Interview de M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, avec France Inter le 12 avril 2018, sur l'évacuation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, l'EPR de Flamanville et sur la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim.

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Média : France Inter

Texte intégral


NICOLAS DEMORAND
Léa SALAME, votre invité ce matin est secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire.
LEA SALAME
Bonjour Sébastien LECORNU.
SEBASTIEN LECORNU
Bonjour Léa SALAME.
LEA SALAME
Merci d'être avec nous ce matin. 32 blessés du côté des gendarmes, une trentaine du côté des zadistes, au quatrième jour de l'opération d'évacuation, le bilan s'alourdit à Notre-Dame-des-Landes. Est-ce que vous êtes inquiet ce matin, qu'est-ce que vous allez faire ?
SEBASTIEN LECORNU
Bon, déjà, le calendrier des opérations est tenu depuis lundi matin dernier, sous l'autorité du ministre de l'Intérieur, Gérard COLLOMB, la préfète de Loire-Atlantique et du directeur général de la gendarmerie. On savait que ce serait une opération difficile. Dans une autre vie, j'étais réserviste opérationnel dans la gendarmerie, je sais à quel point les gendarmes ont préparé cette opération, effectivement, moi, je condamne les violences, je pense que le tir de fusée par exemple sur l'hélicoptère de la gendarmerie, il y a maintenant 48 heures, aurait pu avoir des conséquences absolument dramatiques. Est-ce que je suis inquiet ? La réponse est non, dans la mesure où je fais confiance aux forces de sécurité intérieure qui sont déployées, et on voit bien que tout cela est fait avec mesure et fermeté. Mais la proportionnalité dans la réaction des forces de l'ordre a été face à la violence qui a été proclamée et dégagée par les opposants.
LEA SALAME
Avant de parler de la nature de l'opération, si elle est mesurée ou pas, juste pour être très clair, cette opération va durer encore combien de temps, selon vous, ça va se compter en jours, en semaines ?
SEBASTIEN LECORNU
Alors, le temps qu'il faudra comme a dit le ministre de l'Intérieur, après, ça prend du temps, il faut tenir la zone, c'est une zone très étendue, j'ai pu m'y rendre au mois de mars dernier, j'ai pu me rendre compte à quel point on est quand même sur des surfaces qui sont extraordinairement importantes…
LEA SALAME
Mais là, vous misez quoi, à la fin du mois ?
SEBASTIEN LECORNU
Vous avez des enjeux de nettoyage, de réparation, de déblaiement, personnes ne le dit, mais enfin, il faut le dire, aujourd'hui, la route départementale n'est pas dans un bon état, il va falloir encore refaire des travaux, et je remercie d'ailleurs la patience du président de département sur ces sujets, et donc ça prendra…
LEA SALAME
D'ici la fin du mois, Monsieur le Ministre ?
SEBASTIEN LECORNU
Ça prendra forcément un peu de temps, je ne suis pas capable de vous donner un délai ce matin, je ne suis pas ministre de l'Intérieur, mais une fois de plus, les délais sont tenus depuis lundi dernier, le démantèlement des squats a lieu patiemment avec méthode dans le cadre de l'Etat de droit.
LEA SALAME
Il reste combien de temps… pardon… il reste combien de personnes à évacuer ?
SEBASTIEN LECORNU
Alors, aujourd'hui, vous avez encore 350 personnes sur la zone, mais une fois de plus, c'est très difficile de comprendre quand on ne rappelle pas que vous avez des personnes en situations juridiques très différentes, vous avez des gens qui ont un droit d'être, ce sont des agriculteurs qui ont été expropriés, et donc qui vont récupérer l'usage de leurs terres, vous avez des agriculteurs qui ont une convention d'occupation précaire et qui peuvent prétendre de nouveau à la voir renouvelée, surtout s'ils ont un projet agricole et qu'il vienne le porter devant les services de l'Etat, et vous avez des personnes qui n'ont strictement rien à voir avec cette ancienne ZAD, et d'ailleurs, qui sont arrivés parfois la veille de l'opération pour en découdre avec les gendarmes, ils n'ont rien à voir avec le projet agricole à Notre-Dame-des-Landes.
LEA SALAME
Certains dans votre camp, comme le député Matthieu ORPHELIN, demandent une pause dans l'évacuation pour stopper – je cite – la spirale de la violence, vous lui répondez quoi ?
