Texte intégral
MARC FAUVELLE
L'invitée politique de Franceinfo en direct sur Franceinfo radio et Franceinfo télé, canal 27. Bienvenue aux téléspectateurs qui nous rejoignent à l'instant même. Votre invitée, Renaud DELY, est Secrétaire d'Etat à l'Egalité entre les femmes et les hommes.
RENAUD DELY
Bonjour Marlène SCHIAPPA.
MARLENE SCHIAPPA, SECRETAIRE D'ETAT CHARGEE DE L'EGALITE FEMMES-HOMMES
Bonjour.
RENAUD DELY
Marlène SCHIAPPA, hier matin à la même heure, vous étiez chez nos confrères de Radio Classique et voici comment vous avez réagi lorsque Guillaume DURAND vous a annoncé la démission de Nicolas HULOT.
GUILLAUME DURAND
Vous êtes avec nous. Nous sommes tous surpris. Enfin, « surpris », nous venons de l'apprendre sur France Inter : la démission de Nicolas HULOT. Les chasseurs Je vois vos yeux, tout d'un coup.
MARLENE SCHIAPPA
C'est une plaisanterie ?
GUILLAUME DURAND
Non.
RENAUD DELY
Je vous confirme, ce n'est pas une plaisanterie, ce n'est pas une blague. Est-ce que 24 heures après, vous êtes remise, Marlène SCHIAPPA ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui, je suis remise. En fait, pour donner quelques éléments de contexte, nous étions en train de parler avec Guillaume DURAND de la loi sur les fausses nouvelles et je lui expliquais comment les fausses nouvelles se propagent et comment cette loi va permettre de lutter contre cette propagation, et donc j'ai pensé qu'il me faisait un test pour voir si j'étais crédule. Et ce n'était pas un test, c'était une véritable information.
RENAUD DELY
Donc c'était une vraie nouvelle.
MARLENE SCHIAPPA
Tout à fait.
RENAUD DELY
Pourquoi est-ce que vous êtes aussi surprise ? En fait, Nicolas HULOT ne cachait pas depuis déjà de nombreux mois ses états d'âme. Il avait dit qu'il prendrait le temps de l'été pour réfléchir sur son utilité au Gouvernement. Est-ce que c'est vraiment surprenant, aussi surprenant que ça cette démission ?
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez, moi ce que je savais, c'est qu'il était au travail. Je savais que la veille encore, il était en réunion. J'avais échangé brièvement avec lui pendant l'été donc la méthode est effectivement surprenante puisque généralement, nous avons des échanges au sein du Gouvernement. Et je crois que j'ai été surprise comme Léa SALAME qui a eu une réaction approchante à la mienne et comme même les membres de sa propre équipe puisqu'il n'avait prévenu personne.
RENAUD DELY
Elle vous a choquée la méthode de Nicolas HULOT ?
MARLENE SCHIAPPA
Je ne dirais pas qu'elle m'a choquée mais je trouve que ce n'est pas comme cela que je procéderais personnellement. Je trouve qu'effectivement il y a
MARC FAUVELLE
C'est-à-dire quand vous allez démissionner vous aussi ?
MARLENE SCHIAPPA
Non
MARC FAUVELLE
Vous l'annoncerez d'abord au Président.
MARLENE SCHIAPPA
Non. Je veux dire que dans l'absolu, voilà, il y a Ce n'est pas comme ça que je procéderais personnellement. Après, voilà, Nicolas HULOT a sa propre personnalité dont on sait qu'il a un caractère qui peut l'amener à prendre ce type de décision.
MARC FAUVELLE
Ça veut dire quoi : « Il a un caractère qui peut l'amener » ? Je vous pose la question parce que depuis hier dans la majorité, on entend beaucoup : « Il est fragile. Il fallait l'aider. Il ne tient pas le coup », ce qui est une manière aussi, je trouve, de dévaloriser l'homme et le ministre.
