Interview de Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'Etat à l'égalité entre les femmes et les hommes à France-Info le 28 novembre 2017, sur l'égalité professionnelle et la lutte contre les violences faites aux femmes.

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Média : France Info

Texte intégral


BRUCE TOUSSAINT
Notre invitée ce matin est Marlène SCHIAPPA, secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Marlène SCHIAPPA.
MARLENE SCHIAPPA
Bonjour.
JEAN-MICHEL APHATIE
Les débats autour de l'égalité entre les femmes est les hommes sont nombreux dans l'actualité et dans la société française, mais avant il y a un peu d'actualité politique sur laquelle on aimerait vous entendre, Marlène SCHIAPPA. Thierry SOLERE a été élu, au début de la législature, comme questeur à l'Assemblée nationale, questeur représentant l'opposition, et puis dimanche on apprend qu'il adhère à la République En Marche, d'où, ce qui paraît une évidence, vous allez démissionner de la questure Monsieur SOLERE ? Ecoutez Thierry SOLERE dimanche, il n'en n'est pas question.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous ne démissionnez pas ?
THIERRY SOLERE
Je n'ai aucune raison de démissionner.
JEAN-MICHEL APHATIE
Voilà Thierry SOLERE dimanche, qui dit « je ne vais pas démissionner », et puis là on apprend ce matin à 7h30, que, voilà, la nuit ayant porté conseil, il a démissionné. Ces attitudes, on croyait que c'était un peu fini avec la République En Marche, ces attitudes on s'accroche au pouvoir, et puis ça continu.
MARLENE SCHIAPPA
D'abord, la République En Marche n'est pas comptable des positions personnelles des uns et des autres. Je voudrais d'abord souhaiter peut-être bienvenue à Thierry SOLERE à la République En Marche, ensuite moi je pense qu'il a pris la bonne décision. Mais, de façon générale, ce qui concerne l'Assemblée nationale concerne l'Assemblée nationale. Moi, n'étant pas parlementaire, je n'ai pas de conseil à donner aux uns et aux autres dans leurs différentes positions au sein de l'Assemblée nationale.
JEAN-MICHEL APHATIE
… de femme politique, évidemment, parce que vous êtes une femme politique.
MARLENE SCHIAPPA
Paraît-il.
JEAN-MICHEL APHATIE
Eh bien voilà, donc c'est à ce titre-là, sans doute, que la question vous était destinée. Un remaniement gouvernemental vient d'avoir lieu, alors vous êtes membre du gouvernement.
MARLENE SCHIAPPA
Oui.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous savez combien il y a de ministres aujourd'hui ?
MARLENE SCHIAPPA
Honnêtement non, c'est une colle.
JEAN-MICHEL APHATIE
Dix-neuf.
MARLENE SCHIAPPA
D'accord.
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, non, ce n'est pas une colle, parce que si on confronte cette réalité, depuis le remaniement, 19 ministres, à ce que disait Emmanuel MACRON – alors je voudrais citer la date avec précision – le 12 mars 2017 sur TF1. Ecoutez Emmanuel MACRON.
EMMANUEL MACRON
Je constituerai un gouvernement, de 15 membres, maximum, très ramassé, avec des personnes de la société civile et des personnes du monde politique, venant de la gauche, du centre, de la droite.
JEAN-MICHEL APHATIE
On prend des engagements avant d'être élu et après on les oublie, ce n'est pas très bien ça.
MARLENE SCHIAPPA
Non, je ne suis pas d'accord, je ne dirais pas ça comme ça. D'abord, il y a effectivement moins de 15 ministres, ensuite…
JEAN-MICHEL APHATIE
Pas du tout, il y a 19 ministres.
MARLENE SCHIAPPA
Parce que vous comptez les secrétaires d'Etat.
JEAN-MICHEL APHATIE
Pas du tout, 19 ministres et 12 secrétaires d'Etat.
MARLENE SCHIAPPA
D'accord.
JEAN-MICHEL APHATIE
19 ministres, je vous assure.
MARLENE SCHIAPPA
On est à peu près sur la quinzaine, on est à moins de 20 en tout cas…
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous êtes à moins de 20, oui, à moins de 25 aussi.
