Interview de Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture à RFI le 21 mars 2018, sur le plan gouvernemental pour la francophonie et l'audiovisuel public.

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Média : Radio France Internationale

Texte intégral


FREDERIC RIVIERE
Bonjour Françoise NYSSEN.
FRANÇOISE NYSSEN
Bonjour.
FREDERIC RIVIERE
Le président de la République a présenté hier son plan pour la francophonie, c'est évidemment un moment fort pour la ministre de la Culture que vous êtes - nous n'aurons pas le temps de tout évoquer puisque le discours a été long - qu'est-ce qui vous paraît plus important dans ce qu'a dit Emmanuel MACRON hier lors de son discours ?
FRANÇOISE NYSSEN
D'abord merci ministre française de la Culture, je suis une ministre qui vient de Belgique puisque je suis franco-belge...
FREDERIC RIVIERE
Vous êtes une vraie francophone ?
FRANÇOISE NYSSEN
Je suis on peut dire un exemple de francophone, c'est-à-dire que je me suis nourrie du français, j'ai eu le français en partage et le français m'a amené à planter mes racines en France, c'est important parce que c'est ce qui m'a frappé dans ce discours, c'est le discours de quelqu'un, d'un homme vraiment engagé et engagé pour la langue - la langue c'est l'hospitalité, c'est le partage, c'est l'apprentissage et c'est l'accompagnement, c'est le berceau de la création – et c'est ça qui a été évoqué.
FREDERIC RIVIERE
Oui. Pour vous qui n'êtes pas née française, vous l'avez souligné, comment vous voyez cette passion pour sa propre langue en France, est-ce qu'elle est singulière, est-ce que c'est une spécificité française ?
FRANÇOISE NYSSEN
La passion pour la langue française n'est pas une spécificité française, chaque fois – et j‘ai eu l'occasion de nombreuses fois d'être confrontée à des artistes, à des créateurs qui viennent du monde entier et qui ont le français en partage, qui portent le français et souvent le français est une langue de désir et une langue de vie, une langue qui se nourrit de leur langue là où ils sont – la France est le seul pays francophone où il n'y a que le français, la plupart des autres pays où se parlent le français il y a d'autres langues, dans mon pays il y a deux langues...
FREDERIC RIVIERE
Bien sûr.
FRANÇOISE NYSSEN
Partout, donc le français s'enrichit aussi de cette confrontation et c'est une langue de partage qui permet la diffusion du savoir et des oeuvres et en cela de sa richesse, de son utilisation par une quantité incroyable de créations dans tous les champs de la création. C'est une langue de désir aussi !
FREDERIC RIVIERE
Il y a eu dans le discours d'Emmanuel MACRON un vibrant hommage au professeur de français qu'il a qualifié de héros, un plaidoyer en faveur des bibliothèques, lieux de culture, d'accès à la littérature, plus d'étudiants étrangers seront accueillis en France et une Maison des étudiants francophones sera créée à la Cité universitaire - ce ne sont que quelques-uns des éléments de son discours - qu'est-ce qui fait la ligne directrice de tout cela ?
FRANÇOISE NYSSEN
Je reviens sur ce terme d'hospitalité et partage...
FREDERIC RIVIERE
Oui, échange.
FRANÇOISE NYSSEN
Echange ! Et on peut aussi parler aussi traduction que vous n'avez pas évoquée et qui est quand même le... c'est la langue de passage, c'est la langue de tous la traduction, c'est ce qui permet de connaître l'autre, c'est ce qui permet la diversité culturelle, sans traduction on ne peut pas parler avec l'autre, donc on ne peut pas connaître l'autre, donc c'est essentiel. Mais ce point commun de l'accueil - et j'insiste et je trouve qu'il y a une formule qui m'a particulièrement touchée - c'est quand il a dit : « le meilleur titre de séjour c'est la langue, l'apprentissage du français dans les...
FREDERIC RIVIERE
Oui, plus d'heures d'enseignement ça va dans ce cadre-là...
