Déclaration de Mme Simone Veil, ministre des affaires sociales de la santé et de la ville, sur la recherche génétique, à l'Unesco le 23 avril 1993.

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Circonstance : Clôture du symposium de génétique moléculaire à l'UNESCO le 23 avril 1993

Texte intégral

Monsieur le Directeur,
Monsieur le Secrétaire Perpétuel,
Mesdames et Messieurs,
La conférence que vous avez tenue, ces derniers jours, à l'UNESCO, m'est apparue chargée de vrais symboles.
D'abord, je dois vous dire combien je me réjouis de voir le Professeur Watson et le Professeur Crick se rencontrer ici, à Paris, autour de la Double Hélice,
Double Hélice dont nous fêtons le quarantenaire et qui les réunit devant l'Histoire.
Mais, il y a aussi, autour d'eux, tant de noms illustres, qu'on pourrait croire que le Prix Nobel de médecine et de chimie est la chose la plus commune du
monde... Ce serait là, admettons-le, la conclusion d'un bien piètre observateur !
La politique et la science ont été perçues,
- tantôt comme conflictuelles
- tantôt comme complices et parfois, je dois le dire, complices pour le pire.
Les esprits chagrins, qui souhaitent opposer les politiques et les scientifiques, nous expliquent :
- que les premiers savaient tout... mais ne pouvaient guère
- et que les seconds pouvaient tout.. mais ne savaient guère...

Non. Voyons, au contraire, ce qui les unit pour la cause de l'Humanité.
Il n'est pas, en effet, Mesdames et Messieurs, de décision politique innocente, aussi démocratique et généreuse soit-elle.
Il n'est pas non plus, de découverte scientifique innocente, celle de la Double Hélice, pas plus que celle de l'atome. Certaines de ces découvertes ont de
telles conséquences que la question se pose à l'homme de limiter son savoir.
Le danger pour lui n'est pas, à l'évidence, de le posséder, mais d'en user.
Et c'est lorsqu'il s'agit d'employer ce savoir, que s'affirment les devoirs et les responsabilités des politiques.
C'est pourquoi, il serait pitoyable que le génome humain ne soit perçu que comme l'enjeu de convoitises commerciales.
Le Ministre délégué à la Santé, Monsieur Philippe DOUSTE-DLAZY, vous a rappelé les principes très fermes que la France adopte et qui, je dois insister, se
situent bien au delà de la simple question juridique des brevets.
- principe de la non appropriation des séquences des génomes humains, bien commun de l'Humanité,
- principe de l'intangibilité du génome héréditaire,
- principe d'exclusion des activités de recherche du champ des brevets.

La France n'est pas seule à défendre ces principes. Ils rencontrent, je le sais, l'assentiment de la plupart des scientifiques. Mais la France prendra toute
sa responsabilité.
Enfin, il m'est apparu important que cet anniversaire et ce bilan de nos connaissances sur les ressorts de la vie, se soient situés à l'UNESCO, carrefour des
savoirs, des cultures et des hommes, de tous les hommes.
Et c'est en définitive, l'union harmonieuse de la culture et du savoir qui préservera l'Homme contre lui-même, qui le guidera dans l'usage de ses
découvertes.
Faisons donc en sorte, Mesdames et Messieurs, tous ensemble, que l'Homme sache utiliser ces formidables connaissances et le pouvoir que vous lui avez donné,
qu'il puisse les utiliser pour atténuer les souffrances de sa condition et qu'il sache vivre avec les autres hommes en communion avec la nature.