MARLENE SCHIAPPA
Voilà, on est à moins de 20, on a déjà eu des gouvernements qui étaient plus larges que ça. Ensuite, moi je trouve que c'est intéressant, au contraire, de réajuster, parce que ce n'était pas un remaniement, c'était un réajustement, donc je trouve ça bien de réajuster et d'insérer des secrétaires d'Etat sur des thématiques particulières comme la Fonction publique, récemment, pour appuyer justement le travail des ministres.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais quand on cherche un mandat, on promet des choses, on dit on va tout changer, on va renouveler les pratiques, on ne fera pas comme les anciens, on prend des engagements, et puis, on est au pouvoir, et ces engagements, les petits, les grands, ceux qui sont repérables et d'autres qui le sont moins, on ne les tient pas. Ça donne quand même… ça introduit le doute sur la parole politique.
MARLENE SCHIAPPA
Honnêtement, je pense que s'il y a bien une chose qu'on ne peut pas reprocher au président de la République, c'est de ne pas tenir ses engagements, on lui reproche même l'inverse.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais celui-là par exemple.
MARLENE SCHIAPPA
Il faut tout ce qu'il avait indiqué qu'il ferait, il tient son programme à la lettre, sur les ordonnances travail, sur la conscience dans la vie publique. Il a dit qu'il prendrait des ministres de la société civile, la moitié de son gouvernement est formé d'experts de la société civile, c'est une première, donc, au contraire, je dirais que ces engagements-là sont tenus.
BRUCE TOUSSAINT
D'accord, mais vous incarnez ce renouvellement, on va dire, et il y a encore – c'est ce qu'on essaye d'expliquer ce matin – il y a encore des pratiques qui persistent. Est-ce que vous le regrettez, tout simplement ?
MARLENE SCHIAPPA
Comme lesquelles par exemple ?
BRUCE TOUSSAINT
Eh bien la présence de Christophe CASTANER au gouvernement, par exemple, alors qu'il est chef de parti.
MARLENE SCHIAPPA
Moi je ne suis absolument pas choquée par la présence de Christophe CASTANER au gouvernement, c'était un excellent ministre des Relations avec le Parlement, il le reste, tant mieux. Je suis très heureuse de savoir qu'on peut avoir des personnes solides, sur lesquelles on peut compter, à ce type de poste clé.
JEAN-MICHEL APHATIE
Barbara POMPILI était à votre place jeudi, elle disait « si ses journées font 48 heures il peut cumuler les deux fonctions, sinon c'est plus compliqué. »
MARLENE SCHIAPPA
Barbara POMPILI a le droit de s'exprimer, je respecte tout à fait son point de vue. Moi je pense que Christophe CASTANER fait de la politique comme tous les membres du gouvernement, arrêtons l'hypocrisie, on ne va pas faire croire…
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est quoi l'hypocrisie ?
MARLENE SCHIAPPA
L'hypocrisie, sincèrement, c'est faire croire au quand on n'a pas un titre de chef de parti on ne fait pas de politique. La vérité…
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, non, ce n'est pas ça du tout.
MARLENE SCHIAPPA
Non, la vérité vous la connaissez très bien, c'est qu'on fait tous de la politique. Toutes les personnes qui ont un engagement dans un parti ou dans un mouvement, moi je suis au QG deux, trois fois par semaine, au QG de la République En Marche, je fais des déplacements pour soutenir les candidats pendant les élections, on travaille sur de la politique interne, sur la construction de nos référents, nos animateurs de comités, on fait tous de la politique en plus de notre place au gouvernement.
BRUCE TOUSSAINT
On se consacre à une tâche, c'est ça aussi la nouvelle politique, non ?
MARLENE SCHIAPPA
Mais personne ne se consacre à une seule tâche….
JEAN-MICHEL APHATIE
Quand on est ministre, on parle même d'agenda de ministre, donc c'est qu'il est chargé l'agenda.
MARLENE SCHIAPPA
Mais, on a tous plusieurs tâches. Vous êtes un père de famille, vous êtes un journaliste, peut-être vous avez d'autres activités à côté, personne n'est mono tâche dans sa vie.
BRUCE TOUSSAINT
C'est difficile à comparer, mais bon !
JEAN-MICHEL APHATIE
Christophe CASTANER est père de famille, c'est ce que j'ai cru comprendre en lisant la presse. Vous avez évoqué le renouvellement gouvernemental, Marlène SCHIAPPA, parmi les nouveaux ministres, vous l'avez cité de manière indirecte, il y a un député socialiste, Olivier DUSSOPT, qui, il y a quelques semaines, en avait gros sur la patate concernant le gouvernement.
