Texte intégral
BRUCE TOUSSAINT
L'invitée de France Info ce matin est Marlène SCHIAPPA, secrétaire d'Etat à l'Egalité entre les femmes et les hommes.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Marlène SCHIAPPA.
MARLENE SCHIAPPA
Bonjour.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous présentez à l'Assemblée nationale un projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles, un texte consensuel sur ces dispositions, qui en revanche suscite la polémique, une lettre ouverte vous demande même de modifier un fameux article 2 de la loi que vous présentez, qui doit régler les relations entre des jeunes filles mineures de moins de 15 ans et les hommes adultes, plusieurs faits divers ces derniers mois ont suscité une certaine émotion dans l'opinion publique, et cet article 2 fait l'objet donc de beaucoup de critiques, je le disais. A la tribune de l'Assemblée nationale la députée de la France Insoumise, clémentine AUTAIN, a synthétisé les critiques que beaucoup de gens formulent sur cet article, on écoute Clémentine AUTAIN.
CLEMENTINE AUTAIN (LE 14 MAI DEVANT L'ASSEMBLEE NATIONALE)
En lieu et place d'une grande loi, d'une vraie loi, d'une loi cadre, contre les violences sexistes et sexuelles, nous sommes face à quatre maigres articles pour lutter contre ces violences, comportant au mieux une extension de quelques droits et sanctions, et au pire un effet d'abaissement de la qualification juridique de certaines violences faites aux femmes et notamment, avec l'article 2, une correctionnalisation assumée du viol commis sur des mineurs de 15 ans.
JEAN-MICHEL APHATIE
Un effet d'abaissement de certaines qualifications de violences sexuelles. Pour vous qui êtes engagée depuis dans le combat féministe, c'est une accusation que vous réfutez de quelle manière Marlène SCHIAPPA ?
MARLENE SCHIAPPA
C'est faux, c'est totalement faux, c'est un mensonge. D'abord, merci de rappeler qu'il y a effectivement d'autres dispositions dans cette loi parce qu'on cristallise les débats sur une partie de la loi, alors que nous avons voté hier, à l'Assemblée nationale, les députés ont voté l'allongement des délais de prescription pour les crimes commis sur mineurs, ce qui est un pas extrêmement important
JEAN-MICHEL APHATIE
De 20 ans à 30 ans.
MARLENE SCHIAPPA
Désormais on aura 10 ans de plus pour porter plainte après des viols subis dans l'enfance, mais aussi pénaliser le harcèlement de rue, et mieux sanctionner le cyberharcèlement en meute. En ce qui concerne cet article 2, beaucoup de choses fausses ont été dites.
JEAN-MICHEL APHATIE
Relations sexuelles entre des jeunes filles de moins de 15 ans et des adultes.
MARLENE SCHIAPPA
Exactement, pas forcément des jeunes filles. L'idée c'est de mieux permettre de condamner les violences sexuelles en direction des enfants. On a vu, avec les affaires que vous évoquez, Pontoise et d'autres, que parfois le juge n'avait pas des textes assez forts dans le Code pénal pour condamner lorsqu'il n'avait pas assez d'éléments constitutifs de la définition du viol pardon, je vais être un peu technique, mais c'est important de l'être pour sortir des postures et des manipulations le viol, en France, il est caractérisé par une pénétration obtenue sous la contrainte, les violences, la menace ou la surprise. Donc nous, notre travail, ça a été, pendant des mois, avec des experts, des pédiatres, des neuroscientifiques, des magistrats, la chancellerie, le Conseil d'Etat, de proposer la rédaction d'un article de loi qui considère qu'avoir moins de 15 ans c'est rattaché à la définition du viol. Je vais me permettre juste de vous lire, il n'y a que deux phrases, même pas, une phrase et demie, de vous lire ce que dit cet article de loi, qui a été voté hier, par la majorité de l'Assemblée nationale, parce que c'est un bon article et qu'il protège mieux les moins de 15 ans.
JEAN-MICHEL APHATIE
Allez-y, lisez-le.
MARLENE SCHIAPPA
Il dit : lorsque les faits sont commis sur la personne d'un mineur de 15 ans, la contrainte morale ou la surprise, sont caractérisées sont, au présent de l'indicatif, il n'y a pas de conditionnel sont caractérisées par l'abus de vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour consentir à ces actes.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais ce n'est pas automatiquement qualifié de viol, c'est une atteinte sexuelle.
