Conférence de presse de M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération, sur les politiques française, américaine et internationale en Afrique, à Washington le 30 octobre 1997.

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Circonstance : Voyage officiel de M. Charles Josselin aux Etats-unis (Washington et New York) du 29 octobre au 1er novembre 1997

Texte intégral

Le gouvernement auquel j'ai l'honneur d'appartenir est un gouvernement compact. Nous ne sommes que vingt-six, c'est à peu près la moitié de ce qu'on a pu connaître dans le passé. Pour avoir appartenu à deux autres cabinets ministériels, en 1985 où j'étais en charge des Transports, et en 1992, en charge de la Mer. Nous étions alors entre quarante-trois et quarante-huit. Ceci, vous le mesurez bien, modifie un peu le plan de charges des uns et des autres et, en ce qui me concerne, j'ai donc la responsabilité de la Coopération au développement, de la Francophonie et également de l'Action humanitaire.
J'ai souhaité venir dans l'exercice de mes fonctions à New York et à Washington pour rencontrer les grands acteurs de la Coopération au développement que sont la Banque mondiale et le FMI, mais aussi les institutions onusiennes, dont j'observe qu'elles continuent à être, d'une manière générale, mal connues en France. Je ne sais pas si c'est mieux en Europe, mais en France, il y a une approche très approximative de ces grandes organisations, à tel point qu'on les confond parfois avec les Etats-Unis. Or, chacun sait qu'il ne faut pas confondre ces institutions et les Etats-Unis, même si ceux-ci y ont évidemment un poids spécifique.
J'ai voulu aussi en profiter pour faire mieux connaître aux responsables de ces institutions ce qu'était la politique de Coopération au développement que la France voulait entreprendre, ce qui veut dire aussi l'autre relation avec l'Afrique que nous voudrions désormais nouer. Je m'en suis d'ailleurs entretenu ce midi avec Mme Rice, avec laquelle j'ai déjeuné et avec laquelle j'ai pu faire un assez large tour d'horizon. A elle aussi, j'ai affiché les nouvelles orientations de la politique française en Afrique, en particulier ce qui évidemment l'intéressait. J'ai observé, en tous cas, que les priorités que nous nous sommes données, et que je vous rappellerai dans un instant, sont, me semble-t-il, sinon exactement celles de mes interlocuteurs, du moins mieux prises en compte, aussi bien par le Fonds monétaire que par la Banque mondiale. J'ai même cru comprendre que sur les objectifs, entre le gouvernement américain et le nôtre, il y avait aussi beaucoup de parenté, en tous cas suffisamment pour justifier de nous rencontrer pour parler de l'Afrique.
S'agissant des priorités ou de la nouvelle politique africaine de la France, je rappelle qu'il s'agit là d'un domaine partagé et que, normalement, il y faut le consensus entre la présidence et le gouvernement. Or, si nous avons un nouveau gouvernement, nous avons toujours le même président et nous aurions pu craindre qu'il y ait là source de blocage. J'observe pour m'en féliciter que le président Jacques Chirac partage en quelque sorte notre analyse à savoir que la situation aujourd'hui appelle un autre dialogue avec l'Afrique et que, sur les inflexions que nous souhaitons apporter, il y a un assez large accord entre l'Elysée et Matignon. Nous en avons eu la preuve, M. l'Ambassadeur, en écoutant le discours du président lorsqu'il s'adressait à la Conférence des ambassadeurs, il y a quelques semaines. Alors, première observation : il n'y a plus de territoire africain réservé à la France mais il n'y a pas non plus en Afrique de territoire interdit à la France.
