Texte intégral
JULIE LECLERC
Patrick COHEN, vous recevez ce matin la secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes.
PATRICK COHEN
Bonjour Marlène SCHIAPPA.
MARLENE SCHIAPPA
Bonjour.
PATRICK COHEN
Le plan Macron contre les violences faites aux femmes, qui a été présenté samedi, a été très largement salué, on va revenir sur quelques-uns de ses aspects, dans un instant, mais vous voyez, entendez, la principale critique qui vous est faites : quels sont les moyens, où est l'argent ? Grande cause, petit budget.
MARLENE SCHIAPPA
Eh bien d'abord c'est faux, il y a une augmentation du budget consacré au droit des femmes jusqu'à 30 millions, c'est son record historique, et en inter ministérialité, il y a plus de 400 millions pour l'année 2018, qui sont dégagés. De surcroit, le président a annoncé beaucoup de mesures qui seront financées en plus par de l'inter ministériel, je pense par exemple à la prise en charge des soins psycho-trauma, notamment.
PATRICK COHEN
Oui, alors, moi j'ai regardé les chiffres, votre budget il augmente très faiblement, 99 000 en plus, exactement, on passe de 29 772 000 à 29 871 000.
MARLENE SCHIAPPA
Alors, nous, on n'était pas à 29 millions. Non.
PATRICK COHEN
C'est le document de la loi de finances.
MARLENE SCHIAPPA
Alors, justement, c'est intéressant parce que la loi de finances, elle ne correspond pas forcément à ce qui a été exécuté, c'est pour ça que la Cour des Comptes a dit que le précédent budget était insincère. Vous pouvez voter des budgets très hauts, je peux voter un milliard pour un sujet et dépenser 25 .
PATRICK COHEN
Ça c'est ce qui a été exécuté, « crédit de paiement », c'est la ligne.
MARLENE SCHIAPPA
Qui a été exécuté, c'est 23 millions, à peu près.
PATRICK COHEN
29 772 000, c'est le document du ... 2018.
MARLENE SCHIAPPA
Pas sur cette année. 2018 c'est pour ce qui a été voté.
PATRICK COHEN
2017 est voté 29 871 000, ça fait une augmentation 100 000 .
MARLENE SCHIAPPA
Mais n'est pas exécuté 29 millions.
PATRICK COHEN
Bon, et sur les crédits d'ensemble sur l'égalité entre les femmes et les hommes, ce ne sont pas des crédits spécifiques, ce sont, on ajoute des crédits qui viennent de différents ministères.
MARLENE SCHIAPPA
Bien sûr, mais rien n'est spécifique, il faut bien comprendre qu'on est dans un sujet profondément interministériel. Quand on parle par exemple des unités médico-judiciaires qui vont prélever l'épreuve de viol dans les hôpitaux directement, ça n'est pas quelque chose de spécifique sur l'égalité, c'est quelque chose qui concerne la justice, qui concerne la santé. Quand on parle du téléphone d'alerte « Grave danger », ce téléphone que l'on donne aux femmes victimes de violences pour qu'elles puissent appeler à l'aide en appuyant simplement sur un bouton, on parle de 900 000 , c'est 900 000 du budget de la justice, pas du budget des droits des femmes.
PATRICK COHEN
Mais quand vous notez 120 millions et quelques au titre de l'enseignement scolaire, public, du premier et du second degré, en fait c'est une partie du salaire des profs que l'on calcule comme ça, les profs passent 0,6 % de leur temps à la promotion pour l'égalité hommes/femmes, donc on prend 0,6 % de leur salaire et ça fait 64 millions. C'est bizarre de compter comme ça.
MARLENE SCHIAPPA
Alors là on peut débattre de la manière dont on fait des finances publiques, mais je pense que Gérald DARMANIN sera plus qualifié pour vous répondre sur la manière dont on crée les finances publiques et dont on divise le salaire des professeurs pour les répartir, thème par thème.
PATRICK COHEN
Bon, alors, venons-en au projet de loi que vous présenterez l'an prochain avec la garde des Sceaux. 15 ans pour l'âge de consentement minimal à un acte sexuel, c'est la conviction d'Emmanuel MACRON, c'est aussi la vôtre, Marlène SCHIAPPA, plutôt que 13 ou 14 ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui, moi j'avais eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, à titre personnel je suis plutôt sur 15 ans, je trouve qu'il y a une cohérence à l'aligner avec la majorité sexuelle. Au demeurant, il me semble que c'est une opinion qui est plutôt largement partagée dans l'opinion publique et également par des parlementaires, mais le débat se poursuit et on continue à écouter bien évidemment tout le monde.
PATRICK COHEN
Donc le débat sera ouvert au Parlement, notamment, au moment de la discussion du projet et loi.
MARLENE SCHIAPPA
Oui, le débat se fait par un tour de France de l'égalité femmes/hommes, avec des ateliers partout en France, et ensuite, bien sûr, au Parlement.
PATRICK COHEN
Ça veut dire qu'un garçon de 18 ans, qui entretient une relation consentie et consentante avec une jeune fille de 14 ans ou de 15 ans, pourra faire l'objet d'une plainte ou d'une poursuite ?
