Interview de Mme Brune Poirson, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, avec Radio Classique le 24 mai 2018, sur l'action de Nicolas Hulot au gouvernement, la question du glyphosate et sur l'évacuation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes.

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Média : Radio Classique

Texte intégral


GUILLAUME DURAND
Nous sommes avec Brune POIRSON, en direct.
- Jingle -
GUILLAUME DURAND
Justement, droit d'inventaire, puisque vous avez repris cette circonscription, qu'a-t-elle fait ? Je parle, là, de Marion MARECHAL.
BRUNE POIRSON
Elle s'y connaît certainement bien en éducation, puisqu'elle a surtout fait l'école buissonnière dans le Vaucluse, c'est d'ailleurs ce qui lui a été reproché, ce qui lui est encore reproché. Moi je vais souvent, et surtout dans le Vaucluse, et je crois qu'on peut dire que le bilan de son mandat, pour les Vauclusiens, il se réduit à néant. Et elle a été élue par des Vauclusiens, elle a été élue pour les servir, aussi et en grande partie, et elle ne l'a pas fait.
GUILLAUME DURAND
Mais alors, comment vous expliquez justement cette mise en perspective de Guillaume TABARD, c'est-à-dire qu'il y a un moment où effectivement l'usure de sa tante, plus les difficultés de WAUQUIEZ, font que dans la jeune génération que vous incarnez aussi, tout d'un coup il y a une sorte d'explosion dans l'opinion de Marion MARECHAL, je dis « une sorte de ».
BRUNE POIRSON
Ce que je vois surtout c'est une explosion des frontières au sein de la droite. Moi je fais partie de la génération CHIRAC, c'est le moment où j'ai eu la majorité, où j'ai commencé à voter. Et Jacques CHIRAC parlait d'un cordon sanitaire. Et moi ce que je vois aujourd'hui c'est qu'il a exposé, c'est qu'il n'existe plus. Ça je pense qu'on peut le regretter, parce qu'il y a des frontières et il y a des limites à ne pas dépasser.
GUILLAUME DURAND
Deuxième sujet, et dieu sait, alors il y a beaucoup de sujets qui concernent évidemment votre domaine d'intervention au gouvernement, on va parler de tous ces sujets, et puis il y a les questions de personnes. Vous savez que beaucoup de gens considèrent que Nicolas HULOT c'est un petit peu Hamlet et qu'on ne sait pas très bien si il va rester. Comment interpréter ses phrases qui reviennent « en décembre, on verra si je reste ou si je ne reste pas » ? Et maintenant la barrière c'est l'été.
BRUNE POIRSON
Je crois qu'il faut interpréter ses phrases comme de la sincérité, et c'est ça que Nicolas HULOT est. Nicolas HULOT c'est quelqu'un qui a toujours été engagé. Qui il est, ce qu'il est, il n'y a pas de différence entre ça et ce qu'il pense, et ça je crois que les Français le voulaient, c'est aussi pour cette raison-là qu'il est au gouvernement et c'est pour cette raison-là aussi qu'il dit publiquement ce que beaucoup de ministres pensent, c'est-à-dire qu'il faut évaluer son action de façon très régulière. Parce que sinon on tombe dans les mêmes travers que beaucoup de ceux qui nous ont précédés, c'est-à-dire qu'on se repose un peu sur nos lauriers, on est dans notre bulle, parfois dans nos ministères à Paris.
GUILLAUME DURAND
Non mais évaluation, ça ne veut pas dire une alarme, Brune POIRSON.
BRUNE POIRSON
Attendez, ça n'a rien à voir avec des états d'âme, ce ne sont pas des états d'âme, au contraire…
GUILLAUME DURAND
Voire même du chantage.
BRUNE POIRSON
C'est l'honnêteté, ça c'est votre lecture de la situation…
GUILLAUME DURAND
Non non non, je vous pose la question.
BRUNE POIRSON
Moi je travaille moi je travaille avec Nicolas HULOT au quotidien, je sais qu'il a le souci de faire, il a le souci d'avoir des résultats concrets, il a des soucis de faire avancer l'écologie. Pourquoi ? Parce qu'il y a consacré sa vie entière et donc aujourd'hui, ce qu'il fait et ce qu'il dit publiquement, peut-être ce qui est différent d'autres ministres, c'est qu'il veut très régulièrement évaluer son action, savoir s'il est sur la bonne route, savoir s'il est dans la même direction, s'il est dans la bonne direction, c'est ce que disait aussi le président de la République, c'est quelqu'un qui est un inquiet, et c'est ça et c'est comme ça qu'on avance aussi je crois.