Deuxième observation à laquelle je voudrais vous rendre attentifs : il n'est pas question d'opposer aide publique et investissement privé, mais nous considérons que l'aide publique au développement demeure indispensable dans un grand nombre de pays en voie de développement. C'est la seconde observation : ne pas opposer investissement et aide publique mais il y a un besoin fort d'aide publique. Cette aide publique au développement fait évidemment appel aux finances publiques. Or, celles-ci sont durablement dans une situation de contrainte, ce qui oblige donc à rechercher la meilleure efficacité possible de cette aide publique, d'où une plus grande sélectivité, à la fois géographique et aussi sectorielle. La sélectivité géographique signifie que l'on tienne mieux compte du niveau relatif de pauvreté des pays en développement et des efforts qu'ils accomplissent pour s'en sortir ce qui renvoie évidemment à la bonne gouvernance, et en particulier à la lutte anti-corruption. Nous allons, et cela va demander un peu de temps, devoir arbitrer nos concours financiers en les réorientant là où il nous semble qu'ils sont le plus nécessaires et le mieux justifiés par le comportement des dirigeants. S'agissant de la sélectivité sectorielle ou d'un meilleur choix des thèmes prioritaires, le premier nous paraît être la construction des Etats, y compris dans leurs fonctions régaliennes, c'est-à-dire une armée, une police, une justice aussi. Et à cet égard, j'ai constaté lors des rencontres que j'ai eues en particulier avec les dirigeants, aussi bien du Fonds monétaire que de la Banque, que ce besoin d'un Etat structuré pour réussir le développement était désormais pris en compte dans les nouvelles politiques du Fonds monétaire international en particulier. Ceci peut apparaître comme relativement nouveau dans la mesure où, dans la première phase de l'aide au développement, le premier souci était de supprimer les contraintes, les empêchements à l'initiative. Nous nous sommes aperçus que ce n'était pas suffisant, qu'il y fallait aussi des Etats capables de porter le développement et, en particulier évidemment, d'y mettre en oeuvre l'Etat de droit, d'où l'importance que nous accordons à ce que nous appelons "l'appui institutionnel", avec un élément d'actualité qui est la préparation des armées africaines au maintien de la paix. L''objectif est que les Africains soient capables d'assumer leur propre sécurité. Là encore, si on me permet une digression, je rappelle qu'au mois de mai de cette année un accord a été signé entre les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France, par lequel ces trois pays s'engageaient à se concerter, pour préparer au maintien de la paix les armées africaines. C'est tout récemment que cet accord commence à produire ses effets et je pense à la réunion qui s'est tenu à Dakar il y a quelques semaines, quelques jours même, à laquelle participait mon collègue Alain Richard et qui a directement traité de cette question. C'est d'ailleurs à cette occasion qu'on a annoncé l'ouverture prochaine en Côte d'Ivoire, près de Yamoussoukro, d'une école régionale destinée à l'encadrement des armées de la région d'Afrique de l'Ouest. Il est important qu'il y ait cette concertation pour éviter l'opposition que certains n'ont pas manqué d'entretenir entre, par exemple, le maintien à Dakar de 1200 soldats français et l'arrivée pour trois semaines de 60 militaires américains, ce que certains média avaient traduit par : "les Américains arrivent, les Français s'en vont".
Parmi les autres thèmes prioritaires, il y a évidemment l'intégration économique et commerciale des pays en développement dans une organisation mondiale désormais incontournable mais, là encore, si on veut que l'investissement privé vienne porter le développement, encore faut-il que les règles de droit soient au rendez-vous. J'ai eu l'occasion avec mes interlocuteurs aujourd'hui d'insister sur le rôle que nous paraissait devoir jouer une procédure qui s'appelle l'OHADA, l'Organisation pour l'harmonisation du droit des affaires, à laquelle la plupart des Etats africains ont adhéré, enfin, beaucoup d'entre eux, mais qu'ils tardent parfois à appliquer.
Autre priorité, le développement humain auquel vous comprendrez que le gouvernement de M. Jospin soit particulièrement attentif. Entendons par là, l'accès de tous à l'éducation et à la santé. Et dans ce domaine aussi, j'ai saisi l'occasion qui m'était donnée pour attirer l'attention de mes interlocuteurs sur le danger qu'il y aurait d'imposer, dans le cadre d'un ajustement structurel, aux pays africains, des contraintes qui pourraient amener à sacrifier ces investissements de long terme, que sont l'éducation et la santé, au bénéfice d'une amélioration immédiate de la situation monétaire. Mais dans ce domaine aussi, j'insiste, j'ai senti, chez les responsables du Fonds monétaire comme de la Banque, un souci de mieux prendre en compte ces préoccupations du développement humain. A Hong Kong d'ailleurs, il y a quelques semaines, aussi bien Michel Camdessus, directeur général du FMI, que M. Wolfensohn, président de la Banque mondiale, avaient mis l'accent sur ces nouvelles orientations des organismes qu'ils dirigent. Développement durable, chacun est d'accord sur l'objectif. Il y a un gros débat sur les moyens. Nous verrons si, à Kyoto dans quelques semaines, il sera possible de franchir une étape significative du point de vue des climats, du réchauffement de l'atmosphère, ce qui renvoie évidemment à des engagements douloureux, mais à nos yeux, indispensables, en ce qui concerne les émissions de carbone. J'ai dit le besoin que nous semblait provoquer en quelque sorte la catastrophe écologique qu'ont représenté les incendies de la forêt indonésienne, quant au renforcement des politiques de gestion de la forêt. C'est un problème récurrent mais l'actualité oblige en quelque sorte à s'en préoccuper plus directement. Voilà les priorités que j'ai eues l'occasion de rappeler.
