Interview de Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation à Radio Classique le 22 février 2018, sur l'égalité entre les femmes et les hommes dans l'enseignement supérieur et la formation professionnelle.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Radio Classique

Texte intégral


GUILLAUME DURAND
Nous sommes en direct avec Frédérique VIDAL, merci on se retrouve demain Marion, qui est ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation. Vous êtes à la base d'un ministère qui est très important avec l'Education et donc un certain nombre de parlementaires qui s'occupent d'éducation puisque le grand axe du président de la République c'est de dire qu'il va falloir qu'en France s'installe une célèbre équité, en tout cas une équité réelle, qui passe justement par l'éducation, qui passe par l'enseignement supérieur à un moment où la concurrence fait rage dans le monde entier. Est-ce que vous êtes consciente, madame, que l'enseignement supérieur justement joue un rôle fondamental dans cette volonté que l'équité puisse exister dans un pays qui pratique l'égalité mais qui est une égalité feinte ?
FREDERIQUE VIDAL
Absolument l'enseignement supérieur, mais j'allais dire l'enseignement et la formation en général, ce sont des piliers qui sont essentiels pour former la jeunesse, pour permettre aussi de rebondir - on sait qu'un certain nombre de métiers vont changer dans les années qui viennent - et c'est donc tout e que nous sommes en train de préparer à la fois avec Jean-Michel BLANQUER pour la partie secondaire et avec Muriel PENICAUD pour la partie apprentissage et formation professionnelle. Donc, c'est vraiment un tout, toute la formation est prise en compte.
GUILLAUME DURAND
Justement il y a pas mal d'économistes, il y avait un papier dans Le Figaro hier, Nicolas BOUZOU - économiste – qui se dit : « mais, attendez, l'affaire de l'apprentissage c'est extrêmement mal partie, on ne comprend rien, le dossier est mal ficelé, or c'est avec la formation professionnelle l'un des dossiers importants justement des mois qui viennent ». Est-ce que vous pouvez nous expliquer exactement, parce qu'on ne comprend pas grand-chose effectivement, ce qui est en jeu dans la modification de l'apprentissage qui concerne quand même des milliards d'euros d'investissements ?
FREDERIQUE VIDAL
Je crois que la chose peut-être la plus emblématique et la plus remarquable c'est que nous avons décidé de dire qu'un jeune, une entreprise, ça signifie un contrat et un financement de l'apprentissage et, ça, c‘est quelque chose qui ne se faisait pas auparavant puisque c'était des classes qui étaient financées quel que soit le nombre de jeunes qui y étaient inscrits et donc on se retrouvait dans une situation où on avait parfois des jeunes qui n'avaient pas de contact dans les entreprises, des entreprises qui cherchaient des apprentis qui n'en trouvaient pas et, donc, je crois que replacer le jeune au centre du système et dire que toute personne qui aura une proposition d'une entreprise pour faire un apprentissage aura un financement associé c'est déjà quelque chose qui devrait favoriser...
GUILLAUME DURAND
C'est-à-dire qu'on trouve, pardonnez-moi mais je vais essayer de parler encore plus prosaïquement, on trouve un job ou on a une piste pour trouver un job et à ce moment-là donc l'Etat investira dans la formation de celui qui a cette piste ?
FREDERIQUE VIDAL
Absolument. En fait un jeune rencontre une entreprise qui lui propose d'être apprenti, eh bien le contrat et le financement sont automatiquement associés.
GUILLAUME DURAND
Automatiquement, et qui va décider ?
FREDERIQUE VIDAL
Justement, c'est pour ça que c'est très important que ce soit un pilotage qui soit porté par justement les entreprises et par les branches puisque c'est elles qui savent où est-ce qu'elles vont avoir le plus besoin d'apprentis et, ça, c'est effectivement très important puisqu'on se retrouvait parfois dans des situations où on avait un souhait de créer une filière en apprentissage, de la financer et c'était compliqué administrativement de pouvoir le faire.
GUILLAUME DURAND
Donc, ce matin, le gouvernement valide cet accord qui a été négocié ?
FREDERIQUE VIDAL
L'accord qui a été négocié cette nuit c'est la formation professionnelle, c'est autre chose, l'apprentissage on l'a annoncé effectivement la semaine dernière...
GUILLAUME DURAND
C'est vrai.
FREDERIQUE VIDAL
Et c'est comme ça que ça se fera.
GUILLAUME DURAND
Et alors sur la formation professionnelle là aussi des négociations ont eu lieu effectivement cette nuit, est-ce que là aussi sur ce deuxième dossier important on a marqué une étape fondamentale cette nuit ?
