Texte intégral
Agnès BUZYN
Ministre des Solidarités et de la Santé
France Culture, Guillaume Erner 7h40
26 avril 2018
GUILLAUME ERNER
Nous accueillons Agnès BUZYN, bonjour, vous êtes ministre de la Santé depuis bientôt un an, on va évoquer les difficultés que rencontrent aujourd'hui le monde de la santé - notamment le monde hospitalier, les Ehpad mais, avant d'entendre cette grogne, je vais vous faire entendre quelque chose d'idyllique alias BUZYN, malheureusement ça date de 1962, ce sont les actualités françaises, c'est une archive de l'Ina et elle annonçait les beaux jours à venir des hôpitaux publics.
// Extrait actualités de l'Ina en 1962//
JOURNALISTE
Autrefois les hôpitaux n'étaient que des centres d'hébergement relevant du domaine de la charité et destiné à recueillir les indigents, certains bâtiments devenus vétustes et quelquefois sordides créés pour les malades à l'abattement psychique qui peut être une véritable hantise pour les hospitalisés. Avec la Semaine nationale des hôpitaux la Fédération hospitalière de France nous permet d'apprécier les efforts accomplis, le malade la plus être seulement un cas pour les statistiques, un client pour les hôpitaux, mais un hôte. En rompant avec la politique d'austérité et la carence du financement qui ont freiné l'évolution hospitalière, l'hôpital sera, est déjà ce qu'il n'aurait jamais dû cesser d'être : un grand service public au service de votre santé.
GUILLAUME ERNER
Agnès BUZYN, une archive vieille d'un peu plus d'un demi-siècle, aujourd'hui on n'aurait probablement pas la même archive, il s'agirait de quelque chose de plus pessimiste, on ferait la série des grogne à l'hôpital dans les Ehpad, pourquoi selon vous ?
AGNES BUZYN
D'abord bonjour ! Je pense qu'il ne faut pas dresser un tableau totalement noir de l'hôpital public, d'abord les réformes qui ont lieu dans ces années-là - c'est-à-dire 50 - 60 de l'hôpital et qui en ont fait un grand service public - ont permis à la médecine française de devenir ce qu'elle est aujourd'hui, c'est-à-dire une médecine de très grande qualité, avec des soins de très grande qualité et une capacité aujourd'hui à faire des Français un des peuples qui vit le plus longtemps, alors pas toujours en bonne santé mais c'est plus en raison de nos comportements et, quand on tombe malade aujourd'hui en France, on est très bien soigné. Donc, nous sommes un pays de progrès médical, nous sommes un pays reconnu dans le monde entier pour la qualité de sa médecine, notamment hospitalière. Après, un système doit évoluer et...
GUILLAUME ERNER
Justement pourquoi faut-il le réformer si la situation n'est pas aussi noire qu'on le dit Agnès BUZYN ?
AGNES BUZYN
Non, elle n'est pas noire en termes de qualité des soins, simplement aujourd'hui les pathologies ont changé, c'est-à-dire que l'hôpital public des années 60 a été construit pour des maladies aiguës, pour des accidents du travail, pour des gens plutôt jeunes - puisque les Français vieillissaient moins longtemps - et nous sommes maintenant face à une transition qu'on appelle épidémiologique, c'est-à-dire que nous vivons beaucoup plus longtemps avec des pathologies essentiellement chroniques qui vont beaucoup être prises en charge en ville plus qu'à l'hôpital, donc nous devons réinscrire l'hôpital au sein d'un parcours de santé où la ville et l'hôpital travaillent de façon conjointe - ce qui n'est pas le cas aujourd'hui - et permettent aux patients d'avoir une prise en charge de qualité, que ce soit en ville à l'hôpital, mais surtout coordonnée.
GUILLAUME ERNER
Mais alors ça va se traduire concrètement comment selon vous si cette réforme va jusqu'à son terme, Agnès BUZYN, qu'est-ce que vous voulez faire ?
AGNES BUZYN
Aujourd'hui nous avons vu ce malaise hospitalier bien entendu, les difficultés que ressentent les professionnels qui travaillent à l'hôpital avec beaucoup de pression, moins de temps humain à dédier aux patients, mais en réfléchissant à la réforme que nous devions faire nous nous sommes rendus compte - et c'est évident pour tous ceux qui travaillent dans le système - qu'on ne peut pas penser l'hôpital sans penser aux transformations de l'hôpital, sans penser transformation du système de santé dans son ensemble, parce que, si on veut faire en sorte que la ville et l'hôpital travaillent ensemble, que les parcours du patient soit organisés, il faut tout autant travailler sur la médecine de ville...
GUILLAUME ERNER
Ça veut dire en fait faire plus à la médecine de ville ?
AGNES BUZYN
En faire faire plus probablement, c'est ce qu'on appelle le virage ambulatoire, beaucoup de choses peuvent être faites aujourd'hui en ville sans hospitalisation ou avec des hospitalisations...
GUILLAUME ERNER
Donnez-nous des exemples.
AGNES BUZYN
Par exemple aujourd'hui quand vous êtes opéré par exemple de l'épaule vous pouvez être opéré le matin et sortir le soir, ensuite être pris en charge pour la rééducation en ville, les mêmes interventions il y a cinq ans vous restiez hospitalisé trois jours et les mêmes interventions il y a 10 ans vous restiez hospitalisé une semaine, on voit bien que les techniques ont changé, que les prises en charge sont de plus en plus rapidement en ambulatoire...
