours facile, parce que vous devez venir ici défendre la réforme de la formation et de l'apprentissage, qui est passée inaperçue à cause du président lui-même d'ailleurs, et de sa petite phrase sur des salariés de GM&S qui préfèrent manifester, qui préfèrent foutre le bordel plutôt que de chercher du travail, il faut dire qu'il le cherche quand même !
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est tout le contraire. Je pense que c'est grâce au président qu'il y a une relance de l'apprentissage et de la formation professionnelle. Le déplacement que l'on a fait ensemble, avec Muriel PENICAUD et lui, avant-hier dans ce magnifique lieu, qui était à Egletons, en plein territoire rural français, est une illustration de ce qui peut se faire de plus beau en France, c'est-à-dire vous avez une branche professionnelle, les travaux publics, qui crée de l'emploi et qui a su créer un véritable campus où on forme des jeunes pour des emplois, par différents mécanismes, dont l'apprentissage, eh bien c'est ça qu'il a salué…
AUDREY CRESPO-MARA
Mais admettez qu'on a beaucoup parlé de la petite phrase sur le bordel, mais que la réforme, les gens qui nous regardent ce matin ne savent pas ce qu'il y a dans cette réforme…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Eh bien je suis là pour le leur dire.
AUDREY CRESPO-MARA
On va justement en parler.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Je suis là pour leur dire que, très souvent un petit arbre cache la forêt.
AUDREY CRESPO-MARA
Oui, mais cette petite phrase c'est Emmanuel MACRON qui l'a prononcée, ce n'est personne d'autre, il y avait une caméra…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, mais après vous aimez ça…
AUDREY CRESPO-MARA
Non, mais il y avait un pool, ce qu'on appelle un pool, c'est-à-dire une caméra officielle, le président sait qu'il est filmé, et il prononce cette phrase.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Les termes, il a dit, depuis, ce qu'il y avait à dire là-dessus, il regrette la forme elle-même, maintenant ça renvoyait à…
AUDREY CRESPO-MARA
Il regrette le mot « bordel. »
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ça renvoyait à un vrai problème, c'est-à-dire que nous rentrons dans une civilisation où on doit se former tout au long de la vie, c'est vrai de nous tous, et ça peut être une bonne nouvelle. C'est-à-dire que c'est un monde d'opportunités, un monde où il y a de la création d'emplois, mais où nos compétences doivent sans arrêt évoluer, donc la formation tout au long de la vie a de plus en plus d'importance. Quand des entreprises ont des difficultés, eh bien ce qu'on doit chercher c'est évidemment à ce que cette entreprise rebondisse, vive, parfois à ce qu'il y ait des reconversions. C'est le sens de ce qu'il a voulu dire…
AUDREY CRESPO-MARA
Et pour ce qui est de la forme, est-ce qu'il n'y a pas aussi une part de volonté politique ? Finalement, ce franc-parler, à la SARKOZY un peu, peut plaire à la France de droite notamment.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Enfin, non… je pense que le franc-parler plaît à tout le monde, pas spécialement à la France de droite, et par ailleurs les Français ont surtout envie, sur le fond, que les choses changent, ils voient bien que ce président de la République sait ce qu'il fait. Ce qui caractéristique Emmanuel MACRON, si vous voulez, c'est qu'il regarde les problèmes en face, il dit les choses telles qu'elles sont, et ensuite il prend des mesures, qui souvent sont très courageuses. Alors, après, que l'on passe des heures à parler sur des sujets de forme, ou des petites anecdotes, je veux bien, mais ces trois caractéristiques c'est ça qui plaît à la France, à la France de gauche comme à la France de droite, les gens veulent qu'on résolve les problèmes.
AUDREY CRESPO-MARA
Mais dans ce déplacement vous l'accompagniez, vous, donc pour l'Education, avec Muriel PENICAUD, ministre du Travail. Est-ce que vous ne vous êtes pas dit franchement « ça y est, c'est la cata, on ne va retenir que cette petite phrase et on ne va pas parler de la formation » ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, pas du tout, parce qu'en plus je n'avais pas vu que c'était… on marchait, c'est une phrase qui n'avait aucune importance dans l'ensemble de la journée, où des choses bien plus importantes ont été dites. J'invite chacun à regarder sur Internet, aujourd'hui, l'ensemble du discours qu'il a prononcé, qui était excellent, et qui, si vous voulez, ouvre la voie vers le futur. Ne perdons pas tellement de temps sur des petites phrases alors même que ce qui se joue c'est quand même le plein emploi de la France, le rebond de notre économie, l'adéquation entre notre formation et ce que l'économie peut offrir. Autrement dit, aujourd'hui vous avez des entreprises qui offrent des emplois, qui cherchent des employés, en face la formation n'est pas toujours à la hauteur, c'est-à-dire qu'on ne forme pas les gens pour les métiers qui s'ouvrent, ça c'est quand même un très grand sujet, pour le coup, de la vie des Français. C'est ça qui est en train d'être traité en ce moment.