MARLENE SCHIAPPA
Non. Je n'ai pas du tout dit qu'il était fragile. Ce n'est pas un jugement de valeur que je me permettrais. C'est quelqu'un pour qui j'ai beaucoup de respect, beaucoup même d'affection si je peux aller jusque-là. Comme je vous le disais, on avait des petits échanges réguliers. C'est quelqu'un que j'admire pour son combat et avec qui on a lancé un certain nombre de sujets. On s'apprêtait à faire des choses ensemble à la rentrée aussi. Donc moi, je ne me permets aucun jugement de valeur ou ad hominem sur la personne. Je dis que j'étais surprise par la façon de procéder mais ça ne remet pas en cause les grandes qualités de Nicolas HULOT comme personne. Maintenant, comme vous le savez
RENAUD DELY
Lorsqu'il avait été victime d'attaques au début de l'année dans un article concernant son intimité, accusé d'agression sexuelle, vous l'aviez même défendu dans une tribune au JDD de façon vigoureuse. Vous aviez parlé d'un homme charmant et respectueux.
MARLENE SCHIAPPA
Ce n'est pas ce que j'avais dit. J'avais pris le soin de faire une tribune longue et pas un tweet justement pour être précise et j'avais dit : « Je pourrais vous dire que c'est un homme charmant, il l'est, mais ce n'est pas ce que je dirais pour le défendre. »
RENAUD DELY
Il l'est.
MARLENE SCHIAPPA
Il l'est, absolument, et j'avais expliqué, si on a trente secondes pour revenir sur cette affaire
MARC FAUVELLE
On les a.
MARLENE SCHIAPPA
Parfait. Justement il était dit dans cet article qu'il avait été accusé de viol et que l'affaire avait été classée par la justice. Et donc je disais : « Respectons la justice d'une part. Respectons la femme qui l'a accusé de viol et qui a dit qu'elle ne voulait plus parler de cette affaire d'autre part et, enfin, respectons-le lui puisque quand un homme est jugé non coupable par la justice, je crois qu'il ne faut pas remettre sa culpabilité sur le tapis.
RENAUD DELY
Est-ce que vous le regretterez au Gouvernement ? Pour vous, c'est une absence qui pèse ?
MARLENE SCHIAPPA
Moi je crois que nul n'est irremplaçable, ni Nicolas HULOT ni moi-même ni qui que ce soit au Gouvernement et donc il sera remplacé. Edouard PHILIPPE a dit qu'il y aura un Ministre de la Transition écologique, énergétique et solidaire donc nous attendons sa nomination. Je rappelle au demeurant qu'il y a deux Secrétaires d'Etat très compétents, Sébastien LECORNU et Brune POIRSON, qui ont travaillé tous les jours avec Nicolas HULOT et qui continuent à être au travail.
MARC FAUVELLE
Si on vous le propose, Marlène SCHIAPPA, vous y allez ?
MARLENE SCHIAPPA
Je ne crois pas qu'on me proposera cela.
MARC FAUVELLE
Si on vous le propose ?
MARLENE SCHIAPPA
Non.
MARC FAUVELLE
Non ? C'est une réponse qui sera encore valable dans deux jours ?
MARLENE SCHIAPPA
Non. Ce que je vais vous dire, c'est que je pense qu'il ne faut pas se lancer car je sais que c'est très tentant, mais je crois qu'il ne faut pas se lancer sur des pronostics et des jeux d'échecs et de dominos. Respectons les gens qui sont au travail au Gouvernement actuellement. Le Gouvernement est composé sur proposition du Premier ministre par le Président de la République. On ne va pas se mettre à faire des pronostics sur des plateaux télé. Vous, vous pouvez ; moi, non.
MARC FAUVELLE
Non, mais vous pouvez nous dire si c'est un poste dans lequel vous vous sentiriez à l'aise, utile.
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez, moi je me sens utile là où on me dit que je suis utile. Maintenant, je crois que la question ce n'est pas la question de comment chacun se sent. La question, c'est comment on fait avancer des sujets. Ce n'est pas son sujet d'expertise. Les questions d'environnement sont des questions qui m'intéressent profondément en tant que citoyenne. Ce n'est pas parce que Voilà, je suis d'origine corse, la question du traitement des déchets, de la préservation de l'eau, la lutte contre la pollution. J'étais à Marseille une semaine en vacances : il y a des plages qui ont été fermées quatre jours pour cause de pollution en France en 2018. L'état de cela, c'est quelque chose qui doit nous préoccuper. Et à cet égard, je voudrais juste conclure pour dire que le Gouvernement fait des choses. Le fait de lutter contre le plastique, de dire qu'on veut remplacer les pailles en plastique par des alternatives, le fait de lutter contre le Roundup qui a des conséquences très graves : on l'a vu avec cette condamnation historique aux Etats-Unis, ce sont des sujets d'importance.