Pour atteindre les objectifs affichés, il nous semble qu'il faut mobiliser d'autres acteurs à côté des Etats, et nous voulons donner à la société civile toute son importance dans cette affaire. C'est vrai des acteurs économiques et sociaux. J'ai dit "acteurs économiques". On pense évidemment chambres de commerce, chambres de métier, le patronat au sens large, acteurs sociaux, et parmi les actions spécifiques que nous voudrions encourager, figure notamment la formation de syndicalistes par les organisations syndicales françaises. Elles ont commencé à le faire et nous pensons que la démocratie sociale mérite aussi d'être encouragée. Et puis, il y a en France tout le champ de ce que nous appelons la "coopération décentralisée" qui apparaissait, il y a dix ans, comme un gadget et qui est en train de se vérifier comme étant un moyen très riche de consolider la coopération. Il s'agit des relations entretenues par les collectivités locales françaises : villes, départements ou régions, avec d'autres territoires ou d'autres collectivités locales étrangères, surtout africaines mais pas seulement, qui ont le mérite de pousser à la décentralisation des Etats africains, mais aussi de contribuer à enraciner la démocratie locale et donc à favoriser l'émergence de nouvelles élites. Et, puisque je parle de ces nouvelles élites, nous considérons qu'il faut que nous regardions l'Afrique d'aujourd'hui et pas celle qu'on peut apercevoir dans le rétroviseur, c'est-à-dire vouloir nouer le dialogue avec les élites africaines qui n'ont pas toutes fait leurs études en France, mais qui ont eu une autre histoire que leurs pères avec nous et qui devraient permettre d'avoir avec elles un dialogue plus libre, plus exigeant et débarrassé de deux sentiments qui continuent de polluer la relation : la nostalgie et la culpabilité. Voilà les orientations que j'ai indiquées à mes interlocuteurs. Je suis à votre disposition pour y apporter quelques précisions, y compris aussi pour parler de l'actualité, et peut-être de certains pays ou zones que l'actualité oblige à regarder d'un peu plus près.
Q - Lors de votre entretien avec Mme Rice, vous avez mentionné ce que l'on appelle "l'initiative de réponse aux crises africaines". Pourriez-vous développer sur ce sujet ?
R - Nous n'aurons pas le temps d'entrer trop dans le détail mais je rappelle qu'il y avait deux conceptions qui n'étaient pas contradictoires, mais très distinctes. Les Américains souhaitaient la constitution d'une force internationale africaine qui aurait fonctionné de manière un peu permanente. Le choix qui a été retenu est de préparer, dans les différentes armées africaines qui le voudront, certaines unités, en général l'unité de référence est le bataillon, à ces opérations de maintien de la paix. Et puis il a été convenu à Dakar que les trois pays signataires de l'accord s'efforceraient de couvrir en quelque sorte le territoire africain en organisant de manière concertée cette préparation dans différentes régions africaines. Il s'agit en quelque sorte de se partager l'espace africain pour être plus efficace dans cette préparation. Parmi les idées qui sont en train de germer figure aussi éventuellement le prépositionnement de certains matériels logistiques qui souvent empêche la mise en place de ces forces d'interposition. Mais on peut imaginer que la même concertation puisse être utilisée pour aider, par exemple, au désarmement ou pour approfondir le concept désarmement/développement. L'Afrique souffre d'un excès d'armes mais aussi d'un excès de soldats un peu perdus. L'Afrique n'est pas la seule dans ce cas-là, mais en ce moment, il y en a vraiment beaucoup.
Q - (...) Est-ce que vos interlocuteurs américains vous ont interrogé sur le côté pratique des choses, en l'espèce, la situation au Congo ? On a vu des commentaires dans la presse américaine sur le thème : la France a pris la défense de M. Sassou N'Guesso pour des intérêts un peu secondaires (...)
