Interview de Mme Brune Poirson, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, avec RTL le 1er août 2018, sur la politique de l'environnement et sur l'affaire du chargé de mission de l'Elysée accusé de violences contre des manifestants le 1er mai à Paris.

Prononcé le 1er août 2018

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


JEROME FLORIN
Bonjour Brune POIRSON.
BRUNE POIRSON
Bonjour.
JEROME FLORIN
On ne va pas y arriver.
BRUNE POIRSON
A ?
JEROME FLORIN
A rendre sa grandeur à la planète, « make our planet great again », comme le disait Emmanuel MACRON. Ce 1er août est le jour dit du dépassement, c'est-à-dire que l'humanité a déjà épuisé toutes les ressources naturelles de la Terre pour l'année. Ça n'a jamais été aussi tôt, cette date recule d'année en année. Ça veut dire quoi, selon vous ?
BRUNE POIRSON
Ça veut dire, d'abord vous l'avez, que l'ensemble des ressources de la planète ont été consommées aujourd'hui, sur la durée d'un an. Et ça veut dire que si le monde tournait plus rond, c'est sûr que cette date-là, elle serait le 31 décembre. Mais ça veut dire surtout que le modèle économique sur lequel repose notre société, eh bien, il ne fonctionne pas.
JEROME FLORIN
Et pourtant la France, Brune POIRSON, multiplie les renoncements en matière d'écologie, dernière en date cette usine de Cherbourg qui devrait, qui devait fabriquer des hydroliennes, à peine inaugurée, déjà fermée, l'Etat a jugé finalement que l'hydrolien n'était pas rentable.
BRUNE POIRSON
Mais parce que l'Etat a investi pendant des années dans cette filière-là. Vous savez, il faut parfois aussi choisir les technologies qui fonctionnent le mieux, parce que vous l'avez dit, nous sommes dans l'urgence et donc nous avons décidé de ne pas mettre la priorité sur cette énergie hydrolienne, alors que l'Etat avait investi, l'Etat possédait une partie importante de cette entreprise NAVAL ENERGIES.
JEROME FLORIN
60 %.
BRUNE POIRSON
Le problème c'est que c'est une technologie qui n'a pas fait ses preuves, qui mettait beaucoup de temps et qui mettra beaucoup de temps à devenir mature, et donc nous avons fait le choix de ne pas soutenir directement l'hydrolien. Mais ce qui n'empêche pas que nous soutenons avec vigueur toute une série d'autres énergies renouvelables, aussi bien l'éolien, que l'énergie solaire ou d'autres, mais aussi et surtout, on s'attaque à la cause du problème. On parlait tout à l'heure de la journée du dépassement, c'est cette journée-là qui fait qu'on a déjà, on vit à crédit, on a utilisé toutes les ressources que la planète peut produire en un an. Eh bien ce que ça prouve, c'est que le modèle économique dans lequel, sur lequel est basée notre société, eh bien il ne fonctionne pas.
JEROME FLORIN
Ça c'est le constat…
BRUNE POIRSON
Ce n'est pas qu'un constat. Ça, le constat nous l'avons fait, l'éveil de conscience il a eu lieu, et des événements, des journées comme aujourd'hui, elles nous le rappellent malheureusement. Mais nous avons pris le problème à bras-le-corps, pour changer de modèle économique, et le transformer.
JEROME FLORIN
Mais il y a eu beaucoup de renoncements, Brune POIRSON, les éoliennes offshore, on en parle depuis des années, il n'y en a pas une qui a été installée pour l'instant.
BRUNE POIRSON
Mais, regardez…
JEROME FLORIN
C'est un exemple.
BRUNE POIRSON
D'abord, nous avons lancé des mesures de simplification, mais regardez aussi, nous, ce que nous voulons, c'est des transformations qui sont profondes. Je vous parlais de notre modèle économique, eh bien le 23 avril dernier, aux côtés du Premier ministre, le Premier ministre a présenté une feuille de route pour une économie qui soit circulaire, c'est-à-dire une économie dans laquelle les produits ne deviennent jamais des déchets, parce que cette économie sur laquelle repose le système capitaliste comme aujourd'hui, où on extrait toujours plus de ressources de la planète pour produire toujours plus de produits qui finalement finissent eux-mêmes généralement au fond d'un trou, eh bien ce n'est plus le modèle économique qui convient et qu'il faut, et nous voulons entrer de plain-pied dans une économie qui soit circulaire.