AUDREY CRESPO-MARA
Mais vous savez qu'il y a des mots qui claquent aussi, il y a les fainéants, il y a les illettrés, bon, il y a une certaine cohérence vous me direz, mais… certains y voient une condescendance par rapport au monde ouvrier. A ce monde ouvrier qui voit de la condescendance, vous leur dites quoi ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est tout l'inverse. Et d'ailleurs, vous savez, je parle avec beaucoup de gens, de toutes classes sociales, et au contraire, évidemment que la population voit bien que ce président prend les choses à bras-le-corps et que parfois il nomme des problèmes, et tout le monde sait bien que, oui, en effet, il faut amener à la formation, il faut qu'on crée une dynamique, et c'est, d'une certaine façon, ce que signifie le président, par toutes les façons possibles. Donc, c'est un président en pleine dynamique, en pleine action, encore une fois, qui voit les problèmes, qui les nomme, et qui ensuite propose des solutions et les met en oeuvre. Et, bien entendu, certaines sont populaires, d'autres sont impopulaires, et je pense qu'on ne doit certainement pas s'arrêter à des petites phrases et qu'on doit regarder l'essentiel, et là c'est ce que nous sommes en train de faire.
AUDREY CRESPO-MARA
Alors, parlons du fond, de la réforme. Après la réforme du code du travail, voici le deuxième grand chantier, c'est la réforme de l'apprentissage et de la formation professionnelle. Vous avez des enfants ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui.
AUDREY CRESPO-MARA
Ils ont suivi un apprentissage ou une formation professionnelle ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
La première, par exemple, est en médecine, c'est de l'apprentissage…
AUDREY CRESPO-MARA
Médecine…
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est de l'apprentissage.
AUDREY CRESPO-MARA
Oui, c'est des longues études, c'est 10 ans de… ce n'est pas ce qu'on appelle l'apprentissage.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Voyez, cette question elle est clé, parce qu'il y a des enjeux d'image. Quand on dit l'apprentissage, il n'y a pas toujours une bonne image. Aujourd'hui l'apprentissage, dans l'enseignement supérieur, est très important. Quand vous préparez à la médecine, qu'est-ce que vous faites ? Vous faites de l'apprentissage, vous êtes à moitié à l'hôpital, à moitié en train de suivre un cours.
AUDREY CRESPO-MARA
C'est des études supérieures, on n'appelle pas ça de l'apprentissage.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, mais… désormais, aujourd'hui, vous pouvez très bien commencer par un CAP en apprentissage, ou pas en apprentissage d'ailleurs, dans un lycée professionnel par exemple, ensuite faire un Bac professionnel, ce Bac professionnel peut vous amener à un métier. Hier j'étais dans un lycée professionnel qui prépare à la chaudronnerie, les jeunes qui sont là sont sûrs d'avoir un métier, ils sont sûrs d'avoir un métier après, certains d'être embauchés, c'est quand même énorme. Derrière, certains d'entre eux feront peut-être des études supérieures, un BTS, une licence professionnelle, peut-être que certains le feront à 30 ans, à 40 ans, c'est ça le monde dans lequel nous entrons, et on ne doit pas faire de différence…
AUDREY CRESPO-MARA
Mais quand vous parlez, pardon Jean-Michel BLANQUER, de médecine, on voit bien que ce n'est pas de l'apprentissage, c'est des études supérieures, vous touchez là au problème fondamental…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Si, c'est de l'apprentissage.