OLIVIER DUSSOPT (LE 2 AOUT SUR FRANCEINFO)
C'est à la fois une déception et une forme de trahison. Le président de la République demande un effort de 13 milliards d'euros aux collectivités, et quelques jours après on découvre un décret supprimant quand même les moyens pour les collectivités.
JEAN-MICHEL APHATIE
Olivier DUSSOPT n'a même pas voté, c'était mardi dernier, le budget du gouvernement, auquel maintenant il appartient. On est un peu désarçonné, pour tout vous dire.
MARLENE SCHIAPPA
La question que vous me posez elle est difficile parce que je ne peux pas me permettre à la place d'Olivier DUSSOPT qui peut dire quels sont ses ressorts.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais quand vous voyez ça, vous vous dites…
MARLENE SCHIAPPA
Moi, quand je vois ça…
JEAN-MICHEL APHATIE
Où est la morale dans tout ça ? On vote contre un budget et on rejoint un gouvernement.
MARLENE SCHIAPPA
Non, ce n'est pas une question de morale. Vous savez, Nietzsche disait qu'il n'y a pas de phénomènes moraux, il n'y a qu'une interprétation morale des phénomènes, donc je pense qu'il n'est pas question de morale…
JEAN-MICHEL APHATIE
Quelle est la vôtre ? L'interprétation morale de Marlène SCHIAPPA, voilà un député qui vote contre le budget du gouvernement et qui rejoint le gouvernement.
MARLENE SCHIAPPA
Moi je vais vous la donner mon interprétation, mais elle est forcément subjective et elle n'est pas forcément juste parce que seul Olivier DUSSOPT peut vous dire ce qui est dans sa tête. Moi je pense, en me mettant à sa place, qu'il se dit qu'il peut influencer la politique qui est menée par le gouvernement, peut-être qu'il n'était pas d'accord avant, et peut-être qu'il se dit qu'il va pouvoir la faire aller vers quelque chose qui correspondra plus à sa ligne en entrant au gouvernement, sans doute.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il est ambitieux, il a voté contre le budget du gouvernement, s'il prétend réorienter l'action du gouvernement à lui tout seul.
MARLENE SCHIAPPA
Là encore, arrêtons l'hypocrisie, je pense que toutes les personnes qui font de la politique sont ambitieuses, pas forcément pour elles-mêmes, mais pour porter une vision de la société, et pour mettre en oeuvre cette vision de la société il faut être à des postes dans lesquels vous avez le pouvoir de mettre en oeuvre cette vision de la société. Faire de la politique, quand on n'a pas d'ambition, ça ne sert à rien.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et vous pensez qu'Olivier DUSSOPT peut orienter différemment la politique du gouvernement dans son ensemble ?
MARLENE SCHIAPPA
Orienter différemment je ne sais pas, mais ça c'est à lui de vous dire ce qu'il espère faire.
JEAN-MICHEL APHATIE
On lui posera la question.
BRUCE TOUSSAINT
Vous restez avec nous Marlène SCHIAPPA. (…)
JEAN-MICHEL APHATIE
Un enseignant de 31 ans a été condamné hier à 18 mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Fontainebleau, pour atteinte sexuelle à la suite d'une liaison de cinq mois avec une adolescente qui était elle âgée de 14 ans. Il était son professeur, il y a donc un rapport d'autorité. Cette peine a paru légère à certains, alors que le procureur réclamait cinq ans de prison dont deux avec sursis, 18 mois avec sursis, peut-être qu'il n'est pas traditionnel de commenter des décisions de justice, est-ce que tout de même ce qui s'est passé hier à Fontainebleau, suscite un commentaire chez vous, Marlène SCHIAPPA ?
MARLENE SCHIAPPA
Effectivement, vous l'avez dit, en tant que membre du gouvernement, je ne peux pas commenter une décision de justice en particulier. Néanmoins, ce que je peux vous dire, de façon générale, c'est que, et le président de la République l'a rappelé samedi, on ne doit plus en France pouvoir débattre du consentement d'enfants qui ont moins de 15 ans, dans le cadre de rapports sexuels avec des adultes, et je rappelle que ça, c'est de la pédo-criminalité, il n'y a pas de consentement possible, de mon point de vue, en-dessous de l'âge de 15 ans qui est la majorité sexuelle, et c'est pour ça que nous voulons renforcer la loi et instaurer cette présomption de non consentement pour les enfants.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il semble qu'il y ait une faible conscience de cela dans la société française, parce que plusieurs qualifications, par la justice, de tels faits, ont paru en-dessous de cette réalité telle que vous la décrivez, vous parlez de...
