Texte intégral
GUILLAUME DURAND
Nous sommes en direct avec Julien DENORMANDIE qui est Secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Cohésion des territoires. D'abord bienvenu. Vous avez de très nombreux dossiers sur la table mais nous sommes face à une crise importante qui est celle de la Corée. Est-ce que votre génération, qui vient d'arriver au pouvoir, est sensibilisée par le président de la République, qui vient de condamner ce tir, à l'idée qu'il pourrait vous tomber sur le dos une crise mondiale ? Qu'elle soit à caractère économique - l'endettement - ou que ce soit une crise militaire comme la Corée ?
JULIEN DENORMANDIE
Bonjour. Effectivement, vous l'avez dit, il y a aujourd'hui des situations qui sont préoccupantes, des situations qu'il nous faut condamner avec énormément de fermeté. C'est ce qu'a fait le président de la République ainsi que Jean-Yves LE DRIAN cette nuit à l'issue de ce nouveau tir de la Corée du Nord. Après, est-ce qu'il faut être inquiet avec un ordre mondial aujourd'hui parfois en déséquilibre ? Chaque génération a vécu des moments de tension, que ce soient des tensions au moment de la Guerre froide, que ce soient des tensions au moment des crises financières. Cela fait partie du quotidien de toutes les générations. Maintenant, qu'est-ce qu'il faut faire ? Il faut agir. C'est ce que fait le président de la République sur la scène internationale dans le cadre de ce qu'on appelle le multilatéralisme, c'est-à-dire parler avec l'ensemble des Etats pour pouvoir trouver des solutions. Parce que c'est par le dialogue, et notamment le dialogue pacifiste, qu'on arrive à faire avancer les dossiers. Il faut être vigilant mais il faut travailler ce sujet.
GUILLAUME DURAND
Julien DENORMANDIE, dans le cadre du déplacement en Afrique, il y a dans la presse de ce matin deux versions des choses. Une première version qui consiste à dire que tout cela est extrêmement nouveau, ce dialogue avec les jeunes. Et en même temps, certains considèrent que, de toute façon, dans la façon dont il s'est adressé aux jeunes, il y avait aussi une certaine forme de paternalisme qui aurait un peu vexé le président burkinabé. Est-ce que c'est un MACRON qui libère la parole, qui en finit avec la Françafrique ? Ou un MACRON qui finalement la maintient d'une manière déguisée sous forme de paternalisme ?
JULIEN DENORMANDIE
Non. Je pense qu'une véritable page est tournée. Je pense qu'effectivement cette page de la Françafrique est derrière nous. Le président de la République appartient à une génération qui effectivement n'a pas connu la colonisation. C'est ce qu'il indiquait hier. Moi, j'ai énormément travaillé en Afrique, j'y ai même vécu plusieurs années. Aujourd'hui, nous avons une relation avec l'Afrique qui doit être tournée vers l'avenir. Il faut arrêter de regarder le continent africain parfois avec condescendance, surtout avec un passé qui nous empêche parfois voire souvent de pouvoir mener à bien un certain nombre de projets. Les Africains aujourd'hui qu'est-ce qu'ils nous disent ? Ils nous disent : « Vous savez, vous êtes dans une relation avec nous qui est une relation où bien d'autres viennent nous voir. Les Chinois, les Japonais, les Américains. Aujourd'hui, vous êtes dans une sphère mondiale avec beaucoup d'Etats qui sont intéressés par notre continent. »
GUILLAUME DURAND
Vous connaissez l'Afrique : il y a beaucoup de chefs d'Etat qui ont vécu justement toutes les formes possibles et imaginables de Françafrique, qui peuvent être des Françafrique politiques, traditionnelles, ou des Françafrique qui sont menées par les entreprises françaises qui sont installées sur ce continent, que vous connaissez, depuis des années.
JULIEN DENORMANDIE
Mais ces situations-là, elles ne sont plus des situations acceptables. Il faut changer justement cette relation que nous avons pu avoir avec l'Afrique pendant des décennies. Il faut la refonder sur des bases qui seront des bases tournées vers l'avenir. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que quand vous êtes des entreprises, notamment des entreprises françaises, comprendre que quand vous allez sur le continent africain, vous êtes en compétition avec d'autres types d'entreprises. Ça veut dire qu'il faut être les plus performants possibles, ça veut dire qu'il faut faire ce qu'on appelle du développement local. Ça ne peut plus exister une entreprise qui vient sur le continent africain et qui dit : « Moi, je veux faire ça, ça et ça et c'est moi qui décide. » Non. Quand vous menez un projet, c'est un projet de partenariat.
