Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle le débat sur le rapport d'information de la commission des affaires sociales sur les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.
La Conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps nous entendrons les rapporteurs ainsi que les orateurs des groupes puis le Gouvernement. Nous passerons ensuite à une séquence de questions-réponses. Je vous rappelle que la durée des questions ainsi que celle des réponses est limitée à deux minutes.
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M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de me donner l'occasion d'intervenir, une fois encore, sur les EHPAD car c'est un sujet qui me tient à coeur comme c'est le cas, je crois, pour l'ensemble des députés présents ce soir sur ces bancs. On peut regretter que celui qui a tenu un discours parfois outrancier sur les actions du Gouvernement et qui ne joue que sur l'émotion, sans écouter les solutions proposées et surtout sans en proposer lui-même, soit parti sans entendre mes réponses ; je parle de M. Ruffin. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. Protestations sur les bancs du groupe FI.)
M. François Ruffin. Je suis là ! Je suis là, madame la ministre !
Mme Agnès Buzyn, ministre. Ah, monsieur Ruffin, vous êtes revenu. Pardonnez-moi ! Je suis ravie de pouvoir vous répondre.
M. François Ruffin. Et depuis mon bureau, j'ai écouté les interventions des autres orateurs !
Mme Agnès Buzyn, ministre. Je suis désolée, monsieur Ruffin, je ne vous ai pas vu revenir. Je vais donc vous parler des solutions.
Nous devons répondre à la question suivante : quel modèle de prise en charge pour les personnes âgées, aujourd'hui et demain ? Comment mieux répondre aux besoins et aux attentes des personnes âgées et de leurs familles ? Depuis que je suis arrivée au ministère, j'ai visité beaucoup d'EHPAD, presque un par semaine, et je suis frappée à la fois par l'engagement du personnel qui y travaille et par le professionnalisme du secteur, qui s'est beaucoup transformé et qui a beaucoup évolué ces trente dernières années. Nos établissements correspondent à un modèle pensé il y a trente ans, qui va devoir évoluer et se réinventer. Il devra le faire grâce à un ancrage encore plus marqué au sein des territoires et en utilisant tous les leviers de l'innovation, notamment celui que permet l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale.
Pour ce qui est de la réforme de la tarification des EHPAD, vous savez que j'ai nommé un médiateur, qui doit me rendre son rapport demain. Le point qui focalise les critiques est celui de la convergence des tarifs « dépendance » autour d'une moyenne départementale variable selon les territoires. Je rappelle en effet qu'en matière de soins, il n'y a pas de difficulté : 85 % des EHPAD gagneront des moyens supplémentaires chaque année, sur sept ans, dans le cadre de l'ONDAM je rappellerai les chiffres tout à l'heure. C'est ce qui fait que la réforme peut continuer à s'appliquer, même si nous devons travailler sur la neutralisation des effets négatifs.
C'est sur la partie « dépendance » que les difficultés sont apparues lors la mise en oeuvre effective de la réforme. J'ai prévu, à brève échéance, une discussion sur ce sujet avec le président de l'Assemblée des départements de France car il ne servirait en effet à rien que l'État compense les effets négatifs à court terme de la réforme si c'est pour voir se rétracter les financements du côté des départements. Je souhaite que les choses soient très claires sur ce point. Ce travail de court terme pourra conduire le cas échéant à des ajustements de la réforme elle-même et à une modification du décret, sans pour autant en remettre en cause les fondements et la philosophie.
Mais il nous faut aller plus loin, et c'est pourquoi je proposerai prochainement au Premier ministre les grandes orientations d'une stratégie globale de prise en charge du vieillissement. Elle sera nourrie notamment de mes rencontres avec les acteurs du secteur : représentants des gériatres, médecins coordonnateurs, directeurs d'EHPAD, services d'aide à domicile, associations d'aidants, représentants des professionnels travaillant en EHPAD.
Pour construire une stratégie, nous ne partons pas de rien. Le PLFSS nous a déjà permis de réaliser ensemble des avancées notables au service des personnes âgées. Il en va de même de mon travail au sein du ministère : je pense à la stratégie nationale de santé et au décloisonnement qu'elle permet entre la ville et l'hôpital, entre le secteur médico-social et médical. Je pense au plan d'amélioration de l'accès aux soins et à la réflexion sur les modes de financement du système de santé. Je pense aux réformes en matière de télémédecine : il est prévu d'équiper tous les EHPAD en conséquence. Je pense à l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale, qui permet d'expérimenter des innovations organisationnelles, notamment dans le secteur médico-social. Je pense au reste à charge zéro pour les prothèses dentaires et auditives et les lunettes, qui permettent de diminuer la perte d'autonomie.
Je souhaite également que nous réfléchissions aux sujets d'avenir : le juste soin en EHPAD et l'organisation interne et territoriale pertinente pour y parvenir ; mais aussi le modèle de prise en charge de demain, entre domicile et établissement, avec la nécessité de penser de nouvelles structures plus fluides et plus agiles, qui répondent réellement aux besoins et aux attentes des personnes âgées, sans oublier l'articulation avec la ville et l'hôpital.
Je pense aussi à la prévention de la perte d'autonomie, non seulement à domicile mais aussi en établissement : j'ai présenté la semaine dernière un programme national de prévention justement pour qu'il y ait de moins en moins de personnes âgées dépendantes. Je pense également à la simplification des financements et des circuits de décision. Enfin, il faut travailler sur la question de la fin de vie, car c'est une des raisons de la désaffection du métier : les personnels qui travaillent dans les EHPAD doivent souvent affronter seuls ces situations difficiles.