FRANÇOISE NYSSEN
Très important.
FREDERIC RIVIERE
Pour les étrangers, les migrants qui arrivent en France...
FRANÇOISE NYSSEN
Voilà ! L'accueil...
FREDERIC RIVIERE
Elles vont être doublées, voire triplées ?
FRANÇOISE NYSSEN
Voire triplées, puisqu'aujourd'hui c'est quelque 200 heures, il a parlé de 400 heures, voire 600 heures.
FREDERIC RIVIERE
C'est cela.
FRANÇOISE NYSSEN
Ce que je voudrais souligner ici, parce que c'est quelque chose qui existe déjà et qu'on va accompagner - et c'est le propos du ministère de la Culture - c'est d'accompagner cette ouverture des bibliothèques, c'est ce travail formidable qui est fait, donc je citerais par exemple la BPI qui accueille, qui oriente les gens, qui leur propose de pouvoir apprendre le français, j'ai assisté à l'Opéra de Paris à un moment justement d'une situation qui s'appelle « HOP « et qui travaille sur l'apprentissage du français, c'est essentiel pour... c'est une langue d'inclusion, la pleine possession de cette langue permet l'émancipation.
FREDERIC RIVIERE
Emmanuel MACRON a parlé à plusieurs reprises dans son discours de la tentative hégémoniste de l'anglais, notamment à Bruxelles, c'est-à-dire à la Commission européenne, il y a du travail à faire là dans ce domaine encore, on voit par exemple régulièrement sur le site de la Commission des textes qui ne sont pas accessibles en français. Comment la France peut-elle tolérer ça ?
FRANÇOISE NYSSEN
Travaillons là-dessus ! Les langues de travail ne sont pas que l'anglais, l'anglais est une langue de partage, n'en faisons pas un... ce n'est pas le sujet, le sujet c'est vraiment d'appuyer et de soutenir le français partout. Par exemple le travail à faire sur les réseaux sociaux pour que le français soit une langue de partage, sur au niveau de la diffusion des films - que systématiquement les films soient sous-titrés – voilà des actions très concrètes qui peuvent être faites et qui sont importantes.
FREDERIC RIVIERE
Le nombre des étudiants étrangers je disais va être augmenté, vous en savez plus d'ores et déjà sur comment ça va se mettre en place, selon quels critères, tout ça va...
FRANÇOISE NYSSEN
Donc c'est un grand plan, il l'a annoncé, c'est un grand plan qui se fera et qui sera annoncé début 2019. L'accueil des étudiants étrangers existe déjà dans toutes nos écoles d'art, parce que le ministère de la Culture a 99 écoles d'art, s'occupe de 99 écoles pour l'apprentissage de toutes les disciplines, dans le domaine de l'art, de l'architecture, du design... et c'est presque 35.000 étudiants et je vois bien que chaque fois qu'on va voir ces écoles comment ces écoles aussi non seulement accueillent, sont très demandées, mais s'enrichissent de la présence des autres étudiants et des étudiants de tous les pays. Une fois de plus c'est exactement la même chose ! Vous savez être au ministre de la Culture c'est aussi se préoccuper de cette ségrégation culturelle qui est partout et cette ségrégation culturelle elle pourra aussi s'atténuer par le partage de la langue et la confrontation à l'autre et la prise en compte de l'autre.
FREDERIC RIVIERE
« Le combat pour la francophonie, a dit Emmanuel MACRON, passe aussi par le combat médiatique, la France - je le cite - peut s'appuyer sur FRANCE MEDIAS MONDE qui touche 135 millions de personnes, nous devons parvenir à 150 millions », évidemment vous vous en doutez c'est un hommage qui n'est pas passé inaperçu ici à RFI ainsi qu'à FRANCE 24 et MONTE CARLO DOUALIYA, a fortiori dans un moment où les médias du service public s'interrogent, s'inquiètent parfois même de ce qui les attend dans le cadre de la grande réforme de l'audiovisuel public annoncé par Emmanuel MACRON. D'un mot d'abord pour notre chapelle ici à FRANCE MEDIAS MONDE, puisque le président de la République annonce qu'il faut toucher plus de monde, on va plutôt dans le sens d'une augmentation des moyens que d'une réduction donc si je comprends bien ?
