Interview de M. Benjamin Griveaux, secrétaire d’Etat, porte-parole du Gouvernement, à RTL le 5 septembre 2018, sur la décision de mise en oeuvre du prélèvement à la source et les démissions de Nicolas Hulot et Laura Flessel du Gouvernement.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

YVES CALVI
Elizabeth MARTICHOUX reçoit ce matin le secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre et porte-parole du gouvernement, Benjamin GRIVEAUX.
ELIZABETH MARTICHOUX
Bonjour Benjamin GRIVEAUX.
BENJAMIN GRIVEAUX
Bonjour Elizabeth MARTICHOUX.
ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup d'être dans ce studio ce matin. Edouard PHILIPPE a mis fin au suspense sur le prélèvement à la source hier au 20 heures de TF1. Cette révolution va se faire avec des améliorations, je ne doute pas qu'on en parle, mais permettez, le président jupitérien qui étale ses hésitations. C'est vrai que l'on découvre-là un nouveau visage d'Emmanuel MACRON, un président hésitant.
BENJAMIN GRIVEAUX
Mais, je crois que les Français découvrent, et à mon avis ils en sont rassurés, un président qui met les mains dans le cambouis, qui n'est pas un président qui serait au-dessus, fixerait simplement le cap, comme on a connu depuis toujours dans la Vème République. On a un président qui assume ses responsabilités, avec un sujet qui va changer la vie des Français, de manière importante, en janvier prochain, puisque nous allons prélever l'impôt sur le revenu à la source, comme le font d'ailleurs la quasi-totalité des pays autour de nous. C'est une réforme importante et il est normal que le président de la République s'attache aussi à ce que l'exécution d'une politique publique, qui a été décidée, eh bien se fasse et se fasse avec la certitude qu'elle soit efficace et qu'elle ne perturbe pas nos concitoyens. C'est assez…
ELIZABETH MARTICHOUX
Jupiter met les mains dans le cambouis.
BENJAMIN GRIVEAUX
C'est vous qui l'appelez Jupiter depuis un an, il a toujours été, et vous le savez depuis le premier jour…
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous savez qu'il avait une conception assez verticale de l'exercice du pouvoir présidentiel.
BENJAMIN GRIVEAUX
Si je puis juste terminer ma phrase, chère Elizabeth, il a depuis le premier jour, un principe : la politique c'est un art d'exécution. Trop longtemps nos prédécesseurs se sont désintéressés de l'exécution. Je vous prends un exemple très concret. En 2011, l'Armée française a décidé de changer son logiciel de paie de ses soldats, pour adopter un logiciel appelé Louvois. Ça n'a pas fonctionné et d'ailleurs nous sommes encore en train aujourd'hui d'en payer les pots cassés. Eh bien le rôle du politique c'est de à son administration : il faut que tout soit parfaitement opérationnel pour que nos concitoyens ne soient pas impactés par les réformes souhaitées.
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais, qu'est-ce qui s'est passé entre hier matin et hier soir, au moment où il a appuyé sur le bouton, et pour dire : eh bien la réforme va se faire. Quel a été le déclic, qu'est-ce qui l'a décidé à de dire oui ? Quel a été le déclic ?
BENJAMIN GRIVEAUX
D'abord les réponses qu'a apporté Gérald DARMANIN, le ministre de l'Action et des Comptes publics, avec son administration, et la Direction générale des finances publiques a fait un travail remarquable, ça fait deux années qu'elle travaille, pas depuis 15 jours, j'ai l'impression que tout le monde s'est emparé du sujet depuis 15 jours, mais ça fait des mois et des années qu'on travaille sur cette question, parce que c'est un sujet compliqué, parce que l'impôt sur le revenu en France…
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais ça fait des mois que Gérald DARMANIN dit que tout est prêt.
BENJAMIN GRIVEAUX
Mais, à nouveau, il y avait des interrogations. Regardez, on a amélioré par exemple pour les gens qui font des dons, eh bien, la question se posait, ça a été présenté hier par le Premier ministre. Pour les particuliers employeurs, il y a évidemment en France beaucoup de cas particuliers, et l'impôt sur le revenu c'est, comment dire, l'impôt qui a suscité le plus de créations de niches fiscales sédimentées depuis 30 ans, donc ça méritait qu'on y prenne un peu de temps.