Le fil conducteur de mes réflexions sera la qualité au service d'une prise en charge préservant la dignité des personnes. Je l'ai déjà dit, et je le répète : ce n'est pas seulement une question de moyens, c'est aussi une question de formation des professionnels, de regard de la société. Il s'agit de porter une attention nouvelle aux organisations et à leur fonctionnement, qui peuvent et doivent s'améliorer. De la même façon que pour les personnes handicapées, nous devons travailler à une société inclusive pour les personnes âgées.
Je termine en abordant la question des personnels des EHPAD. J'ai déjà eu l'occasion de le dire : le ratio d'un personnel pour une personne âgée en EHPAD n'est pas tenable financièrement. Nous n'avons pas les moyens de recruter à cette hauteur. L'État ne s'est d'ailleurs jamais engagé à atteindre ce ratio, contrairement à ce qui est souvent dit, car il faudrait pour cela recruter 140 000 soignants, pour un budget de plus de 7 milliards d'euros ! En revanche nous avons pris un engagement financier visant à accompagner l'augmentation de la charge de soins à hauteur de 438 millions d'euros sur les années qui viennent, ce qui représente 20 000 postes équivalent temps plein supplémentaires en EHPAD.
Nous devons faire en sorte que les personnels soient plus présents auprès des personnes les plus fragiles, et surtout améliorer la gestion de leur carrière. En effet, les EHPAD ont du mal à recruter et sont confrontés à un turn-over et un absentéisme importants. Il convient de travailler sur ce point, en construisant un véritable plan pour les métiers et les compétences, en lien avec le ministère du travail, les employeurs du secteur fédérations, associations, entreprises, branches et les organismes de formation publics ou privés.
Les métiers des professionnels qui travaillent en EHPAD doivent être mieux reconnus et davantage valorisés. Tous les leviers doivent être actionnés pour cela. Mes services y travaillent actuellement, dans le cadre d'un groupe de travail qui rendra ses conclusions prochainement.
Je voudrais à présent, pour répondre aux orateurs qui se sont exprimés, rappeler qu'il est difficile de faire des généralités au sujet des EHPAD et de l'âge. L'État, la société en général, dépensent 34 milliards d'euros pour la prise en charge des personnes âgées, dont 21 milliards d'euros de dépenses publiques, 10 milliards d'euros pour la seule assurance maladie. Sur le terrain, la situation est très contrastée. Les gouvernements de droite comme de gauche ont réfléchi à cette question complexe et ont proposé des réformes, mais aucune n'a clos le débat sur la meilleure manière d'accompagner le nombre de plus en plus important de personnes âgées dépendantes à l'horizon des décennies 2030 à 2050.
Une feuille de route sera donc présentée au Premier ministre : elle sera, comme je l'ai dit, ouverte à la concertation. Nous devons repenser notre modèle de prise en charge, en sortant de l'alternative binaire entre maintien à domicile et EHPAD, grâce à des solutions plus progressives. Nous devons également repenser la gouvernance du système et, comme l'a dit tout à l'heure Mme Firmin Le Bodo, simplifier les financements. Enfin, nous devrons mener des expérimentations innovantes : je compte, pour cela, sur les possibilités que nous ouvre l'article 51 de la dernière loi de financement de la sécurité sociale.
J'ai retenu un certain nombre de mesures présentées dans le rapport de Mmes Iborra et Fiat : nous pouvons d'ores et déjà y travailler. Il s'agit de changer en profondeur le modèle, de rénover l'évaluation externe des EHPAD, de mener des enquêtes de satisfaction j'ai dit que je lancerais ce processus dès 2018 et de publier des indicateurs de qualité. Je pense que la fusion de l'ANESM Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux et de la HAS Haute autorité de santé facilitera ce travail d'évaluation.
Nous devrons aussi augmenter le nombre de places d'hébergement temporaire : je rappelle que la loi de financement de la sécurité sociale a déjà prévu 4 500 places d'hébergement en EHPAD et 1 500 places d'hébergement temporaire supplémentaires pour 2018. Le rapport du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie HCAAM qui va nous être remis d'ici l'été devrait nous aider à anticiper les besoins pour les années à venir.
Nous l'avons dit : il faut mieux valoriser les personnes qui travaillent auprès des personnes âgées. Ce sont des emplois locaux, non délocalisables, dont il faudra augmenter le nombre dans les années à venir. Il faudra aussi engager des investissements dans les EHPAD les plus vétustes : nous avons d'ores et déjà prévu des crédits pour cela. La loi de financement de la sécurité sociale prévoit ainsi 28 millions d'euros pour accompagner les EHPAD les plus en difficulté, auxquels j'ai ajouté 50 millions, à la disposition des ARS, pour aider à l'investissement.
Nous devrons simplifier les normes, et travailler sur la question de l'aide sociale à l'hébergement. Nous devrons améliorer le pilotage global de cette politique, en lien étroit avec les départements puisqu'il s'agit, vous le savez, d'une compétence décentralisée et dans une optique de simplification.
Tous ces chantiers ont déjà été lancés, ou sont déjà prévus. Je suis donc en phase avec la majorité des propositions de ce rapport. Nous allons travailler sur le moyen et le long terme, et ouvrir ensemble le chantier du financement de la dépendance. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UAI et sur plusieurs bancs du groupe LR.)
M. le président. Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions comme des réponses est limitée à deux minutes.
Nous commençons par une question du groupe La France insoumise.
La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme Clémentine Autain. Madame la ministre, le rapport de nos collègues est accablant. Les agents chargés de la toilette voient quatorze patients par matinée. Les patients ont moins d'une demi-heure de soins par jour. Certains sont alités dès 17 heures, d'autres promenés en chaise roulante faute de temps et d'agents, bien qu'ils puissent marcher mais trop lentement.