RENAUD DELY
C'est un sujet d'importance, l'environnement. La culture pour vous, c'est un sujet d'importance aussi ?
MARLENE SCHIAPPA
Bien sûr. C'est un sujet primordial, la culture. Moi, je crois que c'est par l'accès à la culture et à l'éducation qu'on peut sortir de sa condition sociale, qu'on peut lutter contre une forme d'assignation à résidence et je crois que c'est un sujet primordial pour l'ensemble du Gouvernement de rendre la culture accessible à toutes et à tous.
RENAUD DELY
Aujourd'hui, le Gouvernement fait suffisamment en matière de politique culturelle ? Est-ce qu'il faudrait faire davantage ?
MARLENE SCHIAPPA
On peut toujours en faire plus, on peut toujours faire mieux. C'est valable pour la culture, c'est valable pour l'égalité femmes-hommes, c'est valable pour l'ensemble des sujets et c'est normal qu'on soit toujours poussé pour aller plus loin, plus vite et mieux par les acteurs de la société civile et par les observateurs.
MARC FAUVELLE
Si Renaud DELY vous pose la question je le connais un peu c'est parce qu'il a une idée derrière la tête. Renaud ?
RENAUD DELY
Oui. On dit, on susurre que c'est un poste qui pourrait vous intéresser, le Ministère de la Culture, que c'est quelque chose qui effectivement fait partie de vos centres d'intérêt.
MARLENE SCHIAPPA
Ça fait partie de mes domaines de compétences mais, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, je ne fais pas acte de candidature ni sur les plateaux de télévision ni ailleurs. Il y a une Ministre de la Culture actuellement qui s'appelle Françoise NYSSEN. Je pense qu'il faut la respecter comme personne et respecter son travail et ça passe par ne pas spéculer à cet égard.
MARC FAUVELLE
C'est une bonne ministre ?
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez, ce n'est pas à moi de juger si mes collègues sont bons ou pas. J'apprécierais modérément que mes collègues disent s'ils me mettent telle ou telle note. Ça n'est pas à moi d'en juger. Mais ce que je peux vous dire
MARC FAUVELLE
Vous pourriez la défendre. Vous pourriez me dire : « Oui, naturellement. ».
MARLENE SCHIAPPA
J'allais dire que ce que je peux vous dire, c'est qu'elle met tout son coeur dans ce qu'elle fait. Elle a une vraie conviction sur la culture, notamment les rentrées. Par exemple, là, on s'approche de la rentrée scolaire. C'est avec Jean-Michel BLANQUER que Françoise NYSSEN a voulu faire en sorte qu'il y ait des rentrées musicales, ce qui est une manière aussi de mettre de la culture partout. Le pass culture, ç'a été parfois critiqué comme étant un gadget mais moi, je pense au contraire que c'est quelque chose qui ouvrira l'accès à la culture à toutes et tous et c'est une mesure qui a été portée par Françoise NYSSEN, donc on peut la saluer pour cela. ( ) Marlène SCHIAPPA, la Secrétaire d'Etat à l'Egalité entre les femmes et les hommes, dans cet ordre-là et je sais que vous y tenez est notre invitée jusqu'à 9 heures.
MARLENE SCHIAPPA
C'est l'ordre alphabétique.
MARC FAUVELLE
C'est l'ordre alphabétique et c'est l'intitulé précis de votre Ministère.
MARLENE SCHIAPPA
Absolument.
RENAUD DELY
Marlène SCHIAPPA, juste avant les titres, vous rendiez un hommage appuyé à l'action de Françoise NYSSEN au Ministère de la Culture. Avant-hier soir, vous avez organisé au Secrétariat d'Etat chargé de l'Egalité entre les femmes et les hommes une grande soirée culturelle avec les représentants du monde littéraire, de l'édition, plein d'éditeurs, des auteurs et caetera.
MARLENE SCHIAPPA
Vous êtes bien informé.
RENAUD DELY
C'est une façon de préparer éventuellement votre arrivée rue de Valois ?
MARLENE SCHIAPPA
En aucun cas. Ce qui se passe, c'est que les sujets d'égalité femmes-hommes, ce sont des sujets interministériels. Vous savez que j'étais au festival de Cannes avec Françoise NYSSEN, j'étais aux César avec elle, nous avons lancé un grand partenariat. Nous faisons bientôt ensemble les Assises de l'égalité au cinéma et l'objet de ce dîner le lundi, c'était de rendre hommage aux femmes romancières et aux femmes personnages dans la rentrée littéraire. Donc ça fait partie de l'égalité entre les femmes et les hommes.
