Interview de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé à France-Info le 9 février 2018, sur la santé publique, les hôpitaux et la situation des personnels des EHPAD.

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Média : France Info

Texte intégral


BRUCE TOUSSAINT
L'invitée politique de France Info ce matin, est Agnès BUZYN, ministre des Solidarités et de la Santé. Jean-Michel APHATIE.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Agnès BUZYN.
AGNES BUZYN
Bonjour.
JEAN-MICHEL APHATIE
Nicolas HULOT, le ministre le plus populaire du gouvernement, a démenti hier sur BFM, avant même sa publication, d'ailleurs, une enquête du journal l'Ebdo, une enquête qui l'accusait de harcèlement sexuel et puis aussi d'un cas de violences sexuelles. Et je vous propose d'écouter le démenti de Nicolas HULOT.
NICOLAS HULOT – HIER SUR BFM TV
On sort l'arme secrète, l'arme infaillible, celle qui blesse, celle qui tue, celle qui crée la suspicion, on touche, à mon honneur, il s'en remettra, il touche à ma famille, à mes enfants, et là je veux remettre les pendules à l'heure, je dis stop, parce que le journal en question, demain, va évoquer deux affaires, qui ne sont pas...
JEAN-MICHEL APHATIE
Voilà, donc le journal demain, c'est le journal qui sort aujourd'hui, qui s'appelle l'Ebdo. Comment vous avez réagi en prenant connaissance de tout cela et notamment de la prise de parole de Nicolas HULOT, Agnès BUZYN ?
AGNES BUZYN
Il m'a touchée, d'abord Nicolas HULOT est une personne extrêmement authentique, extrêmement appréciée, non seulement par les Français, mais par l'ensemble du gouvernement. Je pense qu'il a été très profondément blessé, et je comprends sa douleur face à des insinuations, parce qu'en fait le journal n'apporte pas de faits, il insinue, il colporte une rumeur, sur des faits qui ont été classés sans suite.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous avez lu le papier ?
AGNES BUZYN
Non, pas ce matin. Pas ce matin, mais le journal l'Ebdo cherche à faire aussi le buzz, c'est un nouveau journal, c'est difficile quand on crée un nouveau journal, d'exister sur la place de Paris, eh bien ça lui permet aujourd'hui d'être connu des Français.
JEAN-MICHEL APHATIE
Enfin, vouloir exister ne justifie pas que l'on s'affranchisse de toutes les règles de quelque métier que ce soit, et je ne sais pas si d'ailleurs l'Ebdo l'a fait. Alors, l'Ebdo rapporte un fait, ceci dit, une jeune femme, en 2008, donc elle a 30 ans, éprouve le besoin, en sachant, dit-elle, c'est son père exactement qui le raconte dans l'Ebdo, que les faits sont prescrits, elle éprouve le besoin de porter plainte, pour que quelque part l'histoire de la relation qu'elle a eu avec Nicolas HULOT, soit consignée, et donc peut-être y-a-t-il volonté de nuire, peut-être y-a-t-il une souffrance. Et depuis l'affaire WEINSTEIN, on nous dit : il faut écouter la parole des femmes, parce que c'est difficile de prendre la parole. Il y a la culpabilité, il y a la honte, donc il faut écouter la parole des femmes. Et là, visiblement, on ne dit pas cela, pourquoi ?
AGNES BUZYN
Alors, d'abord, les témoignages sont anonymes, donc c'est compliqué. C'est compliqué. Bien sûr...
JEAN-MICHEL APHATIE
Le nom est connu, maintenant, il n'est pas cité dans l'Ebdo, mais il est connu.
AGNES BUZYN
Il est connu peut-être par les journalistes, il n'est pas connu de moi en tous les cas.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il est écrit dans Le Parisien, par exemple, ce matin.
AGNES BUZYN
En l'occurrence, il faut évidemment écouter la parole des femmes, il faut aussi que les faits soient avérés, parce que c'est aussi possible d'accuser sans preuve, donc moi je ne peux pas, évidemment, juger de la sincérité de la parole de cette femme et je ne souhaite pas d'ailleurs commenter au-delà. La parole des femmes se libère, très très bien, que les faits soient, quand ils sont répréhensibles, jugés, c'est important, là c'est une affaire classée sans suite, la personne n'a pas souhaité porter...
