Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Notre invité ce matin est Jean-Michel BLANQUER, ministre de l'Education nationale. Bonjour.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous. Avez-vous regardé le président de la République hier soir ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, évidemment.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, évidemment. Un discours ou une interview ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Une interview. C'était une interview comme chacun a pu le voir. Oui, bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Alors quelles informations concrètes avez-vous retenues ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
D'abord, j'ai apprécié qu'il commence par donner comme illustration de la lutte pour plus d'égalité ce que nous avons fait dans l'éducation nationale. Le dédoublement des classes de cours préparatoire par deux en réseau d'éducation prioritaire, c'est typiquement une attaque contre les inégalités sociales à la racine et il l'a donnée comme illustration des choses très concrètes qu'on a été capable de faire en trois mois.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Justement, soyons dans le concret parce que c'est ce qui nous occupe et c'est ce qui préoccupe les auditeurs et les téléspectateurs. Combien de classes de CP dédoublées finalement ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
2 500, ce qui fait 5 000 en tout.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comme prévu ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, tout à fait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
2 500. L'an prochain, CE1.
JEAN-MICHEL BLANQUER
L'an prochain CE1 en réseau d'éducation prioritaire renforcé et les CP en réseau d'éducation prioritaire, parce que vous savez qu'il y a les deux catégories REP et REP+. Cette année on a fait REP+ ; l'année prochaine, on fait les CP de REP et on fait les CE1 de REP+, c'est-à-dire la continuité de
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il va falloir embaucher pour ça ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez embaucher combien d'enseignants ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
On a fait nos calculs. C'est entre 3 500 et 4 000 enseignants nouveaux qui seront dans le premier degré l'an prochain.
JEAN-JACQUES BOURDIN
A la rentrée prochaine.
JEAN-MICHEL BLANQUER
A la rentrée prochaine.
JEAN-JACQUES BOURDIN
3 500, 4 000 enseignants nouveaux.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Entre 3 500 et 4 000, oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. 23 000 contrats aidés supprimés entre septembre et décembre dans l'éducation nationale. Vous confirmez ce chiffre ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Pas tout à fait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est un chiffre syndical.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, mais certaines de ces suppressions dans l'éducation nationale sont des reconversions, c'est-à-dire que certains de ces contrats ont été transformés en ce qu'on appelle des AESH, c'est-à-dire des contrats à durée déterminée plus robustes que des contrats aidés pour l'accueil des élèves en situation de handicap. C'est comme ça qu'on en a crée 8 000 à cette rentrée qui s'ajoutent déjà à 50 000 contrats aidés qui représentent le même chiffre que l'année dernière pour l'accueil des élèves en situation de handicap.
Ça fait 50 000 + 22 000 + 8 000, ça fait 80 000 personnes pour accueillir les élèves en situation de handicap. C'est bien la démonstration que sur un sujet défini comme une priorité, l'accueil des élèves handicapés, on est capable de mettre les moyens tout en faisant cette évolution de politique, c'est-à-dire substituer progressivement ce qu'on fera aussi dans le futur les contrats aidés, les faire remplacer par des contrats plus robustes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Je vais revenir sur ces contrats aidés mais est-ce que des enfants handicapés, Jean-Michel BLANQUER, sont aujourd'hui sans classe et sans enseignant ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Normalement, non.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Normalement, non ? Réellement ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
A ce stade de l'année, il peut rester encore des exceptions, il faut être honnête. Nous avons vocation à les régler au cas par cas. Nous travaillons à cela tous les jours avec la ministre en charge du handicap, Sophie CLUZEL. En général, quand nous avons un problème encore aujourd'hui, c'est souvent un problème de recrutement.
Ce n'est pas que nous n'avons pas les moyens, nous avons des supports. Par exemple au moment où je vous parle, je vous ai dit qu'il y avait 50 000 contrats aidés, tous ne sont pas pourvus parce que tout simplement, parfois on n'a pas le candidat au bon endroit de la bonne façon. Je le dis d'ailleurs pour ceux qui chercheraient encore des postes de contrat aidé. Ça existe. Parfois, on a encore des problèmes aujourd'hui, ils ont vocation à être réglés au cas par cas.
