Interview de Mme Florence Parly, ministre des armées, avec RMC le 8 août 2018, sur les commémorations du centenaire de la Bataille d'Amiens, la coopération militaire européenne, l'opération Barkhane, le budget militaire et sur la force Sentinelle.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral


MATTHIEU BELLIARD
Tout de suite nous allons réviser notre histoire, un grand cours d'histoire ce matin, puisqu'il y a un siècle tout juste, le 8 août 1918, un tournant de la Première Guerre mondiale se tenait, c'était la bataille d'Amiens, et pour en parler – je la remercie d'être en direct avec nous – la ministre des Armées Florence PARLY, bonjour…
FLORENCE PARLY, PAR TELEPHONE
Bonjour.
MATTHIEU BELLIARD
Vous êtes déjà à Amiens ?
FLORENCE PARLY
Pas encore.
MATTHIEU BELLIARD
Pas encore.
FLORENCE PARLY
J'y serai dans quelques heures.
MATTHIEU BELLIARD
Je sais que vous vous y rendez aujourd'hui, la cérémonie de commémoration c‘est cet après-midi, elle se déroulera en la cathédrale Notre-Dame d'Amiens. C'est un moment qui est peut-être peu retenu, peu connu de l'histoire française, pourtant c'est un véritable tournant de la Première Guerre mondiale ?
FLORENCE PARLY
Oui, c'est un tournant de la Première Guerre mondiale cette bataille d'Amiens qui a eu lieu donc le 8 août 1918, c'est une bataille qui intervient après que de très nombreuses victoires allemandes pendant tout le printemps 1918 – vous savez que la Première Guerre mondiale a eu jusqu'à ses derniers moments un tour incertain – et donc en août 1918 les Britanniques ainsi que les troupes françaises fortement épaulées par les troupes canadiennes et les troupes australiennes ont lancé une offensive dans le nord de la France qui relayait une autre offensive qui avait eu lieu quelques semaines plus tôt dans la Marne et, donc, c'est cette bataille qui a permis de prendre un tournant victorieux, c'est elle qui a conduit finalement à l'armistice qui a été conclu en novembre 1918. Donc c'est un moment très important, très important pour nous Français, très important pour les Britanniques qui ont été très fortement engagés dans cette bataille, pour les Américains également qui seront aussi présents cet après-midi et puis, comme je vous le disais, pour l'Australie et le Canada.
MATTHIEU BELLIARD
46.000 soldats Français et Britanniques tués pendant cette bataille d'Amiens. Je voudrais qu'on se rende compte, c‘était il y a un siècle, ça a duré trois – quatre jours - du 8 au 11 août 1918 - cette bataille d'Amiens et chaque position, chaque camp des alliés n'avait gagné finalement au terme de cette bataille que quelques kilomètres, une dizaine de kilomètres, une quinzaine de kilomètres, mais c'était énorme en ce temps-là dans cette Première Guerre mondiale ?
FLORENCE PARLY
Ce sont les kilomètres qui ont été décisifs pour faire reculer l'armée allemande qui, comme je le disais, pendant le printemps avait elle-même beaucoup avancé sur le territoire français et donc c'est ce retournement au fond qui a été fondamental pour la victoire ultime conclu en novembre 1918. Mais vous avez raison de le rappeler, cette Première Guerre mondiale a été une énorme... comme on dit une énorme boucherie, des centaines de milliers de morts, des millions de morts, des prisonniers en grand nombre ont été faits pendant cette guerre et en particulier pendant cette bataille d'Amiens. Moi je voudrais qu'on retienne surtout le message de paix, parce que l'Europe, les pays d'Europe ont été pendant des siècles en guerre les uns contre les autres et cela fait maintenant plus de 70 ans que nous sommes en paix - il ne faut pas l'oublier – et…
MATTHIEU BELLIARD
Et c'est une réalité ! Vous parliez d'Europe, cette bataille d'Amiens elle a une résonnance importante pour beaucoup, l'ancien président allemand sera là – Joachim GAUCK – il y a des représentants des Canadiens, pour les Britanniques c'est très important, vous savez Florence PARLY j'ai eu la curiosité ce matin d'aller sur le site de la BBC qui va diffuser cette cérémonie en direct sur BBC ONE cet après-midi en direct de la cathédrale d'Amiens, il faut dire que la Première ministre britannique Theresa MAY sera présente, que le prince William sera là aussi parmi 3.200 invités. Florence PARLY vous serez là, donc je ne peux pas vous faire ce reproche-là, mais il ne manque pas du monde du côté du gouvernement français ?