AUDREY CRESPO-MARA
Au problème fondamental qui est que, aujourd'hui en France, les parents, quand leurs enfants ont un bon niveau scolaire, les parents les poussent à suivre la filière générale. Comment on fait pour changer les mentalités justement ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est une excellente question, et c'est ça qu'on va changer. Je vous donnais cet exemple d'un campus sur le bâtiment public, eh bien si je vous décris ce que c'est. C'est aujourd'hui, d'abord, dans un lieu plutôt rural, un véritable campus, c'est-à-dire un endroit agréable, qui fait envie, sur un thème où il y a de l'emploi – là c'est le bâtiment public, mais on peut prendre d'autres sujets, on peut prendre les bâtiments, on peut prendre l'hôtellerie restauration, on peut prendre le numérique, on peut prendre la transition écologique, des tas de secteurs qui créent de l'emploi aujourd'hui. Vous mettez à la fois du CAP, du BTS, du Bac pro, de la licence, parce qu'il y a l'université de Limoges, par exemple, qui est présente sur ce campus, les jeunes ont envie de venir, il y a beaucoup de candidats, il y a un internat, bref… il y a même de la recherche, sur les routes intelligentes du futur, vous avez donc tous les ingrédients pour faire envie. Et donc, c'est ce qu'on va faire dans le futur, ce sera aussi ouvert vers l'international, il y aura des grands campus professionnels en France, qui feront envie, et du coup vous vous dirigerez vers l'enseignement professionnel parce que vous avez une raison de le faire, parce qu'il y a un métier qui vous attire.
AUDREY CRESPO-MARA
Je parlais des mentalités et des parents, il y a aussi au collège, on décourage parfois les élèves de suivre ces filières professionnelles. Comment vous faites pour changer ces mentalités-là ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Eh bien c'est cela qu'on va changer, c'est pour ça que tout à l'heure je vous parlais de… d'abord ça doit changer dans nos têtes, et donc, aujourd'hui, par exemple, dans les grandes écoles de commerce, on fait de l'apprentissage, ça s'appelle de l'apprentissage, et c'est de l'apprentissage, c'est financé par l'apprentissage, vous faites la moitié de votre temps en entreprise, la moitié de votre temps dans l'école, tout ceci est positif. C'est-à-dire, l'apprentissage n'est pas quelque chose d'inférieur ou de négatif, l'apprentissage c'est quelque chose qui va du CAP au doctorat, et qui est tout simplement une manière pragmatique d'entrer dans la vie professionnelle puisque la moitié de votre temps vous apprenez, l'autre moitié vous êtes dans une entreprise, dans le monde du travail, et ça vous permet donc de progresser.
AUDREY CRESPO-MARA
Alors, changer les mentalités, et reste à savoir aussi…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Pardon, je tiens à vous dire, les pays qui ont le plein emploi aujourd'hui, ou qui ont quasiment le plein emploi en Europe, comme nos voisins…
AUDREY CRESPO-MARA
Comme l'Allemagne.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Comme l'Allemagne, mais on peut prendre la Suisse…
AUDREY CRESPO-MARA
L'apprentissage est beaucoup plus valorisé.
JEAN-MICHEL BLANQUER
L'apprentissage représente plus de 15 % des jeunes, alors qu'on est en dessous de 10 % en France.
AUDREY CRESPO-MARA
Reste à savoir quelle attitude auront les syndicats. Vous le savez, Jean-Claude MAILLY de Force Ouvrière, Laurent BERGER de la CFDT, sont poussés, ces dernières semaines, par leur base qui leur demande de se radicaliser et de s'opposer davantage à vos réformes. Vous redoutez ce renforcement de la contestation sociale ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, je ne le redoute pas parce que ces sujets-là sont des sujets concrets, qui transcendent les clivages politiques et qui transcendent même les clivages syndicaux, parce que ça touche la vie des Français, les Français savent qu'on a besoin de ça, et les syndicats connaissent leur base, et donc ils savent bien que quand on fait cette réforme de la formation c'est pour les Français, et c'est notamment pour l'emploi des jeunes, c'est ça le sujet fondamental. Donc, je suis persuadé que sur de tels sujets, au contraire, on est capable d'avoir du dialogue social et des réussites, et c'est ce que nous avons engagé.
AUDREY CRESPO-MARA
Ce que reprochent les syndicats c'est que, hormis sur l'éducation, on se souvient du dédoublement des CP qui est fondamental, on ne peut pas dire qu'Emmanuel MACRON gâte vraiment les plus pauvres d'entre nous. Il demande tour à tour des efforts aux étudiants, aux retraités, aux chômeurs.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Quelle est la question ?
