Déclarations de Mme Arlette Laguiller, porte-parole de Lutte ouvrière et candidate à l'élection présidentielle de 2002 dans "Lutte ouvrière" des 9 et 16 octobre 2001 sur les bombardements américains en Afgnanistan.

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Média : Lutte Ouvrière

Texte intégral

Editorial du journal Lutte Ouvrière (09/10/2001)
Arlette LAGUILLER
LA GUERRE DE BUSH, BLAIR, CHIRAC, JOSPIN,
N'EST PAS NOTRE GUERRE
Le président américain, George Bush, de connivence avec Tony Blair, premier ministre socialiste d'Angleterre, et avec l'assentiment complice des dirigeants politiques français, vient de décider le bombardement des principales villes d'Afghanistan. Ce serait, prétendent-ils, en riposte aux attentats de New York et de Washington. Comme si l'on pouvait effacer l'horreur des massacres de civils américains, qui n'étaient en rien responsables de la politique de leurs dirigeants, par d'autres massacres de civils, afghans cette fois, qui eux non plus ne sont pour rien dans les attentats terroristes ni même dans l'aide que le régime des taliban accorde à Ben Laden. Il ne faudrait pas oublier, d'ailleurs, que ces taliban et ce Ben Laden, que les grandes puissances montrent aujourd'hui du doigt, ont été portés au pouvoir avec l'aide des dirigeants américains. Et en parfaite connaissance de cause, sans ignorer qu'ils seraient des geôliers et des bourreaux du peuple afghan, des femmes afghanes mais aussi de tous ceux qui, dans ce pays, osaient refuser de s'incliner devant l'obscurantisme.
On nous dit que les frappes américano-anglaises seront ciblées, "chirurgicales". On a pu voir ce que ce terme recouvrait lors de la guerre du Golfe, contre l'Irak : une population civile victime des armes des grandes puissances, de coûteux engins sophistiqués permettant de bombarder à des milliers de mètres d'altitude ou de lancer des missiles à partir de bases situées à des milliers de kilomètres de leur cible. Et si ce n'est pas exactement la cible, on appelle cela les "risques collatéraux".
On sait, aussi, le résultat de ces bombardements en Irak : le dictateur Saddam Hussein est toujours en place, son armée aussi. Mais des centaines de milliers d'enfants, de femmes et d'hommes sont morts sous les bombes, sans même parler de tous ceux morts par la suite, victimes du blocus imposé par les grandes puissances.
Avant même les frappes américano-britanniques, la population afghane était déjà victime des menaces américaines. Des cohortes d'enfants, de femmes, de vieillards ont dû fuir la menace des bombardements et tenter de rejoindre les centaines de milliers de leurs compatriotes, dans des camps où ils s'entassent depuis des années, fuyant la misère et la famine qui règnent chez eux sans que les grandes puissances s'en soient jusqu'à présent souciées.
En même temps qu'il envoie des bombes, Bush a le cynisme de parachuter quelques tonnes de vivres, qui permettront peut-être à quelques-uns de survivre, quelques jours, quelques semaines. Et Chirac qui ose promettre, pour après les bombardements, de "tout faire (...) pour le développement de l'Afghanistan" !
Les dirigeants impérialistes prétendent défendre la liberté et la démocratie, alors qu'ils s'appuient aujourd'hui sur des chefs de bande rivaux des taliban, qui ne sont pas plus démocrates ni respectueux des libertés que ces derniers.
Ils prétendent, par leur intervention, agir pour éradiquer le terrorisme. C'est le contraire ! Avec leurs bombardements, les dirigeants des pays impérialistes ne font qu'aggraver la coupure entre les pays dits riches - ces pays où l'on trouve des milliardaires aussi riches, voire bien plus riches qu'un Ben Laden et bien plus puissants que lui - et les pays où la misère la plus profonde est le lot de la majorité de la population. Rappelons-nous que la France est un des premiers marchands d'armes.
Non, la guerre dans laquelle veulent nous engager les Bush, Blair, Jospin et Chirac n'est pas notre guerre. Elle est dirigée contre les peuples. Contre le peuple d'Afghanistan, d'Irak, de Palestine et, plus généralement, contre tous les peuples des pays pauvres qu'on maintient dans la misère et l'oppression. Mais les travailleurs d'ici en subiront eux aussi les effets, ne serait-ce qu'à cause de l'accroissement de l'insécurité.
Il faut refuser d'emboîter le pas aux Bush, Blair, Chirac, Jospin et autres va-t-en guerre qui, en bombardant, ne feront que creuser un peu plus le fossé de sang entre peuples !
(source http://www.lutte-ouvriere.org, le 11 octobre 2001)
Editorial de Arlette LAGUILLER
Lutte Ouvrière, le 16/10/2001

