Interview de Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation à France-Inter le 1er mars 2018, sur les inscriptions des futurs bacheliers dans les filières universitaires de leur choix.

Prononcé le 1er mars 2018

Intervenant(s) : 

Média : France Inter

Texte intégral


HELENE FILY
Frédérique VIDAL, bonjour.
FREDERIQUE VIDAL
Bonjour.
HELENE FILY
Est-ce que vous pouvez promettre ce matin, à tous les élèves de terminale, qu'ils auront tous une place l'année prochaine dans la filière de leur choix ?
FREDERIQUE VIDAL
C'est l'objectif et c'est la raison pour laquelle nous avons travaillé avec l'ensemble des établissements pour augmenter le nombre de places, puisqu'on sait que le nombre de bacheliers cette année sera supérieur à l'année dernière.
HELENE FILY
30.000 de plus à peu près, c'est les enfants du baby-boom de l'an 2000, ça fait beaucoup.
FREDERIQUE VIDAL
Oui, on attend à peu près 28.000 bacheliers supplémentaires cette année par rapport à 2017, et c'est pourquoi les établissements ont travaillé à ouvrir un nombre de places conséquent, de façon à pouvoir les accueillir.
HELENE FILY
Alors, combien et dans quelles filières ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, l'objectif que je m'étais fixé c'était d'avoir 22.000 places supplémentaires dans les filières en tension, aujourd'hui nous avons été en capacité de financer 19.000 places déjà. C'est un travail qui se fait sur le terrain, avec les tablissements, qui nous disent où, l'année dernière, ils ont dû refuser des étudiants par manque de places, et donc nous finançons des recrutements d'enseignants, des heures complémentaires, des travaux parfois, qui leur permettent d'anticiper le nombre d'étudiants supplémentaires qu'ils accueilleront cette année. C'est un travail, vraiment, qui se fait dans la dentelle, avec chacun des établissements, et puis nous aurons, à la mi-mars, une cartographie réelle des demandes des bacheliers.
HELENE FILY
La mi-mars c'est, je le rappelle, le moment…
FREDERIQUE VIDAL
C'est le moment où les lycéens arrêtent de mettre des voeux sur la plateforme…
HELENE FILY
Parcoursup.
FREDERIQUE VIDAL
Voilà…
HELENE FILY
Qui a remplacé Admission Post-bac.
FREDERIQUE VIDAL
Donc le 13 mars c'est la fin des voeux, ensuite ils ont jusqu'au 31 mars pour pouvoir compléter et peaufiner leur dossier, et à partir du 31 mars ce sont les établissements qui prennent le relais et qui font des propositions aux étudiants.
HELENE FILY
Alors, vous dites que vous vous adapterez aux voeux des élèves de terminale qui seront formulés, donc à la fin mars, est-ce que ce n'est pas un peu tard fin mars, début avril, pour créer de nouvelles places dans des universités ?
FREDERIQUE VIDAL
Non, parce qu'il faut bien comprendre qu'on ne crée pas de nouvelles formations, c'est simplement la possibilité d'accueillir des groupes d'étudiants supplémentaires, mais sur des programmes qui existent déjà dans les établissements. Là où on a été en capacité de créer, si je puis dire, de nouvelles formations, ce sont à chaque fois des antennes d'universités existantes, qui se sont déplacées dans des villes où elles n'existaient pas, donc, là encore, les programmes sont faits, ce qui est important…
HELENE FILY
Mais il faut des enseignants, il faut quand même des infrastructures adaptées au nombre d'étudiants qu'on peut accueillir, et ça va donner quoi…
FREDERIQUE VIDAL
Voilà, c'est là-dessus qu'on a travaillé.
HELENE FILY
Des cours le samedi matin, des cours le soir aussi, c'est envisageable ça ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors l'organisation, évidemment, de chaque établissement, je ne peux pas vous répondre dans le détail, mais il faut bien comprendre que, actuellement, dans le système, il reste à peu près 100.000 places qui sont disponibles, et donc, ce que nous avons fait, c'est rajouter des places pour mieux adapter l'endroit où il y a des possibilités d'accueillir des étudiants, avec la demande des étudiants.
HELENE FILY
Alors, ces 100.000 places, c'est dans des filières un peu moins attractives, les lettres, les langues, dans des villes moins attractives aussi ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, c'est essentiellement, en fait, dans des filières, vous savez qu'il y a une forme de désaffection pour les études scientifiques, et donc les filières scientifiques sont très rarement demandées en première intention par les lycéens, les filières effectivement, quelques filières de sciences humaines sont aussi dans ce cas-là, mais on a aussi des filières de sciences humaines qui sont extrêmement demandées, donc c'est très variable.
HELENE FILY
Donc ça veut dire que vous pourriez obliger un étudiant à se diriger vers cette filière-là, même si ce n'est pas son choix, ou à changer d'académie s'il n'y a pas de place, dans la filière de son choix, là où il habite ?
FREDERIQUE VIDAL