RENAUD DELY
Il y avait aussi beaucoup d'hommes, beaucoup d'éditeurs et caetera.
MARLENE SCHIAPPA
Il y avait des hommes qui sont des éditeurs de femmes, qui ont chacun valorisé les romancières de leur maison, que ce soit chez Grasset ou Stock, Gallimard, L'Aube, François Bourin, Belfond et je vais en oublier. Mais il y a effectivement Cette rentrée littéraire, ce qui la caractérise au-delà de la grande part qui est faite à l'autofiction semble-t-il, c'est aussi le fait que maintenant, on a de plus en plus de femmes romancières et de personnages de femmes. Même les hommes qui ont écrit des livres, je pense à Eric FOTTORINO qui a écrit ce formidable « Dix-sept ans », fait en fait le portrait de sa mère et raconte le parcours de sa mère. Donc j'ai l'impression qu'après le mouvement #MeToo, même si certains avaient commencé l'écriture avant, on a dans la culture une place de plus en plus grande faite aux femmes et c'est cela que j'ai voulu célébrer et encourager.
RENAUD DELY
Alors je propose d'en revenir à la démission de Nicolas HULOT et à l'appel qu'il a lancé parce qu'en claquant la porte du Gouvernement, Nicolas HULOT, il a tiré la sonnette d'alarme. C'est loin d'être le premier. On va faire un petit retour en arrière historique assez lointain. Ecoutez, c'était il y a seize ans.
JACQUES CHIRAC, ANCIEN PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas. Prenons garde que le XXIème siècle ne devienne pas pour les générations futures celui d'un crime de l'humanité contre la vie.
RENAUD DELY
Jacques CHIRAC au Sommet de la Terre à Johannesburg en 2002. Depuis seize ans, il ne s'est rien passé. Pourquoi ?
MARLENE SCHIAPPA
D'abord, je ne dirais pas qu'il ne s'est rien passé et, ensuite, je dirais que dans ce qu'a dit Nicolas HULOT, il y a quelque chose qui était très intéressant qui était cette confrontation que nous avons en permanence quand nous faisons de la politique quel que soit notre niveau de responsabilité. C'est vrai aussi quand on est maire d'une ville par exemple. On est confronté entre l'urgence et le court terme, la gestion et la vision de long terme de la société. Et les questions d'environnement, la question derrière chaque action qui est liée au développement durable et à l'environnement, c'est quelle planète nous allons laisser à nos enfants, quelles ressources nous allons leur laisser. Moi, je ne suis pas d'accord pour dire qu'il n'y a rien qui ait été fait. Je reprends l'exemple du glyphosate, du Roundup enfin, de ce qui compose notamment le Roundup si la France n'avait pas été à la manoeuvre, on aurait attendu encore dix, quinze, vingt ans pour sortir du glyphosate.
RENAUD DELY
Là, il y a juste un engagement oral pour en sortir dans trois ans.
MARLENE SCHIAPPA
Absolument.
MARC FAUVELLE
Et Nicolas HULOT a dû batailler pendant des mois, et ce n'est pas dans la loi, on sait que ç'a été difficile, qu'il a laissé beaucoup d'énergie là-dessus.
MARLENE SCHIAPPA
Vous savez, des lois non-appliquées, il y en a par dizaines. Dans mon domaine sur l'égalité salariale, ça fait trente-cinq ans qu'il y a une loi et qu'il n'y a pas d'égalité salariale.
MARC FAUVELLE
Pardon Marlène SCHIAPPA, vous citez ce moment où Nicolas HULOT parle du temps court et du temps long en politique. Sa démission aujourd'hui, c'est un désaveu terrible pour Emmanuel MACRON. Ça veut dire qu'Emmanuel MACRON est dans le temps court. Il est dans le temps des sondages et pas dans le temps des planètes.
MARLENE SCHIAPPA
Pas du tout. Ce n'est pas ce que j'ai dit et ce n'est pas ce qu'a dit Nicolas HULOT non plus.
MARC FAUVELLE
Sinon, Nicolas HULOT serait toujours Ministre ce matin.
