Interview de M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, avec France 2 le 9 avril 2018, sur l'évacuation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes et sur la grève à la SNCF.

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Média : France 2

Texte intégral


CAROLINE ROUX
Bonjour Sébastien LECORNU.
SEBASTIEN LECORNU
Bonjour Caroline ROUX
CAROLINE ROUX
Je le disais, l'évacuation de Notre-Dame des Landes a débuté, combien de zadistes sont visés par cette expulsion ?
SEBASTIEN LECORNU
Environ une quarantaine de squattes aux édifices précaires ce qui représente une petite centaine de personnes.
CAROLINE ROUX
Comment faire le tri ?
SEBASTIEN LECORNU
Le tri est assez simple, vous avez celles et ceux qui ont quelque chose à y faire encore sur ces terres, le Premier ministre avait dit que ces terres devaient redevenir agricoles, ce qui était leur usage premier. Donc celles et ceux qui portent un projet agricole dans le cadre de l'état de droit, dans le cadre des règles applicables à cela peuvent rester. Puis celles et ceux qui ne s'inscrivent pas dans ce cadre là, souvent parce que d'ailleurs ils sont violents, délinquants et ce sont illustrés par leurs actes de violences ces derniers temps, n'ont pas vocation à rester, ce sont ceux-là qui sont ciblés les premiers ce matin par cette opération d'expulsion.
CAROLINE ROUX
Face aux gendarmes mobiles, il y a quoi, trois cents zadistes mobilisés, organisés, qui sont ceux qui sont ce matin face aux 2 500 gendarmes ?
SEBASTIEN LECORNU
En fait vous avez beaucoup de situations très différentes sur ce qui devient maintenant l'ex-zad de Notre-Dame des Landes. Vous avez des agriculteurs historiques, celles et ceux qui ont été expropriés dans leur temps, qui aujourd'hui retrouvent un droit à récupérer leur terre, mine de rien c'est des centaines d'hectares notamment avec quatre familles historiques. Ensuite, vous avez des agriculteurs qui ont des conventions d'occupations précaires, parce qu'en son temps, Aéroport Grand Ouest avait dit : « vous pouvez rester ici pour exploiter les terres, et puis lorsque les travaux de l'aéroport démarreront vous vous en irez ». Ceux là, ils ont une convention, un bout de papier, quelque part, qui leur donne un droit à être là. Ensuite, vous avez des néo-agriculteurs, qui portent un projet agricole qui n'est pas encore complètement encadré par le droit mais qui ont manifesté auprès des services de l'Etat notamment de la Préfecture de Loire-Atlantique, le souhait de s'inscrire là-dedans. Ces personnes ne sont pas concernées par l'opération. Puis vous avez comme je le disais à l'instant, 70 à 100 personnes…
CAROLINE ROUX
Ils ne sont pas concernés, mais ils sont solidaires Sébastien LECORNU ?
SEBASTIEN LECORNU
De ce que j'en sais ce matin, de ce que j'ai pu voir sur le terrain, parce que vous le savez, j'étais le premier membre du gouvernement à me rendre sur la ZAD au mois de mars dernier, le 22 mars de mémoire, je ne les sens pas solidaires de celles et ceux qui sont des violents, des ultra violents et qui ne veulent pas de l'état de droit, et pour le coup, l'état de droit reviendra et revient ce matin comme le Premier ministre s'y était engagé.
CAROLINE ROUX
Puisque vous connaissez bien les lieux, est-ce que vous êtes inquiets ce matin ? On sait qu'une opération de gendarmerie menée avec autant d'effectifs, 2 500 gendarmes sur place avec des personnes qui, c'est ce qu'on a raconté, vous allez me le dire, vous êtes allés sur place, sont parfois violents, ce sont organisées pour organiser une forme de résistance, est-ce qu'il y a une forme d'inquiétude ce matin pour le membre du gouvernement que vous êtes ?
