Interview de Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'Etat à l'égalité entre les femmes et les hommes à LCI le 24 mai 2018, sur le projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral


AUDREY CRESPO-MARA
Bonjour à tous, bonjour Marlène SCHIAPPA.
MARLENE SCHIAPPA
Bonjour.
AUDREY CRESPO-MARA
Secrétaire d'Etat à l'égalité entre les femmes et les hommes. Vous êtes au coeur de l'actualité. Il y a évidemment votre loi contre les violences sexuelles qui suscite quelques réserves, il y a la polémique autour d'une porte-parole de l'UNEF qui porte le voile islamique, il y a cette photo avec Laura FLESSEL contre l'homophobie, il y a Cannes et la mise en place d'un numéro vert pour les victimes de viols, et puis il y a la sortie de votre livre « Si souvent éloignée de vous, lettre à mes filles ». Alors vous êtes sans doute la ministre qu'on voit le plus, alors que vous avez l'un des plus petits budgets du gouvernement. Quand on a peu de moyens pour agir, il faut se donner les moyens de parler ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors d'abord, je crois que le budget à l'égalité femmes-hommes, il n'est pas comparable aux autres budgets, dans la mesure où il y a surtout un budget transversal, c'est-à-dire que beaucoup des choses que je mets en oeuvre, sont en fait payées par d'autres ministères, le harcèlement de rue ce n'est pas mon ministère qui le paie, c'est celui de Gérard COLLOMB. Le téléphone Grave danger pour les femmes victimes de violences conjugales c'est le ministère de Nicole BELLOUBET qui le prend en charge, etc. etc., mais je crois qu'effectivement l'égalité femmes-hommes c'est aussi un combat culturel, donc ça passe aussi par la parole publique et par cette visibilité.
AUDREY CRESPO-MARA
Alors commençons par la loi sur les violences sexuelles, qu'on appelle maintenant la loi Schiappa, vous l'avez présentée au Parlement, elle a été votée à l'Assemblée nationale, elle est toujours en débat cette semaine au Sénat. C'est plus dur que prévu, c'est plus sexiste que prévu ?
MARLENE SCHIAPPA
C'est toujours plus sexiste que prévu, on n'est jamais préparé à avoir des attaques sexistes ou des remarques extrêmement déplacées.
AUDREY CRESPO-MARA
Vous en avez eue ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui j'en ai eu, tout à fait, notamment, l'une qui a donné lieu à une suspension de séance avec des remarques extrêmement déplacées de la part d'un député Les Républicains, mais je dirais que la question elle est plus politique…
AUDREY CRESPO-MARA
C'est quel genre de remarques ?
MARLENE SCHIAPPA
Oh c'est une remarque très déplacée, faisant allusion à ma vie sexuelle, voilà, en plein hémicycle, et ma conception des rapports sexuels qui venait suite à un certain nombre d'autres remarques faites hors micro, extrêmement déplacées à mon encontre ou à l'encontre de femmes députés. Mais à la limite peu importe, j'ai réagi, j'ai demandé une suspension de séance. Moi ce qui m'interpelle c'est surtout l'aspect politique, c'est-à-dire par exemple pourquoi les députés Les Républicains n'ont pas voté l'article pour verbaliser le harcèlement de rue alors qu'ils sont sans cesse en train de parler de la sécurité des femmes dans l'espace public. Moi je pensais que c'était un sujet qui leur tenait à coeur et qu'ils voteraient les solutions a proposées par le gouvernement.
AUDREY CRESPO-MARA
Alors c'est une loi qui suscite quelques réserves d'associations féministes, il y a 250 personnalités dont l'actrice Karin VIARD ou la militante féministe Caroline de HAAS, des élus de la République en marche ! aussi qui vous reprochent de ne pas être assez ferme sur la répression des infractions sexuelles sur…
MARLENE SCHIAPPA
Alors, il n'y a pas d'élus de la République En Marche !, tous les élus de la République En Marche ! ont voté pour cette loi, il y en a deux qui ont été cités dans la Presse, qui ont fait des démentis le lendemain, en disant : c'est totalement faux, on soutient totalement cette loi…
AUDREY CRESPO-MARA
Il n'y a pas de discours off et…
MARLENE SCHIAPPA
Non, absolument pas. Non.