MARLENE SCHIAPPA
C'est du présent de l'indicatif, et ça vient compléter la définition du viol dans le Code pénal, on ne parle pas de « criminisation », le viol c'est un crime, le viol sur des enfants c'est un crime, et ça le reste, c'est la définition du viol dans le Code pénal
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais vous laissez la porte ouverte à une interprétation des juges
MARLENE SCHIAPPA
Je termine, sur l'article 222-22-1, c'est celui qui définit le viol. Néanmoins, en France
JEAN-MICHEL APHATIE
Est-ce qu'on peut convenir, Marlène SCHIAPPA, que la rédaction de l'article tel que vous l'avez lu, c'est vrai, c'est un peu technique, on ne va pas rentrer dans tous les détails
MARLENE SCHIAPPA
C'est important pour
JEAN-MICHEL APHATIE
Que la rédaction de cet article tel que vous venez de le lire et que l'Assemblée nationale a adopté hier, est loin de ce que vous souhaitiez il y a quelques mois ? C'est-à-dire que quand vous réagissiez après l'affaire de Pontoise, un homme de 28 ans qui avait eu des relations sexuelles avec une jeune fille de 11 ans, et les juges n'avaient pas retenu
MARLENE SCHIAPPA
Qu'il avait violée.
JEAN-MICHEL APHATIE
La qualification de viol, mais d'atteinte sexuelle, d'où une indignation collective, vous étiez partie prenante de cette indignation collective
MARLENE SCHIAPPA
Absolument.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et vous disiez ceci sur France Info, c'était en novembre dernier.
MARLENE SCHIAPPA (LE 28 NOVEMBRE 2017)
On ne doit plus, en France, pouvoir débattre du consentement d'enfants qui ont moins de 15 ans dans le cadre de rapport sexuel avec des adultes, quand l'enfant n'arrive pas à prouver cela, ce n'est pas qualifié de viol et c'est requalifié en atteinte sexuelle, ce qui est le cas là. Nous voulons qu'il ne soit plus possible de débattre du consentement d'un enfant et que systématiquement ce soit jugé comme un viol ou comme une agression sexuelle.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est là-dessus que vous avez échoué, pourquoi pas d'ailleurs, mais il faut bien le reconnaître.
MARLENE SCHIAPPA
Pas du tout, pardon, mais non, ce n'est pas le cas. Si c'était le cas je vous dirais qu'on a évolué, il y a des sujets sur lesquels on évolue à mesure du débat politique, et c'est bien normal, mais là en l'occurrence ce n'est pas le cas. Pardon, mais ce que je viens de vous lire dit justement, tient exactement l'engagement que j'ai pris et que le président de la République a pris.
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, le juge pourra qualifier ça en atteinte sexuelle.
MARLENE SCHIAPPA
Le juge a toujours une liberté d'appréciation, c'est le principe du droit français
BRUCE TOUSSAINT
Ça va à l'encontre de ce que vous disiez au mois de novembre, qu'on vient d'entendre très clairement.
MARLENE SCHIAPPA
Non, non, pardon, dans ces cas-là ça veut dire
BRUCE TOUSSAINT
On vient de l'entendre, tout le monde l'a entendu, à l'instant.
JEAN-MICHEL APHATIE
On ne va pas le repasser !
MARLENE SCHIAPPA
Si je peux vous répondre
BRUCE TOUSSAINT
Vous parlez depuis quelques minutes et vous allez pouvoir parler jusqu'à 9h00, avec plaisir.
MARLENE SCHIAPPA
Merci. Donc, en France il n'y a pas de peine automatique, ça veut dire que si quelqu'un dépose plainte contre vous, ou contre vous, évidemment il y a un procès, mais là, ce que cet article dit, c'est que la personne qui a moins de 15 ans, l'enfant, n'a pas besoin de prouver la contrainte, puisque le fait d'avoir moins de 15 ans c'est rattaché à la contrainte. Ça veut dire que dans les procès on ne dira plus « mais, est-ce que cet enfant s'est débattu ? », « est-ce que cet enfant a dit non ? », « est-ce que vraiment cet enfant ne savait pas ce qui allait se passer ? », puisque nous disons dans le Code pénal qu'avoir moins de 15 ans c'est constitutif de la contrainte ou de la surprise, donc nous allons renforcer cette condamnation.