Sur les 720 000 personnes âgées bénéficiant de soins, 83 % sont reconnus en forte perte d'autonomie, 70 % ont besoin d'aide pour s'alimenter. Il ne s'agit pas seulement de chiffres, mais de nos aînés : ils ont droit à notre respect. Quant aux personnels des EHPAD, ils portent notre honte à tous, notre incapacité à traiter dignement, à accompagner ces anciens qui ne réclament que la dignité.
La situation des EHPAD relève de l'urgence sanitaire. Le constat est partagé : il faut augmenter les effectifs, atteindre le ratio de soixante aides-soignants et infirmiers pour cent résidents, et consacrer au minimum une heure et demie à chaque patient chaque jour. Ce n'est pas du luxe : cette mesure était déjà préconisée par le plan Grand âge de 2006 et nous en sommes encore loin, trop loin.
Au lieu de cela, votre gouvernement supprime 12 500 emplois aidés dans les EHPAD publics. Quant aux 50 millions d'euros débloqués récemment, ils ne représentent qu'une goutte d'eau, rapportés à la perte de 200 millions d'euros de dotations publiques.
Madame la ministre, vous dites ne pas avoir les moyens de financer ces créations de postes malgré leur absolue nécessité. En somme, vous demandez aux personnels des EHPAD de faire la même chose, en mieux, avec moins de moyens, et pour toujours plus de patients. La prise en charge de nos aînés est de facto sacrifiée, comme beaucoup d'autres services publics, sur l'autel de l'austérité budgétaire.
Je vous ai écoutée attentivement, madame la ministre : le vocabulaire que vous employez vise à masquer la réalité concrète de votre politique. Pensez-vous sérieusement que vos recommandations en matière de « management des personnels » et d'« optimisation des budgets » soient des mesures sérieuses, suffisantes pour faire face à l'ampleur de ce désastre sanitaire ?
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Madame la députée, nous n'avons pas la même arithmétique. L'Assemblée a voté, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, 100 millions d'euros de crédits supplémentaires grâce auxquels 85 % des EHPAD verront leur dotation augmenter pour ce qui est de la partie soins.
Comme je l'ai déjà dit, sur l'ensemble du quinquennat, 438 millions d'euros supplémentaires seront dédiés à la partie soins des EHPAD, ce qui correspond à la création de 20 000 postes équivalent temps plein, auxquels j'ai rajouté cette année 10 millions pour financer des postes d'infirmières de nuit et 50 millions pour des investissements dans les EHPAD les plus en difficulté. Nous avons donc augmenté à la fois le nombre de postes et les budgets.
La question qui se pose, à l'heure actuelle, concerne le financement de la partie dépendance, qui est à la main des départements. La Cour des comptes a souligné l'existence de fortes disparités : le financement de l'APA varie de 1 à 2,5 selon les départements. C'est de cela que souffrent le plus les EHPAD.
J'ai donc prévu de rencontrer les départements de France, afin de discuter de la péréquation et de l'avenir de la dépendance, qui est une politique décentralisée. L'État a la responsabilité de la partie « soins » et l'assume pleinement.
M. le président. Nous en venons à une question du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à M. Alain Bruneel.
M. Alain Bruneel. Madame la ministre, le 12 février dernier, les parlementaires communistes lançaient leur tour de France des hôpitaux et des EHPAD. Comme mon collègue Pierre Dharréville, j'ai effectué plusieurs dizaines de visites : je sais la souffrance des personnels, leur frustration de ne pas pouvoir accomplir leur travail correctement.
Le rapport d'information dont nous discutons met en lumière la crise aiguë qui touche les établissements, les personnels et les personnes âgées en perte d'autonomie. Il y a urgence : 5 millions de Français auront plus de quatre-vingt-cinq ans en 2050, contre 1,5 million aujourd'hui. Il est donc nécessaire d'agir vite et fort. Le diagnostic impose de dépasser le stade des intentions et de prendre des mesures d'application immédiate.
Alors que la situation financière des EHPAD est profondément dégradée, le rapport d'information préconise de sortir de la réforme tarifaire de décembre 2016, qui est contestée dans tout le pays. Nous appuyons cette demande. Concernant le manque criant de personnel, il est urgent d'embaucher pour répondre effectivement aux besoins et aux attentes : c'est une question de dignité humaine. Nous aimerions, madame la ministre, vous entendre sur ce point.
Plus largement, il manque des places dans les EHPAD, et il manque des EHPAD. Le service public doit et peut faire mieux. Nous en avons les moyens, à condition de desserrer la contrainte budgétaire qui étouffe les EHPAD publics. L'austérité est insoutenable, aussi bien pour les aînés que pour les personnels et pour la société tout entière.
Certes, me direz-vous, mais avec quelle enveloppe budgétaire ? On pourrait commencer par embaucher quelques centaines d'inspecteurs du fisc, qui auraient pour mission de recouvrer le produit de la fraude patronale en matière de cotisations sociales, dont le montant s'élève à 25 milliards d'euros par an selon une estimation de la Cour des comptes, qui s'inquiète du manque d'audace du Gouvernement dans ce domaine.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Très bien !
M. Alain Bruneel. Madame la ministre, ce rapport finira-t-il, comme tant d'autres, au fond d'un tiroir ? Ou bien la puissance publique investira-t-elle massivement pour être à la hauteur de ce défi majeur pour notre société ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Monsieur le député, vous avez posé plusieurs questions.
