Texte intégral
ELIZABETH MARTICHOUX
Bonjour Muriel PENICAUD.
MURIEL PENICAUD
Bonjour.
ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup d'être sur RTL ce matin, on va parler ensemble, et avec les auditeurs à partir de 8h20 tout à l'heure, de ce que vos réformes peuvent changer précisément dans la vie des Français. D'abord un mot de cette cagnotte fiscale dont parlait à l'instant François LENGLET, et qui est le résultat évidemment des bonnes nouvelles économiques, tant mieux, ce n'est pas nous qui le disons, c'est un député LREM, La République En Marche, Joël GIRAUD, qui est rapporteur général du Budget à l'Assemblée. Il souhaite que 20 % de cette « bonne fortune », comme il l'appelle, profitent par exemple à des mesures d'urgence, les EHPAD qui ont besoin de financement, ou les territoires qui sont très fragilisés. C'est du bon sens ?
MURIEL PENICAUD
Je crois qu'il faut toujours se rappeler, ça fait quand même 40 ans que notre pays n'est pas à l'équilibre, ça fait 10 ans qu'on est hors des clous complet, on vit à crédit, on a 100 % de dette. Donc, je sais que c'est très abstrait pour les uns et les autres, mais ça nous met à risque, ça met à risque notre modèle social aussi. Donc, il y a un moment donné, je pense qu'on ne peut pas changer de cap, et il faut pouvoir
la maîtrise des finances publiques c'est un cap de long terme. Et, en même temps, il y a des bonnes questions posées. De toute façon, dans le cadre du budget, mais je dis bien dans le cadre du budget, il y a toute la question des priorités sur lesquelles il y a un travail de fond, et la ministre des Solidarités et de la Santé est en train de travailler sur le sujet des EHPAD et des hôpitaux. Attention à ne pas perdre le cap, vous savez, ça s'est fait dans le passé, et la France finit toujours par le payer, et quand on dit la France, ça veut dire les entreprises, ça veut dire l'emploi, ça veut dire la solidarité.
ELIZABETH MARTICHOUX
Il y a plus de risque pour les Français à ce qu'on utilise cette marge budgétaire, effectivement pour régler des questions d'urgence, que de la mettre prioritairement sur la dette ?
MURIEL PENICAUD
Vous savez, c'est comme dans une famille, si on vit complètement à crédit on est plus à risque, eh bien c'est pareil !
ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, mais il y a des Français qui souffrent, qui ne voient rien venir, c'est aussi une épine dans le pied du gouvernement.
MURIEL PENICAUD
Oui, mais c'est un sujet, pour moi, qui
le sujet de la solidarité, le sujet de l'inclusion dans l'emploi, le sujet du vieillissement de la population, ce sont des vraies questions, qui s'accumulent depuis des années, et sur lesquelles on travaille, mais il ne faut pas lier ça à la cagnotte. Pour moi c'est un sujet différent parce qu'il faut qu'on garde un cap, la France doit pouvoir redevenir
ELIZABETH MARTICHOUX
20 % c'est un changement de cap, prendre 20 % de 5 milliards ?
MURIEL PENICAUD
Attendez, le droit du Parlement c'est de faire des propositions, mais je dis que d'un point de vue du gouvernement on ne peut pas, nous, naviguer à la godille et changer d'avis. Alors, ça veut dire qu'à l'inverse, s'il y a une mauvaise nouvelle, pendant le quinquennat, hop, il faut donner un coup de barre en négatif ? Enfin je crois qu'il faut tenir aussi la barre sur le long terme.
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc voilà, c'est la ligne, orthodoxe on va dire, de Bercy que vous défendez ce matin
MURIEL PENICAUD
De tout le gouvernement.
ELIZABETH MARTICHOUX
J'imagine que Gérald DARMANIN et Bruno LE MAIRE auront aussi à répondre à cette question. Muriel PENICAUD, parlons de la réforme de l'assurance chômage, que vous avez présentée il y a une semaine. Les Français avaient entendu la promesse du candidat MACRON, « nous ouvrirons les droits à l'assurance chômage aux salariés qui démissionnent », c'était inscrit dans le programme présidentiel. Ça concernera, finalement, combien de salariés chaque année et selon quels critères ?