JEAN-MICHEL APHATIE
Une pétition signée par 100.000 personnes, des gens qui vous accompagnent depuis longtemps dans ces combats féministes
MARLENE SCHIAPPA
Les 100.000 personnes qui m'accompagnent ?
JEAN-MICHEL APHATIE
Je ne sais pas, je ne parlais pas des 100.000 personnes, 100.000 personnes ont signé une lettre ouverte, rédigée par des gens qui vous accompagnent depuis longtemps dans les combats féministes. Ils ne comprennent donc pas ce que vous faites, ils comprennent de travers, ils mènent un combat politique contre vous, comment vous expliquez cette mobilisation contre cet article 2 qui, visiblement, suscite beaucoup de débat ?
MARLENE SCHIAPPA
Je crois que c'est une lecture très parcellaire, je l'explique parce qu'il y a un débat politique et donc il y a, d'une part, des oppositions politiques qui essayent de se servir de ce sujet en faisant croire, et je crois que c'est très grave et que c'est très dangereux, d'envoyer aux agresseurs le message disant « désormais, un viol commis sur un enfant ce ne sera pas grave, ce ne sera pas un crime », c'est faux, ce n'est pas le cas, alors que tout le sens de notre action
JEAN-MICHEL APHATIE
Les gens ne disent pas ça !
MARLENE SCHIAPPA
Si, si, il y a des gens
JEAN-MICHEL APHATIE
Les signataires de la lettre ne disent pas ça.
MARLENE SCHIAPPA
Ah si, si, il y a des gens qui disent ça.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ils disent que la caractérisation du viol ne devrait pas être discutée, ce que vous disiez au mois de novembre.
MARLENE SCHIAPPA
Ce qui était dit tout à l'heure par Clémentine AUTAIN c'était, et nous l'avons aussi entendu, de dire que désormais ce sera correctionnalisé, c'est faux, puisque là nous sommes dans le Code pénal, et donc le viol sur les enfants reste un crime et est renforcé, la condamnation sera renforcée, justement pour qu'on ne puisse plus débattre de ces questions.
BRUCE TOUSSAINT
Vous avez parlé de posture et de manipulation au début de cette interview, c'était aussi pour qualifier cette fameuse pétition, ce texte ?
MARLENE SCHIAPPA
Non, non, je pense qu'il y a des gens qui de bonne foi s'indignent. Moi, en tant que mère de famille, si on dit simplement « sais-tu que désormais si on viole ton enfant, eh bien ce ne sera pas un crime », évidemment je vais m'indigner, signer une pétition, mais cette pétition elle ne reprend pas le texte de l'article de loi. Et nous quand on explique très posément à l'ensemble des victimes, des familles de victimes, que je reçois tous les jours depuis que je suis au gouvernement, et même avant, comment ça va le renforcer et comment on a travaillé pour que les magistrats puissent s'en emparer et mieux condamner les viols sur les enfants, eh bien tout le monde le comprend. Je crois que cette rédaction elle est très claire, et je rappelle qu'elle figure, dans le Code pénal, à la définition du viol.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc, une relation sexuelle entre un adulte et un mineur de moins de 15 ans ne sera pas automatiquement, c'est l'article 2 qui le dit, pas automatiquement qualifié de viol.
MARLENE SCHIAPPA
Mais rien n'est automatique
JEAN-MICHEL APHATIE
On peut s'entendre là-dessus.
MARLENE SCHIAPPA
Monsieur APHATIE, rien n'est automatique en droit français.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous souhaitiez que ça le soit et ça ne le sera pas.
MARLENE SCHIAPPA
Non, il n'y a pas de peine automatique, on n'a jamais parlé de peine automatique, la question
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, ce n'est pas la peine, c'est la qualification.
MARLENE SCHIAPPA
Mais bien sûr que si. La question de la peine automatique elle n'existe pas en droit français, il y a les droits de la défense, si vous-même demain vous êtes accusé de viol, il y aura un procès, et vous pourrez vous défendre, et vous pourrez apporter des éléments. Il reste des procès, il reste des droits de la défense, en France, mais on renforce très fermement la condamnation des violeurs d'enfants, je ne laisserais pas dire le contraire alors que c'est tout l'objet de cette loi. Et si je peux répondre, parce que vous avez passé un long extrait de Clémentine AUTAIN qui disait
JEAN-MICHEL APHATIE
Une seconde on vous a entendue longuement aussi.