GUILLAUME DURAND
Donc c'est le mot qu'on ne prononce pas : plus de corruption. Parce qu'en fait, c'est aussi ça le problème.
JULIEN DENORMANDIE
Mais totalement, et le président de la République hier l'a mentionné très clairement dans son discours. Très clairement. Aujourd'hui avec le continent africain, ce qui est très intéressant, c'est que nous avons des défis en commun. Le défi du changement climatique, le continent africain en est l'un des premiers concernés ; le défi démographique ; et puis le défi de ce développement économique. L'Afrique par exemple, c'est une formidable terre d'opportunités pour toute la France, avec des actifs qui sont essentiels. Je prends la francophonie.
GUILLAUME DURAND
A terme peut-être sept cents millions. Le continent africain l'a confirmé c'est 700 millions en France, trois cents millions pour l'instant.
JULIEN DENORMANDIE
C'est un continent qui demain contiendra sept cents millions de personnes qui parleront la même langue que nous. Ça veut dire que vous pouvez avoir des projets culturels très forts, des projets économiques très importants, et surtout une nécessité de travailler en partenariat. Parce qu'encore une fois, je le répète, nous avons des défis en commun à mener avec le continent africain.
GUILLAUME DURAND
Je rappelle donc que le voyage se poursuit en Côte d'Ivoire et au Ghana. Un dossier qui vous concerne directement, c'est l'affaire du tribunal administratif qui vient de mettre fin à l'encadrement des loyers, considérant que ça ne pouvait pas simplement concerner Paris mais qu'il fallait que ce soit étendu à l'ensemble de la région parisienne. Tout cela concerne quatre cent douze communes. Evidemment, tout le monde se demande ce matin ce que va faire le gouvernement dans cette affaire. Le gouvernement d'une certaine manière c'est vous. Est-ce que vous allez faire appel et vous adresser au tribunal administratif ce matin ?
JULIEN DENORMANDIE
Je vous le confirme, le gouvernement va faire appel. Le gouvernement va faire appel de la décision du tribunal administratif de Paris ; pourquoi ? Aujourd'hui l'encadrement des loyers existe dans deux villes, à Lille et à Paris. Le tribunal administratif de Lille, il y a quelques jours, et de Paris hier, ont décidé de mettre fin à cet encadrement des loyers pour des raisons très techniques que je n'évoquerai pas ici mais qui se résument dans ce que vous avez dit, c'est-à-dire le périmètre d'action de la disposition. Le gouvernement va faire appel. L'encadrement des loyers aujourd'hui, on ne sait pas si ça marche ou si ça ne marche pas.
GUILLAUME DURAND
Mais il y a beaucoup de propriétaires qui ne le respectent pas.
JULIEN DENORMANDIE
Il y a beaucoup de propriétaires qui ne le respectent pas.
GUILLAUME DURAND
Toutes les associations de propriétaires sont très contentes que ça explose.
JULIEN DENORMANDIE
On est bien d'accord. Ces recours auprès du tribunal administratif sont portés par justement ces associations de propriétaires ou de promoteurs. Mais quand vous regardez les différentes études qui sont publiées sur le sujet, aujourd'hui les loyers ont été, depuis le début de l'année 2017, contenus sur Paris. En revanche, ils ont continué à augmenter sur Lille. Donc on le voit bien, c'est très difficile de savoir si oui ou non l'encadrement des loyers marche. Pour autant, il faut aller au bout de l'expérimentation. Il y avait une loi qui s'appelle la loi Alur qui, en 2015,
GUILLAUME DURAND
Oui. Cécile DUFLOT ce matin sur France Inter a dit : « Il faut aller au-delà de l'expérimentation, au-delà de Paris. C'est une bonne mesure, il faut que le gouvernement tienne parole. »
JULIEN DENORMANDIE
Exactement.
GUILLAUME DURAND
Vous lui répondriez quoi ce matin ?
JULIEN DENORMANDIE
Je lui répondrai que ce qu'on essaye de faire, c'est de faire en sorte que la loi qui a été définie par madame DUFLOT, notamment dans le cadre de la loi Alur, puisse être mise en oeuvre convenablement aujourd'hui. On fait appel parce qu'il faut aller au bout de cette expérimentation. Il faut savoir si oui ou non, l'encadrement des loyers marche. Aujourd'hui, on n'est pas en mesure parce qu'il n'y a pas suffisamment de recul pour le savoir. Mais il ne faut pas s'arrêter, il faut aller au bout de cette expérimentation. Donc le gouvernement va faire appel de la décision du tribunal administratif de Paris qui a été rendu hier. Je vous le confirme.