MARLENE SCHIAPPA
Oui bien sûr, parce que la loi...
JEAN-MICHEL APHATIE
... pédophilie, pratiquement.
MARLENE SCHIAPPA
La loi n'est pas assez claire actuellement, et c'est pour ça qu'on la change. Actuellement, il est interdit pour un adulte d'avoir un rapport sexuel avec quelqu'un qui a moins de 15 ans. Mais, la personne qui a moins de 15 ans, doit quand même, devant la justice, prouver le viol, donc prouver qu'il y a eu menace, surprise, contrainte ou violence. Quand l'enfant n'arrive pas à prouver cela, ça n'est pas qualifié de viol, est c'est requalifié en atteinte sexuelle, c'est ce qui est le cas, là. Nous, nous voulons qu'il ne soit plus possible de débattre du consentement d'un enfant, et que systématiquement ça soit jugé comme un viol ou comme une agression sexuelle, de surcroit quand il y a autorité sur cet enfant.
BRUCE TOUSSAINT
Du coup, le terme, c'est vrai que le terme « atteinte sexuelle », est particulier, vous souhaitez qu'il disparaisse, d'une certaine façon ?
MARLENE SCHIAPPA
On est en train, effectivement, on est en train d'avoir un débat, c'est pour ça que l'on fait une loi citoyenne contre les violences sexistes et sexuelles, pour en recueillir tous les points de vue de tous les experts, mais l'idée c'est que les viols soient condamnés, jugés et condamnés comme des viols, donc comme des crimes et pas requalifiés en atteinte sexuelle, effectivement.
JEAN-MICHEL APHATIE
Quel est le bon âge, à votre avis, en dessous duquel on ne peut pas parler de consentement sexuel ?
MARLENE SCHIAPPA
Moi, j'avais dit que mon sentiment personnel, c'était plutôt 15 ans. Le président de la République a fait part également de son sentiment personnel, en disant que pour lui c'était également 15 ans. On poursuit le débat, il y aura un débat au Parlement...
JEAN-MICHEL APHATIE
La ministre de la Justice, pour être complet, dit 13 ans. Pour être complet.
MARLENE SCHIAPPA
Oui, elle, elle est plutôt sur 13 ans, mais le débat va se poursuivre avec les experts, avec les parlementaires, et on verra à quel âge on arrive.
BRUCE TOUSSAINT
Là, en l'occurrence, à Fontainebleau, c'est une adolescente qui avait moins de 15 ans.
MARLENE SCHIAPPA
Oui, absolument, 14 ans, et qui est à l'école.
BRUCE TOUSSAINT
13 et 14.
MARLENE SCHIAPPA
Oui.
JEAN-MICHEL APHATIE
Samedi, c'était la Journée de lutte contre les violences faites aux femmes, et le président de la République a annoncé des mesures, c'était à l'Elysée samedi matin. On écoute Emmanuel MACRON.
EMMANUEL MACRON – 24 NOVEMBRE 2017 PARIS
Et nous créerons aussi le délit d'outrage sexiste, qui sera verbalisable immédiatement, pour un montant dissuasif. Nous avons ainsi décidé d'allonger le délai de prescription applicable aux crimes sexuels commis sur mineurs.
JEAN-MICHEL APHATIE
Voilà, donc il y avait plusieurs mesures annoncées par le président de la République. Dans quels délai vous pensez que ces mesures pourront être adoptées et être effectives dans la société française ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors, les dernières que vous avez diffusées, donc l'âge, l'allongement des délais de prescription et la création du délit d'outrage sexiste, on serait sur le premier semestre 2018, En tout cas, le vote premier semestre 2018, et ensuite la mise en oeuvre, il faudra quelques mois pour véritablement le mettre en oeuvre concrètement. Je pense particulièrement au délit d'outrage sexiste, puisqu'il est conditionné à la création de la police de la sécurité du quotidien, qu'a annoncé le ministre de l'Intérieur Gérard COLLOMB.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah oui, on n'a pas bien compris ça, les policiers seront chargés de, enfin, on n'a pas bien compris ce que la police de proximité apporterait vraiment, les policiers ont mille tâches à faire, alors, on n'a pas bien compris à quoi ils devraient se dévouer spécifiquement.
