Texte intégral
Les deux représentants de la Commission, les commissaires ANDRIESSEN et Mac SHARRY, ont conclu jeudi soir un projet
d'accord avec leurs interlocuteurs de l'administration américaine sur le volet agricole des négociations
commerciales du GATT.
La Commission a hier rendu public ce projet d'accord.
En matière de négociations commerciales, la Commission est, au terme du traité de Rome, seule compétente pour
négocier des accords. Elle négocie, mais elle ne décide pas. L'approbation des accords relève du Conseil des
Ministres.
Le Gouvernement n'a pas encore reçu communication officielle du projet d'accord. Je ne dispose à l'heure qu'il est,
que de déclarations de presse.
Par rapport aux discussions antérieures, il semble qu'il y a eu progrès dans le domaine des oléagineux. Les Etats-
Unis auraient renoncé à imposer à l'Europe des quotas de production en volume, à un très bas niveau. Sous réserve
d'un examen approfondi, les surfaces maximales envisagées n'apparaissent pas éloignées des surfaces actuellement
utilisées dans la Communauté pour la production oléagineuse.
Ce progrès montre que la fermeté de la France a eu des effets positifs, sans que je puisse aujourd'hui garantir que
le projet d'accord sur ce point est conforme à la politique agricole commune. Jean-Pierre SOISSON, ministre de
l'agriculture et du développement rural, est en train de le vérifier.
Cette question est importante, mais ce n'est pas l'essentiel.
La difficulté majeure, sur laquelle aucun progrès n'a été réalisé, en dépit des avertissements de la France,
concerne la clause relative à la baisse des exportations en volume de la Communauté.
La position de la France a été clairement exposée, à l'issue du Conseil restreint qui s'est tenu à l'Elysée
mercredi dernier, à l'initiative du Président de la République.
Le communiqué diffusé à l'issue de ce Conseil rappelle -je cite- "l'opposition de la France à tout engagement de la
Communauté qui ne serait pas compatible avec la réforme de la politique agricole commune adoptée le 21 mai 1992 ".
Le Gouvernement considère que le projet de réduction de 21% -c'est le chiffre cité par la Commission- des
exportations en volume de produits agricoles n'est pas compatible avec la politique agricole commune. Il constitue
une menace grave pour l'agriculture européenne et pas seulement pour l'agriculture française. Car si l'on parle
beaucoup des céréales, qui sont en effet la principale production concernée, il faut savoir que d'autres
productions sont également en cause, en particulier la viande bovine.
La France a demandé sur ce point un rapport chiffré à la Commission.
Nous avons accepté des efforts importants dans la réforme de la PAC. Nous l'avons fait, parce que nous sommes
convaincus qu'une baisse du prix des céréales sera bénéfique pour l'élevage et permettra aux producteurs français
de reconquérir le marché européen.
Nous avons décidé la réforme de la politique agricole commune. Cette réforme est la limite de ce que nous
acceptons. Je confirme ce qu'a déclaré Jean-Pierre SOISSON hier soir, au nom du gouvernement : la France ne pourra
que dénoncer un projet d'accord qui ne serait pas compatible avec la politique agricole commune. Dans l'état actuel
de mes informations, je juge ce projet inacceptable et il ne sera pas accepté.
Nous avons donc devant nous une négociation difficile. Mais nous avons la force du bon sens : l'Europe ne peut pas
réformer la PAC en mai pour la défaire en novembre.
Il s'agit de défendre l'intérêt de la France : de notre agriculture, de notre économie, de notre vie rurale.
L'issue de cette négociation engagera la France pour longtemps. C'est pourquoi un large mouvement de cohésion
nationale est indispensable.
Les responsables agricoles ont appelé à des manifestations. Je demande que l'on évite la violence et les gestes
inconsidérés qui ne peuvent que nuire à la cause de l'agriculture. Le gouvernement a fait son devoir tout au long
de ces discussions. Les agriculteurs savent que d'autres secteurs économiques, également concernés par le GATT,
expriment des points de vue différents des leurs. Il faut donc que le pays reste uni. Le désordre ne pourrait
profiter qu'à ceux qui veulent nous affaiblir.
Le gouvernement s'est engagé à défendre l'agriculture française. Parce que c'est l'intérêt de la France et
l'intérêt de l'Europe. Je demande aux agriculteurs leur soutien, comme je demanderai mercredi celui du Parlement.
En cette heure difficile pour la Communauté européenne, chacun aura à prendre des responsabilités. Les polémiques
partisanes sont à mettre de coté le temps de l'épreuve. Il s'agit de montrer à nos partenaires que la France est
unie et résolue.