MARLENE SCHIAPPA
Oui, mais c'est moi qui suis invitée, jusqu'à preuve du contraire c'est ma loi, donc c'est bien que je puisse y répondre.
JEAN-MICHEL APHATIE
On vous a plus entendue que Clémentine AUTAIN.
MARLENE SCHIAPPA
Très bien, la prochaine fois on fera un débat avec Clémentine AUTAIN. Cette loi elle n'est pas l'alpha et l'oméga de la politique que nous menons, c'est une loi qui vise à mieux condamner les violences sexistes et sexuelles, nous menons aussi des politiques publiques de prévention, d'accompagnement, de communication pour interpeller les témoins, et de soins, et d'accompagnement des victimes.
( ) Infos
JEAN-MICHEL APHATIE
La loi que nous avons évoquée sur les violences sexistes et sexuelles sera votée cet après-midi, un autre dossier doit vous intéresser directement Marlène SCHIAPPA il s'agit du congé parental, une directive européenne veut que le congé parental soit mieux rémunéré et de manière harmonisé partout en Europe et cette directive propose d'aligner la rémunération du congé parental sur les indemnités maladie dans chaque pays, ce qui en France ferait monter la facture de manière conséquente - puisqu'aujourd'hui le congé parental est rémunéré à hauteur de 400 euros par mois, il pourrait là franchir ou avoisiner les 1000 euros et Emmanuel MACRON, qui était l'invité du Parlement européen à Strasbourg au mois d'avril, a dit : « la mesure est bonne, mais elle va nous coûter trop chère, donc on ne l'appliquera pas », on écoute le président de la République.
EMMANUEL MACRON, DISCOURS LE 17 AVRIL A STRASBOURG AU PARLEMENT EUROPEEN
Les congés parentaux payés au niveau de l'indemnité maladie journalière c'est une belle idée qui peut coûter très cher et finir par être insoutenable et nous ne pouvons pas le faire payer par des systèmes, parfois en les déséquilibrant, il faut travailler sur la proposition - j'en approuve les principes - mais les modalités ainsi décrites telles qu'elles sont analysées sur le système français ont un coût qui est potentiellement explosif.
JEAN-MICHEL APHATIE
Peu de pères utilisent en France le congé parental, 4 % je crois
MARLENE SCHIAPPA
2 % depuis cette année, on est en régression.
JEAN-MICHEL APHATIE
D'accord, donc ça se réduit, et précisément mieux rémunérer le congé parental ça pourrait se modifier ces choses-là, alors est-ce que vous êtes d'accord avec le président de la République, sans doute n'en avez-vous pas le choix quand il dit : « ça coûtera trop cher, on ne le fait pas » ou est-ce que l'objet même de votre secrétariat d'Etat Egalité entre les femmes et les hommes vous pousse à être en contradiction avec le président de la République, ce qui serait un petit évènement ?
MARLENE SCHIAPPA
Vous, vous retenez la partie : « ça coûtera trop cher », on ne sait pas, moi je veux revenir à la partie dont il dit : « c'est une bonne idée et on va y travailler », en l'occurrence il y a des négociations avec les ministres du Travail de tous les pays européens et donc pour la France la ministre du Travail est en train de mener ces négociations en disant que l'objectif est bon mais qu'effectivement on ne peut pas faire en sorte que la Commission européenne impose aux pays la manière dont ils doivent financer cela, quitte à mettre en difficulté des pays qui ont actuellement des lois de politique familiale extrêmement différentes de celle France ou de celle d'autres pays.
JEAN-MICHEL APHATIE
Qu'est-ce qu'il faudrait faire en France pour que le congé parental soit davantage utilisé par les pères plutôt que par les mères ?
MARLENE SCHIAPPA
C'est une très bonne question, parce que ce qu'on observe c'est que les mêmes lois dans des pays différents ne donnent pas les mêmes effets, vous savez en Suède il y a une obligation de partage du congé parental, donc moi en 2014 j'étais présidente du Réseau maman travaille, j'avais plaidé auprès de la ministre de l'époque pour qu'on partage aussi obligatoirement entre les deux parents le congé parental, on l'a fait - ça été inscrit dans la loi mais ça n'a non seulement pas permis à plus de pères de prendre le congé parental mais à moins de pères, il y a eu une forme d'effet backlash, ça c'est ce qu'on observe en France dès lors que vous avez des politiques familiales obligatoires, il y a une forme d'effet cliquet et de rejet de cette politique familiale.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc, quelles mesures faudrait-il prendre ?