SEBASTIEN LECORNU
Eh bien, j'aime beaucoup Matthieu, c'est un ami, par ailleurs, mais je pense que lorsque, il y a un tel déferlement de violences, on ne doit pas avoir al main qui tremble, et le retour de l'Etat de droit, c'est le retour de la République sur cette zone. Néanmoins, à la différence que j'entendais tout à l'heure, la main est quand même tendue avec celles et ceux qui veulent rejoindre l'Etat de droit, qui veulent porter un projet agricole, un projet individuel, c'est vrai, pas un projet type Larzac, nous l'avons refusé, je me suis rendu exprès sur la zone…
LEA SALAME
Pourquoi ?
SEBASTIEN LECORNU
Parce que ce n'est pas le modèle que nous souhaitons là-bas, vous savez, les règles, elles sont faites pour être respectées, pas que pour faire plaisir au gouvernement, parce que les règles en matière d'agriculture, elles sont importantes, en matière sanitaire, en matière environnementale, pour protéger le consommateur. Je veux dire, aujourd'hui, on est dans des espaces naturels qui sont plus protégés aux alentours, sur lesquels justement l'opposition Notre-Dame-des-Landes s'était un peu nourrie de ces espaces naturels, aujourd'hui, on ne peut pas faire n'importe quoi.
LEA SALAME
Hier, Benoît HAMON et Clémentine AUTAIN, notamment de La France Insoumise, vous ont reproché de faire la politique de la matraque, que ce soit à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes ou dans les universités, vous répondez quoi ?
SEBASTIEN LECORNU
Que l'Etat de droit et la République, ce n'est pas la politique de la matraquent et que, une fois de plus, comme le dit le ministre d'Etat Gérard COLLOMB, hier, je soupçonne certains groupuscules d'extrême-gauche d'organiser, ou en tout cas, de fomenter et d'entretenir ce climat de violence, on n'a pas besoin de ça. Il y a quinze jours ou trois semaines, on célébrait l'héroïsme du lieutenant-colonel, devenu colonel, BELTRAME et on saluait l'investissement de nos gendarmes. Je pense que trois semaines plus tard, ça serait bien de ne pas commencer à cogner les gendarmes et à casser du gendarme.
LEA SALAME
Donc ce matin, vous assumez ces images de violence qu'on voit depuis trois jours à la télévision…
SEBASTIEN LECORNU
Mais j'assume, des ordonnances de justice rendues exécutoires depuis 2012 lesquelles les forces de l'ordre les appliquent, une fois de plus, personne ne comprendrait l'inverse.
LEA SALAME
Autre sujet dont vous avez la charge Sébastien LECORNU, on a appris, il y a deux jours, que des écarts de qualité avait été constatés sur les soudures de l'EPR de Flamanville, d'où viennent ces problèmes et est-ce que c'est grave ?
SEBASTIEN LECORNU
Alors, l'Autorité de Sûreté Nucléaire qui, comme vous savez, est le gendarme autonome Français du nucléaire civil, va s'exprimer dans la matinée, a déjà commencé à donner des indications hier effectivement sur des déficits de contrôle sur les systèmes de soudure, sur un certain nombre de circuits de l'EPR, je m'étais rendu à Flamanville, il y a maintenant quelques semaines, justement, et j'avais pu échanger, non pas de ces difficultés, parce que je ne les connaissais pas, mais en tout cas, du calendrier de l'EPR avec Jean-Bernard LEVY, le président de d'EDF. L'ASN va devoir préciser son calendrier, va demander un certain nombre de correctifs à EDF…
LEA SALAME
Mais comment c‘est possible qu'il y ait eu des déficits de contrôle sur un EPR de Flamanville ?
SEBASTIEN LECORNU
Alors, pas des déficits de contrôle de l'Etat, pas les déficits de contrôle de l'Autorité de Sûreté Nucléaire, déficits de contrôle industriel, rassurez-vous…
LEA SALAME
D'EDF donc ?
SEBASTIEN LECORNU
Exactement, de ce que j'en sais, au moment où je vous parle, Léa SALAME, puisque l'ASN va préciser les choses dans la matinée…
LEA SALAME
Comment c'est possible ?
SEBASTIEN LECORNU
Mais en même temps, si vous écoutez celles et ceux qui ont été les pionniers de l'aventure nucléaire après-guerre, ils vous disaient que sur les premiers réacteurs civils, comme d'ailleurs sur quelques réacteurs militaires, il y avait eu aussi des aléas, et que cela avait pris du temps.