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est une affaire prescrite. Elle n'a pas été classée sans suite, mais elle a été prescrite.
AGNES BUZYN
Mais ce que j'ai compris de cet article, c'est qu'elle n'avait pas souhaité porter plainte et qu'elle avait attendu dix ans, donc c'est quand même très troublant.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc, elle avait attendu les dix ans, pour que le fait soit consigné quelque part, sans qu'il y ait une enquête.
AGNES BUZYN
Oui, c'est quand même troublant, c'est-à-dire qu'elle n'a pas voulu porter plainte.
JEAN-MICHEL APHATIE
Non.
AGNES BUZYN
Parce que si elle avait voulu porter plainte, elle n'aurait pas attendu les 10 ans de prescription.
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, absolument, mais je...
AGNES BUZYN
Donc c'est une drôle de démarche, voilà.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est vrai, mais je le répète, on nous l'a beaucoup dit après l'affaire WEINSTEIN, mais peut-être à tort, que les femmes étaient confrontées à une telle douleur...
AGNES BUZYN
C'est possible.
JEAN-MICHEL APHATIE
... à une telle difficulté, que ça pouvait expliquer ce genre de situation.
BRUCE TOUSSAINT
On sait même qu'il y a une majorité de femmes qui subissent ces violences, qui ne portent pas plainte.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et qui ne portent pas plainte.
BRUCE TOUSSAINT
C'est malheureusement une chose qui est établie.
AGNES BUZYN
C'est évident que la parole des femmes n'a pas toujours été écoutée, et que l'affaire WEINSTEIN et la prise de conscience collective, va permettre que cette parole soit entendue, et que certaines plaintes puissent être suivies d'effets, et donc je pense qu'il y a quelque chose de très positif, évidemment, dans ce qui se passe en ce moment.
BRUCE TOUSSAINT
Est-ce que vous avez un doute sur cette histoire ?
AGNES BUZYN
Je fais confiance dans la parole de Nicolas HULOT, parce qu'il a été clair et qu'il m'apparait sincère.
BRUCE TOUSSAINT
On dit qu'il était très affecté hier lors du Conseil des ministres. C'est la vérité ?
AGNES BUZYN
NICOLAS HULOT est quelqu'un d'extrêmement sensible, très sincère, très authentique, il parle très souvent de sa famille et de ses enfants, parce que je crois qu'il est très très attaché à ce qu'il a construit autour de lui, et je suis triste pour lui de savoir que tout le monde soufre autour de lui. Par ailleurs, il fait un travail remarquable au sein du gouvernement, il a donné une vraie vision de l'écologie politique, non seulement pour la France, mais à l'international. Il est extrêmement écouté au sein du gouvernement, il a un poids, et il ne faudrait pas que cette affaire déstabilise son pouvoir politique, parce qu'il est en train de changer la donne sur le plan de l'écologie.
JEAN-MICHEL APHATIE
En tout cas il a enregistré hier le soutien, il a enregistré le vôtre ce matin, mais dès hier le soutien du président de la République, du Premier ministre et du gouvernement, c'est le porte-parole du gouvernement, Benjamin GRIVEAUX, qui l'expliquait après le Conseil des ministres.
BENJAMIN GRIVEAUX – HIER A PARIS
Il n'y a pas d'affaires, il y a des rumeurs, donc le président de la République a assuré Nicolas HULOT de son entier soutien, tout comme l'a fait le Premier ministre et je crois l'ensemble des membres du gouvernement.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc voilà, c'est la même procédure d'ailleurs que pour Gérald DARMANIN, qui lui aussi est contesté. C'est un air du temps, ça fragilise l'action gouvernementale, comment on gère tout ça ? On ne sait pas trop, on n'a pas beaucoup de repères par rapport à tout ça.
AGNES BUZYN
Quand on découvre le monde politique, on sait qu'on va être la cible d'attaques, et plus on est connu, c'est le cas de Nicolas HULOT, plus on est écouté. Gérald DARMANIN fait une carrière formidable au sein de ce gouvernement, à l'Assemblée il fait un travail remarquable, plus on est susceptible d'être pris pour cible, donc ce n'est pas très étonnant que ces affaires sortent sur deux personnes très appréciées dans le gouvernement. Après, tout est bon pour la déstabilisation, et aujourd'hui c'est...