MURIEL PENICAUD
Alors, ça concernera tous les salaris qui ont au moins 5 ans d'expérience, les partenaires sociaux avaient proposé 7 ans, nous on dit 5 ans, qui ont travaillé depuis 5 ans, et qui ont un projet
ELIZABETH MARTICHOUX
Qui ont cotisé depuis 5 ans.
MURIEL PENICAUD
Travaillé, donc cotisé à l'assurance chômage, enfin ils ne cotisent plus puisque maintenant c'est l'Etat, à travers la CSG, qui paye, mais qui ont été affiliés à l'assurance chômage, et qui ont un projet. Un projet ça peut être une création d'entreprise, ça peut être un projet de changer de métier, de reconversion, parce qu'on a envie de faire un métier qu'on n'a jamais fait, qu'on n'a pas pu faire, ou, parce qu'on veut une promotion, parce qu'on veut déménager et en profiter pour changer de métier
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais il faudra un type particulier de projet ou n'importe quel projet, il faudra qu'il soit validé ?
MURIEL PENICAUD
Les partenaires sociaux ont proposé qu'il y ait une validation du projet pour éviter que des personnes aillent se mettre dans le mur, parce qu'on va quand même
ça veut dire qu'on a un contrat à durée indéterminée et qu'on va y renoncer. Il faut quand même réfléchir à deux fois, parce qu'il faut être un peu sûr de son projet. Et donc, aujourd'hui on ne peut pas savoir complètement combien de personnes vont le faire, on a fait un certain nombre d'estimations
.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous avez fait une estimation, combien ?
MURIEL PENICAUD
On pense que chaque année ça sera de l'ordre de 30.000, probablement, ça sera peut-être 40.000, ça sera peut-être 20.000, c'est de cet ordre-là, mais, je pense, le fait qu'on sait qu'on peut le faire dans sa vie, à un moment donné, je pense que
un projet ça se mûri aussi, et beaucoup de gens vont y penser, mais ils ne vont pas forcément tous, l'année prochaine, réaliser leur projet.
ELIZABETH MARTICHOUX
Il y a combien de salariés qui démissionnent chaque année ?
MURIEL PENICAUD
Qui démissionnent, c'est un flux très important, c'est 1 million, mais la très grande partie
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, 30.000 sur 1 million, est-ce qu'on peut dire que c'est un nouveau droit, Muriel PENICAUD
MURIEL PENICAUD
Non, non, presque tous
le chiffre n'est pas exact là.
ELIZABETH MARTICHOUX
Est-ce qu'on peut dire que c'est un nouveau droit qui restera marginal ?
MURIEL PENICAUD
Non.
ELIZABETH MARTICHOUX
Un nouveau droit, certes, mais par rapport aux promesses qui avaient été entendues, parfois, ça restera marginal.
MURIEL PENICAUD
Non, mais, 1 million, ils ont presque tous un emploi, presque tous ceux qui démissionnent, démissionnent parce qu'ils ont un emploi, donc ceux qui vont frapper à la porte de Pôle emploi chaque année c'est 140.000, 140.000, dont 70.000, aujourd'hui, peuvent avoir droit à une démission parce que c'est des cas de force majeure personnel. Typiquement, votre conjoint déménage, vous avez droit.
ELIZABETH MARTICHOUX
Ça existe déjà pour ces cas-là.
MURIEL PENICAUD
En fait, la demande pour les projets ce sera probablement entre 30 et 50.000. C'est là où on crée vraiment un nouveau droit, parce que c'est très inédit, de pouvoir se dire
c'est quoi le droit ? Le droit au chômage, finalement ce n'est pas le bon terme, c'est le droit au travail qui compte, mais c'est le droit au projet, et donc l'idée c'est que si vous avez un projet, eh bien vous pouvez avoir du temps et de l'argent. Parce que, qu'est-ce que c'est l'assurance chômage ? C'est du temps et de l'argent.
ELIZABETH MARTICHOUX
On parle de la formation professionnelle, votre big bang, il donne à chaque salarié un droit à la formation en euros, 500 euros par an. Ils pourront choisir eux-mêmes, ces salariés, leur formation, ou il faudra l'accord de l'entreprise, comment ça va se passer ?