MARLENE SCHIAPPA
Ok, eh bien je vais vous expliquer. En fait, voilà, cette police de la sécurité du quotidien, elle aura plusieurs priorités qui seront indiquées par le ministre de l'Intérieur. Parmi ces priorités il y aura la verbalisation du harcèlement de rue, l'idée c'est que les forces de l'ordre, lorsqu'elles repèrent une situation de harcèlement de rue, puissent, et qu'elles sont en patrouille, puissent intervenir et verbaliser via une amende d'un montant dissuasif, pour empêcher et condamner en tout cas le harcèlement de rue.
JEAN-MICHEL APHATIE
On a l'impression que ça c'est théorique, parce que le harcèlement de rue ça peut aller très vite, voilà, c'est un corps qu'on touche, enfin on connait ça dans les transports en public notamment.
MARLENE SCHIAPPA
Mais un corps qu'on touche, c'est une agression sexuelle, le harcèlement de rue c'est le fait d'intimider une femme dans l'espace public, par exemple la suivre pendant trois à quatre rues, moi ça m'est déjà arrivé, à titre personnel, que des policiers en patrouille se mettent à rouler plus doucement, et à demander « ça va, tout va bien madame ? » etc. ; on sait que les forces de l'ordre peuvent repérer cette situation, particulièrement aux abords des gares et des points sensibles, là où cette politique sera déployée.
JEAN-MICHEL APHATIE
La question qui est posée, Marlène SCHIAPPA, qui vous est posée directement, c'est celle des moyens, beaucoup trouvent que votre budget est beaucoup trop faible pour mener une politique efficace, dans le domaine qui est le vôtre, l'égalité entre les femmes et les hommes, Benoit HAMON était l'invité de France Info hier et il résumait le problème de cette manière. On l'écoute.
BENOIT HAMON
Les moyens sont extrêmement faibles, je lisais que les associations féministes considèrent qu'il n'y a que 0,007 % du budget de l'Etat qui est consacré aux violences faites aux femmes, on est très loin des chiffres de l'Espagne où on consacrera un milliard d'euros sur 5 ans. Donc il y a cette question toujours des moyens, mais sur la direction prise par le président de la République, je ne peux qu'approuver.
JEAN-MICHEL APHATIE
La direction est bonne et les moyens ne sont pas là, votre budget est de 30 millions d'euros, Marlène SCHIAPPA.
MARLENE SCHIAPPA
Alors, deux choses, d'abord, je ne cesse d'entendre plusieurs fois par jour dire : l'Espagne c'est formidable, il y a un milliard d'euros. Deux choses, d'abord c'est un milliard d'euros sur 5 ans, ça fait 200 millions par an. En France, en politique transversale, on est au double, on est à plus de 400 millions par an, donc il faut arrêter à un moment de trouver que c'est un modèle
BRUCE TOUSSAINT
Politique transversale ?
MARLENE SCHIAPPA
Voilà. Et je termine sur l'Espagne, juste, l'Espagne c'est une déclaration d'intention, les partis politique ont dit qu'il faudrait engager un milliard sur cinq ans, ce ne sont pas des crédits votés et ce ne sont pas des crédits engagés, donc arrêtons de regarder ailleurs ce qui se fait, en faisant croire que c'est formidable. Moi, quand j'étais au G7 égalité femmes/hommes, quand j'étais à la Commission européenne, les autres pays saluent l'engagement de la France, au contraire, et la France est plutôt un modèle au niveau mondial. Maintenant sur ce que précise...
BRUCE TOUSSAINT
Vous confirmez ce chiffre de 0,07 % ?
MARLENE SCHIAPPA
Je n'ai pas fait le calcul, honnêtement, mais ce que je voudrais préciser, c'est que, effectivement, c'est un des plus petits budgets de l'Etat, ça c'est la vérité.
JEAN-MICHEL APHATIE
30 millions d'euros, oui.
MARLENE SCHIAPPA
Absolument. Mais ce que je voudrais préciser, c'est que ça n'est pas un budget dit au guichet. Par exemple, le budget de l'Education nationale, dedans vous avez les salaires des enseignants, nous on ne paie pas de salaire à qui que ce soit. Le budget du handicap, vous avez l'allocation adulte handicapé, donc un budget au guichet, nous c'est un budget qui est quasiment à 100 %, les 30 millions consacrés à des subventions pour les associations. Le reste est payé en interministériel. Les policiers qui vont verbaliser le harcèlement de rue, ça n'est pas mon budget qui va les prendre en charge, par exemple.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous avez assez d'argent ? Vous satisfaite de la situation qui est la vôtre ?
MARLENE SCHIAPPA
Nous, on a assez d'argent pour mettre en oeuvre les politiques publiques que le président de la République a annoncées.
