Interview de Mme Florence Parly, ministre des armées, avec France 2 le 21 juin 2018, sur le budget militaire, la coopération franco-allemande pour construire un avion de combat, la défense européenne et sur les Etats-Unis et l'OTAN.

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Média : France 2

Texte intégral


CAROLINE ROUX
La ministre des Armées, alors vous savez quand Donald TRUMP fait la leçon à l'Europe sur le coup de sa protection, quand les Etats-Unis semble se détourner de ses alliés, la défense redevient un sujet et peut-être même un sujet européen. Bonjour Florence PARLY
FLORENCE PARLY
Bonjour.
CAROLINE ROUX
Députés et sénateurs se sont mis d'accord sur la loi de programmation militaire, c'est pour la 1ère fois depuis des années une montée en puissance du budget de la défense 295 milliards d'euros sur 7 ans. Ça va sans changer quoi dans le quotidien de nos soldats de nos armées.
FLORENCE PARLY
Alors c'est vrai que ces historique puisque, depuis la fin de la Guerre froide, toutes les lois de programmation militaire avaient sanctionné la diminution des moyens des armées. C'est la 1ère fois que ces moyens remontent, ils progressent de façon extrêmement conséquents, 295 milliards d'euros, ce que ça va changer : c'est d'une part, ça va réparer les carences du passé et ça va permettre de préparer l'avenir. Alors réparer les carences du passé, ça veut dire 2 choses très simples : d'abord renouveler les équipements qui nécessitaient de l'être et ils ont été durement éprouvés par ces années de déflation budgétaire et par des engagements très intenses. Et puis ça veut dire aussi améliorer les conditions de vie des conditions d'entraînements, de nos soldats, de nos aviateurs de nos marques.
CAROLINE ROUX
Et ça, ça se verra très vite ou il va falloir qu'ils attendent 7 ans.
FLORENCE PARLY
Et ça, ça commence à se voir très vite puisque j'ai sans attendre cette loi de programmation militaire lancée par exemple un plan famille pour améliorer les conditions de vie des familles et des militaires eux-mêmes, et ça va se poursuivre avec par exemple une accélération de la livraison des équipements des militaires, les gilets pare-balles , les casques…
CAROLINE ROUX
Là c'est très concret du coup.
FLORENCE PARLY
C'est extrêmement concret…
CAROLINE ROUX
Et l'armée de demain, vous dites il faut préparer l'armée de demain, elle ressemble à quoi ?
FLORENCE PARLY
Et bien l'armée de demain c'est ce qui va permettre d'avoir comme nous y sommes engagés avec nos amis et partenaires allemands, le futur avion de combat, le successeur du Rafale, un nouveau char de combat, c'est-à-dire des équipements qui seront, qui arriveront dans nos armées dans les années 2042-2050.
CAROLINE ROUX
Est-ce que ça veut dire que vous êtes la seule ministre qui a le droit de dépenser, qui ne fait pas d'économies. On l'a entendu dans le journal tout à l'heure, l'objectif du gouvernement est clair : dégager des économies dans toutes les administrations et dans tous les ministères, trouver des marges de manoeuvre, ça sera le cas aussi au ministère des Armées.
FLORENCE PARLY
Mais naturellement, il faut transformer, il faut moderniser parce que cet investissement que la nation consent de faire en faveur de notre défense et de nos armées ; elle nous oblige et nous oblige à être efficace, elle nous créée une exigence, c'est que chaque euro qui nous est consenti soit bien investi.
CAROLINE ROUX
Il y a encore des économies à faire ça c'est ça que vous voulez dire ?
FLORENCE PARLY
Donc il y a beaucoup de chantiers de transformation à mener au sein du ministère des armées. Parlons par exemple de la digitalisation, de la numérisation, ce sont des chantiers qu'il faut pousser jusqu'à leurs termes. Le système de, une passation des marchés qui fait que aujourd'hui tout ça est très long, très lent, il ne permet pas d'aboutir dans des délais rapides, bref il y a énormément de chantiers à conduire. Et c'est à cela que je me suis attelée dès à présent parce que bien évidemment les moyens qui nous sont consenties sont considérables mais besoins les besoins des armées sont considérables aussi.
CAROLINE ROUX
Est-ce que c'est pour faire des économies, qu'on va s'allier avec les allemands, ce qui est pas rien quand même, pour faire un char et le successeur du Rafale. Certains souverainistes disent « ah ben oui, mais ça va se faire avec un transfert de technologies qu'est-ce qui va nous donner en échange les Allemands ? ».
FLORENCE PARLY