AUDREY CRESPO-MARA
Alors, les reproches des associations féministes, notamment, vous les entendez ces reproches ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors, ce n'est pas des reproches, d'abord. Je crois qu'on n'est pas sur cette tonalité-là, on est dans un débat, c'est important de dire que cette loi elle a été votée avec je crois 151 voix pour et 29 voix contre. Donc on voit qu'il y a quand même une très très large majorité pour voter cette fois, à 01h30 du matin toutes les lois ne peuvent pas en dire autant. Ensuite bien sûr, les demandes, les approches différentes, on les entend, vous savez, cette loi je ne l'ai pas écrite moi-même dans mon bureau, il y a eu un tour de France, de l'égalité femmes-hommes, 55 000 personnes consultées, une mission pluridisciplinaire installée par le Premier ministre, avec des experts, des neuros, des spécialistes des neurosciences, des pédiatres, des magistrats, c'est vraiment une loi collective, que l'on a écrit ensemble, qui a été amendé par les députés en commission des lois, et là elle est présentée dans sa version la plus aboutie, la plus améliorée possible.
AUDREY CRESPO-MARA
Alors, sur le reproche l'accusation de ne pas être assez ferme sur la répression des agressions sexuelles à l'égard des mineurs.
MARLENE SCHIAPPA
Alors, justement, c'est ce qu'on fait. En fait, quelle est la situation actuelle ? Actuellement il n'y a que 1 % des violeurs qui sont en prison, d'après les estimations des chiffres officiels, ça veut dire que 99 % des violeurs sont dans la nature. Cette loi, elle est très ferme, elle condamne le harcèlement de rues, elle condamne le cyber-sexisme, les violences en ligne avec le harcèlement en meute, elle renforce la protection des moins de 15 ans en rattachant, en rajoutant dans l'article qui caractérise le viol dans le Code pénal un alinéa disant que quand on a moins de 15 ans, eh bien on considère qu'il y a un abus de vulnérabilité.
AUDREY CRESPO-MARA
Alors voilà, prenons cet exemple précis. Le code pénal, dira dorénavant qu'en dessous de 15 ans, c'était jusqu'à 6 aujourd'hui, un enfant n'a pas pu consentir à un acte sexuel avec un majeur.
MARLENE SCHIAPPA
Exactement, c'est…
AUDREY CRESPO-MARA
Est-ce pour autant cet acte sexuel en question sera reconnu comme viol ou agression sexuelle ?
MARLENE SCHIAPPA
Eh bien c'est ce que nous voulons faire, qu'est-ce que... Il faut partir de la situation actuelle, la situation actuelle c'est que trop souvent actuellement on a des verdicts qui sont incompréhensibles, avec des petites filles ou des petits garçons, qui ont 10 ans, 11 ans, 13 ans, qui sont considérés comme n'ayant pas été violés. Nous, ce que nous voulons dire, c'est que, en droit français, le viol c'est une pénétration sous menace, violence, contrainte ou surprise. Donc nous, ce que nous voulons dire c'est que quand on a moins de 15 ans, c'est rattaché, d'office, à la contrainte ou à la surprise, c'est ce que nous proposons dans ce texte et nous renforçons…
AUDREY CRESPO-MARA
Donc, un enfant qui aura été abusé à moins de 15 ans, sera forcément reconnu comme victime de viol ou d'agression sexuelle.