GUILLAUME ERNER
Les techniques ont changé mais l'inquiétude des malade, elle, elle est restée la même et chacun a la sensation que dans les différents actes médicaux hospitaliers on sort aujourd'hui trop vite, Agnès BUZYN ?
AGNES BUZYN
On sort trop vite quand on n'est pas bien accompagné en ville - et c'est bien de cela dont on parle - c'est à dire que tout cela n'a de sens que si l'accompagnement des personnes et leur prise en charge en ville est bien réfléchi, elle est organisée avant la sortie de l'hôpital. Aujourd'hui ce qu'on reproche à ce système c'est qu'il est cloisonné, on sort de l'hôpital sans vraiment une organisation dédiée et les gens recherchent un kinésithérapeute en secteur libéral, ils cherchent un médecin généraliste et, tout cela, n'est pas organisé. Donc, cette réforme que nous souhaitons c'est une réforme d'ampleur cohérente qui vise à faire en sorte que tous les professionnels de santé se coordonnent autour d'un parcours.
GUILLAUME ERNER
Ca d'accord, vous ne pouvez pas la présenter autrement. Mais dans les cas concrets...
AGNES BUZYN
Je vais vous donner un exemple, par exemple quelqu'un qui a un diabète aujourd'hui bien équilibré - c'est une maladie qui va durer des années, toute la vie qui nécessiter de la présence autour du patient de tout un tas de professionnels, il faut qu'un diabétique voit un diététicien, il faut qu'il voit un cardiologue, un ophtalmo pour sa rétine, il faut qu'il ait un podologue pour vérifier que ses pieds ne sont pas malades, aujourd'hui ce parcours avec cinq ou six professionnels en plus du médecin traitant ou du diabétologue n'est pas organisé. Pourquoi ? Parce que chaque professionnel intervient à un moment donné sans une coordination, on sait qu'avec la coordination le diabète va être mieux....
AGNES BUZYN
Mais, alors, vous voulez l'organiser à l'hôpital ou en ville ?
AGNES BUZYN
En ville.
GUILLAUME ERNER
Et pourquoi justement ne pas le faire à l'hôpital puisque l'hôpital a priori, pourrait être une structure dédiée qui permettrait de mieux organiser les parcours de soins, Agnès BUZYN ?
AGNES BUZYN
L'hôpital aujourd'hui pour fonctionner nécessite des équipes 24 heures sur 24, c'est très lourd et c'est très cher, alors que la même pris en charge en ville coûte beaucoup moins cher à la Sécurité sociale et elle est plus confortable pour le malade - c'est angoissant d'aller à l'hôpital - en plus à l'hôpital on peut attraper ce qu'on appelle des maladies nosocomiales et, donc, tout ce qui vise à réduire les temps d'hospitalisation c'est bien pour le malade et c'est bien pour notre assurance maladie.
GUILLAUME ERNER
Avez-vous l'impression que les réformes qui ont été faites par le précédent gouvernement, notamment le tiers-payant intégral, ont été des effets d'aubaine ? Les médecins n'étaient pas contents, les patients, ceux qui avaient les moyens de payer, auraient pu continuer à payer - il fallait évidemment augmenter la couverture de ceux qui n'avaient pas les moyens de payer - mais, lorsqu'on parle du coût de la médecine, est-ce qu'il était nécessaire de maintenir par exemple cette réforme ?
AGNES BUZYN
Vous avez raison ça été une réforme assez brutale, assez idéologique et pour laquelle techniquement rien n'était prêt, donc nous avons été obligés de revenir sur ce tiers- payant généralisé alors qu'il faut bien reconnaître qu'il y a aujourd'hui en France des personnes qui renoncent aux soins parce qu'ils ne peuvent pas faire l'avance de frais - donc on va faire du en même temps - et le en même temps ça veut dire permettre à ceux qui aujourd'hui n'accèdent pas à la médecine parce qu'ils ne peuvent pas avancer 9 ou 10 euros d'y accéder, c'est-à-dire que nous devons faire en sorte que certaines populations ou certaines activités bénéficient du tiers-payant....
GUILLAUME ERNER
Là-dessus c'est clair, mais pour ceux qui par exemple...
AGNES BUZYN
C'est clair ! Mais tout le monde...
GUILLAUME ERNER
Vous et moi on a les moyens de payer et le médecin, était-il nécessaire...
AGNES BUZYN
Ça ne peut pas être obligatoire pour vous ou pour moi, je pense que beaucoup de médecins...
GUILLAUME ERNER
Donc, vous allez revenir sur la réforme ?
AGNES BUZYN
Non, la réforme... nous sommes déjà revenus dans la loi de financement de la Sécurité sociale, donc la réforme s'est arrêtée, de toute façon techniquement rien n'a été opérationnel, de toute façon nous ne pouvions pas la faire. Nous avons donné un nouveau calendrier de mise en oeuvre du tiers- payant généralisé qui va permettre aux médecins d'être remboursés à la fois sur la mutuelle et sur la part assurance maladie, ça sera opérationnel fin 2019, donc nous allons mettre en oeuvre cette réforme mais sur un mode volontariste mais volontaire, par contre nous devons identifier...
GUILLAUME ERNER
Volontaire, ça veut dire que les médecins qui ne voudront pas utiliser donc ce tiers- payant intégral n'auront pas à le faire ?
