Texte intégral
RENAUD BLANC
Nathalie LOISEAU, est-ce qu'Emmanuel MACRON, concernant la presse, c'est un peu l'anti-HOLLANDE ?
NATHALIE LOISEAU
Je crois en tout cas qu'il a tiré les leçons de ce qui s'est passé pendant 5 ans, où on a eu le sentiment que, plus politique, et plus les journalistes étaient au-delà de relations de normales, professionnelles, dans la connivence et dans une forme d'intimité, plus les Français prenaient leurs distances pour le coup. Ça n'a rendu service ni aux politiques, ni à la presse. Nous faisons des métiers différents, le respect, l'importance que l'on accorde au monde de la presse, n'implique pas que l'on mélange les genres.
RENAUD BLANC
Une loi sur les fake news, vous croyez qu'on peut vraiment arrêter les fausses rumeurs, est-ce qu'on n'a pas vraiment de levier pour contrôler Facebook ou Twitter ?
NATHALIE LOISEAU
Il faut absolument à la fois au niveau national français, et au niveau européen, il y a cette réflexion, sur par exemple la transparence des plateformes.
RENAUD BLANC
Un dossier de plus pour vous.
NATHALIE LOISEAU
Un dossier de plus pour moi, mais on a déjà commencé à en parler au niveau européen, savoir d'où viennent les contenus, qui les sponsorisent, qui est derrière le lancement de ce qui n'est pas une information, ce qui n'est pas justement votre métier de journaliste, ce qui est de la propagande, c'est indispensable dans ce moment où il y a surabondance de contenus, mais dont on ignore parfois qui les produit.
RENAUD BLANC
L'actualité c'est également, Nathalie LOISEAU, le malaise de la police, les policiers seront reçus dans une semaine au ministère de l'Intérieur après les agressions de Champigny. Ces policiers demandent le retour des peines planchers, votre position sur cette question ?
NATHALIE LOISEAU
Alors ça c'est un débat qui avait déjà eu lieu, les peines planchers avaient été instaurées, puis elles ont été supprimées en 2014. Le vrai sujet aujourd'hui c'est sans doute ce sur quoi travaille la garde des Sceaux, c'est-à-dire une réforme de la procédure pénale, une simplification, la possibilité pour la police d'infliger des amendes pour un certain nombre de délits, et puis une accélération du cours de la justice et la certitude que les peines sont véritablement exécutées. C'est là-dessus qu'il y a parfois, à juste titre, un vrai mécontentement, notamment de la part des policiers, et c'est là-dessus que le ministère de la Justice est déterminé à progresser pour faire en sorte qu'il ne puisse pas y avoir d'impunité sur des actes aussi inqualifiables que ce qu'on a vu à Champigny par exemple.
RENAUD BLANC
Est-ce qu'il y a pour vous, en France, des zones de non-droit ou pas ?
NATHALIE LOISEAU
Alors, ne généralisons pas, mais il était plus que temps de rétablir une police quotidienne de sécurité parce qu'il n'est pas normal que dans certains quartiers l'arrivée de la police soit vécue comme quelque chose d'extraordinaire, au sens littéral du terme, il faut qu'il y ait
RENAUD BLANC
Vous pensez que c'est la réponse à ces agressions qu'on a connues par exemple à Champigny ?
NATHALIE LOISEAU
Je pense, puisqu'à Champigny il y a eu ces actes qui sont totalement inqualifiables, mais il y a aussi eu des habitants qui sont venus en aide, notamment à la femme gardien de la paix qui a qui a été agressée, donc ne mettons pas tout le monde dans le même sac, mais faisons en sorte que la police soit plus présente au quotidien, connaisse mieux les quartiers dans laquelle elle intervient. Sur la Saint Sylvestre, il y a eu un effort considérable qui a été fait, il y a eu 140.000 forces de police et de gendarmerie déployées à travers le territoire
RENAUD BLANC
Oui, il y a eu plus de 1000 voitures brûlées, il y a eu des incidents importants.
NATHALIE LOISEAU
Et malgré tout il y a des lieux où la violence s'exprime et il faut impérativement que les Français puissent se sentir à nouveau en sécurité partout.
RENAUD BLANC
Alors, avant de parler de l'Europe, vous êtes ministre chargée des Affaires européennes, l'actualité à l'étranger c'est l'Iran. Le pouvoir a annoncé hier la fin de ce qu'il appelle la sédition, pour vous c'était une révolte. C'est une révolte économique ou une révolte politique ce qui se passe en Iran ?