AUDREY CRESPO-MARA
Comment on fait pour rétablir une image du président ? Aujourd'hui, le président, c'est le président des riches pour les syndicats, pour la gauche…
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, mais parce que ça, on voit bien, à partir du moment où on commence à faire des réformes, toute une contre-campagne se met en place, de tous ceux qui n'ont pas envie que ça bouge. Donc, on dit la chose la plus infamante dans le paysage français, c'est-à-dire les mots que vous venez d'utiliser, et puis après on essaye d'installer ça. Je ne vais même pas reprendre l'expression tellement elle est faite par ceux qui ont envie que ça ne bouge pas, alors que le président…
AUDREY CRESPO-MARA
Président des riches, mais il donne du sens à la gauche en demandant des efforts aux étudiants, aux retraités et aux chômeurs.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, c'est qu'il y a des gens qui ont envie, en France, que ça ne bouge pas, et dès que ça commence à bouger, dès qu'il y a de l'optimisme, dès qu'on sort de France par exemple, il faut voir l'optimisme qui est mis dans la France aujourd'hui, de toute ma vie je n'ai jamais vu un tel optimisme mis dans la France, Emmanuel MACRON représente cet optimisme. Eh bien il y a des gens, en France, qui n'aiment pas l'optimisme, qui n'aiment pas que ça aille mieux, et qui donc éprouvent le besoin de faire des campagnes de ce type, on ne va certainement pas se laisser impressionner, on va avancer, dans l'intérêt général, et d'abord avec l'attention aux plus fragiles, c'est ce que nous faisons dans tous les domaines.
AUDREY CRESPO-MARA
Alors, il y a une mesure qui – pour faire mentir Philippe MARTINEZ de la CGT notamment, qui parle de président des riches – le ministre Bruno LE MAIRE a laissé entendre que les familles les plus riches pourraient ne plus toucher d'allocations familiales. Est-ce que c'est une mesure qui est sérieusement envisagée par le gouvernement ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Vous savez qu'Agnès BUZYN y travaille, elle travaille sur la question de la politique familiale….
AUDREY CRESPO-MARA
La ministre de la Santé.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Justement les politiques familiales doivent nous permettre d'abord de soutenir notre démographie, de venir en soutien aux familles les plus fragiles, nous réfléchissons de façon globale à cela pour, encore une fois, avoir une vraie politique familiale, efficace.
AUDREY CRESPO-MARA
Donc c'est une mesure envisagée ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ce n'est pas à moi d'en parler, ce n'est pas mon domaine ministériel, mais cela fait partie des sujets qui sont sur la table. En tout cas, ce qui est sur la table, c'est le fait d'avoir des politiques efficaces, c'est vrai pour l'emploi, c'est vrai pour le logement, c'est vrai pour la famille, ce n'est donc pas des diminutions de moyens, c'est une attention aux plus fragiles, une efficacité au service de ceux qui sont le plus en difficulté, en contrepoint des critiques que vous avez rappelées tout à l'heure.
AUDREY CRESPO-MARA
Irma, 1 mois après, vous étiez aux Antilles avec le président de la République, vous aviez promis que les élèves pourraient tous retournés à l'école à la Toussaint, où en êtes-vous, où en est-on ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, vous avez raison de parler de ce sujet qui est très important, et qui d'ailleurs, là aussi, illustre les points précédents. C'est-à-dire, vous avez un président de la République qui est allé tout de suite après, dès que c'était possible et nécessaire, là-bas, qui a restitué l'unité du commandement, j'étais avec lui, c'était un paysage dévasté, où les choses étaient désorganisées.
AUDREY CRESPO-MARA
Et où en est-on aujourd'hui, pour l'école ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
J'y viens. Il a pris en main, personnellement, j'étais avec lui, nous l'avons fait ensemble, chacun des points, même techniques, de la reconstruction. Ensemble on s'est fixé des objectifs. Le premier des objectifs c'est le retour de l'école, parce que dans une société l'école est centrale et c'est ce qui donne le signal de toutes les choses. Eh bien l'engagement a été pris d'un retour à la normale pour les écoles, retour des vacances de la Toussaint, je pense qu'on sera le seul territoire des Caraïbes, touché par Irma, qui réussira cela, parce qu'il y a une mobilisation de toute la France…
AUDREY CRESPO-MARA
Donc, tous les élèves pourront retourner à l'école à la Toussaint ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Nous y travaillons en ce moment-même, nous avons déjà réussi, depuis lundi dernier, à ce que 25 % des élèves rentrent à l'école, la totalité à Saint-Barthélemy, 25 % à Saint-Martin, et jour après jour nous partons à la reconquête des bâtiments, de toutes les ressources nécessaires. Et donc je serai, avec le Premier ministre, au retour des vacances de la Toussaint, pour constater par moi-même qu'on a réussi l'objectif.