MARLENE SCHIAPPA
Donc pour moi, ce qui est important c'est de travailler sur la question du congé paternité, actuellement il est de 11 jours, 70 % des pères le prennent, on a commandé une mission à l'IGAS - l'Inspection Générale des Affaires Sociales - pour étudier des scénarios d'allongement de plus de 11 jours et de meilleures rémunérations parce qu'il est plafonné, pour faire en sorte que les 30 % de pères qui ne le prennent pas actuellement puissent le prendre et que tous ceux qui veulent prendre plus longuement le puissent ; parce que dernière chose, si j'ai le temps, dans la question du congé parental de quatre mois tel qu'il est proposé par l'Union européenne moi j'attire votre attention - et la ministre du Travail partage mon point de vue à cet égard - sur le fait qu'éloigner... là il ne s'agit pas d'un congé pour les pères, il s'agit d'un congé parental, et in fine si on propose juste ce congé parental il sera pris par les mères, la question du salaire maternel qui est défendue par l'extrême droite moi je n'y suis pas favorable, je pense que ce n'est pas une bonne mesure pour l'égalité, ça risque d'éloigner durablement les femmes du monde du travail.
JEAN-MICHEL APHATIE
Du monde du travail, vous dites meilleure rémunération pour le congé parental, quelle serait la bonne rémunération, quel effort financier faudrait-il faire, est-ce que vous le chiffrer ?
MARLENE SCHIAPPA
Justement on a demandé à l'IGAS de chiffrer très sérieusement cela et de nous faire plusieurs propositions.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et vous avez entendu ce qu'a dit le président de la République et il le dit souvent pas d'impôts nouveaux, donc, si on fait des dépenses nouvelles, c'est compliqué ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui, oui, bien sûr, évidemment. Mais cest pour ça qu'on a demandé une mission sérieuse à l'Inspection générale des affaires sociales qui dure plusieurs mois en demandant des scénarios de financement extrêmement sérieux pour que le gouvernement puisse rendre des arbitrages sur la base d'une mesure qui soit financée pour les pères.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et alors l'IGAS rend son verdict quand ?
MARLENE SCHIAPPA
Au mois de juin, en même temps que notre rapport sur le congé maternité pour les non-salariés, donc on aura un certain nombre d'arbitrages sur les politiques familiales au mois de juin.
JEAN-MICHEL APHATIE
Je ne sais pas si vous êtes au courant de la polémique qui est née sur les réseaux sociaux après l'intervention de la présidente de l'UNEF Paris, donc étudiante, elle intervenait dans un reportage sur M6 samedi soir, elle expliquait que la réforme menée par le gouvernement concernant les étudiants n'était pas une bonne réforme, mais ce que lui ont reproché beaucoup d'utilisateurs des réseaux sociaux c'est d'être voilée. On écoute et on regarde cette jeune femme qui s'appelle Maryam POUGETOUX et qui est présidente de l'UNEF Paris.
MARYAM POUGETOUX, PRESIDENTE DE L'UNEF PARIS-SORBONNE
On laisse la chance aux étudiants et étudiantes de pouvoir faire ce qu'ils veulent et de ne pas par exemple décider des capacités d'accueil des universités en fonction du marché du travail.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et donc ce qu'on lui reproche c'est le voile, est-ce que vous comprenez ce reproche ? Elle est voilée, elle porte un voile assez serré sur son visage
MARLENE SCHIAPPA
Oui, plusieurs choses sur cette question. Parce que je crois que la question de la laïcité, qui me tient à coeur, comme vous le savez j'ai coécrit un livre sur la laïcité pour l'anniversaire de la loi de 1905, c'est une question sur laquelle il faut être précis, plusieurs éléments : d'abord, en tant qu'étudiante, elle a le droit de porter le voile le voile n'est pas interdit à l'université - au nom de la liberté de conscience on considère en France que les femmes adultes ont le droit de porter le voile si c'est leur choix ; maintenant effectivement moi je comprends qu'il y ait une forme d'interpellation, parce que l'UNEF est censée être un syndicat étudiant progressiste, féministe
JEAN-MICHEL APHATIE
Ce n'est pas progressiste le voile ?
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez, jusqu'à preuve du contraire le voile c'est la preuve de l'emprise de la religion
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est la liberté de conscience ou c'est régressif, je ne sais pas, c'est l'un des deux ?