Mais en tout cas, on a beaucoup moins de cas non résolus cette année que l'année dernière à la même époque, et donc nous sommes en train de progresser. Notre but, c'est évidemment que chaque élève en situation de handicap ait une solution.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les évaluations nationales en CP ont eu lieu en septembre. Vous avez les résultats ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non. Non, non. D'abord, nous n'avons pas vocation à avoir les résultats nationaux d'ailleurs. C'est des résultats à l'échelle locale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils sont donnés aux parents et aux élèves.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Tout à fait. Et qui permettent aussi à l'échelle de l'école d'avoir une idée de où en sont les enfants.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et vous avez une idée ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
A ce stade, non, mais j'ai une petite idée si vous préférez. Je pense que nous avons une situation justement d'inégalité entre les enfants parce qu'ils n'arrivent pas avec le même niveau de vocabulaire en cours préparatoire. C'est justement sur cela que nous travaillons en ce moment et c'est à ça que sert l'évaluation. C'est que quand l'on constate que certains prérequis des enfants ne sont pas là, on travaille d'autant plus avec eux au cours de ce premier trimestre pour rattraper ce qui peut l'être et les faire rentrer de manière réussie dans les apprentissages.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Réforme du brevet, fin de troisième ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
800 points, le brevet sera noté sur 800 points, c'est cela ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui. La nouveauté, c'est que c'est 50-50 si vous voulez. C'est-à-dire que nous avons à la fois simplifié et rendu, je pense, plus rigoureuses les choses au sens où c'est 50 % de ce qu'on appelle validation du socle puis 50 % d'examen final. C'est clair. Et puis les quatre matières fondamentales : français, mathématiques, histoire-géographie et sciences. Donc, c'est clair et net, je pense, et en même temps ça nous permet aussi de mettre à l'honneur certaines choses. Par exemple, il y a un retour de l'histoire des arts à l'oral, on passe un oral au brevet. C'est le premier oral que l'on passe de sa vie devant deux professeurs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc on va passer un oral au brevet.
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est déjà le cas, mais simplement on a mis l'histoire des arts.
JEAN-JACQUES BOURDIN
A partir du printemps ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
De juin prochain. Tout à fait, oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Finalement, c'est une préparation au bac, le brevet, si je comprends bien.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Le brevet a son importance. Vous savez, parfois il y a des personnes pour dire avec des arguments que le brevet
JEAN-JACQUES BOURDIN
Certains veulent même le supprimer.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Tout à fait. On parle parfois de supprimer le brevet. Je ne suis pas pour supprimer le brevet, de même que je ne suis pas pour supprimer le baccalauréat. Je pense qu'on a besoin à certains moments de quelque chose qui sert de point de repère et qui indique quelque chose sur ce qu'il faut faire en amont.
Prenez par exemple la grammaire. La grammaire, c'est très important. Parfois, il y a eu des discours dans le passé pour dire que la grammaire, ça n'était pas important. La grammaire, c'est très important. Les enfants dès l'école primaire doivent faire la grammaire de phrases, c'est-à-dire ce qu'on appelle de l'analyse logique, sujet-verbe-complément.
Il est important qu'au brevet, dans l'épreuve de français, il y ait une analyse logique de la phrase. Ça envoie un signal en amont, ce n'est pas que le brevet lui-même.
JEAN-JACQUES BOURDIN
50 % de contrôle continu, 50 % de matières passées à l'examen à la fin de l'année.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Tout à fait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Même chose pour le bac bientôt.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non. Pas tout à fait mais c'est le même esprit, on va dire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est le même esprit, voilà.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ce n'est pas la même chose.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Matières principales, quatre à cinq, l'examen à la fin de l'année, et le reste en contrôle continu.
JEAN-MICHEL BLANQUER
L'engagement présidentiel est bien celui-ci. Simplement, nous allons maintenant commencer une concertation dans quelque temps qui nous permettra au début 2018 de définir précisément ce que sera ce futur
JEAN-JACQUES BOURDIN
Début 2018 ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Pour le baccalauréat, 2021.