FRANÇOISE NYSSEN
On va dans le sens d'une augmentation des gens touchés - et c'est de cela qu'il s'agit – vous parliez des chiffres pour FRANCE MEDIAS MONDE, effectivement c'est 135 millions de personnes aujourd'hui par semaine vous le savez, c'est 100 millions RFI et FRANCE MEDIAS, FRANCE 24 et MONTE CARLO DOUALIYA et c'est 35 millions sur le net, donc c'est le développement de toute cette façon de travailler en coopération et par le développement du numérique qu'il y a aussi la possibilité d'étendre le nombre d'auditeurs et de Français qui viendront au contact de FRANCE MEDIAS MONDE.
FREDERIC RIVIERE
Au-delà de notre propre chapelle, plus largement donc, où en est la réflexion sur la réforme ? Est-ce que l'idée d'un grand ensemble de l'audiovisuel public, avec une présidence commune, est-ce que cette idée-là est arrêtée ou pas ?
FRANÇOISE NYSSEN
Il ne s'agit pas d'un grand ensemble, il s'agit... vous savez c'est un certain nombre de sociétés, ce sont des sociétés qui travaillent chacune dans leur domaine, il y a FRANCETELE, il y a RADIO FRANCE, FRANCE MEDIAS MONDE, ARTE, l'Ina, TV5... et l'idée c'est que chacun fait des choses dans son domaine et jusqu'à présent ne travaillait pas tellement ensemble, l'idée c'est de les amener à travailler ensemble - ce que nous faisons depuis l'été dernier dans des groupes de travail qui se réunissent régulièrement pour réfléchir sur les grandes missions - parce que l'idée aujourd'hui c'est que cette réforme rappelons elle est nécessaire, les choses changent, le paysage a changé, aussi bien le nombre de chaînes – 24 chaînes de la TNT, une centaine sur les box -que les usages et il ne faut pas le subir mais au contraire, à la faveur de ce changement, créer et imaginer - ce qui est fait d'ailleurs ici très clairement - et donc l'important c'est d'arriver à travailler ensemble et de les mettre à travailler ensemble. Donc, l'idée...
FREDERIC RIVIERE
Mais vous savez que parfois... le terme, vous ne l'avez pas employé d'ailleurs, mais on parle souvent de synergie et vous savez que ce terme masque souvent des réductions d'effectifs, il y a aussi des inquiétudes de cet ordre-là, est-ce qu'elles sont légitimes ?
FRANÇOISE NYSSEN
Je parle plutôt de coopération. Prenons un sujet extrêmement important et extrêmement actuel aujourd'hui qu'est l'éducation aux médias, il y a des choses qui sont faites sur chacun des médias, vous en faites, vous participez pleinement - que ce soit RFI, que ce soit FRANCE 24 - pour autant ce n'est pas partagé et ce n'est pas connu du grand public, une plateforme commune d'éducation aux médias serait une façon de dire au public : « Voilà, vous pouvez accéder à des contenus, à de l'éducation via l'audiovisuel public », c'est une des missions essentielles en Angleterre, 85 % des jeunes quand ils étudient ils savent qu'ils peuvent aller sur la BBC, d'une certaine façon nos auditeurs ne le savent pas qu'il y a des tas de choses possibles et accessibles sur vos médias.
FREDERIC RIVIERE
Merci Françoise NYSSEN, bonne journée.
FRANÇOISE NYSSEN
Merci.
PRESENTATEUR
La ministre française de la Culture Françoise NYSSEN avec Frédéric RIVIERE ce matin, entretien à retrouver en audio et vidéo sur rfi.fr.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 mars 2018