Interview de Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation à Europe 1 le 21 novembre 2017, sur la réforme de l'entrée à l'université et la sélection universitaire.

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Média : Europe 1

Texte intégral


PATRICK COHEN
Bonjour Frédérique VIDAL.
FREDERIQUE VIDAL
Bonjour.
PATRICK COHEN
Un petit mot de présentation, parce que beaucoup d’auditeurs ne vous connaissent pas, vous êtes professeur des universités, biochimiste, spécialisée en génétique moléculaire, vous étiez présidente d’université, celle de Nice Sophia Antipolis, avant votre engagement aux côtés d’Emmanuel MACRON, et votre entrée au gouvernement. C’est vrai que vous vous sentiez plus respectée et écoutée comme prof que comme ministre ?
FREDERIQUE VIDAL
Ah, je vois à quoi vous faites allusion, disons que, en bas d’un amphi, je n’ai jamais été chahutée, oui.
PATRICK COHEN
Oui, et aujourd’hui ?
FREDERIQUE VIDAL
Eh bien, parfois, à l’Assemblée nationale, c’est plus compliqué qu’en bas d’un amphi.
PATRICK COHEN
Et votre parole a moins de poids comme ministre, vous dites, que, on vous croit un peu moins…
FREDERIQUE VIDAL
Non, non, ça, je n’ai jamais dit ça, ce que j’ai dit, c’est que j’avais l’habitude d’avoir des relations avec les étudiants de confiance, que ce soit évidemment dans mes enseignements, ça, ce n’était pas un sujet, mais aussi dans les conseils que je pouvais leur donner, et ça, c’était très agréable.
PATRICK COHEN
Voilà, et ce n’est pas le cas aujourd’hui, c’est moins le cas aujourd’hui.
FREDERIQUE VIDAL
Eh bien, je pense qu’il y a une défiance envers le monde politique, que nous essayons de modifier.
PATRICK COHEN
Et que vous ressentez dans vos premiers mois dans ce gouvernement. Vous présenterez, Frédérique VIDAL, demain, en Conseil des ministres, le projet de loi sur les nouvelles modalités d’entrée à l’université, qui va permettre de mettre fin au tirage au sort et à l’algorithme qui a orienté des milliers de lycéens contre leur gré. Vous allez nous décrire cela en détail. D’abord, est-ce que vous pourriez mettre un mot ou une expression sur ce nouveau système, puisque vous refusez de parler de sélection, ce sera quoi, un accompagnement dirigé, une orientation sélective, une sélection douce ?
FREDERIQUE VIDAL
Non, c’est vraiment un procédé à la fois d’orientation et de réussite, et d’ailleurs, c’est le nom de la loi que je porte…
PATRICK COHEN
Oui, c’est le nom de la loi, mais…
FREDERIQUE VIDAL
C’est Orientation et réussite des étudiants. L’idée, c’est que, il est très important que les bacheliers puissent accéder à l’enseignement supérieur, et ça, bien sûr, c’est le point majeur…
PATRICK COHEN
Mais l’accès ne sera plus tout à fait libre.
FREDERIQUE VIDAL
Mais il faut reconnaître la diversité des bacheliers, et donc il faut leur proposer des parcours qui leur soient adaptés.
PATRICK COHEN
L’accès ne sera plus tout à fait libre.
FREDERIQUE VIDAL
L’accès reste libre à l’université.
PATRICK COHEN
L’élève n’aura pas toujours le dernier mot.
FREDERIQUE VIDAL
L’élève aura toujours le dernier mot dans le choix de sa filière, par contre, il devra faire confiance à ses enseignants pour le chemin et le parcours à emprunter pour aller vers le diplôme qu’il souhaite obtenir.
PATRICK COHEN
Et donc, dans certains cas, l’université va choisir ses étudiants…
FREDERIQUE VIDAL
Alors, le seul cas, c‘est éventuellement si malgré le nombre de places que nous allons ouvrir, dans les établissements, et malgré les différents dispositifs qui vont être mis en place pour accueillir les étudiants dans les filières en tension, c’est le seul cas, mais notre objectif, c’est que, à la rentrée prochaine, nous soyons en capacité d’accueillir tous les bacheliers.