ELIZABETH MARTICHOUX
Benjamin GRIVEAUX, les améliorations qui ont été demandées par le président, et que le Premier ministre a commencé à développer hier dans le Journal de 20 heures. Est-ce que ça, ça fait partie des choses qui ont été, on va dire, décidées hier : amélioration pour les dons, pour les employés à domicile, et également pour tous ceux qui font un investissement locatif, ils auront droit à leur ristourne avant la fin du mois ?
BENJAMIN GRIVEAUX
Cela fait partie des discussions qui se sont tenues hier…
ELIZABETH MARTICHOUX
Ça s'est décidé hier, ça.
BENJAMIN GRIVEAUX
Mais depuis aussi plusieurs semaines, on y travaille. C'est un sujet qui st éminemment complexe, parce que vous le savez, on a en France l'amour de l'inventivité fiscale et à chaque loi de finances eh bien une niche supplémentaire, une exonération, un crédit d'impôt etc., et donc c'est tout cela qu'il faut prendre en considération, et vous avez non pas autant de situations fiscales que de contribuables, mais presque. Et donc il faut que, à la fois le texte soit évidemment robuste et solide, que les procédures soient solides, on a testé des millions de lignes de salaires depuis des mois, et on a au fur et à mesure éliminé des erreurs qui apparaissaient sur des codes postaux, sur, il y a eu cette polémique la semaine dernière, en disant qu'il y avait des gens qui étaient doublement imposés. On n'est pas doublement imposé, on a un numéro fiscal unique, donc c'est impossible de faire une double imposition. Oui, mais ce sont des détails qui peut être n'intéressent pas les grands débatteurs et les commentateurs politiques, mais qui intéressent les Français…
ELIZABETH MARTICHOUX
Si si, nos auditeurs s'y intéressent.
BENJAMIN GRIVEAUX
… et que le président de la République s'y soit intéressé, je trouve ça très sain.
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc ça c'est pour le plaidoyer en faveur d'une hésitation présidentielle. Pour revenir sur la mesure dont Christophe PONZIO nous faisait le détail tout à l'heure à 07h00, donc à partir…
BENJAMIN GRIVEAUX
Mais vous l'auriez cloué au pilori s'il y avait eu la moindre chose qui ne fonctionnait pas, et vous auriez dit : il aurait pu quand même regarder à deux fois. Donc voyez, moi je préfère le voir le verre à moitié plein qu'à moitié vide.
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est votre métier aussi, et c'est le nôtre de poser des questions…
BENJAMIN GRIVEAUX
Je vous confirme.
ELIZABETH MARTICHOUX
Sur la ristourne fiscale, que permettent certaines niches effectivement dont vous parlez, ce sera donc à partir du 15 janvier, au milieu du mois qu'elles seront versées. Donc c'est une mesure pouvoir d'achat…
BENJAMIN GRIVEAUX
Voilà, et puis je vous le prends… Non non, mais ce n'est pas une mesure pouvoir…
ELIZABETH MARTICHOUX
Pourquoi ?
BENJAMIN GRIVEAUX
Et de la même…mais ça n'est pas une mesure pouvoir d'achat. De la même manière, ceux qui nous expliquent, nos prédécesseurs qui disent : « Ecoutez, le système était prêt, tout fonctionnait très bien », eh bien, pour les employés à domicile ça fonctionnait peut-être très bien, vous savez ce qu'ils avaient prévu ? Pas d'impôt en 2019, double impôt en 2020. Mais oui. Non mais ce sont des détails, peut-être pour vous, mais pour les gens qui sont employés à domicile, excusez-moi du peu…
ELIZABETH MARTICHOUX
Non non, mais quand on se compare, on se console.
BENJAMIN GRIVEAUX
… qui n'ont pas les plus gros salaires et qui sont employés à domicile, c'est important, et donc ces petits détails insignifiants, d'après nos prédécesseurs, ça change profondément la vie des Français, c'est normal que le président de la République, que le Premier ministre, que le ministre de l'Action des Comptes publics ce soient pleinement mobilisées sur cette question centrale.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vincent DREZET, tout à l'heure au micro d'Yves CALVI, disait, à propos de cette amélioration qui est, j'allais dire, sortie du chapeau, vous n'allez pas apprécier, mais enfin bref, qui est annoncée, « on n'est pas prêt, ça n'est pas vrai, il faut le dire aux Français – disait-il – voilà, ça vient d'être annoncé, on joue un peu avec les services fiscaux ».
