Interview de M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’Etat, porte-parole du Gouvernement, à France 2 le 30 août 2018, sur l'évocation par le président Macron des "Gaulois réfractaires" au changement et la mise en oeuvre du prélèvement à la source.

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Média : France 2

Texte intégral

LAURENT BIGNOLAS
Tout de suite, c'est l'heure des 4 Vérités. Caroline, vous recevez ce matin Benjamin GRIVEAUX.
CAROLINE ROUX
Oui, représentant du nouveau monde comme vous dites, Porte-parole du Gouvernement. Une mission qui devient de plus en plus compliquée en cette rentrée, il faut s'improviser démineur. Bonjour Benjamin GRIVEAUX.
BENJAMIN GRIVEAUX, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT
Bonjour Caroline ROUX.
CAROLINE ROUX
Après les Français qui détestent les réformes en Roumanie, après avoir évoquée les fainéants à Athnes, Emmanuel MACRON a comparé les Danois, peuple luthérien ouvert aux transformations, et les Français, Gaulois réfractaires au changement. A force, les Français ne vont pas finir par mal le prendre ?
BENJAMIN GRIVEAUX
Juste après, Caroline ROUX, il a fait une plaisanterie sur les Danois agressifs à vélo. Moi, j'adore Astérix et je crois que les Français adorent ce personnage de BD. Si on ne peut plus manier un peu l'ironie et la plaisanterie et si à chaque fois qu'un mot est employé, il est décortiqué, instrumentalisé, et cætera…
CAROLINE ROUX
Ça, ça fait des années que ça dure. Ça ne changera pas.
BENJAMIN GRIVEAUX
On va vous faire de la langue de bois en chêne massif, on va tous s'ennuyer ferme. Croyez-moi, les Français ont le sens de l'humour beaucoup plus que la classe politique. J'ai entendu les cris d'orfraie des uns et des autres. Je les laisse aux cris d'orfraie. Je suis sûr que les Français ont parfaitement compris l'esprit que le Président de la République a voulu mettre dans cette plaisanterie qui reste une plaisanterie.
CAROLINE ROUX
Non. Quel était l'esprit des Gaulois réfractaires ?
BENJAMIN GRIVEAUX
Les Gaulois réfractaires, ce sont les partis politiques qui depuis trente ans ne veulent rien changer. Qui depuis quinze jours nous jouent la sur-violence dans les mots politiques. Qui veulent retrouver le confortable clivage gauche-droite parce que c'est ce qu'ils ont toujours connu. C'est ceux qui ne veulent rien changer.
CAROLINE ROUX
Les Gaulois réfractaires, ce ne sont pas les Français eux-mêmes.
BENJAMIN GRIVEAUX
Les Français, ils ont démontré depuis un an qu'ils avaient fait le pari d'un changement profond en élisant un jeune Président de la République qui n'avait pas de parti. En faisant confiance à des gens issus de la société civile qui n'étaient pas des professionnels de la politique. En élisant à l'Assemblée nationale des jeunes, des femmes, des gens qui viennent du monde associatif, du monde de l'entreprise. Ils ont assumé une transformation. Ils sont beaucoup moins réfractaires au changement que les partis politiques et les oppositions et, en cela, c'est un esprit bien français.
CAROLINE ROUX
Vous avez raison, les Français ont fait le choix du changement, du vrai changement puisqu'Emmanuel MACRON avait même promis une révolution. Par exemple, ça peut paraître anecdotique mais le séminaire Gouvernemental qui devait définir les chantiers à venir a été reporté. On se dit que cette rentrée est sous contrainte avec des chiffres de la croissance qui sont moins bons que prévus. On voit arriver des arbitrages budgétaires avec des méthodes un petit peu à l'ancienne : désindexation des pensions. On se dit est-ce que le monde a vraiment changé ?
BENJAMIN GRIVEAUX
Le monde a évidemment changé. Nous avons une rentrée où nous travaillons. Nous avons décalé le séminaire Gouvernemental, il y a eu une démission mardi. On ne va pas se voiler la face, c'est une personnalité importante qui quitte le Gouvernement.
CAROLINE ROUX
Un coup dur.
BENJAMIN GRIVEAUX
Evidemment. Ce n'est jamais agréable quand quelqu'un quitte une équipe. Il avait lancé des chantiers importants, nous allons les poursuivre parce que nous croyons que ce qui a été lancé, et c'est suffisamment ambitieux, qu'il faut évidemment porter cette ambition, qu'il faut porter les réalisations et puis on va continuer. Et donc, ça n'est pas le décalage d'un séminaire Gouvernemental qui va mettre à mal notre envie de transformer le pays, notre envie d'avancer.