Pour ce qui est des places d'hébergement, je vous signale que les besoins sont assez variables selon les départements. Ce que vous dites n'est pas vrai partout : j'ai visité des EHPAD vides dans certains départements, parfois immenses d'ailleurs, ce qui nuit à la santé des personnels qui doivent parcourir des kilomètres pour se rendre d'une chambre à l'autre. Et il est vrai que d'autres départements manquent terriblement d'EHPAD.
J'ai donc demandé un rapport au HCAAM pour pouvoir anticiper les besoins de places d'hébergement dans les années à venir, sachant que nous voulons changer de modèle : le tout-EHPAD ne correspond pas à ce que demandent les personnes âgées, qui ne sont pas forcément dépendantes. Certaines veulent simplement avoir certains services à domicile, ou une sécurité en matière de soins, ou une accessibilité à des services. Nous devons donc inventer un autre modèle, qui soit plus gradué. Je le répète : le tout-EHPAD n'est probablement pas le modèle de demain.
Vous avez toutefois voté, cette année, la création de 4 500 places pérennes en EHPAD et de 1 500 places d'hébergement temporaires. Nous verrons, pour les années qui viennent, quels sont les besoins. Je pense surtout qu'il y a urgence à inventer des modèles alternatifs : c'est ce que demandent aussi bien les familles que les personnes âgées, qui ne souhaitent pas immédiatement se retrouver dans un EHPAD.
Concernant les questions budgétaires, vous avez parlé de la lutte contre la fraude. Comme vous le savez, Gérald Darmanin a présenté en conseil des ministres un projet de loi visant à lutter contre la fraude. Il est prévu de recruter cinquante agents supplémentaires pour contrôler fiscalement les entreprises. En juin 2019, il y aura à Bercy un service spécialisé pour cela. Bref, c'est fait !
M. le président. Nous en venons aux questions du groupe La République en marche.
La parole est à Mme Charlotte Lecocq.
Mme Charlotte Lecocq. Madame la ministre, l'allongement de la durée de vie va avoir pour effet d'augmenter le nombre de personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou d'autres formes de démence. Le rapport de Monique Iborra et Caroline Fiat indique que l'arrivée de plus en plus fréquente de ces personnes en EHPAD est liée au fait que le maintien à domicile n'est plus possible. Les rapporteures préconisent des solutions spécifiques au sein d'établissements dédiés.
De nouvelles solutions d'hébergement émergent, inspirées de nos amis québécois ou danois. À titre d'exemple, dans le Nord, une association défend un projet visant à créer un habitat partagé, avec une dizaine de personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Un tel établissement permettrait d'encourager leur autonomie elles confectionneraient elles-mêmes leurs repas, feraient leur lit, continueraient à monter les escaliers et d'assurer une ouverture réelle sur l'extérieur, puisqu'elles continueraient à faire elles-mêmes leurs courses et pourraient se promener dans leur quartier, dans leur village.
Il est vrai que ce type de projet suppose une certaine prise de risque : les personnes sont davantage livrées à elles-mêmes, même avec un accompagnement spécifique. Il suppose également que nous sachions tous nous adapter à ce type de solutions et soyons capables d'être plus inclusifs, de mieux intégrer les personnes atteintes de cette maladie.
Madame la ministre, quel est votre avis sur ce type de solutions et quelles mesures pourriez-vous proposer pour faciliter leur mise en oeuvre ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Madame la députée, vous évoquez les EHPAD spécialisés dans la prise en charge des patients atteints de la maladie d'Alzheimer, ou d'ailleurs d'autres troubles cognitifs. Mais nous sommes aussi confrontés aux difficultés des personnes handicapées vieillissantes, qui arrivent souvent beaucoup plus tôt que les autres en EHPAD, ou des malades psychiatriques vieillissants. Il nous faut donc en effet inventer des modèles dédiés.
Des expérimentations intéressantes ont vu le jour dans certains départements, et aussi au Danemark madame Iborra, vous m'en avez fait part. Mais il faut faire attention à deux écueils. Tout d'abord, il convient de préserver une offre de proximité pour tous : le regroupement pourrait être un frein dans cette optique, alors qu'il est important que les familles puissent continuer à visiter régulièrement le résident.
L'autre point d'attention a été soulevé par les fédérations, mais également par les professionnels travaillant en EHPAD, ce qui m'incite à la prudence s'agissant de ce modèle de regroupement des patients de troubles cognitifs : il s'agit du risque pesant sur les personnels. Il est très difficile d'accompagner toute la journée des patients atteints de la maladie d'Alzheimer, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, tous les jours de l'année. Beaucoup des acteurs estiment qu'il vaut mieux disposer d'unités dédiées au sein des EHPAD, de façon à pouvoir faire tourner les effectifs et éviter ainsi un épuisement psychologique.
Je pense qu'il y a du pour et du contre. Je suis prête à m'intéresser à tous les modèles, et peut-être pourront-ils tous être déployés : il n'y a pas un seul modèle. Je suis prête évidemment à en discuter avec tous ceux qui auront participé, de près ou de loin, à la mise en oeuvre de ces organisations innovantes.
M. le président. La parole est à Mme Fadila Khattabi.
Mme Fadila Khattabi. Madame la ministre, le rapport de Mmes Iborra et Fiat a mis en évidence les difficiles conditions de travail auxquelles sont actuellement soumis les personnels soignants dans les EHPAD. Est en cause notamment le manque d'effectifs, mais également un taux d'absentéisme qui atteint en général 10 %. Autre constat inquiétant, que vous avez d'ailleurs souligné : un rapport de l'INSEE met en lumière le lien existant entre les conditions de travail des soignants et le turn-over important des personnels dans les EHPAD à qui je rends hommage pour leur engagement aux côtés de nos aînés, et ce malgré les difficultés du quotidien. Force est malheureusement de constater aujourd'hui que le recrutement des personnels soignants dans ces établissements s'avère de plus en plus compliqué, situation qui a un impact direct et négatif sur les patients.