SEBASTIEN LECORNU
Vous savez que depuis 2011 je suis réserviste opérationnel à la gendarmerie, donc j'ai une petite expérience…
CAROLINE ROUX
Donc c'est une opération risquée, vous le savez bien ?
SEBASTIEN LECORNU
Oui, parce ce qu'il peut y avoir des violences, des gens qui sont organisés pour cela. Des membres de l'ultra gauche qui se sont parfois illustrés par des actes de violences sur des forces de l'ordre mais une fois de plus, les gendarmes ont préparé cette opération ce matin, notamment le directeur général de la gendarmerie nationale, le général d'armée LIZUREY. Ce sont des professionnels, les militaires de la gendarmerie sont engagés avec beaucoup de professionnalismes et de passion sur ce retour à l'état de droit à Notre-Dame des Landes, ça fait plus de dix ans qu'on attend ça.
CAROLINE ROUX
Alors certains, certains zadistes ont déjà appelé à des mobilisations de soutiens à Rennes et à Nantes. Est-ce que vous assumez toutes les images de violences qu'il y aura aujourd'hui ?
SEBASTIEN LECORNU
Une fois de plus, on assume le retour à l'état de droit, et celles et ceux qui s'inscriront dans la violence devront en répondre devant la justice. Ce matin, les personnes qui sont expulsées ne sont pas des délinquants, s'ils quittent d'eux-mêmes la zone, ils n'ont pas vocation à être arrêtés, on est pour une procédure normale d'un état de droit. Celles et ceux qui seront violents, mais à Notre-Dame des Landes, comme ailleurs, auront à vocation à répondre de leurs actes devant la justice.
CAROLINE ROUX
Quel est l'avenir de la ZAD, à quoi ça va ressembler après ?
SEBASTIEN LECORNU
A un projet agricole qui doit être moderne, c'est ce que veut Nicolas HULOT, mon ministre de tutelle, on est sur un bocage qui a toujours été agricole, et là justement après les opérations, nous allons pouvoir nous pencher à l'écriture d'un projet nouveau, organisé autour de la transition énergétique, autour de l'agro écologie, il y a des opportunités fabuleuses ici, en lien d'ailleurs avec les collectivités territoriales, j'avais vu le président de département qui est engagé sur ces sujets là, et c'est pour ça qu'il y avait un préalable, c'était libéré les terres de celles et ceux qui n'ont rien à y faire et libérer la route départementale parce que bien évidemment la liberté de circulation est importante.
CAROLINE ROUX
Comment faire pour qu'ils ne reviennent pas ?
SEBASTIEN LECORNU
Comme on fait toujours dans ces cas là, il faut tenir la zone, tenir la zone avec des forces de l'ordre dans la durée, parce que c'est quelque chose qui est important, et en même temps, avancer vite sur le projet agricole parce que là où il y a un avenir par définition, cela éloignera celles et ceux qui ne veulent pas construire sur cette zone.
CAROLINE ROUX
Ça veut dire que certaines forces de gendarmes ont vocation à rester ?
SEBASTIEN LECORNU
Rester comme on le fait aujourd'hui à Bure, autre dossier que j'ai à traiter sur lequel nous avions expulsé des occupants illégaux dans le bois Lejuc, rappelez-vous, il y a maintenant quelques semaines et pour lequel vous avez des forces de gendarmerie, les choses se passent relativement bien donc là aussi les gendarmes savent faire.
CAROLINE ROUX
Est-ce que c'est un message d'ordre que vous envoyez aussi à certains étudiants qui occupent certaines facs, je pense à la face de Tolbiac ou d'autres ? Est-ce que c'est un message de retour à l'ordre public que vous envoyez aussi alors qu'on est plongé dans un mouvement de mobilisation dans les facultés françaises ?