MARLENE SCHIAPPA
Non, ce n'est pas l'un des deux.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est régressif ?
MARLENE SCHIAPPA
On peut, au nom de la liberté de conscience, proposer des choses qui sont régressives, là j'y vois une marque de promotion de l'Islam politique dans la mesure où c'est le discours que tient cette jeune femme et que tiennent d'autres personnes de l'UNEF qui sont venues à son secours, les attaques ad hominem contre elle sont inadmissibles, les attaques y compris sexistes, antimusulmanes dont elle fait l'objet sur les réseaux sont totalement inadmissibles, en revanche elle n'est pas là en tant qu'étudiante, elle est là en tant que porte-parole de l'UNEF. Est-ce que c'est ce que prône l'UNEF ? Je pense que la question doit être posée au responsable.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est le problème de l'UNEF, oui c'est ça, ce n'est pas le problème des gens qui ne sont pas l'UNEF.
MARLENE SCHIAPPA
C'est le problème du débat public, c'est-à-dire qu'est-ce que l'UNEF souhaite promouvoir comme valeurs, est-ce qu'il souhaite défendre la laïcité, est-ce qu'il souhaite défendre l'émancipation des femmes ou est-ce qu'il souhaite défendre d'autres choses ? C'est à eux de nous répondre.
BRUCE TOUSSAINT
Oui. Donc pour être clair ça vous choque, ça vous dérange ?
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça vous choque plutôt, ça vous dérange plutôt ?
MARLENE SCHIAPPA
Ça m'interpelle. Ça m'interpelle non pas parce que c'est une étudiante qui porte le voile, c'est son droit le plus strict, mais ça m'interpelle que l'UNEF ait choisi comme porte-parole une personne qui de toute évidence a des signes manifestes de religion, d'Islam politique en réalité, oui la promotion de l'Islam politique.
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, c'est un paradoxe.
MARLENE SCHIAPPA
C'est un paradoxe pour l'UNEF.
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, et pour vous, on a le droit de le faire mais ça m'interpelle, soit on a le droit, soit on n'a pas le droit.
MARLENE SCHIAPPA
Mais il y a des choses, il y a énormément de choses qu'on a le droit de faire et qui nous interpelle, Dieu merci Jean-Michel APATHIE moi aussi j'ai une liberté de conscience et d'appréciation de ce que chacun propose come message. Il y a quand même une contradiction entre le fait de promouvoir tout ce que signifie le voile avec les femmes qui partout dans le monde sont en train de se battre pour leur liberté et pour retirer leur voile d'une part et, d'autre part, les valeurs de l'UNEF.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais vous le dites vous-même c'est la liberté individuelle.
MARLENE SCHIAPPA
Mais cette personne n'est pas là en tant qu'individu, elle est là en tant que porte-parole de l'UNEF, je crois que l'UNEF pourrait nous expliquer quelles sont les valeurs qu'il souhaite promouvoir et être simplement clair et en cohérence.
( ) Infos
JEAN-MICHEL APHATIE
Le Premier ministre, Edouard PHILIPPE, a soufflé hier soir la première bougie qui symbolise sa présence d'1 an à Matignon, à la tête du gouvernement, vous avez fait un passage rapide, puisque l'Assemblée nationale vous obligeait à siéger en son sein pour évoquer la loi dont nous avons parlé au début de cette émission. Comment caractériser l'action du gouvernement d'Edouard PHILIPPE ? Celui qui le fait peut-être le mieux c'est Jean-François COPE, membre des Républicains, qui .
MARLENE SCHIAPPA
Ça promet.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça promet, écoutez, c'est intéressant en tout cas.
JEAN-FRANÇOIS COPE (LE 7 MAI SUR PUBLIC SENAT)
Emmanuel MACRON c'est quand même le président de droite qu'on n'attendait pas, il faut être tout à fait sincère, personne n'a vu venir Emmanuel MACRON, homme qui se disait de gauche, et qui depuis qu'il est élu, n'a fait que des mesures que la droite préconise.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc Emmanuel MACRON a demandé à Edouard PHILIPPE d'appliquer une politique de droite, ça vous paraît juste ou pas ?