JEAN-JACQUES BOURDIN
2021, la nouvelle formule du bac. Comment bien choisir sa filière quand on est au collège ou au lycée ? Comment allez-vous faire ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est un des sujets les plus essentiels de la société française et nous devons énormément progresser sur cette question. Dès la fin du collège, on doit avoir une bien meilleure information que ça n'est le cas aujourd'hui. Nous avons commencé à y travailler depuis que nous sommes arrivés, depuis que ce gouvernement existe. Ça va se traduire dès cette année pour les élèves de Terminale par des éléments nouveaux, notamment plus de conseils au cours de l'année 2017-2018.
Et puis à plus long terme, nous allons développer de meilleures informations pour nos élèves, au collège comme au lycée, notamment pour qu'ils connaissent mieux les filières dans lesquelles ils veulent aller, les taux de réussite, les emplois auxquels cela mène, qu'ils connaissent mieux les entreprises.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils seront guidés en quelque sorte.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ils seront mieux guidés, tout à fait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils seront mieux guidés et on leur dira même : « Il n'est pas question que vous puissiez vous inscrire dans telle ou telle filière à l'université. »
JEAN-MICHEL BLANQUER
On pourra leur dire plutôt : « Avec le profil que vous avez là, vous avez 5 % de chance de réussite, donc on vous conseille d'aller plutôt ailleurs, dans tel endroit, où vous avez 80 % de chance de réussite vu votre profil. »
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc une forme de sélection à l'entrée à l'université.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, non. Une forme de vraie orientation et d'information.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais pourquoi avoir peur de ce mot ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non. Ce qui est très, très important aujourd'hui, et d'ailleurs le président l'a dit hier, c'est que selon votre famille, vous êtes dans une situation d'information complètement différente aujourd'hui. Aujourd'hui, devant les défauts de notre système d'orientation, les familles aisées peuvent compenser cela de différentes manières, ne serait-ce que parce qu'elles connaissent les choses.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien sûr, bien sûr.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Donc notre préoccupation principale n'est pas de fermer des portes, c'est d'ouvrir des portes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors tous les élèves seront informés sur le même niveau ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Je vous donne un exemple. Il y a trois domaines qui sont aujourd'hui particulièrement saturés et qui ont été constitutifs de l'essentiel de ce qu'on a appelé la crise APB au mois de juillet dont nous avons héritée. Ce sont les STAPS, donc l'éducation physique et sportive, la psychologie et le droit en particulier. Si vous prenez le premier exemple, le STAPS, vous avez beaucoup d'élèves en France aujourd'hui
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est l'éducation physique et sportive, le STAPS.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Voilà, le sport. Vous avez beaucoup d'élèves aujourd'hui, et ils ont raison, qui sont passionnés par le sport et qui ont envie d'en faire leur métier. Et donc, ils vont tout naturellement en STAPS mais beaucoup vont échouer parce que c'est très exigeant sur certaines disciplines dans lesquelles les mêmes élèves ne sont pas forcément les plus doués.
Nous allons créer dans le futur une filière métiers du sport avec un bac pro métiers du sport, un BTS métiers du sport et cela permettra aux élèves en question d'avoir une formation plus rapidement, plus concrète et où ils n'échoueront pas, où ils réussiront, et où ils auront un travail à la suite plutôt que d'aller tous en STAPS et d'avoir une bonne partie qui
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais ceux qui veulent quand même aller en STAPS ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Il y en a moins qui iront en STAPS parce que, grâce aux conseils
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous leur direz non.
JEAN-MICHEL BLANQUER
En tout cas, ce qui est certain, c'est que la formule à laquelle on arrivera
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui leur dira non d'ailleurs ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Là, vous poserez la question à ma collègue de l'enseignement supérieur, Frédérique VIDAL, mais ce qui est certain, c'est que nous n'aurons plus un système de sélection absurde qui est celui du tirage au sort. Le tirage au sort est une sélection absurde. Demain, il faut avoir une orientation qui permette une bonne répartition et ainsi d'avoir par exemple, dans l'exemple que je vous donne, quelqu'un qui a son bac pro sport, qui a toutes les chances de réussir dans un BTS métiers du sport plutôt que d'aller en STAPS.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je comprends. On l'oriente, on le conseille, je comprends et tout le monde sera au même niveau. Je comprends très bien. Mais enfin, si l'élève persiste à vouloir aller en STAPS s'il n'a pas
JEAN-MICHEL BLANQUER
On responsabilisera les acteurs, mais la réponse à cette question viendra en son heure quand la concertation sera terminée.
