Texte intégral
Il y a quelques années encore, nous aurions été surpris d'avoir à porter autant d'attention à des questions qui paraissaient ne plus devoir se poser, tant le souvenir de la barbarie qu'elles évoquent restait présent dans les esprits, permettant d'espérer que nos sociétés avaient définitivement exorcisé leurs vieux démons.
Au sein du Conseil de l'Europe, la Convention Européenne des Droits de l'Homme imposant aux pays qui le composent des engagements rigoureux en matière de protection des droits individuels, on pouvait imaginer que nous étions également prémunis contre toute dérive ou tentation de céder à des entreprises d'inspiration xénophobe ou raciste.
Avant même que le choc en retour des inquiétudes ressenties par les bouleversements intervenus en Europe Centrale et de l'Est ne se manifeste, la crise économique et le chômage ont été les catalyseurs de toutes sortes de frustrations des populations qui avaient le sentiment d'être les enfants perdus des formidables mutations de nos sociétés. Les travailleurs immigrés, c'est-à-dire les étrangers, et surtout ceux qui paraissaient les plus différents de la norme nationale majoritaire en ont été les boucs émissaires.
En France, l'extrême-droite s'est développée au cours de la décennie 80, particulièrement dans le sud de la France, et dans les quartiers populaires qui votaient jusque là à gauche - particulièrement pour le Parti communiste.
Les nouveaux supporters de l'extrême-droite, dont le nombre tend actuellement à régresser en France, sont sensibles à un discours démagogique et nationaliste qui dénonce l'insécurité et la délinquance dont les étrangers seraient les principaux responsables.
Prônant le renvoi des immigrés, le Front National laisse entendre qu'une telle solution est possible et permettra de résoudre à la fois les problèmes de chômage et ceux de la toxicomanie, et de sauvegarder les acquis sociaux.
Sous couvert de prendre en compte les problèmes concrets des populations confrontées aux difficultés de la vie quotidienne, ce mouvement développe des thèmes non seulement xénophobes, mais ouvertement racistes, auxquels une partie non négligeable de ses électeurs adhère sans même en avoir conscience.
Le succès politique indéniable de ce mouvement ne s'est pas traduit par des actions concertées de violence et de troubles à l'ordre public.
A la différence de certains pays - notamment parmi ceux qui ont été récemment libérés de l'oppression communiste - les actes criminels, particulièrement odieux, commis en France ici ou là, ont été perpétrés par des individus agissant, semble-t-il, de leur propre initiative, à l'occasion d'incidents particuliers.
Pourtant, la présence des étrangers en France ne constitue ni une anomalie, ni l'héritage fâcheux d'une histoire oubliée. C'est sa fierté que de reconnaître tout ce qu'il doit aux étrangers qui, choisissant la France comme terre de liberté et de prospérité, sont venus depuis des siècles enrichir notre culture, défendre notre sol et soutenir notre économie.
Discuter de ce thème entre nous, cela suppose en premier lieu, et pour chacun de nous, d'évaluer la situation de notre propre pays avec un regard lucide et courageux, sans chercher à minimiser les réalités ou les prémices d'une situation dangereuse.
Cela suppose d'en rechercher les causes qui sont parfois fort complexes, car au-delà d'éléments qui nous sont communs à tous, il y a aussi des contextes spécifiques propres à chacun de nos pays - qui expliquent la diversité des situations et des réponses qui leur ont été et leur seront apportées.
Ainsi, s'agissant de mon pays, il convient d'observer qu'elle est, pour des raisons démographiques, depuis près de deux siècles une terre d'immigration : la baisse précoce de la natalité, aggravée par des guerres successives, a conduit à faire appel à une main d'oeuvre étrangère que l'on a souhaité intégrer le plus rapidement possible.
La France a été aussi un pays d'accueil très ouvert pour de très nombreux réfugiés, bénéficiaires ou non du droit d'asile stricto sensu.
Symbole de la déclaration des Droits de l'Homme et de la liberté, la France a accueilli des bannis et persécutés, venus de toutes les parties du Monde pour y faire souche.
Ainsi peut s'expliquer une double réaction : la fierté de cette tradition d'asile et la volonté de garantir solennellement ce droit, en même temps qu'une certaine frilosité d'une France longtemps rurale, face à la crainte de perdre son identité.
Toutefois, le nombre élevé des mariages mixtes 20.000 par an - montre que l'intégration est une réalité quotidienne. Aujourd'hui, un Français sur quatre compte au moins un étranger parmi ses quatre grand-parents.
La France a toujours préféré éviter, à la différence d'autres pays, tels que les Etats-Unis, que les communautés, étrangères s'organisent en véritables minorités, distinctes par leur mode de vie, leur langue, leur culture, le très vieux principe républicain d'unité et d'indivisibilité de la Nation conduit ainsi notamment à une très large ouverture de l'accès à la nationalité française, dont près de 100.000 personnes, outre les étrangers nés en France, ont bénéficié en 1992.