AGNES BUZYN
N'auront pas à le faire tout en leur proposant de monter rapidement en charge, puisque on s'aperçoit que c'est quand même une demande de la majorité de la population, donc il faut répondre à une demande sociétale, mais par contre je veux être sûre que les populations qui en ont vraiment besoin puissent accéder au tiers-payant généralisé.
GUILLAUME ERNER
Même chose en termes d'effets d'aubaine l'idée selon laquelle les prothèses auditives, les lunettes - ce genre de choses - pourraient être aujourd'hui intégralement prises en charge, par exemple les lunettes est-ce qu'il était nécessaire de faire bénéficier la totalité de la population de cette gratuité ?
AGNES BUZYN
Ça va être beaucoup plus libre que cela, ce que nous voulons garantir c'est que les personnes qui en ont besoin puissent avoir accès à des lunettes ou à des prothèses auditives sans reste à charge - c'est-à-dire sans avoir à payer de leur poche - c'est cette prise en charge intégrale qui reposera à la fois sur une part assurance maladie et une part financée par les mutuelles. Cette prise en charge à 100 %, enfin cette prise en charge globale, elle ne sera que sur un mode volontaire, c'est-à-dire que, si vous avez envie de vous acheter des lunettes roses avec des diamants sur les côtés, avec des verres fumés qui deviennent noirs, là ce sera du superflu - et vous pourrez choisir ce type de lunettes - et vous aurez un reste à charge, mais nous devons...
GUILLAUME ERNER
Mais la Sécurité sociale prend déjà en charge des montures Sécurité sociale ?
AGNES BUZYN
Oui, alors celles-là c'était très bas de gamme et notre idée c'est vraiment d'élargir un panier de soins...
GUILLAUME ERNER
Vous allez monter en gamme, donc ?
AGNES BUZYN
On va monter en gamme et surtout proposer des verres, par exemple quand vous êtes très myope aujourd'hui vous avez accès à des verres très épais - ça n'est pas juste, on a le droit d'avoir accès...
GUILLAUME ERNER
Mais on a le droit d'être myope d'ailleurs, j'en connais beaucoup.
AGNES BUZYN
Et d'avoir accès à des verres très affinés parce qu'on est jeune et qu'il y a un côté esthétique, donc l'objectif aujourd'hui c'est de définir un panier de soins de qualité - et c'est là la grande différence - de qualité, qu'on estime absolument nécessaire pour les gens et auquel ils pourront accéder sans avoir à débourser de l'argent de leur poche, mais il y aura évidemment toute une offre beaucoup plus libre et à laquelle ceux qui ont les moyens pourront accéder s'ils le souhaitent.
GUILLAUME ERNER
Mais c'était vraiment bien de proposer ça ainsi, est-ce que ce n'était pas une promesse de campagne - on comprend les promesses de campagne - mais aujourd'hui quelque chose de compliquée à mettre en place, Agnès BUZYN ?
AGNES BUZYN
C'est évidemment compliqué à mettre en place, mais tellement nécessaire, aujourd'hui le fait que 50 % des Français n'achètent pas de prothèses auditives ça participe à la dégradation de l'état de santé de nos personnes âgées, ça diminue le lien social, ça accélère la dépendance et donc c'est un une nécessité aujourd'hui que d'entendre pour garder un contact avec la société, donc c'est très important pour les prothèses auditives, pour les prothèses... enfin pour les lunettes pardon on sait que un certain nombre de jeunes aujourd'hui, certaines familles extrêmement défavorisées peinent à changer les lunettes de leurs enfants alors qu'ils en ont besoin pour apprendre à l'école - ça n'est pas possible et, donc, il était impératif de faire cette réforme.
GUILLAUME ERNER
Autre réforme, qui là aussi est une réforme un peu complexe pour les néophytes Agnès BUZYN, la question donc des tarifications à l'hôpital - donc on voit bien que les budgets liés au secteur hospitalier dépendent de ce que l'on y soigne, il y avait une tarification à l'acte, elle était clair - il est question semble-t-il d'en finir, expliquez-nous pourquoi fallait-il en finir, réformer encore après la réforme Agnès BUZYN
AGNES BUZYN
Juste pour que vos auditeurs comprennent ! Avant cette réforme de la tarification à l'activité, qui a eu lieu dans les années 2000, les hôpitaux avaient une dotation globale et ça ne favorisait pas l'activité le fait que les gens travaillent, donc il y a eu une réforme qui a visé à mettre tout le monde au travail en tarifant et en finançant les hôpitaux sur leur activité. Le problème aujourd'hui c'est que nous apercevons de la dérive qui fait que la plupart des établissements cherchent à faire de plus en plus d'activités pour être rentables, or la médecine n'est pas qu'une question de rentabilité, la médecine pour certaines activités a besoin de temps, les professionnels ont besoin de temps - et ce temps n'est pas valorisé, ce temps qu'on passe auprès des malades n'est pas valorisé, et, donc l'idée c'est de trouver un équilibre entre une activité qu'il faut rémunérer et d'autres services que rend l'hôpital qui doivent aussi être reconnus et valorisés, et c'est cet équilibre-là que nous allons trouver dans la réforme tarifaire que nous allons mettre en place.