R - Sans vouloir établir de comparaisons entre les deux rives du fleuve, nous avons en effet évoqué la situation particulière du Congo-Brazzaville. La position américaine est de condamner ce qu'ils considèrent comme une position de force contre un pouvoir légitime. Nous avons évidemment à cet égard évoqué la situation telle qu'elle se présentait avant l'entrée des troupes angolaises, mais aussi la réalité telle qu'elle résulte à l'examen de la situation. Notamment, c'est le général Sassou N'Guesso qui a gagné initialement avec l'aide des Angolais sans doute, mais qui est aujourd'hui en responsabilité du pouvoir. L'important maintenant c'est de s'assurer qu'il est capable de gagner la paix et de tenir les engagements qu'il a pris, à savoir la constitution d'un gouvernement d'union nationale et la préparation d'élections démocratiques. (...) Il n'y a pas eu accusation faite à la France qui s'est gardée d'avoir, d'une manière ou d'une autre, soutenu le général Sassou N'Guesso (...). Même si il m'est arrivé aussi d'évoquer les erreurs du président Lissouba qui avaient contribué à le déstabiliser sinon de le décrédibiliser, y compris d'avoir donné à l'Angola une bonne raison d'intervenir.
S'agissant du Congo-Kinshasa, j'ai eu l'occasion de dire à Mme Rice que la France en particulier, mais aussi d'autres Etats européens, attendaient du président Kabila un signe qui permettrait de convaincre qu'il s'engage dans un processus démocratique, et en particulier du point de vue de son comportement vis-à-vis de l'opposition. Rappelant que si ce signe était donné, la France, qui n'a pas cessé sa coopération par le truchement d'opérateurs civils, serait prête à reprendre une coopération plus active afin d'aider au développement de ce pays. A cet égard, j'ai pu observer que les Américains considèrent, eux, qu'il n'y a pas à demander davantage de signes au président Kabila, dès lors que la commission d'enquête était autorisée et que je crois qu'il a été question - et je parle là sous le contrôle de ceux qui m'accompagnaient - de la mise en place d'un comité constitutionnel, qui est le début du processus démocratique.
Q - Dans votre esprit et dans celui des Américains, cette force de maintien de la paix africaine, est destinée à intervenir avant que M. Sassou N'Guesso ait gagné la guerre de Brazzaville ou après ?
R - Il eût fallu qu'elle intervienne avant. On ne peut pas faire reproche à la France d'avoir retardé la mise en place de cette force d'interposition. Mais nous avons regretté que les volontés ne soient pas suffisamment fortes pour mettre en place, quand il était possible, cette force d'interposition.
Cela a été la posture, la position constante de la France. Appuyer la médiation et souhaiter la mise en place d'une force d'interposition.
Q - Les conditions du cessez le feu ...
R - Si on ne met en place une force d'intervention que lorsque tout est réglé il y a fort à craindre qu'on ne pourra jamais la mettre en place, ou qu'elle arrivera trop tard quand il n'y aura plus rien à protéger. C'est tout le débat. C'est la conditionalité qui a été mise à cette force d'interposition qui en a certainement rendu pratiquement impossible la réalisation. Nous y étions prêts, on ne savait pas forcement (...)
Q - Monsieur, vous avez mentionné l'importance des investissements et du développement. Le problème de la corruption et de la corruption dans le domaine des affaires a été soulevé lors de votre entretien avec Mme Rice. Quelle est l'attitude de votre gouvernement ?
R - Nous sommes tombés d'accord avec Mme Rice sur le besoin d'engager la lutte contre la corruption. J'ai même employé une expression un peu raccourcie, en disant qu'il ne faudrait pas que nous ayons à choisir entre des démocrates corrompus et des despotes honnêtes et je peux vous dire qu'au FMI, le dernier échange que je viens d'avoir, il y a quelques instants, avec Michel Camdessus me convainc que lui aussi est déterminé à lutter contre cette corruption.
Il y a, à cet égard, deux raisons au moins : la première c'est une raison morale, la seconde est au moins aussi importante. Nos opinions, donc nos populations, refuseront d'aider au développement, si la lutte contre la corruption n'est pas délibérément engagée. Parmi les objectifs que j'entends poursuivre il y a, en particulier, celui de rendre plus transparente la politique de Coopération au développement. Ce qui signifie d'ailleurs une communication plus soutenue, afin de faire savoir en France ce qu'on fait en matière de Coopération au développement et pourquoi on le fait. De la même manière, il faut faire savoir en Afrique ce qu'on fait et pourquoi on le fait parce qu'il arrive que la mémoire faiblisse un peu. La France est depuis si longtemps impliquée dans certains territoires africains qu'on a fini par l'oublier et on a tendance à passer sous silence les efforts importants qu'elle continue d'accomplir. Mais cette campagne de communication, cette obligation de transparence rende d'autant plus indispensable la lutte contre la corruption.