AUDREY CRESPO-MARA
Je voudrais vous montrer la Une du Figaro de ce matin, « Féminisme : les délires de l'écriture inclusive », alors c'est cette manière de féminiser tous les mots, qui gagne du terrain à l'université et dans l'administration, une nouvelle concession à un féminisme militant dit Le Figaro. Vous êtes réservé, vous-même, sur l'usage de cette écriture ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Je pense que pour parler de ce genre de choses il faut avoir deux points de repère dans la tête. D'abord, la cause des femmes est extrêmement importante, je suis moi-même engagé là-dedans, je me considère comme un homme féministe, il y a beaucoup à faire pour la cause des femmes, il ne faut pas se tromper sur les outils. Une deuxième considération à avoir, c'est la langue, est-ce que la langue est un outil à notre disposition qu'on peut bouger comme on le veut ? A cette réponse on doit répondre avec beaucoup de délicatesse, à cette question, parce que la langue c'est une histoire, c'est toute une charge, c'est nous-mêmes, la langue c'est notre vie. Et, par ailleurs, cette écriture inclusive elle morcèle les mots. Je ne suis pas certain, alors même que je suis en train de travailler pour que chaque enfant sache lire, écrire, compter, respecter autrui, à la sortie de l'école primaire, je ne suis pas certain qu'on facilite l'apprentissage en voulant généraliser ce type d'usage. Donc je suis très réservé.
AUDREY CRESPO-MARA
Très réservé, ce n'est pas comme ça qu'on lutte pour les femmes, c'est ce que vous nous dites, pour les droits des femmes en tout cas.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Il y a vraiment beaucoup à faire pour la cause des femmes, je ne suis pas sûr que ça commence par le fait de créer des polémiques sur la langue.
AUDREY CRESPO-MARA
Tous les matins je pose une question récurrente, la question off, mais devant les caméras. C'est off, entre nous. Elle est si catastrophique que ça la situation dans l'Education nationale après le passage de Najat VALLAUD-BELKACEM ? En clair, c'est le bordel ou pas ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, je pense qu'il ne faut jamais être dans la caricature. Vous savez, on croit parfois que je suis en train de tout nier de ce qui a été fait auparavant, ce n'est pas vrai, je n'ai jamais fait comme ça, peut-être que parfois d'autres l'ont fait, ça c'est vrai. Moi je distingue ce qui va bien et ce qui ne va pas. Il y a des choses, d'ailleurs, qui procèdent de la longue durée dans l'Education nationale, et qu'il faut parfois consolider, prolonger, par exemple la lutte contre le décrochage est un peu exemple, la communication avec les parents est un sujet qu'on doit approfondir, il y a donc des choses qui doivent obéir à des sillons. Et puis il y avait des choses qu'il fallait changer.
AUDREY CRESPO-MARA
Comme ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Si on prend l'exemple des rythmes scolaires, si vous voulez, vous aviez des endroits où 4,5 jours ça marchait très bien, et d'autres où ça ne marchait pas bien, eh bien on garde 4,5 jours là où ça marche bien, et on passe à 4 jours là où les gens ont envie de passer à autre chose, ça c'est un exemple typique.
AUDREY CRESPO-MARA
Alors ce changement de ligne, par rapport à Najat VALLAUD-BELKACEM, ça vous a valu le départ de votre responsable des programmes, est-ce qu'il a été remplacé et par qui ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Je rencontre le Conseil Supérieur des Programmes dans quelques jours pour discuter avec eux, et pour voir la suite que l'on va donner à cette institution. On a beaucoup de travail dans les années qui viennent sur les programmes notamment pour le lycée, puisqu'il y aura la réforme du baccalauréat, j'ai besoin de voir quelle est la sérénité générale, quelle est la bonne méthode, pour ça j'ai besoin de discuter.
AUDREY CRESPO-MARA
Donc le poste est vacant pour l'instant ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, tout à fait. Je suis à l'écoute des acteurs, pour arriver aux solutions, concrètes, pragmatiques, qui feront progresser l'école. On ne doit pas être dans le dogmatisme, dans les sujets de savoir si le prédécesseur est bon, mauvais, etc., ça, ça ne m'intéresse pas. Ce qui est intéressant c'est de faire progresser l'école, avec beaucoup de bon sens, en regardant ce qui marche bien dans le monde entier et en mettant la France dans sa bonne trajectoire scolaire pour que tous nos enfants sortent de l'école, de l'école primaire, en sachant lire, écrire, compter, respecter autrui, en sortant de l'enseignement secondaire avec toutes les chances dans la vie, pour l'enseignement supérieur, pour l'insertion professionnelle.
AUDREY CRESPO-MARA
Merci beaucoup Jean-Michel BLANQUER.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 9 octobre 2017