BUSH, BLAIR, JOSPIN, CHIRAC MENENT LA GUERRE CONTRE LES PEUPLES ET CONTRE LES TRAVAILLEURS
Il n'a pas fallu attendre bien longtemps pour constater que les bombardements à jet continu des villes afghanes par l'aviation anglo-américaine tuaient et blessaient des femmes, des enfants, des vieillards, bien plus qu'ils ne réussissaient à traquer les taliban et les sbires de Ben Laden. Les images de ces familles qui ne savent même plus où se réfugier témoignent de la terreur que ces bombardements ont répandue dans la population civile afghane, qui pourtant n'est pour rien dans les attentats commis contre d'autres civils aux Etats-Unis. Ce sont d'ailleurs ces mêmes civils afghans qui ont eu à subir les méthodes moyenâgeuses de ces taliban que les dirigeants américains avaient soutenus et mis en place.
Va-t-on nous refaire le coup de la guerre du Golfe, destinée, nous disait-on à l'époque, à chasser le dictateur irakien Saddam Hussein ? Aujourd'hui, dix ans plus tard, le dictateur est toujours en place, mais un million de civils irakiens sont morts, des centaines de milliers sont restés infirmes des suites de cette guerre. Et d'autres continuent à mourir quotidiennement, faute de médicaments, faute de nourriture, à cause du blocus qu'imposent encore les grandes puissances à ce pays.
N'y a-t-il pas de quoi être écoeuré et indigné par les discours des Bush, Blair et de leurs comparses ici, en France, Chirac, Jospin ? Ils prétendent prendre la tête d'une croisade en faveur de la démocratie, eux qui se sont appuyés sur les taliban, eux qui ont soutenu, mis en place, ou laissé s'installer des dizaines de dictatures, comme celles qui sévissent encore au Pakistan, en Arabie saoudite et dans bien d'autres pays du monde. Ils ont l'indécence de se présenter, maintenant, comme des champions des droits des femmes afghanes qu'ils prétendent vouloir libérer.... en commençant par les bombarder, elles et leurs familles !
Les discours des Bush, Blair, Chirac, Jospin ne sont pas destinés à convaincre la population afghane, ni la population des pays dont la majorité vit dans la pauvreté la plus extrême. Ces peuples, pillés et exploités au profit de quelques dizaines de grands trusts industriels et financiers qui dominent le monde, savent que les grandes puissances d'Occident protègent un ordre mondial injuste, cause principale de leur misère et de leur oppression. Nul besoin d'aller chercher plus loin pour comprendre la haine que ces peuples vouent aux représentants de ces puissances impérialistes, comme à tout ce qui semble les représenter. C'est cette haine qu'un Ben Laden essaie de capter et de canaliser vers des actions terroristes abjectes et des objectifs réactionnaires. Les frappes anglo-américaines ne peuvent d'aucune façon contribuer à éradiquer le terrorisme, ni même à en affaiblir les manifestations, comme le prétendent ceux qui commandent ces frappes. C'est même tout le contraire. Car, en accroissant le fossé de sang entre peuples, elles alimentent un peu plus encore une haine qui peut donner lieu à de nouvelles vocations de terroristes prêts à s'enrôler derrière n'importe quel démagogue réactionnaire.
Mais, en réalité, les discours de Bush, Blair, Chirac, Jospin sont destinés à nous, travailleurs. Ces bons apôtres essayent de nous entraîner dans leur croisade contre les peuples et, du même coup, de nous faire oublier qu'ils sont les valets de nos exploiteurs ici en France, comme ils le sont en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis. Ils voudraient utiliser la situation pour escamoter les problèmes qui restent au coeur des préoccupations du monde du travail, à commencer par les licenciements qui n'ont pas connu de trêve, loin s'en faut, après le 11 septembre. Car pendant que l'on nous vante les prouesses des missiles occidentaux, on ne parle presque plus des tristes exploits des capitalistes qui n'arrêtent pas leurs "frappes" contre les emplois, à Moulinex, Philips, AOM, Alcatel. Et combien d'autres encore ?
Refusons ce piège !
(source http://www.lutte-ouvriere.org, le 18 octobre 2001)