MARLENE SCHIAPPA
Non, parce que Nicolas HULOT a aussi rendu un hommage appuyé à l'action du Président de la République en disant qu'il lui gardait son estime, sa confiance, son amitié.
MARC FAUVELLE
Pardon. Alors vous avez compris pourquoi il était parti ?
MARLENE SCHIAPPA
C'est une question personnelle et il l'a expliqué, et le fait qu'il l'ait fait en arrivant, en ne sachant pas lui-même qu'il allait démissionner et qu'il le fasse là, c'est une question personnelle.
MARC FAUVELLE
Ça veut dire quoi une question personnelle ?
MARLENE SCHIAPPA
Ça veut dire qu'être Ministre, c'est énormément de sacrifices personnels. C'est quelque chose de gratifiant. On est au service d'une cause
MARC FAUVELLE
Pardon Marlène SCHIAPPA, ce n'est pas ce que dit Nicolas HULOT, ce n'est pas ce qu'il dit.
MARLENE SCHIAPPA
Si, c'est ce qu'il dit aussi.
MARC FAUVELLE
Il dit : « J'ai démissionné notamment parce qu'il y avait en face de moi à la table dans l'Elysée un lobbyiste pro-chasse qui n'avait rien à faire là et que quand j'ai demandé au Président ce qu'il faisait là, il m'a dit qu'il ne savait pas comment il était rentré. »
MARLENE SCHIAPPA
Il dit autre chose qui est intéressant. Il dit : « Si j'en avais parlé à d'autres personnes, à des personnes, ils et elles auraient essayé de me rattraper comme ils l'ont fait si souvent. » Ça veut dire qu'à d'autres moments, Nicolas HULOT a voulu partir et qu'il a été rattrapé. Et ce que je voudrais souligner, ce sont les propos de la présidente de la FNSEA que j'ai trouvés extrêmement intelligents dans lesquels elle disait que lorsqu'on est Ministre sur des sujets qui incarnent des combats culturels comme c'est le cas de Nicolas HULOT, comme ça peut être mon cas aussi, on est en permanence en étau avec les gens qui sont opposés aux avancées de nos sujets et les gens qui seraient censés nous pousser mais qui trouvent toujours que ça ne va pas, que ça n'est jamais assez. Et c'est ce qu'il dit. A un moment il dit : « Où sont les gens qui m'encouragent ? » Et tous ces gens qui aujourd'hui dans tous les partis politiques louent, chantent les louanges de Nicolas HULOT étaient les mêmes qui il y a deux jours encore lui tapaient dessus sans cesse pour dire qu'il n'en faisait pas assez.
RENAUD DELY
Quand vous dites, Marlène SCHIAPPA : « Quand on est Ministre, il faut savoir faire des sacrifices », mais il faut savoir aussi sacrifier certaines de ses convictions, de ses engagements ?
MARLENE SCHIAPPA
Non, ça n'est pas ce que je dis.
RENAUD DELY
Nicolas HULOT a dit quelque chose d'extrêmement important aussi. Il a dit : « Je ne veux plus me mentir. » Donc il avait le sentiment de sacrifier ses convictions.
MARLENE SCHIAPPA
Absolument, mais cette phrase me fait penser que c'est une décision personnelle puisqu'il ne parle pas des autres, il parle de lui. Il dit : « Je ne veux plus me mentir. » C'est une décision entre lui et lui et, d'ailleurs, c'est ce qu'il dit, ce sont ses mots. Il dit : « C'est entre moi et moi. »
MARC FAUVELLE
Mais vous êtes en train de ramener au début de notre discussion, c'est une décision personnelle. Non, c'est une décision politique. Il l'a expliqué pendant vingt minutes, Nicolas HULOT. On est en train de dire : « Finalement, il n'allait pas bien, personnel, il avait du mal à se regarder dans un miroir. »
MARLENE SCHIAPPA
Non, non. Pardon, ça fait deux fois que vous me prêtez ces propos, je ne l'ai pas dit.
MARC FAUVELLE
Vous me dites : « C'est une décision personnelle. »
MARLENE SCHIAPPA
Bien sûr.
MARC FAUVELLE
Mais il a parlé politique pendant vingt minutes, Nicolas HULOT. C'était noble.