GUILLAUME ERNER
Alors justement qu'est-ce que vous allez faire, parce que donc on est passés d'une époque où on ne valorisait pas les actes à l'hôpital, où en fait on faisait ce que voulait dans le temps qu'on estimait nécessaire, ensuite il y a eu une époque où tout était serré avec des actes valorisés et évidemment des effets pervers, maintenant qu'est-ce que voulez faire ?
AGNES BUZYN
Je voudrais valoriser ce que j'appelle la bonne médecine, c'est-à-dire la qualité des prises en charge et la pertinence des actes. Pourquoi ? Parce que cette tarification à lactivité aujourd'hui elle peut favoriser que vous gardiez un malade hospitalisé dans des lits de façon inutile parce que c'est rentable de le garder et que, si vous avez des lits vides, vous ne payez pas en fait votre personnel et donc, ça, c'est la dérive du système actuellement et ce n'est pas bien de garder quelqu'un à l'hôpital quand il n'en a pas besoin, ça l'expose notamment à des maladies infectieuses...
GUILLAUME ERNER
C'est la deuxième fois que vous dites ça, ça fait peur quand même, les maladies...
AGNES BUZYN
Non, mais tout le monde le sait, je donne ça comme exemple du bien-fondé... Pardon !
GUILLAUME ERNER
Du bien-fondé de cette réforme.
AGNES BUZYN
Du bien-fondé de ne pas garder quelqu'un inutilement à l'hôpital et, donc, il faut que nous valorisions ceux qui travaillent bien, qui prennent du temps à l'organisation par exemple des parcours, aujourd'hui, quand vous passez une heure et demi à téléphoner à vos collègues en ville pour essayer d'organiser le parcours de soins de votre patient pour qu'il ne cherche pas un kinésithérapeute ou un médecin traitant, ça n'est pas valorisé et aujourd'hui je veux que quelqu'un qui passe du temps à une bonne organisation, à une bonne coordination par exemple puisse être rémunéré et, ça, c'est la réforme à la qualité que je souhaite mettre en place.
GUILLAUME ERNER
Pourquoi suscite-t-elle tant de grogne à l'hôpital ? Pourquoi y a-t-il aujourd'hui...
AGNES BUZYN
La réforme, je vous arrête, la réforme ne suscite pas du tout de grogne...
GUILLAUME ERNER
Mais à l'intérieur de cette réforme il y a un certain nombre d'aménagements, il y a par exemple en ce moment les orthophonistes qui sont mécontents parce qu'ils considèrent qu'on les met à la porte du secteur hospitalier ils gagnent environ 2.200 euros à l'hôpital, ils peuvent gagner le double en ville or un hôpital sans orthophoniste disent-ils évidemment c'est un hôpital qui fonctionnera moins bien Agnès BUZYN.
AGNES BUZYN
Je le répète, aujourd'hui les gens qui grognent à l'hôpital et qui expriment ce malaise ils expriment un malaise qui s'est constitué au cours des 10 ou 15 dernières années et donc aujourd'hui...
GUILLAUME ERNER
Bien entendu, on sait bien que vous n'êtes être que depuis un an, mais...
AGNES BUZYN
Non, mais ce n'est pas ça, c'est qu'aujourd'hui nous n'avons même pas annoncé la réforme donc les gens ne grognent pas contre la réforme puisque nous travaillons, nous consultons aujourd'hui toutes les parties prenantes pour proposer une réforme d'ici la fin de l'année donc...
GUILLAUME ERNER
Donc, vous pensez qu'ils crient avant d'avoir mal ?
AGNES BUZYN
Non, ils crient pour exprimer un malaise et ce malaise il est entendu puisque nous allons transformer, et donc je veux vraiment rappeler qu'aujourd'hui ce n'est pas une grogne contre une réforme puisque la réforme n'est même pas proposée, aujourd'hui c'est un malaise qui est exprimé par les professionnels que je connais bien puisque moi-même j'ai travaillé...
GUILLAUME ERNER
Là par exemple sur les orthophonistes, je prends cet exemple...
AGNES BUZYN
Attendez ! En fait c'est toutes les professions de la rééducation aujourd'hui qui ne sont pas suffisamment valorisés qui expriment un sentiment de ne pas être suffisamment valorisés à l'hôpital par rapport au nombre d'années d'études, et donc ça concerne les orthophonistes, les kinésithérapeutes qui effectivement gagnent beaucoup mieux leur vie à l'extérieur - donc on a du mal à en recruter au sein de l'hôpital mais, excusez-moi...
GUILLAUME ERNER
Et à côté de ça vous avez du mal à avoir un rendez-vous avec un orthophoniste en ville, ce qui veut dire que la situation à la fois pour les orthophonistes si celle-ci se détériore et pour les patients devient quand même compliquée sur ce secteur de la rééducation ?
AGNES BUZYN
Sur le secteur de la rééducation, mais c'est vrai aussi pour la médecine en général, cest très difficile aujourd'hui de trouver un médecin traitant, un médecin généraliste, donc là vous abordez non pas un problème de rémunération mais un problème de démographie des professionnels de santé, elle n'a pas été anticipée dans les années précédentes et donc on se trouve face à des professions qui sont en tension et en quantité insuffisante sur le territoire pour répondre aux besoins de la population, donc ça aussi nous devons le transformer.