FREDERIQUE VIDAL
Les annonces seront faites sur la formation professionnelle en début de semaine prochaine, je n'ai pas les conclusions qui ont été je crois produites au tout petit matin, mais l'idée c'est vraiment que là aussi on soit en capacité de mieux accompagner. On a un million de jeunes qui sont ni en emploi, ni en formation, et donc notre priorité c'est de leur donner une formation pour leur permettre d'aller vers l'emploi.
GUILLAUME DURAND
Et là vous savez qu'il y a eu beaucoup de contestations, par exemple Jacques ATTALI à un moment disait : « qu'on mettait des milliards par la fenêtre dans cette affaire-là et que rien n'était réglé en matière de formation professionnelle, que l'argent était absorbé on ne sait plus très bien par qui », est-ce que maintenant ça va être très clair ?
FREDERIQUE VIDAL
C'est vraiment l'objectif, c'est de remettre tout à plat pour qu'effectivement les financements qui ne manquent pas pour une fois, j'allais dire ce ne sont pas les financements qui manquent, il faut qu'ils arrivent au bon endroit et qu'ils servent le bon objectif qui sera celui de la formation professionnelle.
GUILLAUME DURAND
J'ai beaucoup de questions à caractère politique, car maintenant ça fait quand même un certain nombre de mois que vous êtes à la tête d'un ministère important et que vous voyez les journaux ce matin, je commence par L'Opinion : « les soldats perdus de la macronie », le journal s'interroge sur tous ceux qui ont aidé le président de la République à fabriquer son programme, comme par exemple l'économiste Jean PISANI-FERRY grand spécialiste de l'apprentissage et de la formation professionnelle, disparu ; beaucoup de journaux continuent à considérer que La République En Marche on ne sait pas très bien à quoi elle sert, est-ce que vous n'avez pas l'impression que le président de la République dans cette affaire-là est totalement seul qui est celle de gouvernement le pays ?
FREDERIQUE VIDAL
Non, le président est loin d'être seul. La République En Marche est un jeune mouvement, il ne faut pas oublier la date de sa création, donc c'est normal qu'il ait à se structurer - Christophe CASTANER le fait d'ailleurs extrêmement bien - et je crois que ce n'est pas parce que des gens ont participé à l'élaboration d'un programme et qu'aujourd'hui ils ne sont pas sur le devant de la scène qu'ils ont pour autant disparu ou qu'ils ne sont plus écoutés.
GUILLAUME DURAND
Vous voulez dire que Jean PISANI-FERRY il est toujours quelque part dans le radar de la macronie ou alors...
FREDERIQUE VIDAL
Jean PISANI-FERRY c'est quand même lui qui a préparé le grand plan d'investissement...
GUILLAUME DURAND
Exactement.
FREDERIQUE VIDAL
Donc, vous voyez qu'il était bien resté dans le radar si je puis dire et qu'il a continué à participer après l'élection du président puisque c'est lui qui a travaillé à la création du secrétariat général pour l'investissement, qui a préparé le grand plan d'investissement – moi j'ai eu l'occasion de le rencontrer plusieurs fois à ce sujet – donc non les gens n'ont pas disparu, simplement maintenant que le président n'est plus candidat mais est président nous devons mettre en oeuvre son programme.
GUILLAUME DURAND
Donc ce n'est pas, vous nous dites ce matin, un président seul qui gouverne un pays actuellement en France ?
FREDERIQUE VIDAL
Non.
GUILLAUME DURAND
Autre question. L'un de vos prédécesseurs est maintenant devenu célèbre, c'est Laurent WAUQUIEZ, vous avez vu son émission l'autre jour ou vous avez entendu parler de cette émission, en tout cas vous en connaissez le contenu politique, il considère que les gens de La République En Marche sont des guignols et que le pays que dirige Emmanuel MACRON est une dictature justement d'un homme seul sans le moindre – comment peut-on dire – contrepoids politique. Qu'est-ce que vous pensez de son passage à l'Enseignement supérieur et des propos qu'il a tenus ?
FREDERIQUE VIDAL
Moi je pense qu'il a tenu des propos qui à minima manquaient de mesure et qui démontraient une forme de mépris absolument incroyable, je lui conseille d'aller visiter une dictature déjà pour savoir ce que c'est – parce que si on dit que la France est une dictature alors c'est que probablement on n'en a jamais vue – il a tenu des propos extrêmement violents, y compris sur ses amis politiques ou ses anciens amis politiques, je crois qu'il est en train de durcir vraiment le discours politique qu'il porte et... Voilà ! J'imagine qu'il y a une stratégie derrière, en tout cas je lui souhaite, parce que sinon c'est très compliqué.
GUILLAUME DURAND
Il y en a une évidemment c'est de récupérer les 20 % de François FILLON moins l'affaire des costumes, donc de se retrouver au deuxième tour face à Emmanuel MACRON, c‘est pour ça qu'il le cible violemment vous le savez ?