GUILLAUME DURAND
Le glyphosate, justement, alors l'un des problèmes c'est effectivement d'avoir, de gagner ou au contraire de perdre des arbitrages dans la loi sur l'alimentation, donc on en parle beaucoup, il y a quelques instants, donc chez nos confrères de RMC, Delphine BATHO disait : il n'y a strictement rien sur le glyphosate alors que c'était dans la campagne. Donc on se demande si aussi là, s'il n'y a pas une certaine forme d'inquiétude sur sa marge de manoeuvre.
BRUNE POIRSON
On ne va pas rouvrir un débat qui a été tranché par le président de la République lui-même. Il l'a dit, le glyphosate, on va en sortir avec certaines exceptions d'ici 3 ans. Moi je rappelle une chose, parce qu'il ne faut quand même pas oublier qu'on s'est retrouvé face à la Commission européenne et à d'autres pays, et qu'on était parti pour 15 ans de glyphosate. La France s'est battue, nous nous sommes battus, nous avons mobilisé l'ensemble de nos partenaires européens, on a été particulièrement moteur sur cette question-là, ce qui prouve d'ailleurs au passage que quand on s'engage au niveau européen, résolument, on obtient des résultats et ce n'est pas sans cesse le plus petit dénominateur commun et le moins favorable qui gagne. Mais pour revenir sur cette question du glyphosate, on s'est battu, on était parti pour 15 ans, on a obtenu ensuite un tour de table à 10 ans, puis à 5 ans et nous avons tenu 5 ans et ça je crois qu'il faut le saluer au niveau européen. Et ensuite…
GUILLAUME DURAND
Donc Stéphane TRAVERT n'a pas ôté à Nicolas HULOT et à vous-même et à la partie du gouvernement qui défend l'écologie…
BRUNE POIRSON
Et ensuite le président de la République, a annoncé, il l'a répété, il l'a dit clairement aussi au moment du Salon de l'agriculture et Nicolas HULOT et beaucoup et l'ensemble du gouvernement aussi, d'ici 3 ans, eh bien il faut résolument sortir du glyphosate. Il y aura des exceptions, bien sûr, mais il faut le faire, et ça, on ne revient pas sur cette parole et nous, un des principes auxquels nous tenons beaucoup dans ce gouvernement-là, c'est à ne pas faire de sur transposition, c'est-à-dire qu'il y a ce qui est décidé au niveau européen et quand on le traduit, et quand on le transpose dans le droit français, eh bien il ne faut pas rajouter à nouveau des normes, des dispositions, des précisions qui finalement…
GUILLAUME DURAND
Donc c'est normal que ça ne soit pas dans la loi. C'est un engagement, c'est normal que ce ne soit pas dans la loi sur l'alimentation.
BRUNE POIRSON
Ce n'est pas étonnant que ce ne soit pas dans la loi sur l'alimentation, sur les OGA.
GUILLAUME DURAND
Et donc vous comprenez des gens comme Delphine BATHO, qui disent : ah ben voyez, il n'y a rien dans la loi, donc…
BRUNE POIRSON
Non mais attendez, là on est aussi dans des postures politiques. Moi, ce que je vois aussi, c'est que sur certaines substances comme par exemple le dioxyde de titane, ce fameux E171, qui n'a qu'une valeur ajoutée purement marketing dans les produits, cet additif alimentaire qui n'a pas de valeur nutritive, qui vise à rendre les produits plus blanc que blanc ou a été épaissir certaines confiseries et certains nappages, certaines glaces, eh bien celui-là, a priori, eh bien nous allons, et c'est Stéphane TRAVERT qui porte un amendement dans ce sens-là, eh bien nous allons prendre des mesures d'ici la fin de l'année, de façon à suspendre la mise sur le marché et l'utilisation du dioxyde de titane, et ça je crois qu'il faut aussi le saluer, il faut arrêter de voir sans cesse et de créer des polémiques sur des points de détails.
GUILLAUME DURAND
Mais on ne crée pas des polémiques, on se pose des questions. Vous êtes là et vous êtes venue pour y répondre.
BRUNE POIRSON
Mais moi je vois réponds et je vous dis qu'il y a des choses essentielles et qu'il faut les voir aussi.
GUILLAUME DURAND
Est-ce que ce plan biodiversité dont HULOT a dit que sur les questions de principe il était fondamental, car c'est vrai que dans le monde entier les espèces disparaissent, est-ce qu'à un moment on aura, comment peut-on dire, des mesures concrètes qui ne sont évidemment pas des mesures à caractère national, puisque les animaux circulent à travers les frontières, est-ce qu'à un moment on va savoir ce qu'on va faire ?