Ce principe témoigne du constant souci de parvenir à la totale intégration des étrangers au sein de la Nation. L'école de la République, accessible à tous les enfants sans distinction de situation, trouve là une mission particulière. Son rôle est fondamental, et l'on a souvent pu dire que l'intégration "à la française" reposait sur l'école, et notamment sur l'école publique, lieu d'apprentissage de la culture française et des valeurs républicaines.
C'est parce qu'il peut porter atteinte à ce principe que le port du foulard, dont je sais qu'il est accepté dans d'autres pays, suscite chez nous des problèmes de principe.
Conformément à l'avis du Conseil d'Etat, le port par des élèves de signes religieux ne doit être proscrit que lorsqu'il présente un caractère ostentatoire et revendicatif, constitue un acte de provocation ou de propagande ou perturbe les activités d'enseignement. C'est alors aux chefs d'établissements qu'il appartient d'apprécier chaque cas d'espèce.
Cet attachement à la laïcité de l'école s'explique par notre souci de garantir le respect de chacun dans la diversité des personnalités et des croyances.
La politique de la Ville, dont je suis responsable, tend également à une totale intégration des populations - étrangères ou non - par une prise en charge globale concernant tous les aspects de la vie quotidienne dans les quartiers les plus déshérités.
Au moment où, dans toute l'Europe, l'on voit resurgir les haines du passé fondées sur les différences et l'intolérance : haine de l'autre, même s'il a été longtemps son voisin ou son proche parent, parce qu'il est d'une autre religion ou d'une autre nationalité; haine de l'autre parce qu'il est juif ou tzigane ; haine de l'autre simplement parce qu'il est national de fraîche date mais qu'il a conservé ses habitudes alimentaires et le goût de la musique de son pays il nous faut dénoncer avec force le racisme, la xénophobie et l'intolérance.
Au moment où des discriminations de fait se multiplient à l'encontre de ceux qui sont différents, où l'exclusion sociale touche particulièrement ceux qui n'appartiennent pas aux majorités dominantes ; au moment où les discriminations deviennent persécutions, où les persécutions deviennent violence, atrocités et crimes contre des individus isolés ou contre tout un groupe, voire un peuple, parce qu'il appartient à une minorité ethnique, religieuse ou nationale, aucune différence, aucune indulgence, aucun laxisme ne sont admissibles ou tolérables.
Nous avons vu dans le passé ce qu'il est advenu du racisme ordinaire. En quelques années, il est devenu génocide perpétré dans la quasi indifférence générale ; avec la complicité silencieuse de la communauté internationale.
Nous voyons, sans pouvoir intervenir, ce qui se passe dans un pays proche de nous entre des communautés qui vivaient ensemble en paix, dont les membres étaient souvent unis par les liens du mariage ou de l'amitié. Nous voyons les menaces qui pèsent sur nos valeurs et la paix sociale dans chacun de nos pays, à travers les menées grandissantes de ceux qui tentent parfois avec succès de mobiliser les inquiétudes des populations les plus déshéritées contre des boucs émissaires désignés comme les responsables de tous les maux.
Alors qu'en Afrique du Sud, Blancs et Noirs sont en train de trouver le chemin redonnant aux uns et aux antres la dignité et l'espoir, en Europe l'Histoire bafouille. l'Histoire se répète.
Il faut être conscient du grave danger qui nous menace tous. Cette Europe, fondée sur la réconciliation et la démocratie, que nous avons commencé à construire au lendemain de la 2ème guerre mondiale pour mettre fin aux combats fratricides entre nous sans qu'Auschwitz ne soit plus jamais possible, cette Europe se délite alors qu'elle vient à peine de se réunir.
Elle se délite, et risque de sombrer dans le chaos, parce qu'à nouveau les égoïsmes nationaux l'emportent, parce qu'à nouveau les nationalismes et intégrismes extrêmes l'emportent sur la volonté de s'unir pour défendre ensemble nos valeurs et nos intérêts.
Le Conseil de l'Europe, pour sa part, s'emploie inlassablement à définir les instruments pour y parvenir. Je souhaite que nos Gouvernements lui apportent un fort soutien pour poursuivre dans cette voie.
Seule une forte détermination pour surmonter nos différences et préserver ensemble la démocratie et les principes des droits de l'Homme, pour lutter ensemble contre ces maux insidieux que sont le racisme, la xénophobie et l'intolérance, permettra de sauvegarder les formidables avancées des dernières décennies dans la voie de la démocratie et de la paix.