GUILLAUME DURAND
Concernant le numérique, pour que cette cohésion des territoires soit une réalité, beaucoup de gens considèrent qu'il faut que ça passe par le numérique. Il y a eu toute la période Tapie et la période Borloo. Enfin, il y a eu beaucoup, dans le domaine de la politique de la ville, des périodes différentes qui ont été personnalisées par des gens y compris Michel DELEBARRE à un moment qui était un socialiste important du Nord. Au fond, la version qui est la vôtre de cette bataille de l'inégalité des territoires repose sur quelle action ?
JULIEN DENORMANDIE
Elle repose notamment sur le numérique mais pas que. Vous savez, les territoires sont très différents les uns des autres. Vous parliez tout à l'heure des actions fabuleuses, par exemple, faites par Jean-Louis BORLOO dans ce qu'on appelle les quartiers avec la rénovation urbaine.
GUILLAUME DURAND
Et les destructions des barres même, parfois à Valenciennes.
JULIEN DENORMANDIE
Permettre justement de détruire certains immeubles qui sont insalubres pour pouvoir les reconstruire et améliorer le cadre de vie de ceux qui y vivent. Aujourd'hui, on est face à un défi qui est qu'il existe des fractures territoriales. Ces fractures territoriales, elles sont de plus en plus fortes. L'un des facteurs de ces fractures territoriales, c'est notamment le numérique. En France, vous n'avez qu'un Français sur deux qui a accès au très haut débit.
GUILLAUME DURAND
Et alors, on fait quoi ce matin ?
JULIEN DENORMANDIE
Qu'est-ce qu'on fait ? Très concrètement, cela fait quatre mois et demi qu'on travaille avec l'ensemble des opérateurs de téléphonie mobile et de déploiement du numérique pour faire trois choses. La première, il faut plus investir. Pourquoi aujourd'hui on n'a qu'un Français sur deux qui a accès au numérique ? Parce qu'on n'investit pas suffisamment. Nous sommes donc dans une négociation financière avec l'ensemble des opérateurs pour investir plus. Deuxièmement, il faut plus de transparence.
GUILLAUME DURAND
Et ils vont le faire ou pas ?
JULIEN DENORMANDIE
Ils vont le faire. On est en plein dans la négociation.
GUILLAUME DURAND
ORANGE, SFR. J'ai lu comme beaucoup de gens dans Vanity fair un grand article où on voit que Xavier NIEL est très proche du président de la République. Est-ce que par exemple des conversations avec lui ont déjà abouti à des résultats pour FREE ?
JULIEN DENORMANDIE
Xavier NIEL, pour citer cette personne mais aussi Stéphane RICHARD qui est le président d'ORANGE, j'étais avec eux deux il y a deux semaines en Mayenne pour inaugurer la mise en place du très haut débit sur l'ensemble du département. Donc oui, les résultats commencent et ils sont déjà là. Toute la Mayenne sera avant 2022 connectée pour l'ensemble de ses habitants au très haut débit. Parce qu'ORANGE, parce que FREE accélèrent leurs investissements là-bas. La deuxième chose qu'il faut, c'est de la transparence. Vous savez, quand vous prenez la téléphonie mobile, ce qui est extraordinaire, c'est qu'aujourd'hui officiellement vous avec 98,8 % des Français qui ont accès à de la bonne téléphonie mobile. Je pense que si vous demandiez à l'ensemble des Français s'ils considèrent ou non être bien connectés à la téléphonie mobile
GUILLAUME DURAND
Il y a des régions, vous savez, où il y a des trous noirs.
JULIEN DENORMANDIE
Exactement. La grande majorité vous diront : « Ces chiffres, je n'y crois pas parce qu'objectivement, j'ai l'impression de ne pas toujours avoir les barres son mon téléphone. » Et donc, il faut plus de transparence avec des chiffres qui soient des chiffres remontés du terrain.
GUILLAUME DURAND
Mais est-ce que c'est ça qui peut aboutir à, par exemple dans des régions où dans des départements comme la Seine-Saint-Denis, à la diminution du chômage qui est à 20 % ?
JULIEN DENORMANDIE
Mais vous savez, aujourd'hui quels sont les débats de société que nous avons ? C'est par exemple le télétravail ; c'est par exemple la télémédecine pour lutter contre les déserts médicaux ; c'est demain la voiture connectée. Et tout ça, le numérique en fait est un facteur de mobilité. Or pour trouver du travail, vous avez besoin de mobilité. Si vous n'apportez pas le numérique à tout le monde, on le voit bien, vous avez des France à plusieurs vitesses qui vont se créer. Donc c'est inacceptable et notre engagement, il est très ferme, nous sommes en train de finir les négociations. C'est du bon débit pour tous les Français en 2020 et du très haut débit pour tous les Français en 2022.