PATRICK COHEN
Aspect pratique et concret, il y aura donc une nouvelle plateforme qui va ouvrir le 15 janvier, qui aura un nom, un nouveau nom ?
FREDERIQUE VIDAL
Parcours Sup.
PATRICK COHEN
Parcours Sup.
FREDERIQUE VIDAL
C’est le nom qui a été choisi par les internautes, on a fait une consultation ce week-end pendant le salon de l’orientation, le salon des étudiants, et voilà, c’est le nom qu’ils ont retenu. Parcours Sup, moi, j’aime bien la notion de parcours, parce que ça veut dire qu’ils ont bien compris ce qu’on était en train de préparer pour leur réussite.
PATRICK COHEN
Vous n’avez pas pu éviter l’apocope Sup. Donc nouvelle plateforme le 15 janvier, et sur laquelle les futurs bacheliers auront jusqu’au 15 mars, c’est ça, pour inscrire leurs voeux. Il y aura dix voeux maximum sans ordre de préférence cette fois ?
FREDERIQUE VIDAL
Oui, alors, là aussi, il faut comprendre d’où vient ce choix de dix voeux non hiérarchisés, auparavant, sur la plateforme, il y avait jusqu’à 24 voeux, donc ça veut dire que souvent, les jeunes faisaient en sorte de remplir les 24 voeux, et on a vu ça cet été, puisqu’on s’est beaucoup occupé des bacheliers cet été, quand ils avaient leur 14ème voeu, finalement, ça ne correspondait pas à ce qu’ils souhaitaient, en moyenne, les bacheliers faisaient huit voeux, donc c’est pour ça qu’on a choisi ce chiffre de dix voeux maximum.
PATRICK COHEN
Et sans critère d’habitation, ce sont des choix qui pourront être désectorisés, on peut former des voeux pour une université à l’autre bout de la France ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, ce n’est pas tout à fait ça, en fait, ce que la loi autorise, c’est que les recteurs puissent fixer une part de mobilité, et ça, c’est lié au fait que comme les recteurs vont intervenir dans la procédure, puisqu’on veut remettre de l’humain dans la procédure, donc peuvent des propositions aux bacheliers qui n’auraient rien trouvé qui leur plaisent. On souhaite que ça puisse se faire hors Académie, en proximité, et on sait aussi que les frontières administratives ne correspondent pas toujours à la réalité, et parfois, on habite beaucoup plus près d’une université qui n’est pas dans son Académie, au sens administratif du terme.
PATRICK COHEN
D’accord. Mais donc la mobilité est possible, elle va rester possible. Donc les réponses aux choix, aux voeux des élèves, des futurs bacheliers arriveront à partir du mois de mai, ce sera en attente, oui, oui, si, et c’est là justement c’est la grande nouveauté de la réforme, le « oui, si », ça veut dire que, il y aura des obligations pour l’élève.
FREDERIQUE VIDAL
Alors, le « oui, si », ça veut dire que l’équipe pédagogique, qui aura regardé le dossier des bacheliers, considère que ce bachelier aura besoin d’être accompagné de manière particulière et spécifique, plus de travaux dirigés, plus de méthodologie, un parcours peut-être qui sera proposé avec plus de temps pour mûrir son projet, des formations pluridisciplinaires, de manière à ce que le choix mûrisse, donc c’est ça le sens du « oui, si », ça veut dire que l’étudiant sera bien inscrit dans le parcours de son choix, ce n’est pas une inscription à part, il est bien inscrit dans le diplôme dans lequel il souhaite s’inscrire, mais on lui propose un parcours…
PATRICK COHEN
On lui demande…
FREDERIQUE VIDAL
On lui propose un parcours qui correspond… enfin, qui va l’accompagner vers la réussite, et évidemment, il a complètement le droit de refuser ce parcours, c’est pour ça que les voeux ne sont pas hiérarchisés a priori, mais c’est lorsque le futur étudiant reçoit les réponses qu’il les accepte ou non.