JEAN-MICHEL APHATIE
Votre secrétariat d'Etat.
MARLENE SCHIAPPA
Oui, absolument, mais je voudrais rappeler aussi peut-être qu'il y a une administration des droits des femmes, il y a plus de 160 personnes environs qui sont réparties sur tout le territoire, à plein temps, pour mener ces politiques publiques également.
BRUCE TOUSSAINT
Il n'y a pas une contradiction, mener ce fléau grande cause nationale et vous donner 30 millions. Ça parait vraiment tellement dérisoire, par rapport à l'objectif.
MARLENE SCHIAPPA
Pardon, mais encore une fois, de quoi parle-t-on ? Les 30 millions ce sont ces subventions aux associations que je viens d'évoquer. Pour tout le reste, vous prenez les déclarations du président de la République, ce ne sont pas des choses que je vais financer avec ces 30 millions. La prise en charge des soins psycho traumatiques après certains viols, ça c'est un pas majeur, c'est une revendication qui est faite depuis des générations.
BRUCE TOUSSAINT
Mais il faut aussi de la prévention, de l'information...
MARLENE SCHIAPPA
Bien sûr, mais ça c'est indiqué également, la formation des professionnels...
BRUCE TOUSSAINT
Des moyens, donc.
MARLENE SCHIAPPA
Bien sûr, des moyens mais pas sur mon budget encore une fois. La formation des professionnels de crèche, ça n'est pas le budget des Droits des femmes qui va la prendre en charge, donc il faut regarder vraiment globalement tout ce qui est fait et qui est payé en interministériel, pas par mon budget propre.
JEAN-MICHEL APHATIE
Rencontrer un ministre heureux de sa situation financière est suffisamment rare pour qu'on soit heureux pour vous, Marlène SCHIAPPA.
MARLENE SCHIAPPA
Je vous remercie.
JEAN-MICHEL APHATIE
Certains hommes trouvent que la libération de la parole des femmes a été un peu trop loin, c'était le cas d'Alain FINKIELKRAUT qui était l'invité d'On n'est pas couché, de Laurent RUQUIER samedi. On l'écoute.
MARLENE SCHIAPPA
C'est étonnant.
ALAIN FINKIELKRAUT
On retrouve le coupable, favori, du politiquement correct, l'homme blanc hétérosexuel.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il n'est peut-être pas le seul à le penser, Alain FINKIELKRAUT, qu'est-ce que vous lui répondez ?
MARLENE SCHIAPPA
Je ne réponds rien particulièrement à Alain FINKIELKRAUT, il a le droit d'émettre un avis. Moi, ce que j'observe...
JEAN-MICHEL APHATIE
Est-ce qu'il n'y a pas une culpabilisation trop importante de certaines attitudes, de certains faits dans la société qui ne méritent peut-être pas de …
MARLENE SCHIAPPA
Non, moi je n'ai pas l'impression, j'ai l'impression que ce mouvement de libération de la parole, il nous permet justement de redéfinir ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas, de préciser que la séduction est bien évidemment acceptable et sûrement souhaitable aussi pour une société, c'est le harcèlement et ce sont les agressions sexuelles, qui ne le sont pas. Je pense qu'il y a là une différence très claire et que la plupart des hommes savent très bien séduire sans harceler et les femmes aussi, au demeurant, je l'espère. (…)
JEAN-MICHEL APHATIE
On a évoqué, Marlène SCHIAPPA, la réunion samedi à l'Elysée. Le président de la République a exposé le plan qui était le sien pour lutter contre les violences faites aux femmes dans la société. Après lui, l'urgentiste Patrick PELLOUX a pris la parole. Tout le monde a noté, vous l'avez noté vous-même sur scène et vous vous en êtes étonnée, que lorsque Patrick PELLOUX prend la parole, beaucoup de femmes présentes dans l'assemblée sont prises de quintes de toux. On ne comprend pas sur le moment ce qui déclenche ces quintes de toux. Puis des tweets viennent nous éclairer, des tweets de femmes ; je voudrais que l'on en voie deux, je vais les lire pour nous auditeurs. Patricia BALME qui dit...
BRUCE TOUSSAINT
« La présence de Patrick PELLOUX n'était pas forcément nécessaire sur le thème du harcèlement », ça c'est Patricia BALME. Et Alice COFFIN : « L'Elysée a décidé d'inviter Patrick PELLOUX pour parler de violences sexistes et sexuelles. Réaction éloquente des féministes dans la salle. »
JEAN-MICHEL APHATIE
« Réaction éloquente des féministes dans la salle. » Que s'est-il passé à l'Elysée à ce moment-là, Marlène SCHIAPPA ?