MARLENE SCHIAPPA
Alors, pas forcément, parce que le magistrat garde une libre interprétation, il n'y a pas de peine automatique en France, il reste des droits de la défense, donc il y aura un procès, mais nous donnons aux juges les armes pour pouvoir condamner, même quand l'enfant ne s'est pas débattu, chose qu'on entend extrêmement choquante, qu'on entend parfois dans les procès, maintenant on dira : certes il ne s'est pas débattu, mais il a moins de 15 ans donc c'est rattaché à la contrainte ou à la surprise.
AUDREY CRESPO-MARA
On critique aussi la verbalisation du harcèlement de rue en disant que ce sera très compliqué de la mettre en oeuvre. Vous dites : ma fille qui a 11 ans, veut aller au collège toute seule, et sachant ce que je sais sur le harcèlement, ça me fait peur de la laisser seule. Est-ce que vous pensez vraiment que votre texte la sécurisera, vous sécurisera, que des policiers, des agents, vont verbaliser les hommes, très lourds pour le moins ?
MARLENE SCHIAPPA
Moi je le crois. D'abord il y a effectivement toujours des gens qui critiquent tout ce que fait le gouvernement, c'est un peu le principe de la vie politique, néanmoins j'observe qu'il y a eu un sondage IFOP qui nous dit qu'entre 70 et 92 % des personnes interrogées sont favorables à la verbalisation du harcèlement de rue…
AUDREY CRESPO-MARA
Mais elle est possible, elle est envisageable.
MARLENE SCHIAPPA
Elle est très envisageable, mais c'est important de le dire, moi je crois qu'il y a une adhésion massive de la société, au-delà des clivages et des postures politiciennes des uns et des autres, je crois que c'est intolérable de dire qu'il y a des jeunes femmes qui ne sont pas en sécurité dans l'espace public. Je rappelle que 8 femmes sur 10 déclarent avoir peur en France, quand elles sortent toutes seules dans la rue le soir. Donc, effectivement, Gérard COLLOMB a annoncé qu'il y aurait un recrutement de 10 000 policiers de la police de sécurité du quotidien, qui auront dans leur priorité cette verbalisation du harcèlement de rue.
AUDREY CRESPO-MARA
Alors, on parlait de vois filles, c'est d'ailleurs à vos filles que dédiez votre livre « Si souvent éloignée de vous », aux éditions Stock. Un livre pour leur raconter votre quotidien, c'est plus un livre pour vous excuser de vos absences ou pour expliquer votre métier ?
MARLENE SCHIAPPA
Ni l'un ni l'autre, en fait, cette phrase elle est tirée d'une lettre de Madame de SEVIGNE à ses filles, qui dit... à sa fille, qui dit qu'elle adore sa fille, elle lui dit : « Ma vie est couverte d'ombres et de tristesse quand je pense que je la passerai si souvent éloignée de vous », au futur, donc c'est un peu une phrase universelle et l'idée c'était de faire un livre, à la fois sur la maternité, sur le lien mère-fille, mais aussi sur la conciliation vie pro, vie familiale, qui est ce que je traitais avec mon réseau « Maman travaille », et que je continue à traiter, même si là, ça prend des dimensions forcément un peu exceptionnelles du fait de mon activité.
AUDREY CRESPO-MARA
Vos deux filles sont le moteur de votre engagement, dites-vous, « si j'avais été mère de deux garçons, peut-être que je ne me serais pas engagée dans l'égalité hommes-femmes ». Les enfants c'est forcément le moteur d'une action ?
MARLENE SCHIAPPA
Pour moi en tout cas, ce n'est pas forcément universel, chaque personne a son moteur quelque part. Moi je suis devenue mère très tôt, j'ai deux filles, je viens d'une famille de filles, j'ai des soeurs, donc effectivement c'est un moteur et une manière de mesurer ce qu'on fait aussi. Moi je ne veux pas que ce que j'ai vécu, moi, mes filles le vivent, je veux qu'elles puissent passer à côté et ne pas vivre des discriminations du harcèlement, une inégalité salariale, quand elles seront en âge de les vivre.