MARLENE SCHIAPPA
C'est l'écueil, justement, et ça nous oblige à nous rappeler qu'est-ce qui définit le viol et qu'est-ce qui définit le consentement dans le rapport sexuel. Dans l'hypothèse où il y aurait quelqu'un de 18 ans et deux jours et quelqu'un de 14 ans ¾, qui auraient une relation, pour que cette personne soit condamnée pour viol, ça veut dire, un, qu'il faudrait que quelqu'un dépose une plainte, et deux, il y a une appréciation qui est laissée bien évidemment à chaque juge, si le juge constate que c'est une relation amoureuse, consentie, etc., il n'y aura pas de condamnation.
PATRICK COHEN
Parlons de la prescription dont le délai a déjà doublé il y a six mois, puisque pour les crimes on est passé de 10 à 20 ans, la loi a été promulguée en février. Pour les victimes mineures, de violences sexuelles, vous voulez que ça passe de 20 à 30 ans.
MARLENE SCHIAPPA
Absolument, c'était une recommandation de la Mission de consensus qui avait été présidée l'année dernière par Flavie FLAMENT et le magistrat Jacques CALMETTES. L'idée c'est de permettre aux victimes de crimes sexuels sur mineurs, de pouvoir avoir 10 ans de plus pour déposer plainte, notamment pour les cas d'amnésie traumatique, quand la mémoire leur revient plus tard.
PATRICK COHEN
Mais le paradoxe c'est qu'au moment où on voit que la parole se libère, on va décider, on pourrait décider que cette parole pourra attendre 30 ans avant de se révéler ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui, il y a des cas dans lesquels d'abord la mémoire ne revient que tard pour ces phénomènes d'amnésie traumatique, et d'état de sidération que j'évoquais. Ensuite, il y a des cas dans lesquels les victimes ne se sentent pas armées pour déposer des plaintes, quand elles ont 20, 25 ans, elles construisent d'abord leur vie, et ensuite il leur semble parfois, dans certains cas, important de judiciariser ce qu'ils ont vécu.
PATRICK COHEN
Les poursuivis, les suspects potentiels, eux aussi, ont pu reconstruire leur vie ou, la meilleure solution, ça reste d'encourager quand même les plaignants, les victimes, à poursuivre au plus vite.
MARLENE SCHIAPPA
L'idée ce n'est pas d'encourager, moi je ne fais pas partie des gens qui donnent cette injonction de déposer plainte, je pense que le dépôt de plainte c'est une étape, il faut se sentir près quand on va déposer plainte, quel que soit le sujet, au demeurant, et particulièrement sur ces sujets, profondément intimes, donc ce n'est pas un encouragement de notre part, c'est une possibilité, une porte qui est ouverte pour ces victimes.
PATRICK COHEN
Il y a un mot qui a choqué certaines militantes féministes, certaines associations, prononcé par Emmanuel MACRON, c'est le mot délation, il l'a prononcé trois fois dans son discours de samedi, « Je ne veux pas d'une société de délation », qu'est ce qu'il a voulu dire ?
MARLENE SCHIAPPA
Je pense qu'il a voulu dire que l'on est dans un état de droit et que la justice, elle se fait dans les tribunaux et pas forcément dans la Presse ou devant le tout venant, mais je pense qu'il a prononcé effectivement quelques phrases à cet égard, pour rappeler l'état de droit, rappeler la présomption d'innocence, mais je pense que c'était pas l'essentiel de son discours, il a passé plusieurs heures, je ne sais plus combien exactement, à parler, à rendre un hommage national, à faire une minute de silence pour les femmes mortes sous les coups de leur conjoint, et ça c'est quelque chose qui est extrêmement fort.
PATRICK COHEN
Mais la délation, ça peut être une pente dangereuse, un risque dans ce qui est en train de se passer en ce moment pour la parole des femmes contre les violences sexuelles ?
MARLENE SCHIAPPA
Je ne l'observe pas jusqu'à présent, parce que tous les noms qui ont été donnés sur les réseaux sociaux, me semble-t-il, ont fait l'objet ensuite de plaintes, donc la justice va passer et c'est une bonne chose, maintenant je l'ai toujours dit, la présomption d'innocence s'applique à tout le monde, aux députés, à Tariq RAMADAN, au voisin d'en face, elle s'applique à tout le monde, c'est ce qui fonde l'état de droit.
PATRICK COHEN
Les harcèlements de rue, alors ça été rebaptisé sous une autre forme.
MARLENE SCHIAPPA
Outrage sexiste.
PATRICK COHEN
Outrage sexiste. Comment est-ce que vous imaginez que ça pourrait être appliqué, concrètement, une fois entré dans la loi ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors, il y a deux choses. D'abord, effectivement, cette application concrète que vous soulignez, là les forces de l'ordre, et Gérard COLLOMB a indiqué qu'il y aurait 10 000 policiers de la sécurité du quotidien qui seraient recrutés, les forces de l'ordre mettraient des amendes en flagrant délit, dès lors qu'ils observeraient des phénomènes de harcèlement de rue. Ça c'est pour l'aspect concret. Ensuite il y a, bien évidemment, un aspect pdagogique, un aspect symbolique, on sait qu'il n'y aura pas un policier derrière chaque harcèlement de rue, mais idée c'est que les lois de la République française inscrivent noir sur blanc qu'il est interdit d'intimider des femmes dans l'espace public.