JEAN-JACQUES BOURDIN
« Responsabiliser », ça veut dire quoi « responsabiliser » ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Chacun doit être responsabilisé. Si vous voulez, si on me dit
JEAN-JACQUES BOURDIN
Responsabiliser l'élève, les parents de l'élève ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Moi si on me dit : « Vous avez 5 % de chance de réussir dans tel endroit et 95 % de réussir dans tel autre », je vais plutôt dans le deuxième. Voilà.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La Seine-Saint-Denis, deux lycéens de Gagny ont été interpellés vendredi. L'un a giflé une enseignante, l'autre a filmé la scène, l'agression. Vous avez rencontré l'enseignante qui est évidemment en arrêt de travail, j'imagine terriblement traumatisée par ce qui s'est passé.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Je lui ai parlé au téléphone, c'est une femme très digne et, évidemment, elle a eu la réaction la plus remarquable qui soit.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et des élèves ont même ri dans la classe !
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, oui. J'ai vu tout cela et j'en ai été profondément scandalisé. C'est exactement ce qui ne doit plus se passer, Jean-Jacques BOURDIN. Vous savez, je dis toujours : lire, écrire, compter et respecter autrui. On est aujourd'hui au coeur de l'enjeu de respecter autrui. On a évidemment pris toutes les mesures nécessaires.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quelles sanctions ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ces deux jeunes, 1 : ils passent en conseil de discipline, ça va de soi. Ils ont déjà été exclus temporairement. Donc 1 : ils passent en conseil de discipline ; j'y ai veillé évidemment personnellement. Deuxièmement, ils ont des poursuites pénales. Autrement dit, le maximum est en train d'avoir lieu à leur sujet. La force doit être du côté du droit. Tout le monde doit comprendre cela et on doit le comprendre évidemment dès l'enseignement secondaire, quand des faits comme ceux-ci arrivent.
Le message est très clair. Nous avons réagi évidemment dès que ce fait m'a été signalé et maintenant, les sanctions vont avoir lieu. Les discours qu'il faut tenir seront tenus avec beaucoup de sérénité. Il ne s'agit pas de faire des rodomontades mais c'est très clair : quand des faits aussi graves ont lieu, il doit y avoir une immense solidarité vis-à-vis des victimes et il doit y avoir de l'intransigeance vis-à-vis de ceux qui sont auteurs de cela.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le harcèlement scolaire. Sandrine, une de nos auditrices, vous interroge. Est-ce que vous allez changer la loi sur le harcèlement scolaire, peut-être durcir, renvoyer certains élèves de leur établissement lorsqu'il y a harcèlement ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est un sujet cousin du sujet précédent.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Exactement. C'est pour cela que je vous en parle.
JEAN-MICHEL BLANQUER
On est toujours dans la question du « respecter autrui ». Vous savez, je dis toujours qu'il faut une école de la confiance qui aide à ce que nous ayons une société de la confiance et ça commence d'abord par se respecter les uns, les autres. C'est tout simple mais il faut le dire, le marteler et que ce soit dans l'esprit de tous nos élèves.
Le respect d'autrui, en effet, il est abîmé quand il y a du harcèlement mais ça peut être du tout petit harcèlement. Quand on est quatre ou cinq à se moquer d'un élève seul, c'est du harcèlement et, de nouveau, la force doit être du côté du droit.
Les enjeux de ce côté-là, c'est des enjeux notamment de sensibilisation de tous les adultes qui travaillent en établissement pour être extrêmement vigilants sur chaque début de harcèlement, de façon à y mettre fin tout de suite et à faire honte à ceux qui harcèlent plutôt que ceux qui sont harcelés aient honte.