BRUNE POIRSON
Bien évidemment, mais on ne va pas dire, là il y a une question de méthode. Premièrement je crois qu'il faut que la France soit aussi exemplaire, parce qu'il a une question de cohérence. On ne peut pas, en France, à l'international, défendre un discours fort sur la biodiversité et sur l'environnement, et puis ne pas se l'appliquer à nous-mêmes, ça c'est la première chose. La deuxième chose aussi, pour une question de méthode, je ne vais pas, là, maintenant, vous décrire les actions concrètes qu'il y a dans le plan, puisque Nicolas HULOT était à Marseille, précisément pour lancer une grande consultation, c'est-à-dire que, encore une fois, on ne veut pas décider de tout, depuis nos ministères parisiens, on veut véritablement entendre ce que les Français ont à nous dire, les parties prenantes ont à nous dire et on voit que ça a déjà fonctionné très bien puisque, à partir du moment où le jour où Nicolas HULOT a lancé cette consultation, il y a déjà eu des centaines, voire presque déjà aujourd'hui des milliers de réponses sur le site Internet, et donc au terme de cette consultation, on rassemblera les éléments pour créer et mettre en place un vrai plan, des mesures concrètes.
GUILLAUME DURAND
Voilà. Vous voyez qu'il y a des différences, vous le savez, des différences de méthode, il y a eu beaucoup de commentaires sur l'affaire BORLOO…
BRUNE POIRSON
L'affaire BORLOO ?
GUILLAUME DURAND
Oui, enfin, l'affaire BORLOO, elle est écrite dans les journaux, par tout le monde.
BRUNE POIRSON
Je ne suis pas sûre de voir exactement ce à quoi vous faites référence en parlant d'une affaire, mais allez-y, je ne veux pas vous interrompre.
GUILLAUME DURAND
Mais si, vous avez le droit. La question c'est de savoir finalement pourquoi avoir encouragé quelqu'un à faire un plan, pour finalement lui dire qu'il le garde, c'est une question politique qui est posée, ce n'est pas une interrogation qui tombe du plafond.
BRUNE POIRSON
Non mais là encore, on revient à une question de méthode. Vous savez que le gouvernement, sur tous les sujets qui sont sensibles et surtout sur beaucoup de sujets qui se sont un peu enkysté, c'est-à-dire que pendant des années, des décennies n'ont pas trouvé de réponse, la façon dont nous travaillons, c'est que nous voulons dépassionner les débats, avoir ensuite un regard d'expert ou en tout cas un regard externe, c'est ce que nous avons fait pour Notre-Dame-des-Landes avec un rapport, c'est ce que nous avons fait pour la SNCF par exemple avec le rapport Spinetta, c'est ce qui est là le cas avec le plan pour les quartiers avec le rapport, Borloo, on a toujours besoin d'un regard externe qui donne son point de vue, avec parfois des recommandations, des suggestions et ensuite c'est au gouvernement de prendre les décisions et de trancher. Et c'est exactement ce qui s'est passé là, c'est la méthode qui a été utilisée à nouveau.
GUILLAUME DURAND
Notre-Dame-des-Landes ce matin, c'est terminé, terminé ? Parce qu'il y a encore beaucoup de forces de l'ordre sur place.
BRUNE POIRSON
Nous avons dit et toujours dit que les forces de l'ordre resteraient sur place jusqu'à ce que la sécurité et la situation soient totalement pacifiées et rentrer surtout dans la légalité et donc ces forces de police là, ces forces de gendarmerie, elles resteront, ces forces de l'ordre, elles resteront autant que nécessaire. Mais on voit qu'on est résolument vers une issue positive à Notre-Dame-des-Landes, notamment, vous avez vu qu'il a récemment 40 dossiers qui ont été déposés, 30 ont déjà été en cours d'analyse, des dossiers avec des vrais projets agricoles, des projets qui sont viables et donc peu à peu on rentre effectivement dans la légalité à Notre-Dame-des-Landes et la situation s'apaise, mais le gouvernement restera fermement attaché au fait que c'est l'Etat de droit qui doit s'appliquer là-bas, comme il s'applique partout en France. Il n'y a pas d'exception.
GUILLAUME DURAND
Merci Brune POIRSON, d'être venue ce matin sur l'antenne de Radio Classique et de Paris Première, donc vous expliquer sur le domaine qui est le vôtre ou gouvernement et sur quelques questions politiques. Bonne journée à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 mai 2018