AUDREY CRESPO-MARA
Alors, votre combat n'est-il d'autant pas plus dur dans les quartiers. Emmanuel MACRON a révélé l'action qu'il entend y mener, et vous, vous dites : ces quartiers m'animent depuis longtemps, j'ai grandi là-bas, le problème n'est pas forcément une question d'argent. Quelle est le problème alors ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui, absolument, et d'ailleurs je le raconte dans le livre, puisque moi j'ai passé une grande partie de mon enfance effectivement dans des cités HLM sur le périphérique. L'idée c'est de dire que, je crois qu'il y a des choses qui sont faites par l'Etat. J'ai délocalisé mon cabinet trois jours à Trappes, il y a quelques semaines et on a pu observer tout ce qui était fait par l'Etat et qui était donc considéré comme gratuit par la population. Moi je crois que gratuit, ça n'existe pas, quand c'est gratuit c'est financé par l'Etat. Donc je pense qu'il faut qu'on remette un sentiment d'appartenance à la République dans les quartiers, partout, et ça passe aussi par cela.
AUDREY CRESPO-MARA
Qu'est-ce qu'on peut faire concrètement dans ces quartiers pour que les banlieues n'apparaissent pas comme des territoires masculins, voire misogynes ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui, il y a énormément de choses à faire. Le constat de base, effectivement, nous on a fait du porte-à-porte, on a rencontré des garçons, des hommes de 8 à 72 ans et deux femmes seulement en deux heures. Donc effectivement l'idée c'est de ramener aussi les femmes dans l'espace public.
AUDREY CRESPO-MARA
Comment ?
MARLENE SCHIAPPA
Avec Julien DENORMANDIE nous avons fait une marche exploratoire qui permet avec des associations et des élus locaux, de modifier l'urbanisme, pour faire en sorte qu'il soit plus accueillant pour les femmes, et qu'elles puissent se réapproprier l'espace public. Et au-delà de ça, je crois qu'il y a des préoccupations dans les quartiers, notamment avec la question des modes de garde. Le président l'a annoncé à l'Elysée quand il a fait son événement « La France, une chance pour les banlieues aussi », en disant qu'il aurait 30 000 places de crèches créées sur le quinquennat, avec un abondement de la part de l'Etat qui prendra en charge 1 000 € par berceau de places en crèches dans les quartiers prioritaires, parce que c'est là qu'on a besoin, plus qu'ailleurs, d'aides de l'Etat pour faire garder les enfants et pour pouvoir vivre en toute autonomie.
AUDREY CRESPO-MARA
Est-ce que vous trouvez normal que des espaces soient réservés à des femmes, des piscines, des bars, réservés à des femmes, et d'autres à des hommes, dans ces quartiers-là ?
AUDREY CRESPO-MARA
Non, philosophiquement j'y suis très opposée, moi je crois vraiment à un idéal de mixité, et je pense que l'enjeu c'est comment on fait pour arriver à partager un même espace, filles et garçons, femmes et hommes, un espace de travail, un espace de transport, un espace de loisirs, ensemble, je crois que c'est ça aussi les valeurs républicaines, c'est la mixité.
AUDREY CRESPO-MARA
Vous qui luttez pour l'égalité hommes/ femmes, cela vous choque que l'UNEF, le syndicat étudiant de gauche, ait choisi comme présidente à la Sorbonne, porte-parole, une jeune femme qui porte le voile, une femme voilée est-elle selon vous une femme soumise aux hommes ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors, une femme a le droit de porter le voile en France, c'est son droit le plus strict, d'un point de vue juridique, il y a un droit, une liberté de conscience, eu égard à la loi de 1905, donc elle a le droit le plus strict de porter le voile. Néanmoins, moi ce qui m'interroge, c'est la manière dont on amène la religion, et là en particulier l'islam, et une version politisée de l'islam, dans le débat politique, dans le débat public, et ça c'est une vraie préoccupation, notamment pour ce que ça dit de la place des femmes. Moi je croyais que l'UNEF c'était un syndicat dit de gauche, progressiste, féministe, défendant la laïcité, c'est comme cela que ses fondateurs l'ont présenté en tout cas, et là effectivement ça m'interroge sur les valeurs que porte UNEF, non pas pour cette jeune femme en particulier, mais elle est porte-parole de l'UNEF, elle ne peut pas dire quelle est sa position sur le mariage pour tous ou sur le droit à l'IVG, ça m'interpelle, ce sont des sujets sur lesquels la neutralité n'est pas possible, je crois.