MARLENE SCHIAPPA
Vous m'avez dit tout à l'heure que je sous-entendais qu'il était fragile, je vous ai dit que non, ce n'était pas mes propos. Là, vous me dites que je sous-entends qu'il n'allait pas bien : ça n'est absolument pas ce que je dis. Ce que je dis, c'est que lui ne se sentait pas, ne voulait pas lui personnellement rester Ministre et continuer à être Ministre, à être dans un Gouvernement. C'est quelqu'un qui vient de la société civile, qui a toujours encouragé les gens à faire et qui se retrouvent à devoir faire lui-même. C'est une situation difficile qui nécessite des sacrifices. Et quand je parlais de sacrifier, je ne parlais aucunement de sacrifice de conviction, je parlais de sacrifices personnels. Ça veut dire qu'on ne voit pas sa famille. Vous le disiez, sa famille vit à Saint-Lunaire. Quand on est Ministre, on part de chez soi à 6 heures et demi, on rentre à minuit, on a très peu de vacances, on ne choisit pas ce qu'on fait. On est suivi, on est parfois pris en photo à notre insu. Ce n'est pas grave mais ce sont quand même des sacrifices de la vie quotidienne qu'il faut pouvoir faire.
MARC FAUVELLE
Ça veut dire qu'il faut des poids lourds de la politique à ces postes-là ?
MARLENE SCHIAPPA
Non, ça veut dire qu'il faut des gens qui soient prêts à faire ces sacrifices pour la cause qui les dépasse. Il a été prêt à le faire pendant quinze mois et il l'a fait quinze mois et je crois que pour cela, il faut lui rendre hommage.
RENAUD DELY
Je vous propose d'écouter une de vos collègues du Gouvernement, la Ministre de la Santé Agnès BUZYN qui commente elle aussi le départ Nicolas HULOT.
AGNES BUZYN, MINISTRE DES SOLIDARITES ET DE LA SANTE
Si à chaque fois qu'un combat paraît perdu à un moment donné, on décide de démissionner, en réalité on ne rend pas service à la cause qu'on porte. Donc je pense qu'il faut s'oublier.
RENAUD DELY
« Il faut s'oublier », Marlène SCHIAPPA, quand on est Ministre ? Ce que ne savait pas faire Nicolas HULOT ?
MARLENE SCHIAPPA
Il faut essayer de s'oublier mais de ne pas oublier ses convictions. Moi, je pense que - et là je rejoins ce que vous disiez tout à l'heure - la politique c'est aussi l'art du compromis. Benjamin GRIVEAUX faisait état des petits pas. Comme on dit, c'est la goutte d'eau du colibri, plusieurs gouttes d'eau du colibri qui finissent par éteindre un incendie.
RENAUD DELY
Vous, vous en faites des compromis ?
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez, aussi peu que possible mais j'ai la chance que l'Egalité femmes-hommes soit la grande cause du quinquennat et donc que ce soit porté par le Président de la République et par beaucoup de ministres que je n'ai pas à convaincre. Je pense à Muriel PENICAUD par exemple, à Jean-Michel BLANQUER qui sont pleinement convaincus et c'est un sujet que je porte.
RENAUD DELY
Qu'est-ce qui pourrait, vous, vous faire démissionner éventuellement, Marlène SCHIAPPA ?
MARLENE SCHIAPPA
Ce qui me différencie de Nicolas HULOT, je ne pense pas avoir plus de qualités que lui, ce n'est pas du tout ce que je dis, mais j'avais une petite expérience politique avant et j'ai été éduquée à la politique par le maire du Mans, le sénateur-maire du Mans Jean-Claude BOULARD qui m'a appris justement à défendre mes sujets politiquement et à faire des compromis.
RENAUD DELY
Et parfois à perdre ces compromis, à avaler des couleuvres.
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez, pas à perdre. Moi, je ne prends jamais non pour une réponse mais à reporter peut-être des choses ou à négocier et à faire des compromis pour avoir au final des avancées qui servent la cause même si elles ne sont pas toujours visibles immédiatement.
MARC FAUVELLE
Nicolas HULOT était particulièrement apprécié chez les électeurs de gauche d'Emmanuel MACRON.
MARLENE SCHIAPPA
Oui.
MARC FAUVELLE
Est-ce qu'aujourd'hui on a un Gouvernement qui penche trop sur sa droite ?