C'est un point majeur à mes yeux. Nous allons avoir le jeudi 9 novembre prochain la journée de lutte contre le harcèlement. Nous franchirons un cran supplémentaire dans ce que nous ferons.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans la loi ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, ce n'est pas une question de loi. Ce n'est pas une question de loi. Non, non, c'est une question de pratique. C'est extrêmement concret. Il y a des enjeux de formation derrière ça, des enjeux de sensibilisation. C'est des questions de vie quotidienne dans les établissements et, croyez-moi, ça va être une grande priorité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Autre sujet, les vacances. Bientôt les vacances de la Toussaint. Trop longues, vous l'avez dit vous-même. Trop longues, vous l'avez dit ici.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, c'est ce que j'allais vous dire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous dites que c'est même un facteur de décrochage. C'est ce que vous avez dit, on est bien d'accord. Elles sont vraiment trop longues ces vacances.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, mais c'est un sujet sur lequel je ne m'autorise pas un point de vue juste personnel. C'est un sujet qui nécessite de la réflexion collective.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ne revenez pas sur ce que vous avez dit.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, non. Si vous voulez mon point de vue personnel, je l'ai exprimé ici et évidemment je le réitère.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Vous avez dit même : « C'est un sujet que j'ouvrirai de manière précise, plus large, dans les deux mois qui viennent. »
JEAN-MICHEL BLANQUER
Absolument. Merci de me le rappeler. C'est pourquoi nous allons ouvrir cette concertation à laquelle je faisais référence qui est beaucoup plus large, qui sera sur ce qu'on appelle le temps et l'espace de l'enfant et de l'adolescent au XXIème siècle, c'est-à-dire qui va aborder tous ces sujets qui, d'une certaine façon, entourent l'école.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quand ? Comment ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Le temps de sommeil, les vacances, les rythmes, le rapport aux écrans, tous ces sujets-là. C'est à partir du mois prochain, au mois de novembre. Nous ferons ça avec le Conseil économique et social et environnemental. Nous associerons tout le monde associatif, le monde des collectivités locales, syndicales, tous ceux qui dans la société française ont à s'exprimer sur ces questions. Ça durera plusieurs mois parce que c'est des sujets très profonds qu'on peut appeler systémiques dans le sens où tous ces sujets sont
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc concertation réflexion qui va durer plusieurs mois.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Qui durera plusieurs mois parce que c'est un sujet profond pour lequel il n'y a pas de vraie urgence mais pour lequel il y a nécessité d'avoir
JEAN-JACQUES BOURDIN
Une réorganisation de l'année scolaire, du rythme de l'enfant ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ça pourrait être une conséquence. Je ne veux pas préjuger.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Peut-être un jour un texte qui change la loi, qui change le rythme.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, oui. D'ailleurs sur cette question, ça ne relève pas nécessairement de a loi mais, en tout cas, on doit avoir une réflexion en effet sur notre manière de répartir notre temps.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous changerez le rythme scolaire de l'enfant.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Vous savez, il y a soixante millions de points de vue sur ce sujet dans la société française et donc il faut être très attentif. Des grands équilibres sont liés à ça, il faut être respectueux d'ailleurs de tous les points de vue sur cette question parce qu'il y a des arguments assez bons dans plusieurs directions. Néanmoins ce qui est certain, c'est qu'on doit avoir une réflexion approfondie, appuyée d'ailleurs sur des données un peu scientifiques, sur le temps de nos enfants et de nos adolescents.
Le temps change, notre manière d'utiliser notre temps évolue. La révolution numérique a un impact sur la gestion de notre temps. Par exemple, tout ceci doit être pensé, regardé et on ne doit pas prendre des décisions au doigt mouillé. On doit prendre des décisions après très mûre réflexion sur un tel sujet. Il y a des sujets sur lesquels il faut être très rapide tout de suite très concrètement. Il y en a d'autres qui nécessitent un peu plus de durée et c'est normal.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y a un sujet sur lequel vous devez être rapide, c'est le salaire des enseignants parce qu'ils se plaignent et à juste raison parce qu'ils sont mal payés. Et en plus, ils vont avoir la CSG à payer qui va augmenter.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Qui leur sera compensée.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment compensée ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est des sujets que mon collègue Gérald DARMANIN traite en ce moment même. Ça leur sera compensé. Cela dit, j'entends toujours cette .