AUDREY CRESPO-MARA
Alors, on va l'écouter et vous réagirez ce qu'elle dit.
MARYAM POUGETOUX, PRESIDENTE DU SYNDICAT UNEF A PARIS IV
Mon voile n'a aucun et aucune fonction politique, c'est ma foi, après oui, c'est visible, mais ce n'est pas pour autant du prosélytisme. Ça a pris une ampleur telle que j'ai presque d'ailleurs à me justifier de mon choix, alors que je ne devrais pas.
AUDREY CRESPO-MARA
Voilà, ce n'est pas un message politique.
MARLENE SCHIAPPA
Mais tout est un message politique, je crois qu'on ne peut pas dire que porter un hidjab quand on est porte-parole d'une organisation qui a vocation à intervenir dans le débat public ce n'est pas un message politique, ça nous dit quelque chose de l'orientation de l'UNEF qui, au demeurant, semble-t-il, ferait des listes communes avec d'autres syndicats qui ne sont pas l'UNEF.
AUDREY CRESPO-MARA
Mais vous n'êtes pas pour autant favorable à l'interdiction du port du voile à l'université ?
MARLENE SCHIAPPA
Ah non, mais moi je suis très favorable à ce que les femmes qui portent le voile puissent aller chercher leurs enfants à l'école, s'engager dans la vie de l'école, je ne suis pas favorable au débat sur le voile à l'université, je pense qu'il faut qu'il reste cette liberté de conscience. Ce n'est pas une question juridique, c'est une question politique, ce n'est pas parce que c'est autorisé juridiquement, qu'on n'a pas le droit, dans le débat public, d'interroger les choix des uns et des autres, surtout quand ils ont un impact sur la question de la place des femmes dans la société.
AUDREY CRESPO-MARA
Si l'une de vos deux filles se convertissait, comme cette jeune femme, décidait de porter le voile, est-ce que vous lui interdiriez ?
MARLENE SCHIAPPA
Moi, vous avez, je suis très favorable à ce que les enfants se fassent leur propre avis, moi j'ai été élevée par un père trotskiste et une mère qui était aussi engagée à l'extrême gauche quand j'étais jeune, je raconte beaucoup dans mon livre comment j'ai eu cette éducation justement trotskiste, etc., très, voilà, lambertiste, et néanmoins moi je ne suis devenue trotskyste, j'ai décidé de m'engager avec Emmanuel MACRON, parce que c'est ce qui me correspondait le mieux et ce qui répondait le mieux à mes attentes. Donc, moi, je crois que ce qui est important c'est de dire à nos enfants qu'ils peuvent faire leur propre cois, qu'ils sont libres.
AUDREY CRESPO-MARA
Donc vous ne leur interdiriez pas de porter le voile si elles décidaient de le porter ?
MARLENE SCHIAPPA
Moi je n'interdirai rien idéologiquement à mes enfants, je pense que c'est important qu'elles s'ouvrent, qu'elles connaissent les choses, qu'elles fassent leurs propres choix de manière éclairée, donc l'idée pour moi c'est de les armer le mieux possible pour leur faire comprendre les grands enjeux de la société, et notamment la place des femmes dans la société.