GUILLAUME ERNER
On se retrouve aux environs de 8 h 20, Agnès BUZYN vous êtes la ministre de la Santé.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 avril 2018
Ministre des Solidarités et de la Santé
France Culture, Guillaume Erner 7h40
26 avril 2018
GUILLAUME ERNER
Nous accueillons Agnès BUZYN, bonjour, vous êtes ministre de la Santé depuis bientôt un an, on va évoquer les difficultés que rencontrent aujourd'hui le monde de la santé - notamment le monde hospitalier, les Ehpad mais, avant d'entendre cette grogne, je vais vous faire entendre quelque chose d'idyllique alias BUZYN, malheureusement ça date de 1962, ce sont les actualités françaises, c'est une archive de l'Ina et elle annonçait les beaux jours à venir des hôpitaux publics.
// Extrait actualités de l'Ina en 1962//
JOURNALISTE
Autrefois les hôpitaux n'étaient que des centres d'hébergement relevant du domaine de la charité et destiné à recueillir les indigents, certains bâtiments devenus vétustes et quelquefois sordides créés pour les malades à l'abattement psychique qui peut être une véritable hantise pour les hospitalisés. Avec la Semaine nationale des hôpitaux la Fédération hospitalière de France nous permet d'apprécier les efforts accomplis, le malade la plus être seulement un cas pour les statistiques, un client pour les hôpitaux, mais un hôte. En rompant avec la politique d'austérité et la carence du financement qui ont freiné l'évolution hospitalière, l'hôpital sera, est déjà ce qu'il n'aurait jamais dû cesser d'être : un grand service public au service de votre santé.
GUILLAUME ERNER
Agnès BUZYN, une archive vieille d'un peu plus d'un demi-siècle, aujourd'hui on n'aurait probablement pas la même archive, il s'agirait de quelque chose de plus pessimiste, on ferait la série des grogne à l'hôpital dans les Ehpad, pourquoi selon vous ?
AGNES BUZYN
D'abord bonjour ! Je pense qu'il ne faut pas dresser un tableau totalement noir de l'hôpital public, d'abord les réformes qui ont lieu dans ces années-là - c'est-à-dire 50 - 60 de l'hôpital et qui en ont fait un grand service public - ont permis à la médecine française de devenir ce qu'elle est aujourd'hui, c'est-à-dire une médecine de très grande qualité, avec des soins de très grande qualité et une capacité aujourd'hui à faire des Français un des peuples qui vit le plus longtemps, alors pas toujours en bonne santé mais c'est plus en raison de nos comportements et, quand on tombe malade aujourd'hui en France, on est très bien soigné. Donc, nous sommes un pays de progrès médical, nous sommes un pays reconnu dans le monde entier pour la qualité de sa médecine, notamment hospitalière. Après, un système doit évoluer et...
GUILLAUME ERNER
Justement pourquoi faut-il le réformer si la situation n'est pas aussi noire qu'on le dit Agnès BUZYN ?
AGNES BUZYN
Non, elle n'est pas noire en termes de qualité des soins, simplement aujourd'hui les pathologies ont changé, c'est-à-dire que l'hôpital public des années 60 a été construit pour des maladies aiguës, pour des accidents du travail, pour des gens plutôt jeunes - puisque les Français vieillissaient moins longtemps - et nous sommes maintenant face à une transition qu'on appelle épidémiologique, c'est-à-dire que nous vivons beaucoup plus longtemps avec des pathologies essentiellement chroniques qui vont beaucoup être prises en charge en ville plus qu'à l'hôpital, donc nous devons réinscrire l'hôpital au sein d'un parcours de santé où la ville et l'hôpital travaillent de façon conjointe - ce qui n'est pas le cas aujourd'hui - et permettent aux patients d'avoir une prise en charge de qualité, que ce soit en ville à l'hôpital, mais surtout coordonnée.
GUILLAUME ERNER
Mais alors ça va se traduire concrètement comment selon vous si cette réforme va jusqu'à son terme, Agnès BUZYN, qu'est-ce que vous voulez faire ?
AGNES BUZYN
Aujourd'hui nous avons vu ce malaise hospitalier bien entendu, les difficultés que ressentent les professionnels qui travaillent à l'hôpital avec beaucoup de pression, moins de temps humain à dédier aux patients, mais en réfléchissant à la réforme que nous devions faire nous nous sommes rendus compte - et c'est évident pour tous ceux qui travaillent dans le système - qu'on ne peut pas penser l'hôpital sans penser aux transformations de l'hôpital, sans penser transformation du système de santé dans son ensemble, parce que, si on veut faire en sorte que la ville et l'hôpital travaillent ensemble, que les parcours du patient soit organisés, il faut tout autant travailler sur la médecine de ville...
GUILLAUME ERNER
Ça veut dire en fait faire plus à la médecine de ville ?
AGNES BUZYN
En faire faire plus probablement, c'est ce qu'on appelle le virage ambulatoire, beaucoup de choses peuvent être faites aujourd'hui en ville sans hospitalisation ou avec des hospitalisations...
GUILLAUME ERNER
Donnez-nous des exemples.
AGNES BUZYN
Par exemple aujourd'hui quand vous êtes opéré par exemple de l'épaule vous pouvez être opéré le matin et sortir le soir, ensuite être pris en charge pour la rééducation en ville, les mêmes interventions il y a cinq ans vous restiez hospitalisé trois jours et les mêmes interventions il y a 10 ans vous restiez hospitalisé une semaine, on voit bien que les techniques ont changé, que les prises en charge sont de plus en plus rapidement en ambulatoire...