SEBASTIEN LECORNU
En démocratie, il n'existe qu'une seule chose c'est l'état de droit. Et l'état de droit c'est à fois le droit de manifester, le droit de faire grève, le droit d'être contre un projet mais ce n'est pas le droit d'être violent. C'est par exemple pour la question des facultés, vous n'avez pas le droit d'empêcher la tenue des examens. Vous avez le droit de faire grève, de vous retirer, vous n'avez pas le droit d'entraver la liberté de circulation, vous n'avez pas le droit d'empêcher la tenue des examens, c'est justement toute la limite qui est là et que nous rappelons ce matin avec cette opération à Notre-Dame des Landes.
CAROLINE ROUX
Alors on rappelle que la grève continue, qu'Edouard PHILIPPE a dit : « nous irons jusqu'au bout », vous pensez que la détermination du gouvernement est supérieure à celle des grévistes ?
SEBASTIEN LECORNU
Notre détermination à transformer la SNCF et à sauver cette grande entreprises française est effectivement totale, puisque moi je suis un élu d'un département périphérique, l'Eure, donc en périphérie de l'Ile-de-France, donc je sais à quel point on a besoin de cette réforme, et l'ouverture à la concurrence, notre capacité à réinvestir dans le ferroviaire, comme nous allons le faire, dix millions par jour pendant dix ans. La capacité a revisité le statut pour redonner de la souplesse au sein de l'entreprise. Bref, tout ça est absolument fondamental, parce que vous le rappelle, la même interview il y a quelques semaines, au mois de décembre, vous m'auriez interrogé en me disant, vous avez vu le bazar à la Gare Montparnasse, qu'est-ce que le gouvernement fait ? La réponse est là, elle est structurelle, elle est de long terme et effectivement, le Premier ministre l'a rappelé hier devant vos confrères du parisien, notre détermination, elle est totale.
CAROLINE ROUX
Ça veut dire que vous pensez que la détermination du gouvernement est supérieure à celle des grévistes ?
SEBASTIEN LECORNU
En tout cas, de ce que j'en vois de ma collègue Elisabeth BORNE ou de mon Premier ministre, Edouard PHILIPPE, ou du Président de la République, je crois que notre détermination à transformer le pays et donc à mener cette réforme de la SNCF jusqu'à son terme est absolument totale.
CAROLINE ROUX
Puisqu'on est sur un bras de fer, vous anticipez sur un essoufflement du mouvement ?
SEBASTIEN LECORNU
On est pas sur un bras de fer, même si certaines forces syndicales jouent parfois le pourrissement des négociations, c'est Elisabeth BORNE qui l'a rappelé avant le week-end, on est pas là pour gagner un bras de fer avec les cheminots, on est là pour sauver une grande entreprise française qui n'appartient d'ailleurs pas plus aux membres du gouvernement qu'aux cheminots, mais à l'ensemble de la nation française et là aussi nous sommes attendus sur les résultats, c'est ce que veulent les quatre millions de personnes qui prennent le train chaque jour.
CAROLINE ROUX
Ce qu'ils voudraient c'est pouvoir prendre leur train ce matin en particulier, ça veut dire, que vous pariez que les français finiront par se retourner massivement contre les grévistes, c'est-à-dire, c'est une bataille de l'opinion qui est lancée aujourd'hui ?
SEBASTIEN LECORNU
Vous savez, j'étais à Vernon ce week-end dans ma commune, il n'y a pas besoin de grève pour que les trains n'arrivent pas malheureusement à la gare de Vernon, les pannes sont quand même très régulières, les retards, les suppressions de trains, les trains courts plutôt que les trains longs, tout ça, ça parle à celles et ceux qui prennent le train chaque jour. Une fois de plus, il faut une réponse durable et ça passe par de l'investissement, çà passe par l'ouverture à la concurrence et entre nous, tout le monde le sait très très bien depuis des années, cette ouverture à la concurrence, on l'a pas découvert hier matin, mais là aussi, le gouvernement a le courage de dire les choses avec beaucoup de vérité, et donc parfois ça crispe un tout petit peu.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 avril 2018