Q - Vous parliez tout à l'heure de la Côte d'Ivoire.
R - Nous avons parlé de la Côte d'Ivoire en effet. Et nous avons dit qu'il semblait que les efforts réels accomplis par la Côte d'Ivoire justifiaient qu'on trouve une solution au débat qui est actuellement en cours, même si nous partageons les réserves exprimées par le Fonds monétaire en ce qui concerne certaines aberrations budgétaires, mais l' effort est réel. J'ai bon espoir que le dossier Côte d'Ivoire puisse trouver assez rapidement une issue favorable. J'ai senti de la compréhension, mais j'ai senti aussi qu'il y avait une volonté de voir l'effort poursuivi.
Q - (Sur les relations entre la France et les Etats-Unis) R - J'ai le sentiment dont j'ai eu confirmation aujourd'hui, que les Américains souhaitent sincèrement un dialogue plus soutenu avec la France sur l'Afrique. Et nous y sommes évidemment prêts. Je l'ai dit à Mme Rice. Nous devons à l'histoire notre implication en Afrique. L'Amérique le doit à sa puissance et au poids qu'elle a désormais dans les affaires du monde. Nous avons une sorte d'obligation à nous concerter, en ce qui concerne les politiques africaines. En tout cas, nous n'envisageons en aucun cas de cultiver je ne sais quelle paranoïa par rapport à la présence américaine en Afrique. Elle a au demeurant, d'une manière ou d'une autre, presque toujours existé. Moins sans doute que la nôtre, encore aujourd'hui moins que la nôtre. La présence française en Afrique est de très loin la plus importante mais nous aimerions bien être moins seuls à aider l'Afrique dans son développement.
Q - Comme vous le savez il y a un grand débat ici en ce qui concerne la politique du Congo-Kinshasa. Le Congo-Kinshasa a besoin de la sécurité pour avoir une chance d'avoir la prospérité et pour cette raison nous devrions aider le gouvernement....Pourriez-vous nous donner la politique de défense de la France vis-à-vis de ce gouvernement. Et deuxièmement quelles sont vos impressions sur la politique, non seulement du Département d'Etat, mais aussi de la Banque mondiale.
R - Il me semblait avoir déjà donné quelques indications à ce sujet. J'hésite à recommencer ....
Q, - Cependant je n'ai pas entendu de détails en ce qui concerne la Banque mondiale.
R - La Banque mondiale souhaite une réunion des bailleurs de fonds à laquelle évidemment la France serait conviée puisque la France est actuellement un des bailleurs de fonds les plus engagés au Congo-Kinshasa. Pour l'instant, je crois l'avoir dit tout à l'heure, avant de donner notre accord à une telle participation que nous entendons d'abord en discuter avec nos partenaires européens au sein du Conseil des ministres des Affaires étrangères. C'est là que nous aimerions pouvoir prendre en compte quelques avancées démocratiques, afin de vaincre nos réserves. Voilà la position du gouvernement.
Q - J'ai l'impression alors que la Banque mondiale et la Département d'Etat ne sont pas tout à fait d'accord.
R - Non, la Banque mondiale souhaite que nous puissions plus rapidement aider le Congo-Kinshasa. C'est ce que j'ai entendu cet après-midi, et je le répète, nous ne disons pas non, mais nous disons que nous voudrions quelques signes démocratiques.
Q - (Sur les Comores)
R - Nous avions dit notre désaccord en ce qui concerne le référendum. Nous considérons qu'il y a une médiation engagée par l'OUA à laquelle la Ligue arabe participe et nous souhaitons que ce soit dans le cadre de cette médiation qu'une solution durable soit trouvée à la crise anjouanaise. La question de Mayotte ou d'une relation entre Anjouan et Mayotte ne se pose pas. Il n'a jamais été question de je ne sais quel statut qui serait donné à Anjouan par référence à Mayotte. Nous espérons qu'une solution soit trouvée qui puisse permettre de donner aux Anjouanais une meilleure responsabilité, une plus grande dignité, peut-être aussi sans remettre en question la République fédérale islamique des Comores. Mais nous pensons surtout qu'il est urgent de mettre en place un programme de développement dans lequel nous sommes prêts à nous investir, mais pas seuls, car il faut que d'autres bailleurs de fonds y participent. Ce programme de développement devrait répondre à la question. C'est bien l'inégalité, mais c'est surtout la difficulté sociale et économique qui explique le drame qu'a connu Anjouan./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 03 octobre 2001)