FLORENCE PARLY
Il me semble tout à fait naturel que la ministre en charge des Armées que je suis soit présente ainsi que la secrétaire d'Etat qui m'assiste pour commémorer cette bataille d'Amiens, j'ai été déléguée par le gouvernement français pour être présente et je pense que c'est ça qui est important. Ce qu'il faut également savoir c'est que, comme je le disais tout à l'heure, la paix est d'abord ce qui a motivé la construction de l'Europe…
MATTHIEU BELLIARD
Non, mais ce que je voulais dire par là... je ne voudrais pas que vous me compreniez mal, je ne vous pas faire de reproche particulier à d'autres membres du gouvernement ni au président de la République, ni au Premier ministre, c'est un reflet du faible intérêt qu'ont peut-être les Français pour un moment d'histoire particulier ?
FLORENCE PARLY
Mais ce n'est pas du tout un faible intérêt, la France sera évidemment représentée aux côtés des autres Nations qui seront présentes cet après-midi et, encore une fois, moi ce qui m'importe c'est d'insister sur le fait que l'Europe a été un facteur de paix et que quand bien même les Européens aujourd'hui ne sont pas forcément toujours d'accord sur tout ces difficultés se résolvent non pas par l'utilisation des armes mais par celle des mots puisque l'on débat de nos difficultés, donc aujourd'hui moi je voudrais me réjouir que l'Europe ait franchi une très grande étape en saisissant aussi des questions qui sont liées à la sécurité du continent européen et me féliciter que l'Europe de la Défense avance à grands pas. Vous savez que le président de la République a lancé une initiative, une initiative européenne d'intervention, qui vient compléter toutes les initiatives qui ont été prises au cours des deux dernières années pour faire de l'Europe une organisation qui contribue à sa propre sécurité…
MATTHIEU BELLIARD
Il y a eu des retours ? Florence PARLY, il y a eu des retours ?
FLORENCE PARLY
Il y a eu des retours très concrets puisqu'il y a quelques semaines huit pays européens nous ont rejoints dans le cadre de cette initiative européenne d'intervention, dont les Britanniques d'ailleurs - aux côtés de l'Allemagne, aux côtés de l'Espagne et aux côtés d'un certain nombre pays européens – et donc cette initiative européenne d'intervention elle a pour objectif de faciliter ce qu'on appelle la création d'une culture stratégique commune, c‘est à dire faire en sorte qu'on soit capables d'intervenir très rapidement chaque fois…
MATTHIEU BELLIARD
Et groupés…
FLORENCE PARLY
Et groupés.
MATTHIEU BELLIARD
Et groupés pas forcément comme…
FLORENCE PARLY
Et pas forcément séparés.
MATTHIEU BELLIARD
Et pas forcément isolément comme on le fait par exemple dans le cadre de l'opération Barkhane dont je voulais vous parler aussi Florence PARLY, le 1er août c'était les quatre ans du lancement de cette opération au Mali notamment, pas seulement, on peut tirer des bilans, il est contrasté le bilan de cette opération Barkhane, on n'arrive pas trop – vu d'ici en tout cas – à savoir quand est-ce qu'on s'en sort, où est-ce qu'on va et surtout quels sont les résultats ?
FLORENCE PARLY
Barkhane, pour vos auditeurs, ce sont 4500 hommes qui sont engagés dans une zone qui est grande comme l'Europe qui s'étend de la Mauritanie au Tchad et dont la mission est de lutter contre le terrorisme, et nous le faisons de deux façons : d'abord par le direct (phon) contre des groupes armés terroristes dans laquelle les militaires français sont engagés – et croyez-moi ce n'est pas facile parce que les conditions sont rudes – mais, contrairement à ce que vous dites, nous remportons des succès tactiques très importants puisque depuis les 12 derniers mois nous avons neutralisé 230 terroristes dont une grande partie ce sont des chefs très importants ; et puis par ailleurs Barkhane accompagne la montée en puissance des forces armées locales et en particulier de la force conjointe, qui est une force que les pays des cinq Etats du Sahel - la Mauritanie, le Tchad, le Mali, le Niger et le Burkina Faso - ont décidé de leur propre initiative de constituer et donc cette force conjointe elle est déjà active puisqu'elle est constituée désormais de sept bataillons, elle a mené depuis le début de l'année six opérations successives et l'un des rôles de la France c'est aussi non seulement d'aider à la formation de cette force conjointe mais aussi…
MATTHIEU BELLIARD
De transmettre !