NATHALIE LOISEAU
Ce qu'on a entendu des slogans, ils sont très économiques. Ça vient de zones d'Iran où on n'était pas forcément habitué à manifester, et de catégories sociales qui n'étaient pas les plus habituées non plus à sortir dans la rue. On avait vu en 79, c'était beaucoup la bourgeoisie moyenne, les marchands, on avait vu en 2009 beaucoup les étudiants sortir dans la rue, cette fois-ci ce sont des gens qui disent « mais pourquoi, finalement, les sanctions ne sont pas véritablement levée, pourquoi est-ce qu'il n'y a pas davantage de créations d'emplois, pourquoi est-ce qu'à de la corruption, pourquoi » Alors, évidemment, dès qu'on parle de corruption on passe de l'économique au politique. Mais je crois qu'il faut être très prudent, on est loin d'avoir tout rassemblée comme informations sur, qui a lancé le mouvement, qui est derrière, est-ce que ça a pris, est-ce que ça va continuer ? Ce que le président de la République a fait, notamment en appelant le président iranien, c'est appeler à la retenue, rappeler le droit de manifester, la nécessité de maintenir l'ordre en respectant les libertés. Il nous faut un petit peu de temps pour y voir clair sur ce qui se passe en Iran.
RENAUD BLANC
Quand le président français se rendra-t-il à Téhéran ?
NATHALIE LOISEAU
Alors, comme vous le savez, Jean-Yves LE DRIAN devait se rendre demain en Iran
RENAUD BLANC
Ça a été annulé.
NATHALIE LOISEAU
D'un commun accord la visite a été reportée, non, pas annulée, il fallait évidemment le retour au calme pour que la visite se passe dans des bonnes conditions.
RENAUD BLANC
Et pas de date pour Emmanuel MACRON ?
NATHALIE LOISEAU
Une fois que Jean-Yves LE DRIAN sera allé en Iran, ce sera pour préparer un déplacement du président de la République. Il faut parler à tous, y compris quand on a des divergences.
RENAUD BLANC
Alors, Nathalie LOISEAU, vous êtes ministre chargée des Affaires européennes. Comme le dirait Edouard PHILIPPE, vous avez du pain sur la planche, notamment avec le Brexit, on rentre dans la seconde phase. Si je vous dis que les Français ne comprennent rien au Brexit, vous êtes étonnée ou pas ?
NATHALIE LOISEAU
Pas vraiment, parce que si on lit les déclarations d'un certain nombre d'hommes et de femmes politiques britanniques, on pourrait y perdre son latin ou son anglais. Il y a un effet retard sur le Brexit. Il y a eu ce référendum qui a
RENAUD BLANC
23 juin 2016.
NATHALIE LOISEAU
Qui a décidé de la sortie de l'Union européenne du Royaume-Uni, qui s'est fait dans des conditions étranges, on a très peu parlé de la réalité, on a beaucoup... les politiciens britanniques, en particulier ceux qui étaient favorables au Brexit, ont fait fantasmer les Britanniques sur un retour à une grandeur passée ; c'est toujours très dangereux quand on regarde dans le rétroviseur plutôt que vers l'avenir. Et puis petit à petit les Britanniques ont compris, ont admis d'ailleurs, que sortir du de l'Union européenne c'était notamment régler les engagements financiers qu'on avait pris, c'était protéger les citoyens européens qui vont rester au Royaume-Uni. C'est trouver une solution compliquée pour l'Irlande, puisque la république d'Irlande sera la frontière terrestre avec le Royaume-Uni. Et puis c'est inventer une relation future, qui sera forcément différente et forcément dégradée, on ne peut pas dire autre chose, entre le Royaume-Uni et l'Union européenne.
RENAUD BLANC
Pardonnez-moi, mais quand Tony BLAIR, par exemple, l'ancien Premier ministre, dit « finalement l'Angleterre ne doit pas sortir du Brexit », finalement est-ce qu'il ne brouille pas les cartes, parce que les Anglais ont tranché, vous travaillez sur le dossier, vous travaillez sur la sortie, voilà, est-ce que finalement ce n'est pas contre-productif ?
NATHALIE LOISEAU
Alors, il a parfaitement le droit de dire ce qu'il pense évidemment. Aujourd'hui nous travaillons sur le scénario que le peuple britannique a souhaité. Nous ne souhaitions pas le Brexit, c'est une décision que nous regrettons, mais c'est une décision que nous respectons, si demain un dirigeant politique britannique décidait de convoquer un nouveau référendum, ce serait autre chose. Hormis Tony BLAIR je n'entends personne parler de ça aujourd'hui, et Tony BLAIR n'est plus aux affaires.
RENAUD BLANC
Le calendrier dans les mois qui viennent, la prochaine étape clé pour le Brexit, c'est quoi ?
NATHALIE LOISEAU
Alors, la prochaine étape clé ça va être au mois de mars, où les chefs d'Etat et de gouvernement des 27, Etats membres de l'Union européenne, vont donner un nouveau mandat à leur négociateur, c'est-à-dire Michel BARNIER, nous avons la chance d'avoir un formidable négociateur européen, pour travailler sur l'accord futur avec le Royaume-Uni. Ce sera beaucoup plus compliqué que la première partie qui a déjà pris du temps, c'est décider comment nous organisons notre relation avec un partenaire proche
RENAUD BLANC
Compliqué, ça veut dire que ça va prendre encore plus de temps que prévu ?
