Interview de Mme Florence Parly, ministre des armées, avec RFI le 8 octobre 2018, sur le remaniement ministériel, la lutte contre le terrorisme au Sahel et sur le budget de la Défense.

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Média : Radio France Internationale

Texte intégral


FRÉDÉRIC RIVIERE
Bonjour Florence PARLY.
FLORENCE PARLY
Bonjour.
FREDERIC RIVIERE
Et on va tout de suite se débarrasser de la question qui est à peu près incontournable aujourd'hui, est-ce que vous savez si vous serez toujours ministre des Armées à l'issue du remaniement qui devrait intervenir dans les prochaines heures aujourd'hui, ou demain, a priori ?
FLORENCE PARLY
Ce que je sais, c'est que je vais m'envoler dans quelques minutes pour le Tchad…
FREDERIC RIVIERE
Ça, je le sais aussi, puisque vous venez de me le dire…
FLORENCE PARLY
Voilà, et donc, je suis tout entière consacrée à ma tâche. Et pour le reste, vous savez que les remaniements gouvernementaux font rarement l'objet d'annonces avant l'heure, et donc je suis sereine, je suis sereine et je suis très engagée pour que le quinquennat d'Emmanuel MACRON soit une réussite. Je pense que c'est une chance pour la France que d'avoir un président tel que lui, et l'action gouvernementale doit se déployer sur cinq ans. Nous avons lancé énormément de projets, énormément de réformes, ce président a été élu pour transformer la France. Et donc nous sommes à la tâche.
FREDERIC RIVIERE
J'imagine tout de même que vous devez suivre ce remaniement, et en particulier la nomination du futur ministre de l'Intérieur de près, parce que les collaborations entre Défense et Intérieur sont extrêmement importantes, en particulier par exemple avec l'opération Sentinelle.
FLORENCE PARLY
C'est tout à fait juste, nous avons avec Gérard COLLOMB, il y a un an, réformé profondément l'opération Sentinelle, puisque nous lui avons rendu une très grande, une très grande mobilité, et c'est en effet tout à fait important, je pense aussi par exemple à l'ouragan Irma qui a frappé, il y a un an, les îles des Caraïbes, c'est tout à fait important que le ministère des Armées et le ministère de l'Intérieur puissent coopérer de façon très fluide.
FREDERIC RIVIERE
Mais enfin, on ne vous a pas demandé votre avis sur le nom du futur ministre de l'Intérieur ?
FLORENCE PARLY
Je ne ferai pas de commentaires.
FREDERIC RIVIERE
Bon. Donc peut-être que si alors. On peut le comprendre comme ça aussi. Pour l'instant, en tout cas, vous êtes bien ministre des Armées, et vous l'avez dit, vous partez ce matin au Tchad, où vous allez rencontrer notamment le président Idriss DEBY. Quel est le but de ce voyage, Florence PARLY ? C'est de faire le point sur la lutte contre les groupes djihadistes au Sahel ?
FLORENCE PARLY
D'abord, c'est d'aller rendre visite à Barkhane, puisque Barkhane a son PC de commandement à N'Djamena, et c'est aussi, bien sûr, aller rencontrer les troupes, parce que Barkhane, c'est une opération qui se déroule depuis 2014 après…
FREDERIC RIVIERE
Avec un nouveau commandant depuis début août…
FLORENCE PARLY
Avec un nouveau commandant effectivement qui a pris ses fonctions au début du mois d'août, et donc c'est pour moi l'occasion de faire le point avec lui. Voir les troupes, c'est important, parce que ce sont 4.500 hommes qui sont engagés, 4.500 hommes qui, selon des rotations, peuvent atteindre quatre mois ou plus, mènent des missions extrêmement intenses avec des résultats. Et je voudrais beaucoup insister sur ce point, depuis le début de l'année, ce sont plus de 130 terroristes qui ont été neutralisés dont un nombre important de chefs, et puis, surtout, beaucoup de matériels, de munitions, d'armes qui ont été captés…
FREDERIC RIVIERE
Quand vous dites « neutralisés », en langage de ministre des Armées, ça veut dire « tués » ou parfois « capturés » ?
FLORENCE PARLY
« Neutralisés », ça veut dire, tout simplement, à raisonner.
FRÉDÉRIC RIVIERE
Eliminés.
FLORENCE PARLY
Cela peut arriver aussi, tuer, cela peut arriver bien sûr. Et donc Barkhane, c'est une opération qui est centrale pour le rétablissement de la sécurité dans une zone qui est grande comme l'Europe. Et donc le Tchad, c'est un pays qui est au carrefour des différents pays du Sahel, un carrefour entre la menace terroriste du Sahel, un carrefour entre les menace de Boko Haram à l'ouest, et puis, enfin, pardon, au sud, et enfin, un carrefour par rapport à la menace libyenne qui est au nord. Donc c'est un pays qui est extrêmement engagé dans la lutte contre le terrorisme, son président, Idriss DEBY, que je rencontrerai également, est un de ceux qui est le plus engagé et qui a beaucoup poussé à ce que les pays du G5 Sahel s'accordent entre eux, prennent une initiative pour améliorer la sécurité, et c'est ce qu'on appelle la force conjointe du G5 Sahel.
FREDERIC RIVIERE
Alors précisément, à propos du G5 Sahel, qui a vocation en principe, à terme, à prendre le relais de Barkhane, il y a quelques jours à la tribune de l'ONU, le président malien a reconnu que la force conjointe donc du G5 sahel peinait à devenir opérationnelle, et il a appelé tous les contributeurs financiers à honorer leurs engagements. En juillet dernier, à ce même micro, à votre place, le président de la commission de la Défense de l'Assemblée nationale déplorait le manque de fermeté, de détermination des autorités maliennes dans la lutte contre les groupes terroristes. Est-ce que cette critique a toujours lieu d'être ?
