Déclaration de M. Laurent Fabius, président de l'Assemblée nationale, sur la réforme de l'administration, les relations internationales du Parlement, et la formation des fonctionnaires étrangers sur l'organisation du travail parlementaire, Paris le 30 juin 1999.

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Circonstance : Remise de diplômes à la promotion François Mitterrand de l'Institut international d'administration publique (IIAP), le 30 juin 1999

Texte intégral

Messieurs les Ministres,
Chère Danièle,
Mesdames et messieurs les ambassadeurs et représentants de missions diplomatiques,
Mesdames et Messieurs.
C'est avec beaucoup de plaisir que j'ai accepté, à l'invitation de Didier Maus, de participer à cette remise de diplômes aux auditeurs de la nouvelle promotion du cycle long de l'Institut international d'administration publique, ainsi qu'aux participants au programme de formation à la fonction publique internationale. Quand chacun d'entre vous repartira vers son pays, qui est souvent un lieu de la francophonie, vous serez porteurs de nombreux souvenirs et de quelques messages. J'en évoquerai pour ma part trois :
1) Dans l'esprit de mes compatriotes, toujours un peu gaulois dans leurs préoccupations, la sphère du public n'a pas bonne presse. Bureaucratie, technocratie, guichet, fonctionnaires, Etat sont critiqués. Dès qu'un Français en converse, l'administration est mise en cause. Pourtant si mes concitoyens voulaient porter plus loin leurs regards, ils seraient fiers que depuis 2 siècles, leur administration ait su évoluer, s'adapter, se moderniser en gardant ses traditions républicaines et ses compétences. C'est pourquoi, même s'il doit être le chantier d'une vaste réforme que le Gouvernement a engagée vers plus d'évaluation et d'efficacité, même si sa présence non pas minimale, mais optimale, doit prendre en compte les nécessités de l'aménagement du territoire et les principes du dialogue social, le modèle d'administration à la française constitue une vitrine de notre démocratie, un instrument de promotion des valeurs de solidarité, de laïcité, d'égalité que défend notre pays. Cette qualité explique l'attachement de la France à bâtir, non seulement avec les Etats étrangers, mais aussi avec des femmes et des hommes qui souhaitent l'acquérir, une formation, des liens d'amitié et d'écoute. Ces liens doivent durer et il n'est pas indifférent qu'ils se forgent et se développent autour de l'administration publique.
2) Dans l'établissement de ces relations, le parlement et singulièrement l'Assemblée nationale a son rôle à jouer. Je citerai en exemple ce qui se fait ici pour en saluer les initiateurs. Depuis 1995, l'IIAP a mis en place un cycle d'études sur l'organisation du travail parlementaire à l'usage de mes collègues et des fonctionnaires étrangers. Le Palais Bourbon s'est engagé dans des programmes d'ingénierie démocratique et d'appui juridique. Loin de contrarier la diplomatie d'Etat, la dimension parlementaire, je le constate jour après jour, vient au contraire la conforter et l'éclairer.
Pour ne prendre que cette dernière année, notre activité internationale a revêtu les aspects les plus divers à travers les échanges traditionnels que font vivre 171 groupes d'amitié, à travers un rôle actif dans l'Union interparlementaire et de nombreuses organisations multilatérales, UEO, OSCE, missions d'observation électorale, organisation de grands colloques sur l'Europe et la PAC, la nouvelle politique africaine de la France, l'embargo en Irak. De même est utile la pérennisation de grandes commissions franco russes et franco allemandes. Enfin je constate l'intérêt toujours démontré de la représentation nationale pour les sujets internationaux, qu'ils fassent mal comme le Kosovo ou qu'ils soient synonymes d'espoir comme l'évolution positive des droits de l'enfant, la condamnation des crimes contre l'humanité ou l'avenir de l'Europe. Il y a également les rencontres fructueuses que nous avons chaque année avec une centaine de chefs d'Etat ou de Gouvernement, de présidents d'assemblée et de ministres. Nous avons une vision multipolaire de la planète. L'exécutif est toujours plus fort aux yeux de nos partenaires quand il peut montrer qu'il a déjà convaincu son propre législatif. Et j'observe chez nos collègues que la mesure de leur circonscription n'est plus seulement un territoire local, mais le monde entier.
3) Mesdames et Messieurs, auditeurs diplômés de l'année 1999, je tenais à saluer votre réussite bien sûr, mais aussi le nom de votre promotion. Pour la première fois, elle portera le nom d'un homme et vous avez choisi celui de François Mitterrand, que j'ai suivi et, ce qui est moins fréquent en politique, aimé. Quels que soient les jugements portés à court terme et que le vent de l'Histoire balaiera, on constatera que le Président élu 14 ans par le suffrage universel des Français a fait entendre partout la voix de la France et de la francophonie avec cohérence et profondeur. A la Knesset, au Bundestag, à Cancun, au Kremlin, à la Maison blanche et dans beaucoup d'autres lieux encore, notre pays a été entendu et respecté. Il a su incarner une diplomatie de culture, de liberté, de solidarité et de conviction, rendant notre parole audible et singulière. Je vous souhaite, comme il l'aurait fait lui-même, bonne chance, bonheur personnel et fructueuse carrière, vous avez la plus belle des missions puisque vous êtes au service des autres. Bonne chance.
(Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 1er juillet 1999)