CAROLINE ROUX
Mais c'est juste qu'on s'est dit qu'il était le maître… Il nous avait dit, Emmanuel MACRON, qu'il était le maître des horloges. Et puis là, on s'est dit : « Ça se complique un petit peu. »
BENJAMIN GRIVEAUX
Mais non. Le Gouvernement travaille. Regardez, le Premier ministre a reçu hier avec Agnès BUZYN et Muriel PENICAUD les partenaires sociaux pour lancer les bilatérales. Nous avons 75 000 élèves de plus qui, à partir de lundi prochain, vont bénéficier de classes dédoublées qui ont démontré leurs résultats et leur succès à l'automne dernier. Nous allons annoncer le plan pauvreté à la mi-septembre. Le projet de loi sur la création et la transformation des entreprises, la croissance et la transformation des entreprises, va être débattu au Parlement. Nous travaillons, nous sommes au travail et surtout, nous n'avons pas dévié par rapport à que nous avions dit l'an dernier.
CAROLINE ROUX
Vous êtes sûr ?
BENJAMIN GRIVEAUX
Quelles sont les priorités budgétaires de ce Gouvernement ?
CAROLINE ROUX
Sur les déficits, vous n'avez pas dévié ?
BENJAMIN GRIVEAUX
L'éducation et l'enseignement, la sécurité, la défense, la justice et l'environnement – et l'environnement – ces priorités-là, elles étaient celles de l'an dernier. Nous ne faisons pas de la godille ou du zigzag, on a été habitué pendant longtemps à dire : « On augmente les prestations une année et puis on augmente l'année d'après. » Nous, nous sommes constants : nous baissons la fiscalité et nous maintenons le cap.
CAROLINE ROUX
Sur les déficits, vous avez un peu varié.
BENJAMIN GRIVEAUX
Sur les déficits, nous allons avoir…
CAROLINE ROUX
Il faudrait l'assumer. Dire : « Oui, c'est vrai. On a un petit peu varié. »
BENJAMIN GRIVEAUX
Nous avons construit, je le rappelle, nos prévisions de croissance sur 1,7 point et il y a eu une polémique, vous vous souvenez en début d'année dernière : « Vous êtes trop prudents, on aura plus de croissance, vous aurez une cagnotte. » Résultat : la croissance, elle est à 1,7 point. Nous avons bien fait d'être prudents et vous savez pourquoi ? Parce que ce n'est pas notre argent, c'est l'argent des Français. Donc on a bâti des hypothèses prudentes et ça nous évitera d'avoir à faire des corrections trop importantes, comme ç'a été l'habitude depuis vingt ans. On annonçait des taux de croissance formidables à la fin, c'était à chaque fois la déception.
CAROLINE ROUX
Sur l'objectif, l'objectif zéro déficit en 2022 reste le même ?
BENJAMIN GRIVEAUX
Nous gardons le cap sur la baisse des dépenses publiques parce qu'il y en a trop, sur la baisse des impôts et sur la maîtrise des déficits. Je rappelle que pour la première fois depuis onze ans, nous sommes passés sous la barre des 3 % de déficit et qu'à la fin de cette année, nous serons sous la barre des 3 % de déficit, tout comme l'année prochaine. C'est un engagement que nous avons pris, c'est l'argent des Français.
CAROLINE ROUX
Est-ce que vous maintenez le cap et le calendrier sur le prélèvement à la source ?
BENJAMIN GRIVEAUX
Mais sur le prélèvement à la source, ç'a été encore rappelé hier par Gérald DARMANIN qui a confirmé que nous ferions le prélèvement à la source.
CAROLINE ROUX
Oui, en janvier.
BENJAMIN GRIVEAUX
C'est une réforme qui a été décidée dans le quinquennat précédent. Je considère, moi, que c'est une bonne réforme parce que ça fait que l'impôt s'adapte à votre vie, que vous ne payez pas de l'impôt sur des revenus qui étaient les vôtres l'année d'avant.
CAROLINE ROUX
C'est compliqué à mettre en place.
BENJAMIN GRIVEAUX
C'est évidemment éminemment compliqué parce qu'il y a beaucoup de situations différentes. Vous avez des questions de crédit d'impôt, vous avez évidemment les statuts différents des personnes qui travaillent : le salariat, l'artisanat, les indépendants. Donc évidemment que ça appelle un très gros travail technique opérationnel. C'est ce que font les services de Bercy à merveille depuis des mois maintenant et je considère que nous serons prêts pour pouvoir le faire en début d'année prochaine.