FLORENCE PARLY
D'équiper cette force en mobilisant l'aide internationale – ce que nous avons fait et ce que le président de la République a fait dès son élection il y a un an – sans arrêt il a mobilisé les dons pour que la force conjointe soit équipée, ce sont plus de 400 millions d'euros de dons qui ont été mobilisés.
MATTHIEU BELLIARD
Florence PARLY, le 1er juillet – on parlait du terrorisme dans cette région – et le 1er juillet dernier une attaque, c'était une attaque suicide qui a été menée en plein centre de Gao contre entre autres les forces de l'opération Barkhane, les forces terroristes en face sont encore actives ?
FLORENCE PARLY
Les forces terroristes réagissent, elles réagissent notamment à la force présence de Barkhane et à l'intervention des forces armées maliennes et de la force conjointe du G5 Sahel et, donc, moi je le prends comme un signe que toutes ces forces dérangent les groupes armés terroristes et je voudrais souligner une chose c'est que ce n'est pas parce que ces attaques ont lieu que notre intervention comme celle de la force conjointe faiblissent et je dirais même que quelques jours après l'attaque du PC de la force conjointe au Mali cette force conjointe a lancé sa 6ème opération, c'est dire que ces attaques n'entament pas la détermination des uns comme des autres.
MATTHIEU BELLIARD
Un dernier mot Florence PARLY, puisqu'on parlait d'hommes, 4500 dans l'opération Barkhane, 7000 hommes c'est la force Sentinelle, je voulais vous poser une question parce qu'il y a beaucoup de sujets d'économie qui dépassent le budget des armées, mais d'économie française, sur la consommation, l'inflation, sur le commerce extérieur, sur la croissance qui est, apparemment, moins belle qu'annoncé, on le saura un petit peu plus tard dans la matinée. Les moyens dont vous disposez au ministère des Armées, on sait que vous deviez monter en puissance, c'est ce qui a été annoncé en 2017, c'est quelque chose que vous confirmez ce matin, que vous arriverez à maintenant dans les prochains budgets ?
FLORENCE PARLY
Tout à fait, c'est quelque chose que je confirme, puisque déjà l'année 2017 a vu, pour les armées, ces moyens augmenter par rapport à 2016, cette croissance se poursuit en 2018, avec un budget en augmentation de 1,8 milliard d'euros par rapport à 2017.
MATTHIEU BELLIARD
Parce que les espérances sont moins belles, vous comprenez le sens de ma question, il y aura moins d'argent dans les caisses de l'Etat.
FLORENCE PARLY
Les espérances sont toutes aussi belles, puisque la Loi de Programmation Militaire, qui a été votée à une très large majorité, à l'Assemblée comme au Sénat, prévoit la poursuite de la croissance des moyens en faveur des armées. Pourquoi ? Parce que, bien sûr la lutte contre le terrorisme est une priorité, pourquoi ? parce que nos armées ont subi pendant des années une décroissance de leurs moyens alors même que leurs mobilisations et leurs interventions étaient en très grande progression, sur les théâtres d'opérations extérieures, on a cité Barkhane tout à l'heure au Sahel, mais il existe d'autres engagements, au Levant avec l'opération Chammal, et donc ce grand écart entre des moyens en diminution et des interventions en augmentation devait être résolu, et cette Loi de Programmation Militaire le permet avec des moyens en très forte progression, et donc les carences du passé vont être réparées, et en même temps nous allons pouvoir investir pour l'avenir, parce que c'est aussi les Armées des 50 prochaines années que nous allons façonner au cours de cette Loi de Programmation Militaire. Et dans ce cadre Sentinelle, eh bien Sentinelle continue à protéger les Français au quotidien, et je voudrais rendre hommage aux soldats qui aujourd'hui, sur les lieux de villégiatures et sous les fortes chaleurs, eh bien continuent à assurer la protection de nos concitoyens afin qu'ils passent de bonnes vacances.
MATTHIEU BELLIARD
Merci beaucoup Florence PARLY, la force Sentinelle, 7000 hommes, merci d'avoir été en direct ce matin, d'être restée disponible pour RMC. Je rappelle, le centenaire de la Bataille d'Amiens, vous vous rendez à Amiens dans l'après-midi, pour commémorer ce tournant de la Première Guerre mondiale, Florence PARLY, ministre des Armées, en direct sur RMC ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 août 2018