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est un complot ?
AGNES BUZYN
Non, vraiment, je déteste la théorie du complot, mais il est évident que la moindre suspicion, la moindre affaire qui peut toucher un membre du gouvernement, notamment lorsqu'il est connu, va prendre une ampleur médiatique parce que l'on cherche, certains cherchent à l'utiliser politiquement. Je ne crois pas qu'il y ait une théorie du complot derrière et des manipulations de qui que ce soit.
JEAN-MICHEL APHATIE
Dans l'Ebdo, je renvoie les lecteurs au magazine s'ils le souhaitent, Nicolas HULOT répond par écrit à des questions du journaliste qui a fait l'enquête, et dans l'une de ses réponses, Nicolas HULOT dit : « Je me demande qui vous a donné ces informations, dans le but, peut-être – dit-il, il le formule à sa façon – de m'empêcher de poursuivre mon action politique ».
AGNES BUZYN
C'est possible, l'Ebdo a été fondé par un ancien ministre...
JEAN-MICHEL APHATIE
Thierry MANDON.
AGNES BUZYN
Thierry MANDON, qui a quitté le gouvernement en 2012, donc il connait bien l'impact de ces affaires sur un ministre et un homme politique, donc il l'a fait en sachant ce qu'il faisait, en publiant ce type d'informations...
JEAN-MICHEL APHATIE
Et vous, que voulez-vous dire en disant cela ? On règle des comptes ?
AGNES BUZYN
Non, je m'interroge...
BRUCE TOUSSAINT
Là, vous avez un doute.
AGNES BUZYN
Là j'ai un doute, parce que Thierry MANDON était un ministre du gouvernement précédent, qui n'était pas extrêmement connu comme Nicolas HULOT a pu, enfin, peut l'être aujourd'hui, et donc il sait exactement l'impact que cela va avoir et je pense que là il y a un vrai choix stratégique de l'éditeur de ce journal.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est dit.
BRUCE TOUSSAINT
C'est clair. Vous restez avec nous, Agnès BUZYN, il est 08h41, voici l'essentiel de l'info.
- Flash -
BRUCE TOUSSAINT
Agnès BUZYN, ministre des Solidarités et de la Santé est l'invitée de France Info. Jean-Michel APHATIE.
JEAN-MICHEL APHATIE
Beaucoup d'hôpitaux souffrent en France d'un manque de moyens, les EHPAD, il y avait une manifestation et des grèves la semaine dernière, c'est à dires ces établissements où on accueille des personnes très âgées, souffrent elles aussi d'un manque de moyens. On doit que la psychiatrie en France est pratiquement naufragée par manque de moyens, et c'est un effet curieux de l'actualité, je vous propose de regarder, je vais la lire, la Une du Monde hier : « la France relance ses dépenses militaires. » 300 milliards seront dépensés d'ici à 2025, on trouve plusieurs milliards par an pour arriver à faire cet effort, dont s'est félicité hier à l'issue du Conseil des ministres la ministre de la Défense, Florence PARLY.
FLORENCE PARLY
Pour réussir ce renouveau nos armées avaient besoin de moyens exceptionnels, à la hauteur des enjeux et de nos ambitions. Ces moyens sont là. Le cap a été fixé très clairement par le président de la République, la France consacrera 2 % de sa richesse nationale à la défense d'ici 2025.
JEAN-MICHEL APHATIE
Quand il y a une volonté politique on trouve des moyens, et quand on est à la tête de la santé en France où les moyens font si cruellement défaut, je me disais on est peut-être jaloux de la ministre de la Défense ce matin Agnès BUZYN.
AGNES BUZYN
Alors, on peut parler évidemment des moyens, mais je rappelle quand même que la France dépense 12 % de son Produit Intérieur Brut en dépenses de santé, c'est beaucoup plus que tous les pays de l'OCDE. Alors, certes, on a une médecine excellente, de qualité, mais la moyenne des pays de l'OCDE c'est 9 % du PIB.