MARLENE SCHIAPPA
On a entendu effectivement un certain nombre de toux.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais pourquoi ? Oui, pourquoi ?
MARLENE SCHIAPPA
Pourquoi ? Je ne sais pas.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais vous n'avez pas demandé à ces femmes-là ? Nous sommes mardi matin, des féministes qui disent… Voilà, c'était éloquent comme réaction. Qu'est-ce que ça veut dire ?
MARLENE SCHIAPPA
Pardon, il me semble que vous et moi, on comprend qu'il y a un sous-entendu derrière ce tweet.
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui. Vous avez essayé de l'éclaircir ?
MARLENE SCHIAPPA
Non, je n'ai pas essayé de l'éclaircir.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est curieux.
MARLENE SCHIAPPA
Non. Non, non, ce n'est pas du tout curieux.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous vous félicitiez de la prise de parole des femmes il y a quelques minutes.
MARLENE SCHIAPPA
Mon travail, c'est de créer et de conduire des politiques publiques. Ça n'est pas d'aller traquer un par un tous les harceleurs sexuels. Là, il y a un sous-entendu.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et vous n'essayez pas de l'éclaircir.
MARLENE SCHIAPPA
Je vous explique. De deux choses l'une. Ou c'est faux et Patrick PELLOUX n'est pas un harceleur sexuel, puisque c'est ce qui est sous-entendu, et dans ce cas-là, je trouve cela assez grave de jeter l'opprobre en se mettant à tousser. Ou c'est vrai et dans ce cas-là, la toux n'est pas la bonne réponse. Effectivement, je me félicite… Je ne me félicite pas, j'encourage la libération de la parole des femmes. Si une femme a connaissance d'un fait de harcèlement sexuel produit sur une autre femme, la personne à contacter c'est la police. Ça n'est pas en toussant qu'on arrivera à faire quoi que ce soit.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ceci vous a suffisamment troublée, Marlène SCHIAPPA, pour que samedi après l'intervention de Patrick PELLOUX, vous ayez repris la parole en conseillant à ces femmes de prendre quelques médicaments.
MARLENE SCHIAPPA
Oui, absolument.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous aviez l'air d'être agacée par ce phénomène.
MARLENE SCHIAPPA
J'étais agacée parce que je ne savais pas pourquoi ces personnes toussaient.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et vous n'avez pas essayé de le savoir depuis ?
MARLENE SCHIAPPA
Mais pardon, j'étais sur scène en train d'animer cette journée qui était un moment historique avec un moment solennel, notamment une minute de silence en hommage aux femmes qui sont mortes sous les coups de leur conjoint. C'était la première fois qu'un président de la République créait une grande cause quinquennale pour l'égalité femme-homme, la première fois qu'on parlait du 25 novembre sur scène. Donc quand j'entends des toux, je me dis qu'il y a peut-être une tentative de sabotage de l'événement, je ne peux pas deviner pourquoi ces personnes toussent. Maintenant ma position, c'est celle que je vous dis. Je vois bien ces tweets, je comprends bien les sous-entendus qui sont derrière, ne soyons pas hypocrites. Encore une fois, si quelqu'un a des éléments disant que Patrick PELLOUX a agressé sexuellement des femmes ou qu'il en a harcelé sexuellement, il faut que ces personnes aillent déposer plainte et il faut que Patrick PELLOUX soit jugé devant la justice française.
JEAN-MICHEL APHATIE
Sexisme ordinaire, scène de sexisme ordinaire, c'était samedi aussi. Passation de pouvoir chez Bruno LE MAIRE. Delphine GENY-STEPHANN, que nous ne connaissons pas alors son nom nous est évidemment moins familier que d'autres, remplace Benjamin GRIVEAUX comme secrétaire d'Etat auprès de Bruno LE MAIRE. L'émission Quotidien hier a diffusé ces images où on voit que le traitement réservé à Benjamin GRIVEAUX et à Delphine GENY-STEPHANN n'est pas tout à fait le même. Ecoutez.
BRUNO LE MAIRE, MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES
Notre nouvelle secrétaire d'Etat, Delphine, sois la bienvenue à Bercy. Je voudrais féliciter chaleureusement Benjamin GRIVEAUX pour sa nomination comme porte-parole. Ravi de vous recevoir ce matin et très heureux d'accueillir Delphine dans cette belle maison.