CAROLINE ROUX
Il n'y a pas d'états d'âme des uns et des autres ? On a compris après l'interview du Premier ministre qu'il y avait la volonté quand même de voir si tout était prêt. Dans le Canard Enchaîné, on a appris que…
BENJAMIN GRIVEAUX
Oui. Mais vous savez, tout ce qui se dit dans le Canard Enchaîné n'est pas toujours vrai.
CAROLINE ROUX
Je finis juste ma phrase. Ça arrive mais parfois c'est vrai.
BENJAMIN GRIVEAUX
Mais il arrive que ça ne le soit pas. Ce que je vais vous dire simplement, c'est que le Premier ministre dit dans le Journal du Dimanche ce week-end qu'il faut s'assurer que tout soit bien prêt. Oui, c'est normal, parce que la politique ce n'est pas simplement des effets de tribune, des tweets et des bons mots : c'est aussi changer la vie concrètement des gens et, pour ça, il faut mettre les mains dans le cambouis et s'assurer que la machine tourne.
CAROLINE ROUX
Ça veut dire que le 15 septembre, si tout n'est pas prêt pour que ce soit opérationnel convenablement, il pourrait y avoir un réajustement du calendrier ? C'est juste ma question. Est-ce que c'est possible ?
BENJAMIN GRIVEAUX
Il faut que tout soit prêt le 31 décembre pour que les fiches de paie en janvier puissent permettre d'avoir le prélèvement à la source.
CAROLINE ROUX
Il n'y aura aucun ajustement du calendrier ?
BENJAMIN GRIVEAUX
Ecoutez, à nouveau, nous ferons tout pour que ce calendrier puisse être respecté.
CAROLINE ROUX
Ce n'est pas exactement la réponse à la question que je vous pose, mais ce n'est pas grave. On a entendu que, en tout cas, il y aurait peut-être un réajustement si tout n'est pas prêt.
BENJAMIN GRIVEAUX
Non, ce n'est pas ce que je dis. Ce que je dis, c'est à nouveau que nous faisons tout pour que le prélèvement à la source sur lequel nous sommes engagés puisse être réalisé dès janvier 2019.
CAROLINE ROUX
Est-ce que vous avez trouvé un remplaçant à Nicolas HULOT ?
BENJAMIN GRIVEAUX
Ce n'est pas mon rôle et vous le savez pertinemment.
CAROLINE ROUX
Quand est-ce qu'aura lieu le remaniement ?
BENJAMIN GRIVEAUX
Ecoutez, à nouveau c'est une problématique du Président de la République évidemment en concertation avec le Premier ministre et donc c'est à la tête de l'exécutif de répondre à cette question.
CAROLINE ROUX
Peut-être que je vais avoir une réponse. Est-ce qu'il faut un homme de gauche pour remplacer un homme de gauche ?
BENJAMIN GRIVEAUX
Mais vous voulez nous remettre, vous voyez vous-même, les oppositions et les médias. Un homme de gauche pour un homme de gauche, un homme de droite pour un homme de droite. Nous sommes sortis de cette grille politique gauche-droite. Je ne crois pas que… Nicolas HULOT se considérait avant tout comme un homme de progrès, un humaniste et un homme attaché aux valeurs de l'environnement et de l'écologie. C'est plutôt ce profil-là que nous recherchons. Nous voulons des gens compétents, pas des gens de gauche ou de droite. Je crois que c'est ça que les Français attendent de nous aussi.
CAROLINE ROUX
Je le disais, vous êtes désormais démineur et il y a une polémique du matin. L'écrivain Philippe BESSON va devenir consul à Los Angeles. Selon Les Républicains, il est remercié pour avoir écrit un livre de louanges sur Emmanuel MACRON.
BENJAMIN GRIVEAUX
Ecoutez, Philippe BESSON il a écrit, je crois, une quinzaine d'ouvrages. C'est un homme de télévision, c'est un homme de cinéma. Il est nommé à Los Angeles qui est la ville de la Culture par excellence et il n'est pas le premier. Jean-Christophe RUFIN, grand écrivain avait été nommé ambassadeur et pas consul. Olivier POIVRE D'ARVOR est ambassadeur, Daniel RONDEAU est ambassadeur. Il y a une tradition française. Moi, je me réjouis qu'on sorte un peu uniquement des profils qui ont fait le Quai d'Orsay et l'ENA dans nos ambassades et qu'on ait des profils différents venus de la société civile, du monde de la culture, du monde des arts, du monde de l'entreprise. Ça fera du bien aussi à nos administrations.
CAROLINE ROUX
C'est gentil. Merci beaucoup.
BENJAMIN GRIVEAUX
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 septembre 2018