MURIEL PENICAUD
Chacun des 19 millions de salariés, du secteur privé, auront chaque année un compte crédité de 500 euros pour faire de la formation, jusqu'à 5000 euros au bout de 10 ans, pour ceux qui n'ont pas de diplôme ce sera 800 euros, donc 8000 euros à la fin, et pour les salariés à temps partiel, qui sont au moins à mi-temps, dont 80 % sont des femmes, ils auront les mêmes droits qu'à temps plein.
ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, parce qu'avec 500 euros on ne se paye pas une formation, il faudra cumuler plusieurs années pour pouvoir faire une formation.
MURIEL PENICAUD
A 800 euros on peut faire le TOIC, c'est-à-dire la certification en anglais
ELIZABETH MARTICHOUX
Le ?
MURIEL PENICAUD
Le TOIC, la certification en anglais, on peut faire le CACES, qui est très recherché sur le marché du travail, qui est la conduite d'engins de chantier, l'industrie, et ça énormément de gens, aujourd'hui, n'arrivent pas à trouver un travail dans l'industrie ou les transports parce qu'ils ne l'ont pas, donc il y a beaucoup de formations qu'on peut faire, de ce type-là. Et les formations longues, qualifiantes, en général elles sont entre 5000 et 8000 euros. Donc, non, c'est un droit, alors là complètement inédit, et ce qui est tout à fait nouveau c'est que c'est un droit réel, c'est la personne qui décide, et ça c'est une révolution
ELIZABETH MARTICHOUX
Qui décide ce qu'elle fera ?
MURIEL PENICAUD
Avec un conseiller en évolution professionnelle gratuit si elle le souhaite
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est-à-dire qu'avant elle ne décidait pas ?
MURIEL PENICAUD
Non.
ELIZABETH MARTICHOUX
Avant elle n'était pas libre de choisir sa formation ?
MURIEL PENICAUD
6 % des ouvriers choisissent leur formation, 28 % des cadres. Aujourd'hui le droit à la formation c'est un droit, qu'on vous propose des formations, et encore il n'y a qu'1 ouvrier, 1 employé sur 3 à qui on le propose chaque année. Donc, aujourd'hui il faut qu'on aille vraiment beaucoup plus loin. Dans les années 70 on a fait un bond pour la formation, avec la loi Delors, mais maintenant on est en retard, et là on va reprendre une avance, et qui est dans la main de chacun.
ELIZABETH MARTICHOUX
Si vous reprenez la main Muriel PENICAUD, parce qu'aujourd'hui ce sont les partenaires sociaux qui gèrent une grande partie de l'argent de la formation, 8 milliards, c'est ça ?
MURIEL PENICAUD
8 milliards sur 13 milliards de
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc, ils collectaient, ils distribuaient, ce ne sera plus le cas, ce sera l'URSSAF. Ce n'était pas efficace.
MURIEL PENICAUD
Est-ce que vous croyez que la valeur ajoutée du patronat et des syndicats c'est de faire de la collecte administrative ?
ELIZABETH MARTICHOUX
Ce n'est pas ce que je vous demande
MURIEL PENICAUD
Eh bien si !
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous dites aux Français, on reprend la main parce que ce n'était pas suffisamment efficace
MURIEL PENICAUD
Nous on ne reprend pas la main, on la donne aux entreprises et aux salariés. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que c'est les entreprises et les salariés qui vont décider, et moins d'intermédiaires qui décident, c'est vrai, et la collecte ça sera fait à l'URSSAF, pourquoi, parce que les TPE et PME
ELIZABETH MARTICHOUX
Moins d'intermédiaires qui décident, c'est-à-dire moins de déperdition d'argent
MURIEL PENICAUD
C'est surtout que
plus de droits. Aujourd'hui, ce système, qu'est-ce qu'il produit ? Il produit une inégalité énorme. Un salarié de petite entreprise a deux fois moins de chance de se former que celui d'une grande entreprise. Un ouvrier, un employé, deux fois moins de chance qu'un cadre. Ce n'est pas satisfaisant.
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais enfin, les partenaires sociaux ils n'ont pas apprécié Muriel PENICAUD, vous le savez bien.
MURIEL PENICAUD
Ils ont apprécié que sur les droits
ELIZABETH MARTICHOUX
Sur cet aspect-là ils n'ont pas apprécié.