Non, il faut bien comprendre que le l'objectif n'est absolument pas d'obliger qui que ce soit à faire quoi que ce soit. Nous avons travaillé sur l'orientation, dès cette année, ce sera évidemment amplifié dans les années à venir, parce que nous croyons qu'il y a un vrai sujet sur l'orientation des jeunes, et ce n'est pas normal, moi je l'ai vécu, de voir des étudiants quitter les amphis après quelques semaines en nous disant « ce n'est pas du tout ce que l'on pensait, on ne pensait pas du tout qu'on allait avoir ce type de cours, finalement ce n'est pas ça qui nous intéresse », donc cette partie orientation elle est très importante. Et puis après, c'est prévu par la loi, c'est bien le lycéen qui a le dernier mot, c'est-à-dire que c'est lui qui dit qu'est-ce qu'il souhaite faire, et c'est bien les établissements qui s'adaptent à cette envie, en proposant des parcours personnalisés.
HELENE FILY
Le lycéen aura toujours le dernier mot, donc tous les lycéens auront une place dans la filière de leur choix à la rentrée prochaine ?
FREDERIQUE VIDAL
C'est vraiment l'objectif qui est visé, avec cet investissement, sans précédent, que fait le gouvernement, puisque c'est 500 millions d'euros budgétaires et 500 millions d'euros supplémentaires, spécifiquement pour mettre en place ce nouveau premier cycle, beaucoup plus personnalisé, beaucoup plus accompagnant, si je puis dire, pour les étudiants.
HELENE FILY
Les syndicats se mobilisent toujours contre les attendus, le nouveau nom des prérequis, est-ce que c'est une sélection qui ne dit pas son nom ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, il y a beaucoup de choses qui sont dites, et moi, évidemment, je propose à tout le monde d'aller lire ce qui est dans la loi. Les attendus c'est juste une façon d'informer, et donc ça fait partie de l'orientation, et donc c'est une façon d'informer les futurs étudiants de ce qu'ils vont trouver dans les filières. Tout le monde ne sait pas qu'on va faire de la biologie quand on fait de la psychologie, tout le monde ne sait pas qu'on va faire de la mécanique lorsqu'on fait STAPS.
HELENE FILY
Mais il y a sélection ou il n'y a pas sélection à l'entrée des filières ?
FREDERIQUE VIDAL
Il n'y a pas sélection à l'entrée des filières universitaires, puisque c'est aussi précisé dans la loi.
HELENE FILY
On va regarder si vous avez telle ou telle compétence, si vous avez, en dehors des notes…
FREDERIQUE VIDAL
Mais uniquement pour pouvoir vous proposer un accompagnement, et c'est vraiment tout le sens du « oui si », c'est une chance supplémentaire, c'est pour ça que quand j'entends des associations qui disent défendre la réussite des étudiants, refuser le « oui si », je pense que c'est un vrai malentendu.
HELENE FILY
Alors, le « oui si » c'est l'université qui peut dire « oui, je peux prendre cet étudiant, s'il y a une remise à niveau proposée, faite, par la suite, au cours de la première année. » Les universités disent déjà qu'elles n'ont pas le temps, qu'elles n'ont pas les moyens de cette remise à niveau.
FREDERIQUE VIDAL
Alors, vous avez une vision qui n'est pas la mienne. Moi j'ai rencontré l'ensemble des présidents d'université et des vice-présidents en charge des formations, ils m'ont tous présenté les dispositifs qui étaient déjà en place, et qui allaient encore prendre de l'ampleur à la rentrée prochaine. Donc, le « oui si » est une chance pour les étudiants, l'idée c'est qu'en fonction de ce qu'ils ont fait avant, on va pouvoir leur proposer des parcours, qui vont être personnalisés, qui vont les accompagner vers la réussite, plutôt que de leur dire « ça fait longtemps que tu n'as pas fait de maths, il y a des maths dans cette filière, eh bien tu vas faire des maths comme ceux qui sortent d'une terminale S. »
HELENE FILY
Ça va se mettre en place, j'ai l'impression, un peu au futur et à mesure, c'est une année test l'année prochaine, vous allez voir ce que ça donne, je n'ai pas l'impression que tout le monde arrive à trouver sa place comme il convient, à la rentrée…
FREDERIQUE VIDAL
Evidemment c'est une réforme qui va se faire dans le temps, parce qu'il va aussi falloir regarder qu'est-ce qui fonctionne en termes d'accompagnement. L'objectif c'est que, non seulement les jeunes accèdent à l'enseignement supérieur, au moins autant qu'aujourd'hui, et si possible plus, mais surtout qu'ils y réussissent et qu'on sorte de 30 % de réussite seulement en première année.
HELENE FILY
J'avais une toute petite dernière question. Qu'est-ce que vous voulez faire avec les étudiants en médecine, vous voulez quoi exactement pour la première année, vous voulez arrêter le redoublement, vous voulez supprimer le numerus clausus ?
FREDERIQUE VIDAL
Alors, il y a un vrai sujet sur la première année de médecine, et c'est un sujet dont il va falloir que nous débattions. Je pense que vous faites référence à ce qui a été proposé par certaines universités parisiennes, c'est très simple. Lorsque les étudiants n'ont pas le concours, mais ont néanmoins la moyenne à leur année, on leur propose d'aller dans une deuxième année, où ils préparent à nouveau le concours, et ça leur permet, s'ils ratent une deuxième fois le concours, d'aller en troisième année de licence, donc de ne pas avoir…
HELENE FILY
Donc on ne « rebachote » pas la même chose deux années de suite.
FREDERIQUE VIDAL
Absolument. Donc, c'est plutôt quelque chose qui va dans le bon sens pour les étudiants.
HELENE FILY
Frédérique VIDAL, merci beaucoup d'avoir répondu à nos questions, d'avoir été avec nous ce matin sur France Inter, ministre, je le rappelle, de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation.
FREDERIQUE VIDAL
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 mars 2018