GUILLAUME DURAND
J'ai beaucoup de questions mais, malheureusement, nous arrivons au terme et cette question est aussi importante. Les agriculteurs n'ont pas vraiment apprécié les déclarations d'Emmanuel MACRON sur l'affaire du glyphosate. Trois ans et non pas cinq comme le voulait Bruxelles parce qu'ils disent : « Mais qu'est-ce qu'on va faire si on ne trouve rien dans les trois ans ? » Là aussi, on est sur les territoires ruraux mais ça vous concerne aussi. Vous leur répondriez quoi ce matin ? Parce qu'ils sont inquiets, d'ailleurs les syndicats sont même carrément hostiles.
JULIEN DENORMANDIE
Oui. Le milieu de l'agriculture est un milieu que je connais particulièrement bien, je suis moi-même ingénieur agronome. Vous voyez, j'ai fait toutes mes études dans l'agriculture. Je comprends leur inquiétude, évidemment il faut entendre leur inquiétude. Après, qu'est ce que dit le président de la République ? C'est que nous avons trois ans, et on sera intraitable sur ce délai, nous avons trois ans pour trouver des substituts au glyphosate.
GUILLAUME DURAND
Mais c'est possible pour justement l'ingénieur agronome que vous êtes de trouver d'ici trois ans un substitut ?
JULIEN DENORMANDIE
En France, on a des instituts qui sont absolument formidables et qui sont à la pointe mondiale de la recherche sur tous ces sujets. Je ne vais vous en prendre qu'un : l'INRA, l'Institut national de la recherche agronomique de renommée mondiale. On a des chercheurs aujourd'hui en France, on a des ingénieurs aujourd'hui en France qui sont à la tâche pour trouver des substituts et je leur fais confiance.
GUILLAUME DURAND
La dernière question est toute simple. Je parlais de Vanity Fair parce que non seulement on parle des relations et de la fascination qu'exerceraient sur Emmanuel MACRON Xavier NIEL et les grands patrons du monde, mais ce n'est pas le sujet. Il y a le énième papier sur la génération qui est la vôtre au pouvoir, cela nous ramène à la première question. Les jeunes loups qui sont autour d'Emmanuel MACRON, vous n'en avez pas marre d'être définis comme des jeunes loups en gros prêts à tout et qui dirigez à quatre ou cinq la France ?
JULIEN DENORMANDIE
Déjà si vous me permettez, je conteste ce que vous avez indiqué au début avec un président de la République qui pourrait être dans du copinage ou avoir des relations, parce qu'objectivement pour bien connaître le président de la République
GUILLAUME DURAND
Je n'ai jamais dit ça.
JULIEN DENORMANDIE
Vous savez, ce que nous avons créé avec le mouvement politique En Marche, est quelque chose de nouveau qui fait que nous sommes au pouvoir aujourd'hui et on ne doit rien à personne. Rien à personne. Donc on agit sans aucune pression venant de quiconque. Aucune pression. Après, votre question sur la génération Macron.
GUILLAUME DURAND
Enfin, les proches de MACRON, quoi.
JULIEN DENORMANDIE
Oui. Moi, j'ai fait toute la campagne présidentielle. J'ai fait partie de ceux qui ont crée le mouvement En Marche. On a souvent eu une critique qui consistait à dire : « Vous êtes un petit cercle, une bande. » Effectivement quand on a crée En Marche en avril 2016, on était une poignée, on était moins de cinq. On a fini, quand je pilotais le mouvement, on était plus de cent salariés, plus de trois mille cinq cents correspondants partout sur le territoire, plus de deux cent soixante mille adhérents. On est à quatre cent mille aujourd'hui. Cette petite bande, elle était peut-être là au tout début, en avril 2016, mais quand vous prenez aujourd'hui novembre 2017, elle s'est très, très, très largement élargie.
GUILLAUME DURAND
De toute façon, dans l'Histoire politique ç'a toujours existé. Il y avait des Gaullistes avec le général de GAULLE très proches et des Mitterrandistes avec François MITTERRAND. Tout le monde se souvient de la remontée du Panthéon, de tous ceux qui étaient autour de François MITTERRAND. C'est la logique aussi de la politique. Petit clin d'oeil à Jacques CHIRAC puisqu'il a quatre-vingt-cinq ans aujourd'hui ; il a dirigé le pays pendant quand même deux septennats. Merci Julien DENORMANDIE d'être venu sur l'antenne de Radio Classique ce matin.
JULIEN DENORMANDIE
Merci à vous. Merci beaucoup.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 1er décembre 2017