FREDERIQUE VIDAL
Mais le problème c'est je crois que la politique a changé, les gens n'attendent plus ce type de discours, ne supportent plus ce type de violence un petit peu gratuite, ne comprennent pas comment on peut être soi-disant ensemble et rassemblé et, en même temps, tenir ce genre de discours.
GUILLAUME DURAND
Vous êtes ministre de l'Enseignement supérieur, vous avez dirigé une université dans le midi - celle de Sophia Antipolis - pendant des années, alors vous êtes madame un personnage mesuré, mais la vie politique n'est pas mesurée, la une du Parisien ce matin : « rien ne va plus à la mairie de Paris », on disait au milieu de la campagne que c'est Benjamin GRIVEAUX qui avait l'intention donc d'aller aux Municipales, est-ce que vous savez qui La République En Marche, puisque c'est votre parti, va désigner pour aller partir à la bataille de Paris car au fond La République En Marche a vocation à être candidate à toutes les grandes élections ?
FREDERIQUE VIDAL
Bien sûr, La République En Marche a vocation à être candidate à toutes les grandes élections, je n'ai pas d'information particulière pour savoir qui briguera la mairie de Paris au nom de La République En Marche.
GUILLAUME DURAND
Mais il y aura un candidat face à madame HIDALGO si elle se représente ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, vraiment, je serais incapable de vous répondre sur ce sujet.
GUILLAUME DURAND
Non, mais vous avez peut-être un souhait, vous êtes un responsable...
FREDERIQUE VIDAL
Un souhait par rapport au fait que La République En Marche se présente à toutes les grandes élections et puisse effectivement participer beaucoup plus largement à la façon dont les villes, les régions, les métropoles sont dirigées dans ce pays, oui bien sûr c'est un souhait.
GUILLAUME DURAND
Et est-ce que vous considérez que la décision du Conseil d'Etat finalement répare une situation qui était devenue pour la Capitale problématique ?
FREDERIQUE VIDAL
C'est très compliqué pour moi de répondre à ça parce que je n'ai connu la Capitale si je puis dire qu'avec les voies sur berge fermées, donc c'est...
GUILLAUME DURAND
Si jamais on les rouvre, vous allez faire une découverte magnifique.
FREDERIQUE VIDAL
Ecoutez, je ne sais pas. Je crois que ce qui est important toujours c'est le sens et le fond, la raison pour laquelle ces voies sur berge ont été fermées – en tout cas moi ce que j'en ai entendu – c'était à la fois une question de pollution et une question de rendre les voies sur berge aux Parisiens, si maintenant les Parisiens trouvent que c'est une mauvaise idée, je pense qu'effectivement ça s'interroge. Je crois qu'il ne faut jamais rester arc-bouter et il faut savoir écouter.
GUILLAUME DURAND
Oui. Mais il pourrait y avoir... mais enfin il y a deux problèmes : la fluidité de la circulation et, deuxièmement, les études qui ont été faites sur l'environnement qui ont montré que la fermeture des voies sur berge était totalement contreproductive...
FREDERIQUE VIDAL
Effectivement, c'est pour ça que parfois il faut savoir prendre en compte les études et les résultats de ces études.
GUILLAUME DURAND
Et est-ce que c'est une mauvaise mandature que celle d'Anne HIDALGO, bien que vous soyez une Parisienne d'extraction récente ?
FREDERIQUE VIDAL
C'est très difficile pour moi de répondre à cette question parce que justement, vous avez raison, je suis une Parisienne d'extraction récente. Moi je crois que ce qui fait le succès d'un maire c'est le fait que les habitants voient leur ville changer, voient leur ville s'améliorer et la relation entre un maire et sa ville c'est une relation qui va au-delà je pense de la politique traditionnelle, on peut parfaitement ne pas adhérer aux idées du mouvement politique de son maire...
GUILLAUME DURAND
Et en même temps le soutenir.
FREDERIQUE VIDAL
Mais trouver que son maire fait du bon travail dans une ville.
GUILLAUME DURAND
Or, actuellement, il y a une césure entre l'opinion - c'est ce que montrent les derniers sondages - et madame HIDALGO. Merci beaucoup d'être venue nous parler donc de l'apprentissage et de la formation professionnelle, ce sont des dossiers qui apparaissent un peu arides, ce ne sont pas les grandes phrases où tout le monde s'envoie des quolibets ou au contraire des déclarations d'amour, mais c'est fondamental pour ceux qui veulent accéder à l'emploi -c'est un des grands problèmes de la société française – donc bonne journée à vous madame.
FREDERIQUE VIDAL
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 février 2018