Ne nous y trompons pas, les questions qui sous réunissent aujourd'hui constituent bien les enjeux de demain. C'est bien de l'avenir de l'Europe qu'il s'agit, et du maintien de la démocratie, de la liberté et de la paix dans nos pays.
Au sein du Conseil de l'Europe, la Convention Européenne des Droits de l'Homme imposant aux pays qui le composent des engagements rigoureux en matière de protection des droits individuels, on pouvait imaginer que nous étions également prémunis contre toute dérive ou tentation de céder à des entreprises d'inspiration xénophobe ou raciste.
Avant même que le choc en retour des inquiétudes ressenties par les bouleversements intervenus en Europe Centrale et de l'Est ne se manifeste, la crise économique et le chômage ont été les catalyseurs de toutes sortes de frustrations des populations qui avaient le sentiment d'être les enfants perdus des formidables mutations de nos sociétés. Les travailleurs immigrés, c'est-à-dire les étrangers, et surtout ceux qui paraissaient les plus différents de la norme nationale majoritaire en ont été les boucs émissaires.
En France, l'extrême-droite s'est développée au cours de la décennie 80, particulièrement dans le sud de la France, et dans les quartiers populaires qui votaient jusque là à gauche - particulièrement pour le Parti communiste.
Les nouveaux supporters de l'extrême-droite, dont le nombre tend actuellement à régresser en France, sont sensibles à un discours démagogique et nationaliste qui dénonce l'insécurité et la délinquance dont les étrangers seraient les principaux responsables.
Prônant le renvoi des immigrés, le Front National laisse entendre qu'une telle solution est possible et permettra de résoudre à la fois les problèmes de chômage et ceux de la toxicomanie, et de sauvegarder les acquis sociaux.
Sous couvert de prendre en compte les problèmes concrets des populations confrontées aux difficultés de la vie quotidienne, ce mouvement développe des thèmes non seulement xénophobes, mais ouvertement racistes, auxquels une partie non négligeable de ses électeurs adhère sans même en avoir conscience.
Le succès politique indéniable de ce mouvement ne s'est pas traduit par des actions concertées de violence et de troubles à l'ordre public.
A la différence de certains pays - notamment parmi ceux qui ont été récemment libérés de l'oppression communiste - les actes criminels, particulièrement odieux, commis en France ici ou là, ont été perpétrés par des individus agissant, semble-t-il, de leur propre initiative, à l'occasion d'incidents particuliers.
Pourtant, la présence des étrangers en France ne constitue ni une anomalie, ni l'héritage fâcheux d'une histoire oubliée. C'est sa fierté que de reconnaître tout ce qu'il doit aux étrangers qui, choisissant la France comme terre de liberté et de prospérité, sont venus depuis des siècles enrichir notre culture, défendre notre sol et soutenir notre économie.
Discuter de ce thème entre nous, cela suppose en premier lieu, et pour chacun de nous, d'évaluer la situation de notre propre pays avec un regard lucide et courageux, sans chercher à minimiser les réalités ou les prémices d'une situation dangereuse.
Cela suppose d'en rechercher les causes qui sont parfois fort complexes, car au-delà d'éléments qui nous sont communs à tous, il y a aussi des contextes spécifiques propres à chacun de nos pays - qui expliquent la diversité des situations et des réponses qui leur ont été et leur seront apportées.
Ainsi, s'agissant de mon pays, il convient d'observer qu'elle est, pour des raisons démographiques, depuis près de deux siècles une terre d'immigration : la baisse précoce de la natalité, aggravée par des guerres successives, a conduit à faire appel à une main d'oeuvre étrangère que l'on a souhaité intégrer le plus rapidement possible.
La France a été aussi un pays d'accueil très ouvert pour de très nombreux réfugiés, bénéficiaires ou non du droit d'asile stricto sensu.
Symbole de la déclaration des Droits de l'Homme et de la liberté, la France a accueilli des bannis et persécutés, venus de toutes les parties du Monde pour y faire souche.
Ainsi peut s'expliquer une double réaction : la fierté de cette tradition d'asile et la volonté de garantir solennellement ce droit, en même temps qu'une certaine frilosité d'une France longtemps rurale, face à la crainte de perdre son identité.
Toutefois, le nombre élevé des mariages mixtes 20.000 par an - montre que l'intégration est une réalité quotidienne. Aujourd'hui, un Français sur quatre compte au moins un étranger parmi ses quatre grand-parents.
La France a toujours préféré éviter, à la différence d'autres pays, tels que les Etats-Unis, que les communautés, étrangères s'organisent en véritables minorités, distinctes par leur mode de vie, leur langue, leur culture, le très vieux principe républicain d'unité et d'indivisibilité de la Nation conduit ainsi notamment à une très large ouverture de l'accès à la nationalité française, dont près de 100.000 personnes, outre les étrangers nés en France, ont bénéficié en 1992.