Alors ce que nous avons convenu et c'est historique dans le cadre de ce sommet franco-allemand qui s'est tenu il y a deux jours, c'est de continuer à construire l'Europe de la Défense ensemble. Et d'y aller résolument avec nos partenaires allemands. L'Europe de la défense, vous savez, elle n'a pas beaucoup avancé pendant des années. Ca fait deux ans que les choses s'accélèrent mais c'est vrai que pendant des années, il ne s'était pas passé grand-chose et donc là ce que nous avons voulu marquer c'est ce coup d'accélérateur donné à l'Europe de la défense et lorsque la France et l'Allemagne s'engagent ensemble, eh bien, en général ça entraîne le reste de l'Europe. Et donc dans le domaine des matériels puisque c'est de ça dont nous parlons, nous avons décidé que le successeur du Rafale, que le successeur du char Leclerc nous le concevrions et nous le construirions en Allemagne.
CAROLINE ROUX
Parce qu'on ne peut plus le faire tout seul Florence PARLY ?
FLORENCE PARLY
Parce que nous avons besoin de consolider nos industries, d'être plus fort au niveau de l'Europe, vous savez que beaucoup de pays européens aujourd'hui achètent encore des équipements militaires, principalement à des pays qui ne sont pas européens ; les américains pour ne pas le citer. Et c'est donc à cela aussi que nous voulons remédier. Si nous voulons faire face ensemble aux menaces qui nous qui pèsent sur nos épaules en commun, alors il faut y répondre ensemble dans tous les domaines, y compris dans le domaine des équipements militaires.
CAROLINE ROUX
Florence PARLY, est-ce qu'il va falloir apprendre à faire sans les américains ?
FLORENCE PARLY
Il est vrai que le président des Etats-Unis force les européens à accélérer ce processus de construction de l'Europe de la défense parce que il y a un an au sommet de l'OTAN, il n'a pas apporté un soutien très explicite à cette idée selon laquelle, depuis le traité de l'Alliance atlantique lorsqu'un pays de l'alliance est attaqué, les autres viennent lui prêter secours. Donc tout ceci a jeté une forme de doute et donc aujourd'hui…
CAROLINE ROUX
Il pourrait sortir de l'OTAN, vous l'imaginez ce scénario là, vous l'imaginez ou pas, certains l'imaginent ?
FLORENCE PARLY
Certains l'imaginent mais je ne l'espère pas et nous verrons bien lors du sommet et qui aura lieu au mois de juillet, comment les choses se passent. Je pense que le président des Etats-Unis mettra une très forte pression sur les alliés en particulier européens pour que ceux-ci, comme il dit, paient le fardeau que les Etats-Unis selon lui.
CAROLINE ROUX
A-t-il tort Florence PARLY lorsqu'il dit par exemple que l'Allemagne ne paie pas pour sa défense ?
FLORENCE PARLY
Les Etats-Unis paient une grande partie, sont les premiers contributeurs naturellement à l'OTAN et c'est pour ça que l'Europe de la défense c'est une construction qui est nécessaire dans ce contexte où nous ne savons plus très bien si les acquis sur lesquels nous avons vécu pendant 70 ans sont définitivement acquis et donc il nous faut nous préparer à faire face à ces évolutions. Et donc nous mardi à Berlin, eh bien, nous avons fait un pas en avant considérable pour faire avancer cette Europe, de façon concrète, comme jeudi avec les équipements mais aussi avec cette initiative européenne d'intervention qui est une façon aussi de mobiliser les Européens pour être prêts à faire face à toutes sortes de menaces, qu'il s'agisse par exemple comme c'était le cas il y a 5 ans, au Mali, nous sommes partis tout seul, finalement on pense que ce serait mieux à l'avenir, de ne pas commencer tout seul ou bien qu'il s'agisse de porter secours par exemple aux ressortissants dans les Antilles, comme cela a été le cas pour Irma où nous sommes intervenus avec les anglais, les britanniques.
CAROLINE ROUX
Un mot quand même sur encore Donald TRUMP qui veut lancer lui une armée de l'espace, c'est l'ordre qu'il a donné au Pentagone, alors il y a un traité de 1967 qui interdit notamment les armes nucléaires dans l'espace, la Russie a réagi très fermement et vous ?
FLORENCE PARLY
Et bien nous, dans la loi de programmation militaire, nous considérons que l'espace est un domaine majeur dans lequel, effectivement, il pourrait y avoir à termes des confrontations alors que ce n'est ni le droit de ni le faites et que donc il faut pouvoir investir dans le domaine spatial plus que nous le faisons encore pour pouvoir surveiller cet espace et éviter qu'il ne devienne un espace de confrontations majeures.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 juin 2018