JEAN-MICHEL APHATIE
Les prélèvements sociaux sont beaucoup plus importants aussi dans notre pays, donc il faut bien qu'on les retrouve ensuite dans les dépenses, c'est normal. Vous comprenez ce que je veux dire ?
AGNES BUZYN
Non, non, mais c'est normal…
JEAN-MICHEL APHATIE
Si dans les autres pays on prélève moins, on laisse aux gens le soin de payer leurs soins.
AGNES BUZYN
Oui, mais je ne suis pas sûre qu'on soit moins bien soigné en Allemagne, ou en Espagne, ou en Italie, qu'en France, or les dépenses de santé sont beaucoup moins importantes. Ce qui prouve qu'on a un manque d'efficience de notre système et que peut-être qu'en le réorganisant, en permettant moins de gabegie, parce qu'il y en a, on aurait moyen de beaucoup mieux rémunérer les professionnels, voire faire des investissements dans les établissements qui en ont besoin, tout en n'augmentant pas indéfiniment les dépenses de santé. Ce que je veux dire c'est que 12 % du PIB, nous sommes le cinquième pays de l'OCDE en termes de dépenses de santé, et l'état de santé des Français n'est pas si excellent que ça, nous avons notamment une durée de vie qui est longue, mais pas en bonne santé.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous connaissez bien le système hospitalier, médical en France, vous avez fait votre carrière professionnelle dans ce secteur. Vous pouvez dire, parce que peut-être des infirmiers, des médecins nous écoutent, il y a de la gabegie à l'hôpital ?
AGNES BUZYN
Pas à l'hôpital, je dis que globalement notre système de santé est mal organisé, mal structuré, pour répondre aux besoins de santé des Français.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais où est la gabegie ? A quel endroit du système est la gabegie ?
AGNES BUZYN
Partout en fait. Aujourd'hui notre système a été conçu pour traiter les maladies aigües, il a été conçu avec beaucoup d'hôpitaux, il a été conçu après guerre, et les besoins de santé des Français ont totalement changé, on a besoin maintenant de soins pour les maladies chroniques, de prises en charge avec de nombreux professionnels autour du malade, et pas seulement des médecins. Et on voit bien que notre système ne favorise pas les coopérations entre professionnels, que les examens sont faits à répétition, parfois inutilement, parce qu'on n'est pas capable de se donner des informations entre l'hôpital et la ville, ou entre professionnels de santé, donc il y a de la perte en ligne partout. Et c'est cette perte en ligne, un peu comme un tuyau percé, et c'est là-dessus que je veux travailler, plutôt que de rajouter de l'eau dans le tuyau, essayer de colmater les brèches, et ça va être mon enjeu des prochaines années, dépenser autant mais avec une efficience du système au rendez-vous.
JEAN-MICHEL APHATIE
Alors quand même le manque de moyens, on a identifié une histoire qui nous permet peut-être de l'évoquer, Frédéric POMMIER est journaliste à France Inter, il a profité de l'exposition que lui donne cette antenne et la possibilité d'intervention qui existe pour lui à France Inter pour raconter l'histoire de Suzanne. Sa grand-mère, qui est dans un EHPAD, et qui, elle en témoigne, souffre d'un manque cruel de moyens, on écoute Frédéric POMMIER.
(…) L'histoire de Suzanne.
JEAN-MICHEL APHATIE
Une douche par semaine, quand on entend ça, on se dit c'est insupportable en fait.
AGNES BUZYN
C'est évidemment insupportable…
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est les moyens là.
AGNES BUZYN
Là ce sont les moyens, mais…
JEAN-MICHEL APHATIE
Uniquement des moyens.
AGNES BUZYN
Je visite un EHPAD par semaine depuis que je suis ministre, et je vois de tout en fait, c'est-à-dire des EHPAD qui effectivement dysfonctionnent, des EHPAD qui n'ont pas les moyens…
JEAN-MICHEL APHATIE
Il y en a beaucoup qui dysfonctionnent ?
AGNES BUZYN
Il y en a qui dysfonctionnent, et c'est vrai que parfois on voit dans les reportages des choses totalement intolérables…
JEAN-MICHEL APHATIE
Et quand vous voyez ça, qu'est-ce que vous dites, vous les fermez, vous… ?
AGNES BUZYN
Non, pas du tout.