GUILLAUME ERNER
Les techniques ont changé mais l'inquiétude des malade, elle, elle est restée la même et chacun a la sensation que dans les différents actes médicaux hospitaliers on sort aujourd'hui trop vite, Agnès BUZYN ?
AGNES BUZYN
On sort trop vite quand on n'est pas bien accompagné en ville - et c'est bien de cela dont on parle - c'est à dire que tout cela n'a de sens que si l'accompagnement des personnes et leur prise en charge en ville est bien réfléchi, elle est organisée avant la sortie de l'hôpital. Aujourd'hui ce qu'on reproche à ce système c'est qu'il est cloisonné, on sort de l'hôpital sans vraiment une organisation dédiée et les gens recherchent un kinésithérapeute en secteur libéral, ils cherchent un médecin généraliste et, tout cela, n'est pas organisé. Donc, cette réforme que nous souhaitons c'est une réforme d'ampleur cohérente qui vise à faire en sorte que tous les professionnels de santé se coordonnent autour d'un parcours.
GUILLAUME ERNER
Ca d'accord, vous ne pouvez pas la présenter autrement. Mais dans les cas concrets...
AGNES BUZYN
Je vais vous donner un exemple, par exemple quelqu'un qui a un diabète aujourd'hui bien équilibré - c'est une maladie qui va durer des années, toute la vie qui nécessiter de la présence autour du patient de tout un tas de professionnels, il faut qu'un diabétique voit un diététicien, il faut qu'il voit un cardiologue, un ophtalmo pour sa rétine, il faut qu'il ait un podologue pour vérifier que ses pieds ne sont pas malades, aujourd'hui ce parcours avec cinq ou six professionnels en plus du médecin traitant ou du diabétologue n'est pas organisé. Pourquoi ? Parce que chaque professionnel intervient à un moment donné sans une coordination, on sait qu'avec la coordination le diabète va être mieux....
AGNES BUZYN
Mais, alors, vous voulez l'organiser à l'hôpital ou en ville ?
AGNES BUZYN
En ville.
GUILLAUME ERNER
Et pourquoi justement ne pas le faire à l'hôpital puisque l'hôpital a priori, pourrait être une structure dédiée qui permettrait de mieux organiser les parcours de soins, Agnès BUZYN ?
AGNES BUZYN
L'hôpital aujourd'hui pour fonctionner nécessite des équipes 24 heures sur 24, c'est très lourd et c'est très cher, alors que la même pris en charge en ville coûte beaucoup moins cher à la Sécurité sociale et elle est plus confortable pour le malade - c'est angoissant d'aller à l'hôpital - en plus à l'hôpital on peut attraper ce qu'on appelle des maladies nosocomiales et, donc, tout ce qui vise à réduire les temps d'hospitalisation c'est bien pour le malade et c'est bien pour notre assurance maladie.
GUILLAUME ERNER
Avez-vous l'impression que les réformes qui ont été faites par le précédent gouvernement, notamment le tiers-payant intégral, ont été des effets d'aubaine ? Les médecins n'étaient pas contents, les patients, ceux qui avaient les moyens de payer, auraient pu continuer à payer - il fallait évidemment augmenter la couverture de ceux qui n'avaient pas les moyens de payer - mais, lorsqu'on parle du coût de la médecine, est-ce qu'il était nécessaire de maintenir par exemple cette réforme ?
AGNES BUZYN
Vous avez raison ça été une réforme assez brutale, assez idéologique et pour laquelle techniquement rien n'était prêt, donc nous avons été obligés de revenir sur ce tiers- payant généralisé alors qu'il faut bien reconnaître qu'il y a aujourd'hui en France des personnes qui renoncent aux soins parce qu'ils ne peuvent pas faire l'avance de frais - donc on va faire du en même temps - et le en même temps ça veut dire permettre à ceux qui aujourd'hui n'accèdent pas à la médecine parce qu'ils ne peuvent pas avancer 9 ou 10 euros d'y accéder, c'est-à-dire que nous devons faire en sorte que certaines populations ou certaines activités bénéficient du tiers-payant....
GUILLAUME ERNER
Là-dessus c'est clair, mais pour ceux qui par exemple...
AGNES BUZYN
C'est clair ! Mais tout le monde...
GUILLAUME ERNER
Vous et moi on a les moyens de payer et le médecin, était-il nécessaire...
AGNES BUZYN
Ça ne peut pas être obligatoire pour vous ou pour moi, je pense que beaucoup de médecins...
GUILLAUME ERNER
Donc, vous allez revenir sur la réforme ?
AGNES BUZYN
Non, la réforme... nous sommes déjà revenus dans la loi de financement de la Sécurité sociale, donc la réforme s'est arrêtée, de toute façon techniquement rien n'a été opérationnel, de toute façon nous ne pouvions pas la faire. Nous avons donné un nouveau calendrier de mise en oeuvre du tiers- payant généralisé qui va permettre aux médecins d'être remboursés à la fois sur la mutuelle et sur la part assurance maladie, ça sera opérationnel fin 2019, donc nous allons mettre en oeuvre cette réforme mais sur un mode volontariste mais volontaire, par contre nous devons identifier...
GUILLAUME ERNER
Volontaire, ça veut dire que les médecins qui ne voudront pas utiliser donc ce tiers- payant intégral n'auront pas à le faire ?