LEA SALAME
Oui, mais là, on est bien après les premiers réacteurs, on est justement sur un réacteur du futur…
SEBASTIEN LECORNU
Mais le réacteur du futur, c'est la réalité, néanmoins, c'est une nouvelle technologie, d'ailleurs, qui prévoit des mécanismes de sûreté en cas de fusion du réacteur nouveau, enfin, il y a aussi tout le retour d'expérience de Fukushima qui est derrière cela. Oui, il arrive qu'il y ait des retards, j'attends, moi aussi, avec impatience, que l'on puisse quantifier les retards potentiels…
LEA SALAME
Alors justement, parce que…
SEBASTIEN LECORNU
Puisque, derrière…
LEA SALAME
Que les gens comprennent, c‘est très clair, puisque derrière, il y a Fessenheim. En gros, dès que le premier… théoriquement, le premier réacteur de l'EPR de Flamanville doit commencer à fonctionner l'année prochaine, en 2019. Et à ce moment-là, Fessenheim ferme, c'est ce que vous avez promis. Est-ce que le premier réacteur de l'EPR de Flamanville commencera à marcher en 2019, oui ou non ?
SEBASTIEN LECORNU
Alors, à ce stade, EDF maintient son calendrier, fin 2018, début 2019, mais il va bien falloir tenir compte de ce que l'ASN va dire dans la matinée et va continuer de nous dire jusqu'au mois de mai, il va bien falloir sincériser, fiabiliser ce calendrier à l'aune de ce problème des soudures. Après, je tiens à vous dire, Léa SALAME, que le principe de la fermeture de Fessenheim au moment de l'ouverture du réacteur EPR de Flamanville est un principe qui est irréversible. Je me rendrai tout à l'heure à Fessenheim avec… pendant deux jours, comme je l'avais fait déjà au mois de janvier, c'est ma deuxième visite en trois mois, parce que justement…
LEA SALAME
Vous aviez été reçu fraîchement d'ailleurs…
SEBASTIEN LECORNU
C'est normal parce que quand ça fait six ans que, on parle de fermeture d'une centrale nucléaire et que personne ne s'est déplacé sur la zone, qu'on n'a pas eu le courage d'aller voir les salariés en leur disant droit dans les yeux ce qui va se passer et d'organiser la transition de ce modèle après Fessenheim, forcément, ça crée de la colère ; c'est pour ça que je me suis rendu à la demande d'Emmanuel MACRON et d'Edouard PHILIPPE et de Nicolas HULOT au mois de janvier dernier sur le territoire. Et je vais le refaire pendant deux jours, parce que, il y a des enjeux importants, il y a l'irréversibilité du principe, la fermeture de la centrale de Fessenheim, je le redis ce matin, mais ça doit s'accompagner de mesures de protection pour les collectivités territoriales, pour les salariés bien évidemment, pour les sous-traitants, 300 sous-traitants…
LEA SALAME
Vous avez quelque chose à annoncer ?
SEBASTIEN LECORNU
300 sous-traitants, 335 sous-traitants à Fessenheim. Ils ont tous été reçus par la cellule de reclassement que j'avais installée au mois de janvier dernier. La question sociale est dans le coeur de la transition écologique. Et puis enfin, il y aura les projets d'avenir, c'est pour ça qu'avec Nathalie LOISEAU, on va voir aussi nos amis allemands cet après-midi.
LEA SALAME
Si l'A SN dit tout à l'heure qu'il y aura quatre ans de retard, à cause des problèmes de soudure, est-ce que ça veut dire que Fessenheim fermera dans quatre ans, peut-être au-delà du quinquennat d'Emmanuel MACRON ?
SEBASTIEN LECORNU
Alors, il est trop tôt pour quantifier, je ne sais pas dire si ça sera quelques jours, quelques semaines ou quelques mois ou pire…
LEA SALAME
Ou quelques années…
SEBASTIEN LECORNU
Je ne sais pas répondre à cette question. Donc je pense qu'il est bien qu'un membre du gouvernement ne réponde pas quand il ne sait pas répondre. Ça sera à l'ASN de le dire. Mais il est clair que le principe de la fermeture de Fessenheim est connecté – pardonnez-moi l'expression – à l'ouverture de Flamanville.
LEA SALAME
Merci Sébastien LECORNU.
SEBASTIEN LECORNU
Merci Léa SALAME.
LEA SALAME
Belle journée à vous.
SEBASTIEN LECORNU
A vous aussi.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 avril 2018