JEAN-MICHEL APHATIE
« Delphine » d'un côté et « Benjamin GRIVEAUX » de l'autre. Elle a perdu son nom de famille. C'est cruelle comme scène.
MARLENE SCHIAPPA
C'est une mauvaise habitude qu'il faudrait perdre.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est curieux.
MARLENE SCHIAPPA
Ce n'est pas curieux, c'est du sexisme ordinaire effectivement. C'est habituel que d'appeler les femmes politiques par leur prénom, que de les décrire par leur physique, que d'avoir une présomption d'incompétence alors qu'on a une présomption de compétence quand vous êtes un homme et que vous portez une cravate. C'est tout ce qui fait une part de sexisme finalement.
BRUCE TOUSSAINT
Ça vaut un petit SMS à Bruno LE MAIRE peut-être, non ?
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, vous allez le faire ?
MARLENE SCHIAPPA
Ce qui se dit entre Bruno LE MAIRE et moi reste entre Bruno LE MAIRE et moi.
BRUCE TOUSSAINT
Ça veut dire que ça a eu lieu. Il y a eu un petit échange ?
MARLENE SCHIAPPA
Non, non. Pas particulièrement.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais il faut, non ? Ce n'est pas votre rôle de dire : « Ce n'est pas bien. »
MARLENE SCHIAPPA
Je viens de vous le dire. Ce qui se passe entre chaque ministre et moi, de la même manière que d'autres peuvent m'envoyer des messages sur d'autres sujets, ça reste entre nous.
JEAN-MICHEL APHATIE
Voilà. Benjamin GRIVEAUX, dans la scène là nous ne le voyons pas, mais Quotidien l'a diffusé, l'appelle aussi avec constance « Delphine », elle est orpheline de son nom et, il faut bien le dire, c'est assez cruel. Dans Le Brief politique, Anne-Laure DAGNET a dit que Benoît HAMON avait pris contact avec vous. Benoît HAMON lance son mouvement appelé pour l'instant M1717, ça ne durera pas. [rires]
MARLENE SCHIAPPA
Pourquoi vous rigolez ?
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est un nom curieux pour un parti politique. [rires]
BRUCE TOUSSAINT
Il nous a dit hier qu'il allait changer le nom de ce mouvement.
MARLENE SCHIAPPA
D'accord, OK.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça fait un peu service de renseignement, vous voyez.
MARLENE SCHIAPPA
Oui, bien sûr.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc ça va changer mais il veut prendre contact avec vous parce que vous-même, vous élaborez ou vous avez élaboré une charte pour faciliter l'engagement et le travail des femmes au sein de La République en marche.
MARLENE SCHIAPPA
Oui. On est en train de travailler sur un protocole contre le harcèlement sexuel dans notre mouvement politique effectivement. Je crois que Benoît HAMON veut voir ce qu'on fait pour s'en inspirer pour son mouvement.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais vous y travaillez au titre de secrétaire d'Etat ou au titre de membre de La République en marche ?
MARLENE SCHIAPPA
Au titre de membre de La République en marche, je vous le disais tout à l'heure. Nul n'est mono-tâche.
JEAN-MICHEL APHATIE
D'accord. Et qu'est-ce qu'il y a de spécifique dans le protocole que vous élaborez qui pourrait inspirer d'autres partis ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui, bien sûr. Enfin nous, vous savez, on est un mouvement politique donc on est mode open source si vous me permettez cet anglicisme start-up. Open source, ça veut dire qu'on met à disposition de chacun ce que nous faisons.
BRUCE TOUSSAINT
C'est la start-up nation.
MARLENE SCHIAPPA
Absolument. Si on peut permettre à d'autres mouvements de détecter le harcèlement sexuel et de l'empêcher, on le fait bien volontiers. C'est aussi le rôle de La République en marche.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et donc vous allez recevoir Benoît HAMON mi-décembre…
MARLENE SCHIAPPA
Bien sûr.
JEAN-MICHEL APHATIE
Pour participer avec lui à ce travail antisexiste dans les partis politiques.
MARLENE SCHIAPPA
Tout à fait, c'est ça.
BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup, Marlène SCHIAPPA.
MARLENE SCHIAPPA
Merci à vous.
BRUCE TOUSSAINT
Je rappelle que vous êtes secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes et vous étiez ce matin l'invitée de Franceinfo. Très bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 novembre 2017