FLORENCE PARLY
La France est énormément mobilisée pour que cette force conjointe du G5 Sahel puisse monter en puissance et être opérationnelle. Il y a un an, en juillet 2017, le président MACRON, au sommet de Bamako, s'était engagé en faveur de cette force, et à mener une action internationale extrêmement déterminée pour que la communauté internationale contribue financièrement afin d'équiper cette force, qui est constituée de militaires issus des armées des cinq pays du Sahel. Et il faut bien convenir que, il s'agit de pays qui ne sont pas parmi les plus riches de la planète, et donc pour que cette force conjointe soit efficace, elle doit être équipée. Plus de 400 millions d'euros ont été réunis dans le cadre de cette opération de mobilisation de la communauté internationale, avec des contributions très significatives, notamment des Etats-Unis, de la France, de l'Arabie Saoudite, en fait, de très nombreux pays se sont mobilisés. Maintenant, le défi, il est de transformer ces promesses de dons en financements qui permettent de commander des équipements. C'est ce qui est en train enfin de se passer, mais cela, en effet, a pris un peu de temps, d'où probablement le commentaire que vous rappelez. Mais…
FLORENCE PARLY
Mais alors, je reviens à ma question, ce qui manque aujourd'hui pour ce qui est du Mali, c'est en effet l'argent pour avoir les équipements ou c'est aussi la volonté politique ?
FLORENCE PARLY
Alors la volonté politique, elle est très présente, et l'engagement des militaires de la force conjointe, absolument, ne fait aucun doute, et j'ajoute même que cette force conjointe qui avait été frappée par une attaque féroce de son PC central au Mali, au mois de juin, cette force conjointe a repris ses opérations, le nouveau chef d'Etat-major, en charge de cette force conjointe, a reprogrammé des opérations pour le mois d'octobre. Donc elle agit et elle agit avec le soutien plein et entier de Barkhane, dont c'est l'une des missions, c'est-à-dire non seulement lutter contre le terrorisme dans cette zone du Sahel, mais aussi accompagner, non seulement les forces armées locales, mais également la force conjointe du G5 Sahel par des actions de formation, d'entraînement, y compris d'ailleurs le la présence d'officiers français auprès du commandement de la force conjointe du G5.
FREDERIC RIVIERE
Le budget de la Défense est en hausse en 2019, 1,7 milliard d'euros supplémentaires, vous voulez, Florence PARLY, que cet argent serve notamment à améliorer le quotidien des soldats français, leurs conditions de vie, concrètement, comment cela va-t-il se traduire ?
FLORENCE PARLY
Alors, ce budget 2019, c'est le premier de la loi de programmation militaire, qui vient d'être adoptée, et qui va couvrir les années 2019 à 2025, il fait suite à un premier budget 2018 qui lui-même était en très forte augmentation, 1,8 milliard, et ce budget 2019, c'est le début du renouveau, puisque c'est un budget qui va permettre à la fois d'améliorer les conditions de vie, de travail en opérations et en entraînements de nos militaires, quand je parle des militaires, c'est aussi de leur famille puisque nous avons lancé un plan famille il y a maintenant bientôt un an, qui est destiné à tenir compte des suggestions des militaires en termes d'éloignement, en termes de déménagement, bref. Ce projet de loi de Finances, il permet aussi de rénover des matériels, puisque les matériels ont été fortement usés, on parle des opérations dans le Sahel, c'est un milieu particulièrement exigeant, abrasif et qui produit une usure accélérée de nos matériels. Donc permettre que les hommes et les femmes du ministère des Armées aient leurs matériels soient rénovés, mon objectif, lors de ce déplacement au Tchad, c'est de montrer à la force Barkhane ce que le budget 2019 va changer de façon très concrète pour eux. Alors qu'est-ce qui va changer ? D'une part, la protection du soldat, la protection du soldat va être améliorée par l'apport et la livraison de gilets pare-balles de dernière génération, c'est important, c'est important en particulier au Sahel où vous savez les conditions d'exercice sont particulièrement exigeantes, des températures très élevées, bref, avoir des gilets pare-balles à la fois plus efficaces et plus légers, c'est très important. 25.000 seront livrés en 2019 sur une commande de 55.000, correspondant à la période de la LPM, c'est dire si nous mettons le paquet en quelque sorte en 2019 sur la protection du soldat. Il en va de même sur les treillis ignifugés, dont l'ensemble des militaires en Opex seront équipés d'ici 2020. Les conditions de vie et des familles et des militaires, j'en ai parlé, un petit mot juste pour dire que nous avons équipé, au cours de l'année 2018 les régiments et les unités, oui, en accès gratuit au Wifi, 100.000 accès ont été ainsi ménagés. Ça aussi, c'est très apprécié. Nous travaillons sur les places en crèches, la facilitation des déménagements, et puis, des gros matériels vont évidemment être livrés en 2019. Je pense aux ravitailleurs de nouvelle génération, les MRTT, le premier va arriver au mois d'octobre, plus un certain nombre de très gros matériels qui sont essentiels pour faire quoi ? Pour mettre un terme à des engagements qui n'ont cessé de croître alors que les moyens pendant vingt ans n'avaient cessé de diminuer.
FRÉDÉRIC RIVIERE
Merci Florence PARLY. Bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 9 octobre 2018