BENJAMIN GRIVEAUX
Mais, est-ce qu'il était dans son rôle de Haut fonctionnaire ou de syndicaliste opposé au gouvernement, monsieur DREZET ?
ELIZABETH MARTICHOUX
La réponse est dans la question.
BENJAMIN GRIVEAUX
Je vous laisse juge.
ELIZABETH MARTICHOUX
Non, c'est vous qui en parlez.
BENJAMIN GRIVEAUX
Mais ce que je vous dis, moi c'est une chose, c'est que le jour où on lancera l'opération, si ça ne fonctionne pas, ce n'est pas monsieur DREZET que les Français viendront voir, et ils auront raison, c'est le responsable politique. L'Administration, elle est là pour mettre en oeuvre la politique qui est décidée par des personnes qui ont été élues, et c'est le cas, et donc c'est ça que nous allons faire dans les mois qui viennent, avec une mise en oeuvre en janvier, dont nous sommes certains, elle sera pleinement opérationnelle.
ELIZABETH MARTICHOUX
Avec un risque de bug, qui est incompressible, vous diriez ?
BENJAMIN GRIVEAUX
Il n'y a pas de risque zéro, mais vous savez, aujourd'hui il y a des erreurs, sans le prélèvement à la source, vous avez des contribuables qui se voient adresser un montant d'impôt qui est parfois trop élevé, parfois pas suffisamment, et il y a des régularisations. Ça arrive. Le risque zéro n'existe pas. L'objectif c'est de le minimiser au maximum.
ELIZABETH MARTICHOUX
Et pour finir, quand vous entendez les entreprises, on en a beaucoup entendu encore et à mon avis, ça ne va pas s'arrêter avant le 31 décembre, qui disent : d'une part, ce n'est pas à nous de collecter l'impôt, et d'autre part on est sous-informés.
BENJAMIN GRIVEAUX
Mais, elles le font déjà, avec la TVA, donc bon, ça n'est pas une nouveauté.
ELIZABETH MARTICHOUX
Elles collectent déjà l'impôt.
BENJAMIN GRIVEAUX
Ça n'est pas une nouveauté, et, écoutez…
ELIZABETH MARTICHOUX
Elles disent : ça va coûter cher.
BENJAMIN GRIVEAUX
Tous les pays, toutes les entreprises…
ELIZABETH MARTICHOUX
Qu'est-ce que vous leur dites ?
BENJAMIN GRIVEAUX
Ce que je dis, c'est que toutes les entreprises, dans l'ensemble des… chez nos voisins, y arrivent. Nos entreprises françaises sont équipées, on est là pour les accompagner, Bercy a mis en place des services d'accompagnement pour les entreprises, pour les employeurs, nous allons accompagner chacune et chacun dans ce changement important et les entreprises sauront trouver les services fiscaux pour les accompagner.
ELIZABETH MARTICHOUX
Benjamin GRIVEAUX, quand vous avez vu Nicolas HULOT pleurer hier, vous avez eu le sentiment d'être devant Ushuaïa ou devant une passation de pouvoirs classique ?
BENJAMIN GRIVEAUX
Eh bien écoutez, moi je suis plutôt quelqu'un de sensible à la sincérité des engagements des uns et des autres, et donc je ne crois pas que… C'était des larmes de circonstance, je crois que c'est quelqu'un qui a beaucoup donné depuis 15 mois, qui sans doute est allé contre sa nature, parce qu'il avait refusé à maintes reprises d'entrer dans des gouvernements précédemment pour y défendre ses idées, que pendant 15 mois il a fait un travail remarquable et j'ai vu hier simplement beaucoup de sincérité et moi ça m'a plutôt touché, mais sans doute suis-je trop émotif.
ELIZABETH MARTICHOUX
Il pleure sur la transition énergétique qui n'a pas été possible, il pleure sur son échec ?
BENJAMIN GRIVEAUX
Je ne crois pas. Il a dit le travail qu'il a pu conduire et moi je suis moins sévère que lui avec le bilan qui est le sien. Il aura été le ministre de la Transition environnementale, qui aura permis de ne pas à mener à son terme Notre-Dame-des-Landes et d'artificialiser 1 000 hectares de sol, de fermer les centrales à charbon en 2022, de fermer pour la première fois en France une centrale nucléaire, Fessenheim, bref, nous avons obtenu des avancées, nous allons surtout poursuivre les grands chantiers qu'il a engagés, parce qu'il a lancé beaucoup de choses.