MARLENE SCHIAPPA
Je vais vous répondre, mais, excusez-moi, je suis un peu sensible sur le sujet, mais là ça fait 10 fois, depuis ce matin, que j'entends dans vos titres dire qu'il n'y a pas d'âge de consentement fixé à 15 ans dans la loi, alors que je viens de vous démontrer l'exact inverse. On a une disposition de loi qui dit « quand un mineur a moins de 15 ans, il n'est pas en capacité de consentir », c'est ça qu'on met dans le Code pénal
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais vous avez du mal à convaincre visiblement
MARLENE SCHIAPPA
Pardon ?
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous avez du mal à convaincre, visiblement votre article vous savez, la vie est comme ça, votre article supporte plusieurs interprétations, je suis désolé.
MARLENE SCHIAPPA
Mais ce n'est pas une question de convaincre, il n'y a pas d'interprétation Monsieur APHATIE
JEAN-MICHEL APHATIE
Eh ben si !
MARLENE SCHIAPPA
Quand quelqu'un a moins de 15 ans on considère qu'il n'a pas le discernement pour consentir à ces actes, je ne sais pas comment je peux le dire autrement. Ça fait 10 fois que dans les titres de France Info, depuis ce matin, qui fait quand même référence, on dit il n'y a pas d'âge de consentement fixé à 15 ans, ce n'est pas vrai, lisez l'article.
JEAN-MICHEL APHATIE
Nous n'allons vous accorder cela Marlène SCHIAPPA, nous allons faire autre chose, nous allons peut-être, si nous avons le temps, je vais prendre un peu de temps pour présenter la chose, rediffuser le son, ce que vous avez dit en novembre, qui est très éloigné de la rédaction de l'article aujourd'hui.
MARLENE SCHIAPPA
Mais la question ce n'est pas ce que j'ai dit, la question, Monsieur APHATIE, c'est qu'est-ce qui est dit dans la loi, dans le Code pénal, ça a été voté hier.
JEAN-MICHEL APHATIE
La loi n'est pas
MARLENE SCHIAPPA
Il y a l'âge de 15 ans, on dit qu'en dessous de 15 ans vous ne pouvez pas consentir à un rapport sexuel avec un adulte, c'est la phrase que je viens de vous lire, quand les faits sont commis sur un moins de 15 ans la contrainte est caractérisée par l'abus de vulnérabilité, la victime ne dispose pas du discernement pour consentir à ces actes, et depuis ce matin, dans les titres de France Info, on ente dire qu'il n'y a pas
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous ne qualifiez pas de viol une relation entre un adulte et un mineur.
MARLENE SCHIAPPA
Mais ce n'est pas ce que vous dites dans les titres, dans les titres vous dites dans la loi il n'y a pas d'âge de 15 ans sur le consentement, bien sûr que si, ça a été voté, lisez l'article du Code pénal qui a été voté.
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, je pense que l'article tel qu'il est
MARLENE SCHIAPPA
Non, vous ne voulez pas le lire ?
JEAN-MICHEL APHATIE
Ce n'est pas ça, mais l'article tel que vous l'avez rédigé suppose plusieurs interprétations, nous avons fait référence aux personnes qui ont signé une lettre ouverte et qui demandent un retrait de cet article, une nouvelle formulation
MARLENE SCHIAPPA
C'est faux, non, je suis désolée, là c'est la tribune politique Jean-Michel APHATIE
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah non, pas du tout.
MARLENE SCHIAPPA
Ce n'est pas le sujet, le sujet c'est est-ce qu'on peut être factuel 2 minutes. Moi j'ai la plus grande confiance dans les titres de France Info, comme toutes les personnes qui écoutent France Info, c'est quand même une radio qui fait référence, quand c'est dit sur France Info c'est la vérité, mais là, je suis désolée, mais ce n'est pas le cas, dans vos titres il y a quelque chose qui est faux. Il y a un âge de 15 ans inscrit dans le Code pénal, on considère qu'en dessous de 15 ans on ne peut pas consentir, c'est la phrase que je vous ai lue deux fois, je ne vais pas vous la relire.
JEAN-MICHEL APHATIE
On ne peut pas consentir, donc ce sera soit un viol, soit une atteinte sexuelle, c'est laissé à l'appréciation des juges.
MARLENE SCHIAPPA
Mais ce n'est pas ce qui est dit dans vos titres, ce qui est dit dans vos titres c'est il n'y a pas d'âge de consentement, c'est faux, il y a un âge de consentement qui est inscrit dans le Code pénal depuis hier, depuis que ça a été voté, donc c'est faux de dire depuis ce matin en boucle sur France Info que l'âge de 15 ans n'est pas inscrit dans cette loi, ce n'est pas la vérité.