AGNES BUZYN
N'auront pas à le faire tout en leur proposant de monter rapidement en charge, puisque on s'aperçoit que c'est quand même une demande de la majorité de la population, donc il faut répondre à une demande sociétale, mais par contre je veux être sûre que les populations qui en ont vraiment besoin puissent accéder au tiers-payant généralisé.
GUILLAUME ERNER
Même chose en termes d'effets d'aubaine l'idée selon laquelle les prothèses auditives, les lunettes - ce genre de choses - pourraient être aujourd'hui intégralement prises en charge, par exemple les lunettes est-ce qu'il était nécessaire de faire bénéficier la totalité de la population de cette gratuité ?
AGNES BUZYN
Ça va être beaucoup plus libre que cela, ce que nous voulons garantir c'est que les personnes qui en ont besoin puissent avoir accès à des lunettes ou à des prothèses auditives sans reste à charge - c'est-à-dire sans avoir à payer de leur poche - c'est cette prise en charge intégrale qui reposera à la fois sur une part assurance maladie et une part financée par les mutuelles. Cette prise en charge à 100 %, enfin cette prise en charge globale, elle ne sera que sur un mode volontaire, c'est-à-dire que, si vous avez envie de vous acheter des lunettes roses avec des diamants sur les côtés, avec des verres fumés qui deviennent noirs, là ce sera du superflu - et vous pourrez choisir ce type de lunettes - et vous aurez un reste à charge, mais nous devons...
GUILLAUME ERNER
Mais la Sécurité sociale prend déjà en charge des montures Sécurité sociale ?
AGNES BUZYN
Oui, alors celles-là c'était très bas de gamme et notre idée c'est vraiment d'élargir un panier de soins...
GUILLAUME ERNER
Vous allez monter en gamme, donc ?
AGNES BUZYN
On va monter en gamme et surtout proposer des verres, par exemple quand vous êtes très myope aujourd'hui vous avez accès à des verres très épais - ça n'est pas juste, on a le droit d'avoir accès...
GUILLAUME ERNER
Mais on a le droit d'être myope d'ailleurs, j'en connais beaucoup.
AGNES BUZYN
Et d'avoir accès à des verres très affinés parce qu'on est jeune et qu'il y a un côté esthétique, donc l'objectif aujourd'hui c'est de définir un panier de soins de qualité - et c'est là la grande différence - de qualité, qu'on estime absolument nécessaire pour les gens et auquel ils pourront accéder sans avoir à débourser de l'argent de leur poche, mais il y aura évidemment toute une offre beaucoup plus libre et à laquelle ceux qui ont les moyens pourront accéder s'ils le souhaitent.
GUILLAUME ERNER
Mais c'était vraiment bien de proposer ça ainsi, est-ce que ce n'était pas une promesse de campagne - on comprend les promesses de campagne - mais aujourd'hui quelque chose de compliquée à mettre en place, Agnès BUZYN ?
AGNES BUZYN
C'est évidemment compliqué à mettre en place, mais tellement nécessaire, aujourd'hui le fait que 50 % des Français n'achètent pas de prothèses auditives ça participe à la dégradation de l'état de santé de nos personnes âgées, ça diminue le lien social, ça accélère la dépendance et donc c'est un une nécessité aujourd'hui que d'entendre pour garder un contact avec la société, donc c'est très important pour les prothèses auditives, pour les prothèses... enfin pour les lunettes pardon on sait que un certain nombre de jeunes aujourd'hui, certaines familles extrêmement défavorisées peinent à changer les lunettes de leurs enfants alors qu'ils en ont besoin pour apprendre à l'école - ça n'est pas possible et, donc, il était impératif de faire cette réforme.
GUILLAUME ERNER
Autre réforme, qui là aussi est une réforme un peu complexe pour les néophytes Agnès BUZYN, la question donc des tarifications à l'hôpital - donc on voit bien que les budgets liés au secteur hospitalier dépendent de ce que l'on y soigne, il y avait une tarification à l'acte, elle était clair - il est question semble-t-il d'en finir, expliquez-nous pourquoi fallait-il en finir, réformer encore après la réforme Agnès BUZYN
AGNES BUZYN
Juste pour que vos auditeurs comprennent ! Avant cette réforme de la tarification à l'activité, qui a eu lieu dans les années 2000, les hôpitaux avaient une dotation globale et ça ne favorisait pas l'activité le fait que les gens travaillent, donc il y a eu une réforme qui a visé à mettre tout le monde au travail en tarifant et en finançant les hôpitaux sur leur activité. Le problème aujourd'hui c'est que nous apercevons de la dérive qui fait que la plupart des établissements cherchent à faire de plus en plus d'activités pour être rentables, or la médecine n'est pas qu'une question de rentabilité, la médecine pour certaines activités a besoin de temps, les professionnels ont besoin de temps - et ce temps n'est pas valorisé, ce temps qu'on passe auprès des malades n'est pas valorisé, et, donc l'idée c'est de trouver un équilibre entre une activité qu'il faut rémunérer et d'autres services que rend l'hôpital qui doivent aussi être reconnus et valorisés, et c'est cet équilibre-là que nous allons trouver dans la réforme tarifaire que nous allons mettre en place.