JEROME FLORIN
Je vous cite un autre renoncement, qui a quelques mois déjà, c'est la volte-face sur le nucléaire. Qu'est-ce que vous en avez pensé, vous, personnellement, l'objectif de ramener la part du nucléaire de 75 à 50 % dans la production électrique française ? Nicolas HULOT a dit : « Bon, ça ne sera pas 2025, ce n'est pas réaliste.
BRUNE POIRSON
Mais justement, c'est comme ça qu'on travaille dans ce gouvernement-là. Nous, ce qu'on veut, c'est avoir des vrais résultats, des impacts concrets dans la vie des gens, et donc on sort des postures, on sort de la communication, et par exemple sur le nucléaire, ça aurait été très confortable de dire : « Eh bien oui, on sera à 50 % de nucléaire en 2025 », de toute façon c'est après la fin du quinquennat, mais au contraire, on veut le faire sérieusement, et donc on s'attaque au problème, et c'est pour ça qu'on travaille sur une programmation pluriannuelle de l'énergie, actuellement, où avec l'ensemble des parties prenantes, entreprises privées, citoyens, Etat, tous, autour de la table, pour dessiner et tracer un chemin réaliste pour rééquilibrer notre mix énergétique et baisser la part du nucléaire à 50 %. Nous n'avons pas changé cet objectif-là, nous voulons simplement l'atteindre et c'est pour cette raison-là que nous… et c'est pour cette raison-là que nous travaillons sur les meilleurs moyens de l'atteindre, le plus rapidement possible.
JEROME FLORIN
Soyons très concrets : comment encourager les Français à voyager écolo, par le train, notamment quand se multiplient les pannes comme celle à Montparnasse il y a quelques jours, et celle plus récente hier soir dans le métro parisien, ligne 1, je sais que ce n'est pas dans vos attributions, mais la ligne 1 qui est restée bloquée pendant 2 heures, il y a eu cinq malaises, des centaines de passagers évacués. On n'a pas un problème avec nos infrastructures en France ?
BRUNE POIRSON
Mais, c'est aussi à ça qu'on s'attaque. Par exemple, la réforme de la SNCF…
JEROME FLORIN
Il y a du boulot.
BRUNE POIRSON
Bien sûr, mais c'est pour ça que c'est un des premiers dossiers que le gouvernement a pris et qu'il a pris à bras-le-corps. Je rappelle…
JEROME FLORIN
Est-ce que la RATP doit s'expliquer ?
BRUNE POIRSON
Je rappelle que pendant des années, tous les gouvernements précédents, comme le Premier ministre l'a rappelé, étaient tétanisés, tétanisés à l'idée de toucher à ce mastodonte qu'était la SNCF. Nous, là encore, on veut dépasser la communication et avoir un impact dans la vie des Français. Et donc on s'attaque de plain-pied à la réforme de la SNCF. Elle est passée, vous savez qu'elle a été débattue à l'Assemblée et qu'elle a été adoptée. Et ça, ça devrait nous permettre de mettre en place une organisation qui soit compétitive et qui soit en mesure d'être adaptée à l'ouverture à la concurrence.
JEROME FLORIN
Brune POIRSON, vous êtes donc, on l'entend toujours, ministre ce matin, ou secrétaire d'Etat…
BRUNE POIRSON
Je vous le confirme.
JEROME FLORIN
…le gouvernement n'a pas été renversé hier par l'opposition, remontée en pleine affaire BENALLA. Tout va bien donc, on continue comme avant, ou est-ce qu'il y a des leçons à tirer de cette crise ?
BRUNE POIRSON
Une leçon à tirer, une leçon surtout…
JEROME FLORIN
Pour vous, pas pour l'opposition.
BRUNE POIRSON
Pour nous, bien sûr, je veux dire, soyons honnêtes, ce que monsieur BENALLA, ce qu'Alexandre BENALLA a fait, les actes et les gestes qu'il a eus sont intolérables, et d'ailleurs c'est pour ça que le président de la République a tout de suite pris ses responsabilités, dit qu'il assumait et demandé à Alexis KOHLER, secrétaire général de l'Elysée, de faire un audit de ces dysfonctionnements-là et de s'y attaquer à bras-le-corps et dès la rentrée de présenter un plan. Mais, au-delà de ça…
JEROME FLORIN
« Il y aura des changements qui iront au-delà des portes de l'Elysée », a dit le porte-parole du gouvernement Benjamin GRIVEAUX. Qu'est ce qui doit changer, dans le fonctionnement ?