NATHALIE LOISEAU
Ça va prendre du temps. Alors, plus de temps que prévu, je n'en sais rien, mais il faut réinventer une relation et c'est quelque chose que nous n'avons jamais fait, et nous étions évidemment très imbriqués avec le Royaume-Uni, l'Union européenne, c'est un partenaire proche, sur le plan géographique, sur le plan économique, sur le plan stratégique. Et d'ailleurs, sur les questions de défense et de sécurité, nous allons en parler en franco-britannique, il y aura un sommet le 18 janvier au Royaume-Uni.
RENAUD BLANC
Aujourd'hui il y a une crainte des pêcheurs français, notamment des pêcheurs de la Manche. 20 % de la pêche française se fait dans les eaux britanniques, ils sont très très inquiets, vous allez évidemment, je pense, défense de près le dossier. Est-ce qu'on peut se retrouver effectivement avec de nouveau des eaux territoriales anglaises qui empêchent les pêcheurs français de travailler ?
NATHALIE LOISEAU
Alors, la situation des pêcheurs français est une priorité pour nous dans la négociation de la deuxième phase du Brexit, nous l'avons parfaitement à l'esprit, nous l'avons exposée à Michel BARNIER, qui la connaît bien. Dans l'autre sens, les produits de la mer, produits par les pêcheurs britanniques, ont comme principal marché le marché unique, les 27, l'Union européenne, donc nous devons négocier les uns et les autres une solution qui soit acceptable et qui soit avantageuse pour les deux parties, chacun a des atouts dans son jeu.
RENAUD BLANC
La frontière anglaise, qui se trouve à Calais, elle va être forcément déplacée, c'est aussi un point essentiel pour les Français.
NATHALIE LOISEAU
Alors, le président de la République se rendra à Calais dans quelques jours, à l'issue des concertations qui ont été commencées par le Premier ministre, sur les questions d'immigration. S'agissant de Calais, il y a un accord, qui est un accord bilatéral, entre la France et Royaume-Uni, ce n'est pas un accord entre l'Union européenne et les Britanniques, il y a cet accord bilatéral. Nous sommes préoccupés, en particulier, de la lenteur et de la difficulté à faire admettre au Royaume-Uni des migrants qui sont des mineurs isolés, et la présence de ces mineurs isolés, qui généralement ont de la famille au Royaume-Uni, présence sur une longue durée, pèse très lourdement sur les collectivités locales, en particulier à Calais et dans l'environnement des hauts-de-France.
RENAUD BLANC
Nathalie LOISEAU, vous allez organiser les « conventions démocratiques » pour ausculter les opinions sur l'Europe, il nous reste quelques secondes, mais qu'est-ce que ça veut dire concrètement, est-ce que ce n'est un peu gadget ?
NATHALIE LOISEAU
Pas du tout. Ça veut dire que pendant trop longtemps on a fait l'Europe dans un entre-soi des élites, qui se retournaient une fois de temps en temps vers les peuples par des référendums, par définition binaires, donc simplistes, avec les résultats qu'on a connus. Ce que nous voulons faire, au moment où il faut refonder l'Europe, c'est tendre l'oreille vers les populations européennes, et pas seulement françaises, savoir de quelle Europe elles ont envie, pour pouvoir la dessiner au service des peuples, avec les peuples.
RENAUD BLANC
Enfin ils ont envie d'une Europe qui marche, d'une Europe où on parle d'une même voix sur les migrants, d'une même voix sur la sécurité, une même voix sur la défense
NATHALIE LOISEAU
Bien sûr.
RENAUD BLANC
Ce n'est pas le cas aujourd'hui.
NATHALIE LOISEAU
On a commencé, sur la défense par exemple, pendant des décennies il ne s'est rien passé, vous avez raison, c'est peut-être un effet positif du Brexit, on a avancé. Au mois de décembre on a lancé une coopération à 25 Etats pour qu'il y ait un embryon de mutualisation des efforts militaires communs, c'est un vrai progrès.
RENAUD BLANC
Mais, est-ce qu'on peut avancer sur l'Europe aujourd'hui, alors que l'Allemagne n'a pas de gouvernement ? Et ce sera ma dernière question.
NATHALIE LOISEAU
On travaille parfaitement bien avec l'Allemagne, de manière très étroite, depuis la campagne électorale, depuis les premières tentatives d'Angela MERKEL pour former une première coalition, et puis maintenant on est dans une deuxième phase de cette recherche d'un nouveau gouvernement. La coopération, elle est quotidienne, elle est étroite, elle a permis de commencer à travailler par exemple sur la taxation des grands acteurs du numérique, elle a permis d'avancer sur l'harmonisation de l'impôt sur les sociétés, donc oui, bien sûr, et c'est essentiel, le moteur franco-allemand est en marche.
RENAUD BLANC
Merci beaucoup Nathalie LOISEAU, d'avoir répondu à mes questions, la ministre chargée des Affaires européennes l'invitée de Radio Classique ce matin, très bonne journée à vous.
NATHALIE LOISEAU
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 janvier 2018