JEAN-MICHEL APHATIE
Qu'est-ce que vous essayez de faire ?
AGNES BUZYN
Alors, il y a deux problèmes en fait. Il y a un premier problème aigu qui est lié à la réforme de la tarification des EHPAD et sur lequel nous voyons bien qu'aujourd'hui la façon dont ils sont financés ne correspond pas à la réalité des personnes qu'ils prennent en charge. Notamment les EHPAD ont été conçus comme des maisons de retraite, et aujourd'hui les personnes arrivent de plus en plus tard, elles restent très longtemps à leur domicile, elles ont des besoins en soins…
JEAN-MICHEL APHATIE
Médicaux, oui.
AGNES BUZYN
Qui ont énormément augmenté. Et donc, nous rajoutons un budget énorme cette année pour créer des postes d'infirmières, d'aides-soignantes…
JEAN-MICHEL APHATIE
Combien ?
AGNES BUZYN
Cent millions d'euros cette année sur les EHPAD.
JEAN-MICHEL APHATIE
Combien de postes ?
AGNES BUZYN
Après ce sont les EHPAD qui vont se répartir cette somme en fonction de la gravité de l'état de santé de leurs résidents, donc il y a des barèmes et les EHPAD vont être donc financés en fonction de la gravité des personnes qui résident. Par ailleurs, il y a tout un travail que nous faisons sur la qualité de vie des personnels, parce que ce sont des personnels qui ont très peu de perspective de carrière, donc nous travaillons là-dessus. Mais il y a un problème plus général qui concerne la prise en compte de la dépendance en France, or les EHPAD sont financés à moitié par les départements, à moitié par l'Etat, pour la partie soins, et à moitié par les départements pour la partie dépendance, c'est-à-dire l'aide au quotidien des personnes qui vont faire manger la personne, etc. Or cette partie dépendance aujourd'hui, nous voyons bien qu'elle va être un enjeu de société dans les années qui viennent, on va passer de 1,5 million de personnes de plus de 85 ans à 5 millions de personnes de plus de 85 ans en 2050, et aujourd'hui il faut que la société réfléchisse à ce qu'elle veut mettre en termes de financement, d'accompagnement de la dépendance. Et les EHPAD aujourd'hui c'est cela que révèle le mal-être, c'est-à-dire que, certes, on peut toujours mettre de l'argent sur les soins, mais il y a l'enjeu de la prise en compte de la dépendance qui va être le sujet que j'aurai à traiter dans les années qui viennent.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le discours sur zéro augmentation de taxes, pas d'impôt nouveau, est un discours qui n'est pas réaliste, si on vous écoute Agnès BUZYN. Il y a besoin de moyens supplémentaires, donc il faudra bien les payer.
AGNES BUZYN
On peut faire un système d'assurance collective comme la Sécurité sociale, c'est ce qu'on appelle le « cinquième risque », d'autres prônent des assurances privées, c'est-à-dire que chacun
JEAN-MICHEL APHATIE
Et vous ?
AGNES BUZYN
Moi rien, moi je vais lancer le chantier, je souhaite lancer ce chantier, parce qu'on ne peut pas…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça ne peut passer que par un risque collectif, « cinquième risque. »
AGNES BUZYN
Nous en discuterons collectivement.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ce n'est pas votre opinion ?
AGNES BUZYN
Ça fait des années que ce sujet est sur la table sans que personne ne s'en empare réellement, donc je crois que le moment est venu. La crise des EHPAD elle est symbolique de ce malaise, parce que personne n'a vraiment ouvert, la loi d'adaptation de la société au vieillissement a évoqué des pistes mais n'a pas réellement donné de solution au problème de la dépendance, qui va s'accroissant. Moi je crois qu'il y a aussi un autre enjeu qui est de bien vieillir, aujourd'hui nous avons aussi une dépendance qui survient très tôt, et je veux qu'on favorise la prévention pour vieillir mieux, le plus longtemps possible, et ça c'est un sujet particulièrement vrai en France, c'est moins vrai dans les pays du Nord où on vit vieux, mais en bonne santé.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc le chantier, il faut l'ouvrir.
AGNES BUZYN
Le chantier est devant nous, il va s'ouvrir.
BRUCE TOUSSAINT
08h50, l'essentiel de l'info.
