Déclaration de Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, sur la coopération culturelle européenne, notamment au niveau de la littérature et la notion d'identité européenne en termes d'échanges, de dialogues, de découvertes et de respect des langues, Paris le 17 juin 1999.

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Circonstance : Lancement de l'opération "Train littérature Europe 2000" à Paris le 17 juin 1999

Texte intégral

Monsieur l'Ambassadeur de Turquie en France,
Monsieur l'Ambassadeur d'Albanie en France,
Mesdames et messieurs les représentants des ambassades européennes à Paris,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
J'ai le très grand plaisir de vous accueillir ce matin pour le lancement officiel du Train Littérature Europe 2000.
En juin 2000, un train spécial partira de Lisbonne pour un voyage de 7 semaines, emportant à son bord plus de 100 écrivains venus de 48 pays d'Europe.
Cette idée, que je trouve superbe, née à Berlin en 1997, est celle de Thomas Wohlfahrt, directeur de l'Atelier de littérature de Berlin. Elle a aussitôt été soutenue par la Mission 2000 en France, dont le président, Jean-Jacques Aillagon, est ici à mes côtés. Et voici qu'aujourd'hui se trouvent réunis à Paris, pour la première fois, durant trois jours, 60 partenaires venus de 32 pays pour mettre au point la concrétisation de ce merveilleux projet.
Ce train littéraire de l'an 2000 va reprendre le trajet du vieil express Nord Sud qui parcourait l'Europe de Moscou à Lisbonne, facilitant certes les échanges économiques, mais aussi culturels, entre les membres d'un espace européen, qui n'avait bien entendu encore aucune existence politique, mais qui constituait déjà une communauté culturelle et intellectuelle indéniable.
Que s'embarquent des écrivains à son bord, pour un voyage de sept semaines et de 21 étapes, n'est que justice.
Notre culture européenne est fondée sur la force de l'écrit. C'est un Européen, un Européen voyageur, Gutenberg, qui, en inventant l'imprimerie, a permis à l'expression écrite d'être accessible au plus grand nombre.
Et surtout notre fond culturel est composé d'une foule d'auteurs géniaux qui, bien sûr, ont tous une nation et une langue d'origine, mais qui ont cependant irrigué l'ensemble de nos cultures.
Byron est évidemment Anglais comme Victor Hugo est Français ou Dostoïevski russe. Mais ils sont, avec le recul de l'histoire, Européens puisque tous les auteurs d'aujourd'hui, qu'ils soient Italiens, Allemand ou Suédois, les ont lus, médités et intégrés.
On peut dire la même chose de Fernando Pessoa, Robert Musil, Thomas Mann, Franz Kafka, de Pavese ou Boris Pasternak et de tant d'autres.
Notre train va donc emporter à son bord, trois représentants de chacun des 28 pays suivants.
La liste en est longue, mais je tiens à tous les citer pour bien montrer cette extrême diversité de notre vieux continent.
Albanie, Allemagne, Belarus, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Géorgie, Hongrie, Irlande, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Macédoine, Moldavie, Pologne, Portugal, Royaume-Uni, Russie, Slovaquie, Suède, Suisse, Slovénie, République Tchèque, Roumanie, Turquie, Ukraine, Yougoslavie.
Ce train littéraire de l'an 2000, pourquoi ne pas le dire, j'aimerais en être. J'aimerais pouvoir faire ce voyage avec tous ces talents si nécessaires à notre quotidien.
Le voyage en lui-même est déjà une ouverture physique sur les splendeurs et la diversité de l'espace géographique européen.
La confrontation, en une sorte de huis clos, de si nombreux écrivains ne peut que déboucher sur des perspectives créatives.
A défaut de faire le voyage, je me promets donc d'accueillir le convoi à certaines de ses étapes. Comme je me promets d'être à Strasbourg le 4 décembre prochain, pour le dernier colloque préparatoire à l'an 2000, justement consacré à l'imaginaire européen.
On ne dira jamais assez que, plus que tout autre forme d'expression, l'écrit permet à chacun de peupler sa conscience de ses propres images. La lecture est un puissant facteur d'épanouissement personnel. Le livre est une valeur ; chaque livre, parce qu'il porte une représentation du monde, est un précieux vecteur de liberté.
A un moment où l'Europe connaît sur son territoire une crise grave, ce train littéraire pose les bases de l'identité européenne en terme d'échanges, de dialogues, de découvertes réciproques, et de respect des langues et des cultures qui composent cette identité européenne, dont la force et l'originalité résident précisément dans sa diversité.
Je trouve donc particulièrement positif que ce projet soit né à Berlin, ville qui a incarné pendant plusieurs décennies la division de l'Europe.
Le Train Littérature Europe 2000 place la littérature et la création au cur de la définition d'une identité européenne. Construisons-nous une maison commune des cultures de l'Europe ou une nouvelle tour de Babel ?
C'est la langue et la littérature, ou plus exactement les langues et les littératures, grâce au regard singulier de chacun des écrivains qui voyageront en Europe, qui pourront nous aider à nous définir comme Européens.
Je voudrais saluer les écrivains qui sont venus ce matin et qui sont parmi nous, Fatos Kongoli, d'Albanie, Richard Wagner, d'Allemagne, Sulaima Hind, du Danemark, Antonio Soler, d'Espagne, Anita Konkka, de Finlande, Jacques Jouet et Olivier Rolin, de France, Konstantin Djandieri, de Géorgie, Lambert Schlechter, du Luxembourg, Nicolae Prelipceanu, de Roumanie.
Le Train Littérature Europe 2000 ne part que dans un an. Mais il a déjà permis la création d'un réseau exceptionnel des institutions littéraires en Europe, qui, jusqu'alors, n'existait pas. Près de 200 institutions en Europe s'y sont déjà associées et je salue leurs représentants, qui se trouvent également avec nous ce matin.
Je cède maintenant la parole à Jean-Jacques Aillagon, qui va présenter les étapes françaises de ce parcours puis à Thomas Wohlfahrt, qui vous commentera la liste des écrivains qui ont déjà confirmé leur participation.
(Source http://www.culture.gouv.fr.le 18 juin 1999)