JEAN-MICHEL APHATIE
Jean-François COPE.
MARLENE SCHIAPPA
Jean-François COPE, moi je pense qu'il se trompe bien évidemment, et je pense que c'est un raisonnement véritablement archaïque que de vouloir savoir si telle mesure est de droite ou de gauche, le fait de protéger
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah, c'est vrai ?
MARLENE SCHIAPPA
Mais bien évidemment, le fait de protéger les moins de 15 ans, même si on avait des divergences hier très fortes sur la manière d'arriver, de la France Insoumise aux Républicains, tout le monde était pour mieux protéger les enfants face aux violences sexistes et sexuelles. Vous savez, quand on augmente le minimum vieillesse, quand on augmente l'allocation adulte handicapé, quand on divise par deux les classes de CP dans les zones REP et REP+, donc les zones les plus défavorisées des territoires de notre pays, je ne saurais pas vous dire si c'est de droite ou de gauche, et je crois que c'est vraiment un raisonnement ancien que de faire ça.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est fini droite et gauche ?
MARLENE SCHIAPPA
Je ne dirais pas que c'est fini, moi je viens de la gauche
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est un raisonnement ancien vous dites.
MARLENE SCHIAPPA
J'ai des valeurs de gauche, mais il y a aussi des mesures qui ne sont pas de droite, ou qui ne sont pas de gauche, qui sont simplement efficaces et bonnes pour notre pays.
JEAN-MICHEL APHATIE
La suppression de « l'exit-tax », c'est quoi, droite, gauche ?
MARLENE SCHIAPPA
Je viens de vous dire justement qu'il y a un certain nombre de mesures, donc on ne peut pas dire la suppression de la taxe d'habitation, ça va profiter aux classes moyennes et aux classes les plus populaires, c'était l'impôt le plus injuste, car le plus modulé, je ne saurais pas vous dire si c'est de droite ou de gauche, et sincèrement je crois que les gens qui vont arrêter de payer la taxe d'habitation se fichent totalement de savoir s'ils vont arrêter de la payer parce que c'est de droite, ou arrêter de la payer parce que c'est de gauche.
JEAN-MICHEL APHATIE
En tout cas je crois qu'il y a beaucoup de gens, les sondages le disent, et puis les dirigeants de droite le disent, on est un peu déstabilisé parce que finalement ça ressemble terriblement à une politique de droite, donc .
MARLENE SCHIAPPA
Non, moi je ne partage pas ce point de vue, mais je pense d'une part je ne le partage pas, mais d'autre part je pense que c'est terminé ce type de grille de lecture pour savoir si c'est de droite ou de gauche.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc droite et gauche c'est fini.
MARLENE SCHIAPPA
Non, la grille de lecture
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est marrant, vous dites c'est terminé et puis ce n'est pas terminé, il faudrait savoir, c'est terminé ou ce n'est pas terminé ?
MARLENE SCHIAPPA
Non, ce qui est terminé c'est l'analyse des mesures, savoir si telle mesure est de droite ou de gauche. Ce qui est de droite ou de gauche ce sont des valeurs. Vous savez que la droite est traditionnellement plus attachée à la liberté et que la gauche est traditionnellement plus attachée à l'égalité, c'est ce qu'expliquait aussi Alexis de TOCQUEVILLE dans « De la démocratie en Amérique », pour définir les grands courants de pensées politiques. Donc, nous avons chacun des valeurs, une culture, une histoire politique, en tant que personne de gauche j'ai à coeur la défense des droits, notamment des personnes LGBT, la lutte contre les discriminations, l'égalité femmes-hommes, mais sincèrement, même sur l'égalité femmes-hommes, même si ça fait partie davantage des valeurs de gauche, puisque c'était porté à la base par des travailleuses, il y a une loi, comme la loi Copé-Zimmermann, qui a été portée par la droite, qui est une des meilleures lois les plus efficaces sur les femmes dans la gouvernance des entreprises. Donc je crois qu'il faut arrêter de savoir si c'est de droite ou de gauche, et de voir ce qui est le plus efficace possible.
BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup Marlène SCHIAPPA, bonne journée à vous.
MARLENE SCHIAPPA
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 mai 2018