- Flash -
BRUCE TOUSSAINT
Agnès BUZYN, qui est ministre des Solidarités et de la Santé est l'invitée de France Info ce matin. Jean-Michel APHATIE.
JEAN-MICHEL APHATIE
Dans ce contexte difficile, le gouvernement annonce un plan volontaire de fonctionnaires, un plan qu'a critiqué hier, il était donc l'invité, l'ancien Premier ministre Manuel VALLS.
MANUEL VALLS – HIER SUR FRANCE INFO
Trop souvent, nous avons uniquement parlé des fonctionnaires comme s'ils pesaient, comme s'ils coutaient cher, sans jamais parler de leur mission, du rôle de l'Etat, et c'est ce débat qu'il faut ouvrir, plutôt que de commencer par le sentiment donné, par le sentiment d'une forme de punition, de coup de bâton, qui ne me parait pas aller dans le bon sens.
JEAN-MICHEL APHATIE
Voilà, c'est un plan de départs volontaires. Est-ce que l'hôpital est concerné par ce plan ?
AGNES BUZYN
Absolument pas, la Fonction publique hospitalière n'est absolument pas concernée. La raison pour laquelle a été évoqué ce plan de départs volontaires, c'est que vont être requestionnées les missions des Fonctions publiques, qu'elles soient territoriales ou de l'Etat, et que si certaines missions sont abandonnées, il faudra que les fonctionnaires retrouvent une autre place que celle qu'ils ont actuellement. La Fonction publique hospitalière, sa mission elle est claire : on a besoin de fonctionnaires dans le monde hospitalier aujourd'hui, on recrute, on a besoin d'infirmières, d'aides-soignantes, et clairement les missions de l'hôpital ne vont pas être abandonnées, donc cette Fonction publique...
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous aurez des possibilités de recrutement dans les années futures ?
AGNES BUZYN
On verra en fonction des restructurations qui vont avoir lieu dans les années qui viennent. Il y a une grande réflexion sur la place de l'hôpital, et je vais ouvrir ce chantier aussi prochainement, puisque...
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous deviez faire des annonces d'ailleurs en février, avez-vous dit, sur l'hôpital.
AGNES BUZYN
Oui, elles vont arriver, monsieur APHATIE, elles arrivent, nous y travaillons.
JEAN-MICHEL APHATIE
Nous sommes le...
BRUCE TOUSSAINT
Le 8.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le 8, ah c'est un peu tôt.
BRUCE TOUSSAINT
C'est un peu tôt.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le 9, nous sommes le 9.
AGNES BUZYN
C'est un peu tôt, mais elles vont arriver, parce que dès mon arrivée au gouvernement j'ai estimé qu'il y avait un sujet hôpital et ce sujet doit être traité. Aujourd'hui l'hôpital a fait perdre le sens aux soignants de la mission, parce que la façon dont ils fonctionnent n'est plus adaptée à ce que ressentent les personnels qui y travaillent, et ça rejoint la question des départs volontaires. Il lest hors de question de proposer des départs volontaires dans l'hôpital, il faut rendre confiance à ces professionnels qui font un travail formidable au quotidien et qui sont fatigués.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et pendant ce temps, que font les mutuelles ? Ah, elles augmentent les cotisations, tiens.
CHRISTOPHE LAFOND, VICE-PRESIDENT MGEN – FRANCE 3
Alors oui, nous allons augmenter nos cotisations en 2018, d'abord parce qu'il y a une nouvelle convention médicale et que cette convention médicale, décidée en 2016, qui s'applique en 2017, eh bien elle porte par exemple la consultation du médecin généraliste à 25 €.
JEAN-MICHEL APHATIE
A la fin, c'est toujours les mêmes qui paient.
AGNES BUZYN
A la fin, les dépenses de santé augmentent chaque année dans notre pays.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est légitime cette augmentation des cotisations des mutuelles ?
AGNES BUZYN
Je ne suis pas là pour commenter évidemment, je ne suis pas responsable des tarifs des mutuelles.
BRUCE TOUSSAINT
Ah ! Vous pouvez avoir un avis sur la question.