Le rapport de mes collègues formule plusieurs propositions qui s'appuient sur la politique menée par le Gouvernement : je pense notamment aux nouveaux contrats « parcours emploi compétences » qui, tel que le préconise le rapport, pourraient être orientés prioritairement vers les EHPAD. Plus largement, c'est l'image du métier des soignants qu'il faut valoriser à travers une actualisation de leurs compétences ou encore au terme d'une réflexion sur leur statut.
Ces propositions, comme les revendications des professionnels, vous avez accepté de les entendre et de les accompagner, madame la ministre. En effet, le 15 mars dernier, vous avez affirmé la nécessité d'une réflexion d'ensemble sur la formation, le parcours de carrière et le référentiel de compétences des personnels dans les EHPAD, en particulier des aides-soignants. Aussi, pouvez-vous nous dire dans quel cadre sera menée cette réflexion, et nous donner quelques éléments de précision à la fois sur les acteurs qui y seront associés et sur les objectifs concrets en termes de calendrier et de réforme ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Madame la députée, je pense en effet qu'il est urgent aujourd'hui d'être en capacité d'offrir des perspectives de carrière aux personnels travaillant en EHPAD et de travailler à la valorisation de leur métier. Nous avons un mal fou à recruter des aides-soignants, avec une diminution importante des personnes entrant dans les formations je crois que leur nombre a été divisé par quatre cette année. Cela prouve bien que ce métier n'est plus du tout attractif pour les jeunes. Mon ministère a rouvert le contenu du référentiel de compétences des aides-soignants, et des propositions seront faites d'ici la fin de l'année.
Par ailleurs, j'ai mis en place une commission au sein du ministère pour travailler sur la qualité de vie au travail dans les établissements médico-sociaux. Cette commission doit rendre un rapport d'ici à la fin du mois d'avril, j'attends ses propositions pour améliorer la qualité de vie des professionnels. Il y a aussi un enjeu de formation : beaucoup d'entre eux disent qu'ils ne sont pas suffisamment formés, notamment s'agissant de l'accompagnement des personnes atteintes de troubles cognitifs. Nous travaillons donc avec les branches et les fédérations pour offrir de vraies formations qualifiantes aux professionnels. Et puis surtout, sur le long terme, nous devons leur offrir des perspectives de carrière en leur permettant notamment d'avoir une deuxième partie de carrière soit dans l'encadrement, soit dans la coordination, car il est très difficile de demeurer aide-soignant en EHPAD pendant quarante ans.
Nous travaillons sur l'ensemble de ces pistes. Le fruit de ce travail fera partie évidemment de la feuille de route qui sera présentée au Premier ministre dans les prochaines semaines, dans la perspective bien sûr d'un engagement de très long terme.
M. le président. Nous en venons aux questions du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Alain Ramadier.
M. Alain Ramadier. Longtemps référence en matière de santé publique, notre pays doit désormais faire face à l'enjeu colossal du vieillissement, un enjeu face auquel l'augmentation des moyens pour nos EHPAD est sans doute nécessaire, mais ne peut être la panacée.
Car ce qu'exigent les personnes âgées, leurs proches et les personnels soignants a trait à la qualité : qualité de vie, qualité des soins prodigués, qualité des conditions de travail au quotidien. Cette notion de qualité est notamment essentielle à l'attractivité des métiers du secteur médico-social en EHPAD, métiers en souffrance aujourd'hui. En effet, de plus en plus d'établissements peinent à recruter des aides-soignants et, selon l'assurance maladie, les taux d'accidents au travail et de maladies professionnelles sont en hausse, ce qui s'explique en particulier par des douleurs lombaires. Le taux d'absentéisme, de 10 % en moyenne, est également préoccupant et entraîne de la fatigue supplémentaire pour les soignants en poste, qui ont l'impression de fonctionner comme à l'usine.
Face à un tel constat, il nous faut travailler sur les niveaux de compétences et de reconnaissance des professionnels du secteur médico-social pour attirer de nouveaux profils et stimuler ceux exerçant déjà en EHPAD. Dans cette perspective, qu'envisage de mettre en oeuvre le Gouvernement ?
L'une des grandes difficultés d'organisation dans les EHPAD est que s'y concentrent des personnes pour certaines autonomes ou semi-autonomes et d'autres atteintes de démence et d'Alzheimer, ce qui appelle des niveaux de compétences très divers au sein du personnel soignant. Ne faudrait-il pas prévoir que le ratio d'encadrement en EHPAD varie en fonction de certains paramètres tels que les pathologies accueillies dans l'établissement ? Les difficultés rencontrées par les établissements durant les périodes nocturnes se concentrent surtout sur les personnes présentant des désorientations et des troubles du sommeil, sujet qui appelle, lui aussi, des compétences spécifiques qu'il convient de valoriser.
Madame la ministre, face au mur de la spécialisation des EHPAD et à la nécessaire montée en compétences des professionnels du secteur médico-social, quel levier comptez-vous actionner, quelles expérimentations en régions comptez-vous appuyer au niveau national ?