PATRICK COHEN
Pour les candidats qui ne sont pris nulle part ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors pour les candidats qui ne sont pris nulle part, c’est là que les recteurs avec les chefs d’établissement interviennent, et font des propositions à chaque candidat qui n’a rien, de manière à ce qu’on puisse lui proposer quelque chose qui lui corresponde.
PATRICK COHEN
La promesse, c’est de ne laisser personne au bord du chemin, c’est cela, Frédérique VIDAL ?
FREDERIQUE VIDAL
Vraiment, c’est à la fois de mieux orienter, de mieux accompagner et de faire en sorte que, on ne tire plus au sort et qu’on n’ait plus 30 % de réussite seulement en fin de première année à l’université.
PATRICK COHEN
Et un taux d’échec très important aussi en bout de licence. Est-ce que ça peut tenir longtemps, parce qu’on voit bien ce qui a provoqué la défaillance du système ancien de l’Admission post-bac, c’était cet afflux d’étudiants qui n’avait pas été préparé, est-ce que ça peut tenir longtemps sans gros moyens supplémentaires ? On est à 2,6 millions étudiants aujourd'hui en France, ça peut encore monter sans faire craquer les universités, Frédérique VIDAL ?
FREDERIQUE VIDAL
Ça aussi c’est une question qui est très intéressante. D’abord il faut bien comprendre que toutes les propositions qui ont donné lieu à cette loi elles ont été débattues pendant 3 mois par les gens qui vont faire, donc c’était très important pour moi de m’assurer que les équipes pédagogiques répondraient présentes et qu’elles souhaitaient mettre en place cet accompagnement, parce que c’est aussi un gros travail, évidemment on reconnaîtra cet engagement. Ensuite il faut bien se rendre compte qu’on a un problème plutôt d’adéquation entre les voeux des bacheliers et les places offertes dans les universités, parce que, fin septembre, il restait 130.000 places dans l’enseignement supérieur, presque 10.000 dans les BTS, presque 2500 dans les classes préparatoires, le reste dans les premiers cycles universitaires, et donc ça, ça signifie que le problème de places existe dans certaines filières, mais pas dans toutes les filières. Et je crois que c’est aussi important que dans la phase d’orientation on indique aussi aux jeunes où sont les emplois et où sont les métiers, les filières qui sont les moins demandées sont les filières scientifiques, dans les métiers du numérique, etc., or on sait que c’est là que se trouvent les gisements d’emplois pour demain. Donc c’est important d’avoir aussi cette information.
PATRICK COHEN
Cette information-là et cette orientation, ce n’était pas bien fait jusqu’à présent, à vos yeux, Frédérique VIDAL ?
FREDERIQUE VIDAL
Disons que ce qui est important c’est que nous avons fait en sorte que le lycée et le supérieur se parlent beaucoup plus, de manière à ce que, les lycéens, leurs familles, puissent avoir une meilleure vision de ce qu’est la réalité de l’enseignement supérieur. La moitié des bacheliers demandent quatre mentions de licence, alors qu’il y en a 45.
PATRICK COHEN
Un mot encore, rapidement, sur cet aspect important de votre projet, la fin de la Sécurité sociale étudiante à partir de la rentrée 2018, est-ce que ça veut dire la fin des mutuelles étudiantes ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, d’abord, là encore, le constat c’est que plus de 30 % des étudiants renoncent à se soigner aujourd'hui, et on sait qu’il y a un certain nombre de dysfonctionnements, donc on autorise les étudiants à être sous le régime général de la Sécurité sociale, les mutuelles étudiantes, évidemment, conservent leur rôle de mutuelles et conservent leur rôle, aussi, dans des missions de prévention etc., on est en train de travailler avec elles sur ce sujet.
PATRICK COHEN
Merci Frédérique VIDAL, ministre de l’Enseignement supérieur, d’être venue ce matin au micro d’Europe 1 et de nous avoir dévoilé le nom de la nouvelle plateforme d’Admission Parcours Sup. Merci à vous.
FREDERIQUE VIDAL
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 novembre 2017