AGNES BUZYN
J'ai un avis. Les dépenses de santé augmentent c'est clair, elles augmentent au moins de 2 % par an - c'est ce qu'on appelle une « dame qui augmente » (phon) - et donc les mutuelles répercutent cette augmentation des dépenses de santé, quand les médicaments sont plus chers l'assurance maladie va débourser plus pour les médicaments mais les mutuelles vont aussi débourser plus pour les médicaments, donc quelque part c'est un mouvement général d'augmentations des dépenses de santé qui sont répercutées dans les prix des mutuelles. Après les mutuelles ont des choix dans le panier, dans l'offre qu'elles proposent, elles ont des choix de rembourser tel acte ou ne pas rembourser tel acte, et après c'est la liberté de chaque citoyen de choisir une mutuelle qui corresponde le mieux à ses besoins et de choisir les mutuelles les plus responsables possibles qui peut-être n'ouvrent pas une perspective de remboursement sur un champ très vaste et qui se concentre sur l'essentiel, c'est-à-dire les soins nécessaires.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et du coup, en partant de ces augmentations de cotisations des mutuelles, on s'est demandés si la promesse du candidat MACRON - que nous allons réécouter ensemble Agnès BUZYN – était très réaliste ou finalement si c'était toujours les mêmes d'une manière ou d'une autre paieraient ? On écoute Emmanuel MACRON.
DISCOURS D'EMMANUEL MACRON, CANDIDAT A LA PRESIDENTIELLE - NEVERS
S'agissant des lunettes, des prothèses dentaires et de l'audition je fixe l'objectif de 1200 % de prise en charge d'ici 2022.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça, on a du mal y croire pour vous dire la vérité.
AGNES BUZYN
Ah ! Non, on y travaille extrêmement sérieusement.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça va coûter combien à la Sécurité Sociale ?
AGNES BUZYN
Avant de dire ce que ça coûte, il faut savoir que le reste à charge des Français sur l'optique, les audioprothèses et dentaires est énorme...
JEAN-MICHEL APHATIE
Bien sûr !
AGNES BUZYN
Sur les audioprothèses c'est quasiment 50 % et donc il n'y a que 30 % des Français qui sont appareillés, or ça participe à la dépendance...
JEAN-MICHEL APHATIE
Les dents aussi c'est beaucoup, et les lunettes, tout est...
AGNES BUZYN
Voilà ! Donc aujourd'hui nous avons une première étape, nous travaillons sur ce que doit être le panier de soins remboursables, c'est-à-dire ce qui est nécessaire aux Français, ce qui est de qualité dans les trois champs et nous travaillons ces trois champs indépendamment des uns des autres parce que les professionnels qui y travaillent sont extrêmement différents et nous essayons de trouver des moyens de faire des économies dans la chaîne de valeur de ces trois filières de prise en charge.
BRUCE TOUSSAINT
Ce sera 100 % d'un coup, ce sera progressif ?
AGNES BUZYN
La mise en oeuvre sera probablement progressive parce qu'il va falloir réorganiser des filières de prise en charge où il y a beaucoup d'acteurs, dans l'optique il y a ceux qui produisent les lunettes, ceux qui produisent les verres, il y a les opticiens, il y a les ophtalmos, il y a les orthoptistes, donc nous allons travailler avec tous ces acteurs – et nous le faisons actuellement dans la concertation – l'objectif c'est donc la définition du panier de soins, ensuite une négociation pour voir où est-ce qu'on peut faire des économies et puis ensuite une négociation entre l'assurance maladie et les mutuelles pour voir qui prend en charge, s'il y a un surcoût qui prend en charge. Il y aura un surcoût pour l'assurance maladie à l'évidence dans certains choix, notamment le dentaire.
JEAN-MICHEL APHATIE
Que vous ne chiffrez pas encore bien sûr.
AGNES BUZYN
Bien sûr.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et vous pensez que cette réforme c'est avant la fin du premier ou du deuxième quinquennat d'Emmanuel MACRON ?
AGNES BUZYN
Nous mettons tout en oeuvre pour expliquer comment la réforme sera réelle pour le quotidien des Français en juin, donc les négociations qui ont lieu aujourd'hui devraient se terminer fin mai.
BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup Agnès BUZYN, bonne journée à vous.
AGNES BUZYN
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 février 2018