M. Pierre Cordier. Très bonne question !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Monsieur le député, vous avez, vous aussi, évoqué les difficultés des personnels en EHPAD. Vous avez raison de rappeler que le turn-over est aujourd'hui de l'ordre de 15 % et que beaucoup d'établissements peinent à recruter, ce qui augmente évidemment la pénibilité pour les personnels restants. Comme je l'ai dit à Mme Khattabi, nous travaillons sur différentes pistes : la qualité de vie au travail j'attends pour le mois de mai le rapport de la commission que j'ai mentionnée et la valorisation des métiers, notamment s'agissant de la formation, des compétences et de la gestion des carrières un travail mené en lien avec Muriel Pénicaud, car nous devons rendre ces professions de nouveau attractives.
Vous avez dit que le ratio d'encadrement, c'est-à-dire le nombre de professionnels rapporté au nombre de résidents, devrait varier selon certains critères. Je rappelle que ce ratio varie déjà puisque dans les unités de malades d'Alzheimer, il est proche d'un pour un. Il doit bien entendu faire l'objet de variations en fonction du public reçu.
J'ajouterai que l'ensemble des professionnels du secteur m'ont fait part de la difficulté de la fin de vie. C'est la raison pour laquelle j'insiste sur le fait qu'il faut alléger cette difficulté, c'est-à-dire favoriser les soins palliatifs en EHPAD, parce que cela participe largement de la pénibilité, de la non-attractivité du secteur pour les jeunes. Nous n'en parlons pas suffisamment, mais je pense que c'est un des enjeux, dans le volet soins et accompagnement, que de favoriser des fins de vie paisibles en EHPAD.
M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.
M. Gilles Lurton. Madame la ministre, tous, en commission des affaires sociales, nous avons salué la qualité du travail réalisé par Monique Iborra et Caroline Fiat, et tous ici, j'en suis convaincu, nous souhaitons que ce travail ne reste pas lettre morte.
Oui, madame la ministre, nos établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ont besoin de davantage de personnels pour faire face dignement à une tâche difficile et nécessitant beaucoup d'humanité.
M. Philippe Gosselin. C'est vrai !
M. Gilles Lurton. Mais je tiens à saluer leur qualité et leur immense dévouement, dont vous avez été témoin au mois de janvier dernier à Saint-Malo. Nous ne pouvons laisser dire que nos personnes âgées seraient toutes maltraitées sans leur faire injure.
Oui, madame la ministre, nous avons besoin, notamment dans certaines régions, de lits supplémentaires, et même s'il nous faut inventer de nouveaux modes d'accueil, il n'en reste pas moins vrai qu'il y a aujourd'hui des personnes en situation d'extrême urgence et souvent isolées qui ne trouvent pas de solution d'accueil.
M. Thibault Bazin. C'est clair !
M. Gilles Lurton. Oui, madame la ministre, il nous faut repenser tout le système de tarification décidée dans le cadre de la loi d'adaptation de la société au vieillissement de la population, une loi qui en annonçait une autre sur ce qu'il est convenu d'appeler « le cinquième risque », celui de la dépendance, dont les coûts très importants vont croissant. Cette réforme, annoncée par tous les gouvernements, n'a jamais vu le jour, faute de moyens à la hauteur des besoins financiers.
Dès lors, madame la ministre, comment comptez-vous faire face à ces nouveaux besoins liés à la dépendance pendant les quatre années à venir ? J'entends les propositions dont vous nous faites part, mais je reste convaincu qu'ils nécessiteront des moyens supplémentaires : envisagez-vous enfin une réforme de fond de la prise en charge de la dépendance ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. François Ruffin. Bravo !
M. le président. Madame la ministre, votre réponse est très attendue
Mme Agnès Buzyn, ministre. Monsieur le président, je ne suis pas sûr d'être autant applaudie à la fin de ma réponse ! (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
M. Philippe Gosselin. Mais si, mais si, ne partez pas battue !
Mme Agnès Buzyn, ministre. Monsieur le député, comme vous l'avez dit, je souhaite ouvrir un débat et un dossier qui ne l'ont pas vraiment été au cours des quinquennats précédents. Effectivement, il est temps d'anticiper l'avenir. Effectivement, il me semble indispensable de nous organiser pour prendre en charge les 5 millions de personnes qui devront l'être d'ici 2050.
Aujourd'hui, la dépense publique associée à la dépendance s'élève, vous le savez, à 1,1 point de PIB. Elle sera de 1,4 point en 2030 et 1,8 en 2045. Plusieurs questions se posent. D'abord, quelle part donner à la solidarité nationale par rapport aux dépenses laissées à la charge des individus et des familles ? Il faudra réfléchir sur le reste à charge en EHPAD et traiter une question aujourd'hui laissée en suspens : celle de la part des assurances privées. Faut-il d'ailleurs des assurances privées ?
M. Philippe Gosselin. Oui.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Doivent-elles être rendues obligatoires, et à quel âge ?
M. Philippe Gosselin. C'est à débattre.
M. Pierre Cordier. Mme Fiat a des propositions dans ce domaine.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Quels sont les sources de financement possibles ?
M. Pierre Dharréville. Les actionnaires ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Elles ont déjà été expertisées à de multiples reprises par le passé. Il existe la contribution de solidarité pour l'autonomie CSA qui est la journée de solidarité payée depuis 2013 par les employeurs, publics comme privés, et qui rapporte 2,7 milliards d'euros. On pourrait imaginer, sur ce modèle, d'autres journées de solidarité. Faut-il donc en créer une deuxième pour faire face aux besoins ? Faut-il étendre la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie CASA à tous les Français ? Aujourd'hui, elle n'est acquittée que par les retraités, pour un rapport de 700 millions d'euros par an. Faut-il, enfin, taxer les droits de succession ?