PATRICK COHEN
Bon, et ça pourrait être constaté, comme ça, sur le champ, dans la rue ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui, moi je pense que nous sommes en train de travailler avec les forces de l'ordre, il y a un groupe de travail de cinq députés, de tous groupes politiques, qui planche pour définir le harcèlement de rue ou l'outrage sexiste, les forces de l'ordre sont auditionnées, font partie de la définition, ensuite il faudra qu'ils s'en emparent, mais le président de la République a indiqué que ce serait une des priorités de cette police de proximité du quotidien, de sécurité du quotidien.
PATRICK COHEN
Pour porter cette grande cause nationale telle que l'a décrété le président de la République samedi, il n'aurait pas fallu un ministre, une ministre de plein exercice, vous n'avez pas espéré devenir un ministre et non plus secrétaire d'Etat à la faveur du remaniement, Marlène SCHIAPPA ?
MARLENE SCHIAPPA
Non, moi je n'ai pas le temps de me poser ce genre de question, en revanche...
PATRICK COHEN
Vous êtes sûre ?
MARLENE SCHIAPPA
Non non, vraiment, je suis sûre, honnêtement des séquences et des annonces très fortes, comme le président la République a fait hier, ça veut dire que derrière il y a un énorme travail interministériel, ce n'est pas décidé en deux jours, ni même en deux semaines ni même en deux mois, de faire toutes les mesures que le président la République a annoncées, c'est-à-dire que tout le gouvernement est mobilisé depuis des mois pour travailler, pour étudier quelles sont les mesures les plus efficaces, pour les chiffrer et pour ensuite travailler à leur mise en oeuvre.
PATRICK COHEN
Et vous n'avez pas réclamé des moyens supplémentaires à ce moment-là ?
MARLENE SCHIAPPA
J'ai réclamé des moyens supplémentaires, je les ai obtenus puisqu'il y a une augmentation du budget et une augmentation du budget interministériel.
PATRICK COHEN
Pardon, mais elle est ridicule cette augmentation, Marlène SCHIAPPA.
MARLENE SCHIAPPA
Mais non, ce n'est pas vrai. Quand on passe de 22 millions à 30 millions ce n'est pas ridicule. Moi je voudrais revenir...
PATRICK COHEN
Non non, 22 millions c'était l'année d'avant, pardon, excusez-moi, mais les chiffres sont là.
MARLENE SCHIAPPA
Eh bien oui, les chiffres sont là, on passe de 22 millions à 30 millions.
PATRICK COHEN
22 millions, c'était l'année 2016, pas l'année 2017.
MARLENE SCHIAPPA
Non, c'est ce qui a été exécuté en 2017. Regardez ce qui a été dépensé, pas ce qui a été voté, je vous renvoie à la Cour des comptes. Maintenant j'en profite pour prciser quelque chose. J'entends partout dire : l'Espagne c'est formidable, ils mettent un milliard d'euros sur la table, pourquoi la France ne met pas un milliard d'euros ? Je voudrais rappeler, parce que l'herbe est toujours plus verte ailleurs, je voudrais rappeler qu'en Espagne on met un milliard d'euros, on promet en tout cas, ils ne sont pas engagés ces crédits, on promet un milliard d'euros sur 5 ans, ce qui fait 200 millions par an nous on est à 400 millions sur l'interministériel, donc je pense qu'il faut à un moment être lucide et regarder la réalité des chiffres.
PATRICK COHEN
Bon. Vous avez toute liberté pour tweeter ou vous vous êtes faite taper sur les doigts pour votre façon d'être un peu, de croiser le fer avec certaines militantes, certaines activistes, etc. on vous a vu très vindicative...
MARLENE SCHIAPPA
PATRICK COHEN
Oui oui, ce week-end, encore.
MARLENE SCHIAPPA
Non, pas du tout, ce week-end j'ai été interpelée sur un certain nombre de sujets, et on essayait de me monter contre des associations féministes, j'ai simplement rétabli la vérité, sans croiser le fer particulièrement...
PATRICK COHEN
Avec Caroline de HAAS, si, par exemple.
MARLENE SCHIAPPA
Non non, j'ai simplement rappelé, vous pouvez regarder mon tweet, je n'ai pas croisé le fer, j'ai rappelé que je ne mettais pas en cause les associations féministes, que je mettais en cause l'instrumentalisation qui était faite par certains opposants politiques de ce sujet, tout simplement.
PATRICK COHEN
Instrumentalisation.
MARLENE SCHIAPPA
Oui.
PATRICK COHEN
Politique.
MARLENE SCHIAPPA
Oui.
PATRICK COHEN
Merci Marlène SCHIAPPA.
MARLENE SCHIAPPA
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 novembre 2017