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. C'est juste compensé quoi.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, c'est juste compensé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
un peu plus
JEAN-MICHEL BLANQUER
Alors, ça dépend de quoi on parle. En pouvoir d'achat, quand on regarde ce qui se passe en termes de progression du pouvoir d'achat des fonctionnaires en général, ce pouvoir d'achat quand même augmente tel que nous l'avons calculé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vous parle des enseignants là.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, oui. A l'intérieur des fonctionnaires
JEAN-JACQUES BOURDIN
Leur pouvoir d'achat progresse.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Les enseignants, c'est la moitié des fonctionnaires de l'Etat.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je ne suis pas certain qu'ils soient satisfaits d'entendre cela.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, mais parce que vous ne m'avez pas laissé développer le raisonnement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors allez-y, allez-y.
JEAN-MICHEL BLANQUER
En réalité, bien sûr qu'il faut qu'on augmente le salaire des professeurs quand on le pourra. C'est une perspective d'avenir que l'on doit dresser de façon pluriannuelle. Il y a 850 000 professeurs en France, donc ça n'est pas un sujet facile sur le plan budgétaire, chacun peut comprendre cela. En revanche, il est normal de faire un diagnostic clair. Aujourd'hui, c'est vrai par exemple dans le premier degré : les professeurs des écoles ne sont pas aussi bien payés qu'ils le devraient.
Nous devons travailler sur cette question. Encore faut-il en avoir les moyens. Nous avons trouvé la situation budgétaire que nous avons donc nous ne pouvons pas faire de miracle à court terme. Et puis, nous devons travailler sur la façon dont ça peut se passer. Je vous donne un exemple. Dès l'année prochaine au mois de septembre prochain, nous commencerons à mettre en place la mesure permettant de donner une prime supplémentaire à ceux qui vont en réseau d'éducation prioritaire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Le point de repère, c'est 3 000 euros mais je vais commencer à rentrer en discussion avec les syndicats sur les modalités exactes de cette mesure.
JEAN-JACQUES BOURDIN
3 000 euros sur l'année, pas par mois. 3 000 euros sur l'année pour aller travailler dans ces zones.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Ce qui est une très belle somme qui évidemment améliorera le pouvoir d'achat des personnes concernées. Mais vous voyez, c'est relié aussi à un enjeu qualitatif. Je pense que le sujet n'est pas seulement d'augmenter l'argent, les choses, c'est aussi d'arriver à ouvrir les carrières des enseignants, à augmenter leur prestige dans notre système.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Une forme de prime au mérite.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, mais leur offrir aussi des perspectives de carrière. Ils en ont aujourd'hui mais on peut faire plus et mieux. Il y a tout le sujet des secondes carrières aussi. Tous ces enjeux de responsabilisation et de prestige des enseignants sont au coeur de mon sujet. Je me considère comme un ministre des professeurs. Mon message à la société française, c'est « « Respectez les professeurs. »
Les professeurs, c'est très important. Ils doivent être au coeur de notre société si on veut que notre société fonctionne bien et il y aura ensuite un cercle vertueux du respect si on respecte les professeurs. C'est ce que je fais en premier en tant que ministre. Je les respecte et j'ai évidemment ce type d'idée sur leur pouvoir d'achat dans le futur mais ça va nécessiter du temps, du travail mais j'y suis tout à fait prêt avec eux.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dernière question, l'écriture inclusive. Pas dans les manuels scolaires ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Je pense que ça n'est pas une bonne idée. Vous savez, là aussi je dis lire, écrire, compter. On doit revenir aux fondamentaux sur le vocabulaire et la grammaire, arriver à ce que les enfants aient une vision claire de la construction d'une phrase. Je trouve que ça ajoute une complexité qui n'est pas nécessaire. Je me considère comme féministe. Il y a des combats que je suis tout à fait en train de mener et prêt à mener en première ligne sur l'égalité homme-femme parce qu'il y a beaucoup à faire. Je ne suis pas certain que ça passe par créer de la confusion sur le langage et même ça crée des polémiques inutiles et ça abîme la cause qui est bonne. La cause, elle est bonne. C'est celle de l'égalité homme-femme bien entendu. Mais je ne pense pas que ce soit le juste combat de mettre ça sur le C'est une façon, finalement, d'abîmer notre langue.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci, Jean-Michel BLANQUER. Merci d'être venu nous voir.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 octobre 2017