AUDREY CRESPO-MARA
Vous revenez de Cannes, où la lutte contre les violences sexuelles étaient au coeur du festival, l'actrice Asia ARGENTO a eu un discours poignant, elle l'a dit, j'ai été violée ici à Cannes par Harvey WEINSTEIN, elle signe l'assassinat de Cannes, passif ?
MARLENE SCHIAPPA
Non, non, moi je ne crois pas, et cette année Cannes a été tout sauf passif. Nous on a, depuis des mois, travaillé avec Pierre LESCURE et Thierry FREMAUX, le président et le délégué général, pour créer une hotline pour accompagner les femmes qui sont victimes de harcèlement sexuel.
AUDREY CRESPO-MARA
Mais Cannes était complice pendant toutes ces années avec Harvey WEINSTEIN, est-ce que Cannes serait moins complice aujourd'hui ?
MARLENE SCHIAPPA
Je ne sais pas qui est Cannes comme abstraction, et ce que je vois c'est aujourd'hui il y a une action, il y a une prise en charge de ces questions. Cette hotline elle est importante, il y a trois écoutantes qui se sont relayées, je voudrais saluer leur travail, pendant tout le festival, jusqu'à 2, 3h00 du matin, pour prendre au téléphone des femmes qui avaient pu se sentir mal à l'aise, être harcelées, qui voulaient avoir des informations. On a distribué, avec le Festival de Cannes, 40.000 documents de rappel à la loi, pour rappeler que le harcèlement n'est pas une option et qu'un comportement correct est exigé.
AUDREY CRESPO-MARA
Vous pensez vraiment que le 7ème Art serait moins complice aujourd'hui de tels actes ?
MARLENE SCHIAPPA
Moi je pense que quels que soient les milieux, je crois que maintenant, avec « Me too », avec tout ce qui s'est passé, on a ouvert en partie les yeux, à nous de garder la pression active et de faire en sorte que nulle part on ne puisse plus jamais fermer les yeux.
AUDREY CRESPO-MARA
Alors, il y a une enquête en cours, Luc BESSON est accusé de viol par une actrice, il nie les faits, Asia ARGENTO dit qu'elle était au courant depuis 8 mois, pas vous ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors non, pas moi, mais en même temps moi je n'ai pas vocation à instruire une par une toutes les affaires de viol. Moi ce que je trouve bien, c'est qu'il y a une plainte qui a été déposée, c'est important, on est dans un Etat de droit, donc dès qu'il y a une femme qui a quelque chose à dire, si elle peut porter plainte je trouve que c'est mieux.
AUDREY CRESPO-MARA
Tous les matins je pose une question récurrente, la question off, mais devant les caméras. C'est off, entre nous. Dimanche sera la Fête des mères, je sais que vous adorez cette…
MARLENE SCHIAPPA
J'adore cette chanson.
AUDREY CRESPO-MARA
De REGGIANI, « Ma fille », quel est le plus beau cadeau que pourraient vous offrir vos filles et le pire ?
MARLENE SCHIAPPA
Moi j'aime tous les cadeaux de Fête des mères, y compris les plus kitchs, et je voudrais d'ailleurs rendre hommage…
AUDREY CRESPO-MARA
Même le collier de nouilles ?
MARLENE SCHIAPPA
Ah ouais, le collier de nouilles, les bagues en fimo, les poèmes, les dessins, je voudrais rendre hommage aux enseignants, aux ATSEM, aux animateurs, qui ont énormément d'imagination pour chaque année faire faire à nos enfants un beau cadeau de Fête des mères original, donc tous les cadeaux faits maison me vont, y compris le réveil à 6h00 du matin avec un poème appris par coeur, c'est très bien aussi.
AUDREY CRESPO-MARA
Ça adoucit le réveil.
MARLENE SCHIAPPA
Voilà.
AUDREY CRESPO-MARA
Merci beaucoup Marlène SCHIAPPA.
MARLENE SCHIAPPA
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 mai 2018