GUILLAUME ERNER
Alors justement qu'est-ce que vous allez faire, parce que donc on est passés d'une époque où on ne valorisait pas les actes à l'hôpital, où en fait on faisait ce que voulait dans le temps qu'on estimait nécessaire, ensuite il y a eu une époque où tout était serré avec des actes valorisés et évidemment des effets pervers, maintenant qu'est-ce que voulez faire ?
AGNES BUZYN
Je voudrais valoriser ce que j'appelle la bonne médecine, c'est-à-dire la qualité des prises en charge et la pertinence des actes. Pourquoi ? Parce que cette tarification à lactivité aujourd'hui elle peut favoriser que vous gardiez un malade hospitalisé dans des lits de façon inutile parce que c'est rentable de le garder et que, si vous avez des lits vides, vous ne payez pas en fait votre personnel et donc, ça, c'est la dérive du système actuellement et ce n'est pas bien de garder quelqu'un à l'hôpital quand il n'en a pas besoin, ça l'expose notamment à des maladies infectieuses...
GUILLAUME ERNER
C'est la deuxième fois que vous dites ça, ça fait peur quand même, les maladies...
AGNES BUZYN
Non, mais tout le monde le sait, je donne ça comme exemple du bien-fondé... Pardon !
GUILLAUME ERNER
Du bien-fondé de cette réforme.
AGNES BUZYN
Du bien-fondé de ne pas garder quelqu'un inutilement à l'hôpital et, donc, il faut que nous valorisions ceux qui travaillent bien, qui prennent du temps à l'organisation par exemple des parcours, aujourd'hui, quand vous passez une heure et demi à téléphoner à vos collègues en ville pour essayer d'organiser le parcours de soins de votre patient pour qu'il ne cherche pas un kinésithérapeute ou un médecin traitant, ça n'est pas valorisé et aujourd'hui je veux que quelqu'un qui passe du temps à une bonne organisation, à une bonne coordination par exemple puisse être rémunéré et, ça, c'est la réforme à la qualité que je souhaite mettre en place.
GUILLAUME ERNER
Pourquoi suscite-t-elle tant de grogne à l'hôpital ? Pourquoi y a-t-il aujourd'hui...
AGNES BUZYN
La réforme, je vous arrête, la réforme ne suscite pas du tout de grogne...
GUILLAUME ERNER
Mais à l'intérieur de cette réforme il y a un certain nombre d'aménagements, il y a par exemple en ce moment les orthophonistes qui sont mécontents parce qu'ils considèrent qu'on les met à la porte du secteur hospitalier ils gagnent environ 2.200 euros à l'hôpital, ils peuvent gagner le double en ville or un hôpital sans orthophoniste disent-ils évidemment c'est un hôpital qui fonctionnera moins bien Agnès BUZYN.
AGNES BUZYN
Je le répète, aujourd'hui les gens qui grognent à l'hôpital et qui expriment ce malaise ils expriment un malaise qui s'est constitué au cours des 10 ou 15 dernières années et donc aujourd'hui...
GUILLAUME ERNER
Bien entendu, on sait bien que vous n'êtes être que depuis un an, mais...
AGNES BUZYN
Non, mais ce n'est pas ça, c'est qu'aujourd'hui nous n'avons même pas annoncé la réforme donc les gens ne grognent pas contre la réforme puisque nous travaillons, nous consultons aujourd'hui toutes les parties prenantes pour proposer une réforme d'ici la fin de l'année donc...
GUILLAUME ERNER
Donc, vous pensez qu'ils crient avant d'avoir mal ?
AGNES BUZYN
Non, ils crient pour exprimer un malaise et ce malaise il est entendu puisque nous allons transformer, et donc je veux vraiment rappeler qu'aujourd'hui ce n'est pas une grogne contre une réforme puisque la réforme n'est même pas proposée, aujourd'hui c'est un malaise qui est exprimé par les professionnels que je connais bien puisque moi-même j'ai travaillé...
GUILLAUME ERNER
Là par exemple sur les orthophonistes, je prends cet exemple...
AGNES BUZYN
Attendez ! En fait c'est toutes les professions de la rééducation aujourd'hui qui ne sont pas suffisamment valorisés qui expriment un sentiment de ne pas être suffisamment valorisés à l'hôpital par rapport au nombre d'années d'études, et donc ça concerne les orthophonistes, les kinésithérapeutes qui effectivement gagnent beaucoup mieux leur vie à l'extérieur - donc on a du mal à en recruter au sein de l'hôpital mais, excusez-moi...
GUILLAUME ERNER
Et à côté de ça vous avez du mal à avoir un rendez-vous avec un orthophoniste en ville, ce qui veut dire que la situation à la fois pour les orthophonistes si celle-ci se détériore et pour les patients devient quand même compliquée sur ce secteur de la rééducation ?
AGNES BUZYN
Sur le secteur de la rééducation, mais c'est vrai aussi pour la médecine en général, cest très difficile aujourd'hui de trouver un médecin traitant, un médecin généraliste, donc là vous abordez non pas un problème de rémunération mais un problème de démographie des professionnels de santé, elle n'a pas été anticipée dans les années précédentes et donc on se trouve face à des professions qui sont en tension et en quantité insuffisante sur le territoire pour répondre aux besoins de la population, donc ça aussi nous devons le transformer.
GUILLAUME ERNER
On se retrouve aux environs de 8 h 20, Agnès BUZYN vous êtes la ministre de la Santé.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 avril 2018