ELIZABETH MARTICHOUX
Avec un ministre au profil beaucoup plus politique. Vous venez de dire à l'instant : il était ministre, presque contre son gré, en tout cas c'est un peu contre nature, là vous avez choisi une assurance tous risques politique, avec François de RUGY.
BENJAMIN GRIVEAUX
Les politiques m'intéressent plus que les personnes qui les portent, et les politiques survivent aux personnalités…
ELIZABETH MARTICHOUX
Elle va changer ?
BENJAMIN GRIVEAUX
Les politiques survivent aux personnalités qui les portent. Les politiques qui ont été mises en place par Nicolas HULOT, eh bien seront poursuivies par le gouvernement.
ELIZABETH MARTICHOUX
Pauline de SAINT REMY citait un proche du président, dans sa chronique à 06h50, selon lequel la vérité du remaniement, François de RUGY, c'est que la leçon de HULOT n'a pas été comprise.
BENJAMIN GRIVEAUX
Ecoutez, ça, moi je ne commente pas les rumeurs des commentaires anonymes des proches du pouvoir…
ELIZABETH MARTICHOUX
Sous-entendu, ceux qui espéraient un bouleversement politique, Nicolas HULOT disait encore hier…
BENJAMIN GRIVEAUX
Tout ça ne m'intéresse pas. Ce qui m'intéresse, c'est ce que Nicolas HULOT a mis en place depuis 15 mois, nous ne poursuivions, c'est les sujets d'économie circulaire, les énergies renouvelables, la programmation pluriannuelle pour l'énergie, la baisse de la part du nucléaire dans notre mix énergétique, c'est tout cela que Nicolas HULOT a lancé et qui sera poursuivi par le gouvernement et par François de RUGY.
ELIZABETH MARTICHOUX
Laura FLESSEL a démissionné, c'est une surprise, ça a été présenté pour des raisons strictement personnelles, dans son communiqué, et puis quelques heures plus tard, on apprenait qu'une enquête fiscale visait l'un l'ex-ministre Laura FLESSEL.
BENJAMIN GRIVEAUX
Je n'ai pas vocation à commenter, un, un départ qui a été le sien…
ELIZABETH MARTICHOUX
Non mais c'est une coïncidence ? Pourquoi Laura FLESSEL a-t-elle quitté le gouvernement ?
BENJAMIN GRIVEAUX
A nouveau, elle a dit hier qu'elle est partie pour des raisons personnelles, je n'ai pas à commenter un départ pour des raisons personnelles.
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est une coïncidence ?
BENJAMIN GRIVEAUX
Je n'ai pas à commenter, Elizabeth MARTICHOUX, un départ pour des raisons personnelles. Je peux commenter…
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous pouvez soutenir que ce départ lié à l'enquête fiscale ?
BENJAMIN GRIVEAUX
Je peux commenter ce qu'elle a fait depuis 15 mois, c'est là mon rôle, ça n'est pas mon rôle de commenter les affaires personnelles.
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous ne répondez pas à ma question.
BENJAMIN GRIVEAUX
Mais je n'ai pas à commenter des affaires personnelles.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous dites : je ne veux pas, ça n'est pas à moi de le faire, parce que ça vous embarrasse ?
BENJAMIN GRIVEAUX
J'espère que vous ferez autant de place sur votre antenne, lorsqu'elle sera peut-être blanchie, si elle est même poursuivie.
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais bien sûr.
BENJAMIN GRIVEAUX
J'en suis ravi.
ELIZABETH MARTICHOUX
Absolument, ça n'est pas une mise en cause, que nous recevons avec plaisir, mais nous faisons notre travail sur RTL. Merci beaucoup Benjamin GRIVEAUX.
BENJAMIN GRIVEAUX
Bonne journée à vous Elizabeth.
YVES CALVI
Après les hésitations sur l'impôt à la source, Benjamin GRIVEAUX décrit un président qui assume ses responsabilités et met les mains dans le cambouis. La politique menée par ailleurs par Nicolas HULOT sera poursuivie par François de RUGY, vient de nous dire le porte-parole du gouvernement. Merci à l'un et à l'autre
source : Service d'information du Gouvernement, le 18 septembre 2018