Telles sont quelques-unes des questions auxquelles nous allons devoir trouver des réponses. C'est l'objet de la feuille de route que je proposerai au Premier ministre d'ici quelques semaines, et ce sera celui du débat que nous aurons en vue de régler ce problème de la dépendance. Je ne suis évidemment pas ce soir en mesure de répondre à ces questions. Je veux, compte tenu des enjeux, qu'elles fassent l'objet d'un large débat. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et LR.)
M. Gilles Lurton. Bien.
M. Pierre Cordier. Nous vous attendons, madame la ministre !
M. le président. La parole est à M. Brahim Hammouche, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés.
M. Brahim Hammouche. La question du vieillissement et de la dépendance recouvre de multiples défis, le principal demeurant sans doute son financement, comme cela vient d'être relevé.
En effet, si les plus de soixante ans sont actuellement 15 millions, ils seront 20 millions en 2030 et près de 24 millions en 2060 compte tenu d'un allongement significatif de l'espérance de vie et, espérons-le, une espérance de vie réussie et en pleine santé. D'autre part, 1,2 millions de personnes de plus de soixante ans se trouvent aujourd'hui en situation de dépendance, et les maladies neurodégénératives, de type Alzheimer ou Parkinson, sont de plus en plus fréquentes.
Ce vieillissement progressif de la population française, concomitant de l'augmentation des maladies chroniques, conduira dans les prochaines années à un accroissement inexorable et continu des situations de perte d'autonomie.
Il est donc essentiel de repenser le financement de la dépendance : il en va de la survie de notre modèle social et sanitaire.
Actuellement, les dépenses de prise en charge du grand âge sont financées aux trois quarts par les pouvoirs publics, à hauteur de 23,7 milliards d'euros en 2014. Le reste à charge pour les ménages s'élève par ailleurs à plus de 6 milliards d'euros, ce qui place certaines catégories de population dans des situations insoutenables. Or il est estimé que ces dépenses devraient doubler par rapport au PIB d'ici à 2060.
Madame la ministre, pouvez-vous, en complément de ce que vous venez de dire, nous indiquer quelles mesures seront prises afin d'assurer le financement de la dépendance, non seulement dans un futur proche mais également de manière pérenne au cours des décennies à venir, pour ce qui est des EHPAD mais également du maintien à domicile ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Monsieur le député, vous l'avez dit, la question qui se pose de manière immédiate est celle de l'accompagnement des EHPAD aujourd'hui, et dans les années qui viennent.
Je rappelle que vous avez voté dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 une majoration des ressources de la CNSA, dont les crédits en faveur des personnes âgées s'élèveront en 2018 à environ 10 milliards d'euros, soit une augmentation de plus de 3 % par rapport à 2017. Ce budget permet de financer les mesures suivantes : d'une part la revalorisation de la masse salariale en EHPAD 70 millions d'euros ; d'autre part la création de places 4 500 places d'hébergement permanent et 1 500 places d'hébergement temporaire ; mais également des postes d'infirmières de nuit ; la convergence à la hausse du taux d'encadrement, pour 75 millions d'euros ; une aide financière pour les EHPAD qui sortent perdants de la réforme, à hauteur de 29 millions ; et enfin un soutien exceptionnel aux EHPAD en difficulté, pour 50 millions.
Telles sont les mesures qui ont été prises dans l'immédiat. Nous aurons évidemment à rediscuter, au moment de l'examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, de l'ONDAM médico-social.
Mais il y a ensuite les enjeux de moyen et de long terme. Je l'ai dit, les défis sont devant nous : c'est la raison pour laquelle j'ai souhaité ouvrir ce débat relatif au financement. Je pense que nous ne pouvons plus reporter indéfiniment le règlement de cette question, car nous nous trouverons en grande difficulté dans les années qui viennent et nos successeurs pourront à juste titre nous reprocher de ne pas avoir anticipé.
Je répète à cet égard, monsieur le député, la réponse que je viens de faire à M. Lurton : un certain nombre de pistes s'offrent à nous, comme les journées de solidarité ou les assurances privées. Nous devrons en débattre tous ensemble, et le débat sera ouvert dès cette année.
Mme Caroline Fiat, rapporteure. Et les bénéfices du CAC 40 ?
M. le président. La parole est à M. Paul Christophe, pour le groupe UDI, Agir et indépendants.
M. Paul Christophe. Nous devons sortir de cette logique binaire qui veut que, lorsqu'une personne ne peut plus continuer à vivre à domicile, l'unique solution réside dans son placement en EHPAD. Il faut au contraire s'appuyer sur la diversité des moyens existants et encourager, par exemple, l'hébergement temporaire ou l'accueil de jour.
Ces dispositifs permettent d'accompagner la personne en perte d'autonomie une ou plusieurs journées par semaine, tout en lui donnant la possibilité de continuer à vivre à domicile. L'objectif est véritablement de retarder son entrée définitive en établissement.
L'hébergement temporaire comme l'accueil de jour représentent également des solutions de répit pour les proches aidants, qui peuvent bénéficier de ce temps pour se reposer et préserver ainsi leur propre santé.
L'accueil temporaire de la personne âgée dépendante peut se faire en EHPAD mais également chez des accueillants familiaux, grâce à un dispositif encore méconnu et peu développé en France, en dépit des récentes améliorations juridiques apportées par la loi ASV. Mais, malgré des avantages non négligeables, ces dispositifs d'accueil restent peu développés. Fin 2015, seuls 4 % en effet des résidents en EHPAD étaient accueillis en hébergement temporaire ou en accueil de jour. L'évolution de ce chiffre est encourageante, puisqu'il est en augmentation sur les dernières années, mais il demeure faible au regard du nombre de personnes dépendantes en France.