BRUNE POIRSON
Ce n'est pas à moi… Alors, il y a plusieurs choses. Déjà, je ne suis pas en charge de ces réformes-là, mais surtout, au-delà de ça, en ce moment il y a trois enquêtes qui sont en cours, parlementaire, judiciaire et administrative…
JEROME FLORIN
Oui, on l'a dit ça.
BRUNE POIRSON
Peut-être, mais c'est important de le répéter. Il faut qu'il fasse… laisser la justice faire son travail pour que nous on puisse faire le nôtre, parce que je crois qu'une des leçons principales de cette affaire BENALLA, c'est surtout je crois qu'on a vu et à quel point les oppositions n'avaient presque rien à proposer, en tout cas rien à proposer sur le fond. Mais faisons un petit exercice tous les deux. Imaginez, imaginez, vous partez en congés pendant 15 jours et vous décidez de décrocher totalement de l'actualité. Totalement. Et puis vous revenez de congés, et là vous vous dites : « Bon, tiens, par hasard, je vais écouter RTL pour savoir où est-ce qu'on en est », et là, vous apprenez qu'il y a deux motions de censure, deux motions de censure contre le gouvernement.
JEROME FLORIN
Ce n'est jamais arrivé depuis 1980.
BRUNE POIRSON
Mais vous vous dites : deux motions de censure contre le gouvernement, et puisque ce n'est jamais arrivé depuis 1980, vous vous dites : mais c'est parce qu'il y avait un différend sur le plan économique, un différend sur le plan…
JEROME FLORIN
Eh bien la gauche et la droite parlent de crise institutionnelle.
BRUNE POIRSON
Un différend sur le plan, par exemple de la politique de la justice, eh bien pas du tout, on parle d'une affaire qui a été montée en épingle, qui part d'une dérive individuelle d'un chargé de mission de 26 ans.
JEROME FLORIN
En dix jours, Brune POIRSON…
BRUNE POIRSON
Je ne vous dis pas… attendez. Je ne vous dis pas que ce qu'il a fait n'est pas condamnable, mais de là à bloquer les institutions, à bloquer le travail du Parlement pendant deux semaines, et ensuite à mobiliser tout un gouvernement pour des motions de censure, Christian JACOB, le président des LR à l'Assemblée nationale, avant même de déposer la motion de censure, il a dit qu'il savait qu'elle ne passerait pas. Mais alors pourquoi, quelle est cette mascarade ?
JEROME FLORIN
Ce n'est pas le symptôme d'une pratique solitaire du pouvoir, d'une dérive monarchique ? En 10 jours, ce n'est pas la longue grève à la SNCF qui vous a fait du mal, ce ne sont pas les réformes et les polémiques qui allaient avec toute l'année, non, c'est ce fait divers un peu ridicule d'ailleurs.
BRUNE POIRSON
Il a été monté, vous l'avez dit vous-même, un peu ridicule ; est-ce que vous ne croyez pas que les Français méritent plus que des partis politiques qui sont tous obsédés et qui font juste, tout simplement, de l'instruction… pardon, de l'obstruction parlementaire. Excusez-moi.
JEROME FLORIN
Lapsus, beau lapsus. On le gardera. Vous serez ce soir au dîner à l'Elysée, le petit dîner…
BRUNE POIRSON
Oui, avec mon conjoint.
JEROME FLORIN
Qu'est-ce que vous retenez de cette première année en politique, pour vous ? Vous êtes une jeune ministre, vous avez 35 ans, qu'est-ce que vous retenez de la politique, pour l'instant, et de la pratique du pouvoir, le nouveau monde ?
BRUNE POIRSON
Je suis très fière et très heureuse de faire partie du gouvernement qui est mené par un Edouard PHILIPPE, parce que c'est un gouvernement qui a fait énormément de choses, énormément de choses. Le Premier ministre le rappelait hier, 41 textes sont passés et on va en faire encore beaucoup, beaucoup. Et je crois que on a été clair là-dessus hier, le Premier ministre l'a dit, et moi c'est ça qui me rend fière, c'est faire partie d'un gouvernement qui veut toujours faire plus et le plus rapidement possible.
JEROME FLORIN
Merci Brune POIRSON, Secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire Nicolas HULOT. C'est long à dire. Bonne journée.
BRUNE POIRSON
Bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 août 2018