Ce principe témoigne du constant souci de parvenir à la totale intégration des étrangers au sein de la Nation. L'école de la République, accessible à tous les enfants sans distinction de situation, trouve là une mission particulière. Son rôle est fondamental, et l'on a souvent pu dire que l'intégration "à la française" reposait sur l'école, et notamment sur l'école publique, lieu d'apprentissage de la culture française et des valeurs républicaines.
C'est parce qu'il peut porter atteinte à ce principe que le port du foulard, dont je sais qu'il est accepté dans d'autres pays, suscite chez nous des problèmes de principe.
Conformément à l'avis du Conseil d'Etat, le port par des élèves de signes religieux ne doit être proscrit que lorsqu'il présente un caractère ostentatoire et revendicatif, constitue un acte de provocation ou de propagande ou perturbe les activités d'enseignement. C'est alors aux chefs d'établissements qu'il appartient d'apprécier chaque cas d'espèce.
Cet attachement à la laïcité de l'école s'explique par notre souci de garantir le respect de chacun dans la diversité des personnalités et des croyances.
La politique de la Ville, dont je suis responsable, tend également à une totale intégration des populations - étrangères ou non - par une prise en charge globale concernant tous les aspects de la vie quotidienne dans les quartiers les plus déshérités.
Au moment où, dans toute l'Europe, l'on voit resurgir les haines du passé fondées sur les différences et l'intolérance : haine de l'autre, même s'il a été longtemps son voisin ou son proche parent, parce qu'il est d'une autre religion ou d'une autre nationalité; haine de l'autre parce qu'il est juif ou tzigane ; haine de l'autre simplement parce qu'il est national de fraîche date mais qu'il a conservé ses habitudes alimentaires et le goût de la musique de son pays il nous faut dénoncer avec force le racisme, la xénophobie et l'intolérance.
Au moment où des discriminations de fait se multiplient à l'encontre de ceux qui sont différents, où l'exclusion sociale touche particulièrement ceux qui n'appartiennent pas aux majorités dominantes ; au moment où les discriminations deviennent persécutions, où les persécutions deviennent violence, atrocités et crimes contre des individus isolés ou contre tout un groupe, voire un peuple, parce qu'il appartient à une minorité ethnique, religieuse ou nationale, aucune différence, aucune indulgence, aucun laxisme ne sont admissibles ou tolérables.
Nous avons vu dans le passé ce qu'il est advenu du racisme ordinaire. En quelques années, il est devenu génocide perpétré dans la quasi indifférence générale ; avec la complicité silencieuse de la communauté internationale.
Nous voyons, sans pouvoir intervenir, ce qui se passe dans un pays proche de nous entre des communautés qui vivaient ensemble en paix, dont les membres étaient souvent unis par les liens du mariage ou de l'amitié. Nous voyons les menaces qui pèsent sur nos valeurs et la paix sociale dans chacun de nos pays, à travers les menées grandissantes de ceux qui tentent parfois avec succès de mobiliser les inquiétudes des populations les plus déshéritées contre des boucs émissaires désignés comme les responsables de tous les maux.
Alors qu'en Afrique du Sud, Blancs et Noirs sont en train de trouver le chemin redonnant aux uns et aux antres la dignité et l'espoir, en Europe l'Histoire bafouille. l'Histoire se répète.
Il faut être conscient du grave danger qui nous menace tous. Cette Europe, fondée sur la réconciliation et la démocratie, que nous avons commencé à construire au lendemain de la 2ème guerre mondiale pour mettre fin aux combats fratricides entre nous sans qu'Auschwitz ne soit plus jamais possible, cette Europe se délite alors qu'elle vient à peine de se réunir.
Elle se délite, et risque de sombrer dans le chaos, parce qu'à nouveau les égoïsmes nationaux l'emportent, parce qu'à nouveau les nationalismes et intégrismes extrêmes l'emportent sur la volonté de s'unir pour défendre ensemble nos valeurs et nos intérêts.
Le Conseil de l'Europe, pour sa part, s'emploie inlassablement à définir les instruments pour y parvenir. Je souhaite que nos Gouvernements lui apportent un fort soutien pour poursuivre dans cette voie.
Seule une forte détermination pour surmonter nos différences et préserver ensemble la démocratie et les principes des droits de l'Homme, pour lutter ensemble contre ces maux insidieux que sont le racisme, la xénophobie et l'intolérance, permettra de sauvegarder les formidables avancées des dernières décennies dans la voie de la démocratie et de la paix.
Ne nous y trompons pas, les questions qui sous réunissent aujourd'hui constituent bien les enjeux de demain. C'est bien de l'avenir de l'Europe qu'il s'agit, et du maintien de la démocratie, de la liberté et de la paix dans nos pays.