Il nous appartient donc d'encourager le déploiement de ces deux dispositifs. Le développement des offres d'accueil sur le territoire est le fruit d'un travail concerté entre l'Agence régionale de santé et le département. L'ARS peut labelliser les nouveaux accueils de jour que constituent les Pôles d'activités et de soins adaptés PASA et les Unités d'hébergement renforcées UHR. Les plans régionaux de santé seront arrêtés cet été : les départements sont donc dans l'attente de visibilité sur les programmes qui seront engagés pour développer l'accueil de jour et l'hébergement temporaire.
Madame la ministre, entendez-vous inciter les ARS à labelliser davantage de PASA et d'UHR afin de développer l'offre d'hébergement temporaire et d'accueil de jour dans les territoires ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Monsieur le député, il existe aujourd'hui 12 200 places d'hébergement temporaire, et 15 550 places en accueil de jour. Vous avez voté la création de 1 500 places supplémentaires pour cette année. Évidemment, une telle évolution doit se poursuivre car l'hébergement temporaire correspond à une demande forte des familles. Cela pose cependant parfois des questions de transport sur lesquelles nous devrons également mener une réflexion collective.
Vous avez également voté dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 avec la création de 206 places en PASA et 290 en UHR. Ces places vont être créées en 2018 et nous continuerons bien entendu, dans les prochaines années, à accompagner ces évolutions.
Par ailleurs, lorsque j'ai rencontré les fédérations hospitalières, beaucoup d'entre elles m'ont entretenu de leurs travaux sur les places de répit. Il me semble que nous devons mener une réflexion collective sur ce sujet. Des initiatives très intéressantes sont prises, notamment en région Rhône-Alpes.
Tous les modèles alternatifs doivent être développés, tous ceux qui soulagent les aidants ou qui sont adaptables puisqu'une personne âgée peut perdre de l'autonomie à un moment donné, puis la récupérer à un autre : tout n'est pas définitif dans ce domaine. Ces modèles nous aideraient à sortir de ce choix manichéen entre le domicile et l'EHPAD et nous allons évidemment ouvrir la réflexion.
M. le président. La parole est à M. Joël Aviragnet, au nom du groupe Nouvelle Gauche.
M. Joël Aviragnet. Le rapport d'information dont nous débattons est intéressant en ce qu'il remet les choses à plat en matière d'EHPAD. Néanmoins, si j'en partage les conclusions et si je considère comme utiles les propositions qu'il contient, je m'interroge sérieusement sur le financement de ces mesures.
D'après le rapport, il faudrait, pour garantir un accueil décent aux pensionnaires, doubler d'ici quatre ans le ratio de soignants, ce qui représente 140 000 recrutements et 7 milliards d'euros. Puisqu'il est tard, allons à l'essentiel. Ma première question est simple : envisagez-vous, madame la ministre, de revoir vos choix budgétaires et d'intégrer cette dépense indispensable pour nos personnes âgées ?
Il est aussi proposé de procéder à une consultation à domicile gratuite, prise en charge par l'assurance maladie, à l'âge de soixante-cinq ans puis de soixante-dix ans, afin d'évaluer l'état de santé et de dépendance de nos concitoyens. Madame la ministre, vous qui êtes comme moi attachée à la prévention en matière de santé, pouvez-vous nous dire si nous disposons d'un chiffrage pour une telle mesure ? Envisagez d'intégrer cette dépense au budget de la sécurité sociale pour l'année 2019 ?
Enfin, la proposition no 31 prévoit de rduire le reste à charge pour les personnes âgées, en faisant supporter par les départements ainsi que par l'assurance maladie certaines dépenses, notamment celles relatives au personnel d'animation, de restauration, d'administration générale et d'amortissement de l'immobilier. Ma question ne va donc pas vous surprendre, madame la ministre : ce transfert de charges va-t-il s'accompagner d'une augmentation de la dotation pour les départements et pour l'assurance maladie ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Monsieur le député, je vous réponds essentiellement sur la question des soins ainsi que sur les visites médicales, puisque je crois avoir déjà beaucoup développé la question financière.
En 2017, dans le cadre de la convention médicale, a déjà été votée une consultation longue au bénéfice des personnes âgées, et notamment celles atteintes de la maladie d'Alzheimer. Nettement valorisée, cette consultation permet une bonne prise en charge de ces personnes. Il n'a pas été prévu de consultation systématique de prévention, car toutes les études montrent que les consultations spécifiquement dédiées à la prévention ne sont pas efficientes.
En termes de prévention en effet, il convient de prendre des mesures permanentes. Tel est l'objet du plan national de santé publique que j'ai présenté il y a une semaine, qui vise notamment à promouvoir l'activité physique et à améliorer l'alimentation. Toutes les mesures allant dans le sens du reste à charge zéro dans les domaines prothétiques vont également diminuer la perte d'autonomie. Il convient donc de mener une politique de prévention continue tout au long de la vie afin d'éviter la perte d'autonomie, plutôt que de prévoir une consultation à un moment donné, qui n'a que peu d'effet.
En revanche, les personnes âgées de soixante-cinq ans souffrent en moyenne de deux pathologies chroniques prises en charge à 100 % par l'assurance maladie. Par conséquent, elles bénéficient fort heureusement d'un suivi chez leur médecin généraliste, qui s'étend à l'évaluation de leur dépendance, d'autant que ces consultations longues sont désormais correctement valorisées par la sécurité sociale.
M. le président. Le débat est clos.
Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 6 avril 2018