MURIEL PENICAUD
Oui, eh bien c'est aussi la responsabilité du gouvernement de dire, et on est en train de travailler avec eux sur comment on va faire, qu'il faut aussi faire progresser notre système, qu'il est trop juste, il n'est pas égal, il n'est pas à la hauteur des besoins du futur.
ELIZABETH MARTICHOUX
Ils ont le sentiment que vous voulez les cantonner à leur rôle dans l'entreprise, que finalement ce n'est pas à eux de faire
ils n'ont pas vocation à fabriquer la loi. « Nous on fabrique la loi, nous on gère l'argent, et vous, vous restez dans les entreprises auprès des salariés », non ?
MURIEL PENICAUD
Non, mais c'est vrai que pour les organismes ça va être une grosse mutation, parce qu'au lieu de faire une collecte, on va leur dire faites du conseil pour les petites et moyennes entreprises, travaillez à la construction de diplômes parce qu'on va donner le pouvoir au patronat et aux syndicats de définir le contenu professionnel des diplômes, donc on va leur donner de nouvelles missions, et donc on prépare
ELIZABETH MARTICHOUX
Il va falloir qu'ils s'en contentent.
MURIEL PENICAUD
Non, non, elles sont beaucoup plus importantes qu'avant, il faut aider à cette transition, c'est une transition de métier.
ELIZABETH MARTICHOUX
Exactement. Un mot de l'égalité salariale, on en a parlé hier avec Marlène SCHIAPPA, elle nous a expliqué que les entreprises seraient dotées d'un logiciel qui va leur permettre de mesurer les écarts de salaires, et qu'il y aurait plus d'inspecteurs du travail, on va passer de 2000 à 7000 nous a-t-elle dit.
MURIEL PENICAUD
Alors, auprès du Premier ministre j'ai proposé aux partenaires sociaux, et avec Marlène SCHIAPPA, le fruit de pré-concertations qu'on a faites avec eux depuis 3 mois. On a fait une feuille de route, on va, dans les sept semaines qui viennent, faire des propositions avec eux, et là-dedans il y a évidemment un logiciel pour mesurer. Il y a, le plus important de tous, dont on a peu parlé, c'est qu'on va obliger les entreprises à avoir une enveloppe de rattrapage salarial dans les 3 ans qui viennent pour enfin résoudre le problème, ça fait 45 ans que la loi oblige à l'égalité
ELIZABETH MARTICHOUX
Et après il y aura des sanctions, et donc il y aura des contrôles.
MURIEL PENICAUD
Ça fait 45 ans qu'il n'y a 9 % d'écart, et donc il y aura plus de contrôles. Aujourd'hui il n'y a même pas un contrôle par an par inspecteur du travail, il y a 1700 contrôles par an, demain il y aura
demain, à partir de cette année, il y aura 7000 contrôles par an, ça s'absorbe tout à fait, c'est une priorité que je donne à l'Inspection du travail.
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc, hier j'ai écouté Marlène SCHIAPPA, je suis inspectrice du travail, imaginons, j'ai entendu on ne sera plus 2000 mais 7000, non, ce seront les missions de contrôle qui augmentent, ce n'est pas le contingent d'inspecteurs, que ce soit clair.
MURIEL PENICAUD
C'est les missions de contrôle, oui. C'est-à-dire, les quatre priorités de l'Inspection du travail ce sera bien, du coup, avec 7000 contrôles, ça devient une vraie priorité, l'égalité salariale hommes/ femmes, la lutte contre le travail illégal, le travail détaché quand il y a de la fraude, et la santé et les conditions de travail, donc quatre priorités, dont celle-là, et c'est la première fois.
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est dommage, ça aurait été bien de passer de 2000 à 7000 inspecteurs du travail.
MURIEL PENICAUD
Je ne sais pas, avec ça on peut faire vraiment tous les contrôles
on est déjà au-dessus de la moyenne des demandes de l'OIT, donc !
ELIZABETH MARTICHOUX
En tout cas ce sera 7000 missions, pas 7000 inspecteurs, merci d'avoir donné cette précision, et à tout de suite puisqu'on vous retrouve avec les auditeurs et Yves CALVI tout à l'heure.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 mars 2018