MARLENE SCHIAPPA
Vous savez, il était très apprécié au Gouvernement aussi. C'était un Ministre vraiment soutenu sur un certain nombre de sujets. Hier soir, je dînais avec des députés qui étaient - je dois vous le confesser - un peu vexés peut-être d'entendre Nicolas HULOT dire qu'il a été tout seul parce qu'il y a beaucoup de députés et beaucoup de gens dans le Gouvernement qui ont travaillé avec et qui continueront à pousser ses sujets. Le Premier ministre se rend aujourd'hui dans les Alpes-de-Haute-Provence avec Sébastien LECORNU au Sommet de l'eau, donc je crois que ces sujets continuent. ()
MARC FAUVELLE
Votre loi sur le harcèlement de rue va entrer en vigueur dans quelques jours. Quand sont prévues les premières amendes ?
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez, à partir du moment où la police de la sécurité du quotidien sera mise en oeuvre. Parce que donc c'est en priorité ces agents de police-là qui seront 10.000, recrutés sur l'ensemble du quinquennat, qui vont verbaliser le harcèlement de rue. Donc là, on se voit très bientôt avec Gérard COLLOMB, qui a annoncé hier d'ailleurs le lancement de la plateforme de signalement en ligne pour les violences sexistes et sexuelles, ce sera mis en ligne au mois d'octobre.
RENAUD DELY
Donc ces amendes n'entreront pas en vigueur avant de nombreux mois ?
MARLENE SCHIAPPA
De nombreux mois, comme vous y allez !
MARC FAUVELLE
C'était septembre jusqu'à présent, on nous avait dit septembre
MARLENE SCHIAPPA
Alors, c'était l'automne, moi, ce que j'avais dit, c'était l'automne, donc l'automne court encore un peu
MARC FAUVELLE
Ça commence en septembre
MARLENE SCHIAPPA
Voilà. L'important, c'est que maintenant que la loi est votée et qu'elle a été promulguée par le président de la République, elle a été votée à l'unanimité, au demeurant, il faut recruter ces policiers, les former, les équiper, et faire en sorte que les amendes rapidement soient mises en oeuvre
MARC FAUVELLE
La police de sécurité du quotidien, si je ne dis pas de bêtise, c'est trente quartiers en France, les amendes, ce sera uniquement dans ces quartiers-là ?
MARLENE SCHIAPPA
Voilà, je me permets d'ajouter que, il y a également une grande campagne de communication qui sera lancée en télévision, pour un montant de près de quatre millions d'euros investis par Matignon, pour interpeller les témoins, parce que les amendes, à elles seules, elles ne suffiront pas à mettre fin au harcèlement de rue. Il faut aussi que les témoins interviennent, et on l'a vu dans la vidéo de la jeune femme, Marie LAGUERRE, qui a été virale, il faut absolument que les témoins interviennent pour que le harcèlement ne se transforme pas en violence, en agression, etc.
MARC FAUVELLE
Et donc seulement dans ces trente quartiers ?
MARLENE SCHIAPPA
Non, pardon, ce sera mis en place en priorité par la police de la sécurité du quotidien, mais ça peut être aussi verbalisé par des agents assermentés, donc par des agents de police, et puis, peut-être élargi à la question des transports, nous sommes en train de regarder cela avec ma collègue Elisabeth BORNE
MARC FAUVELLE
Quelles preuves il faudra donner pour qu'une femme ou un homme d'ailleurs harcelés dans la rue
MARLENE SCHIAPPA
Alors, il n'y aura pas de preuves, puisque c'est basé sur du flagrant délit, comme ça l'est pour le flagrant délit d'excès de vitesse ou le flagrant délit de cambriolage ou le flagrant délit de vol
MARC FAUVELLE
Il faudrait qu'un homme passe devant un policier au bon moment, entre guillemets, et prononce une insulte ou un sifflement devant le policier
MARLENE SCHIAPPA
Alors, l'idée, c'est que la police justement soit formée à repérer cela, moi, ma conviction personnelle, c'est que la police est tout à fait fondée à le faire, qu'elle est très désireuse d'ailleurs de s'engager. Il m'est déjà arrivé d'être harcelée, suivie dans la rue, et d'avoir une voiture de police qui ralentit et qui dit : Madame, est-ce que tout se passe bien ? Je crois que la police, elle peut repérer ces situations, intervenir, et verbaliser effectivement.
RENAUD DELY
Est-ce que vous ne redoutez pas, Marlène SCHIAPPA, que dans le cadre de toutes les missions qui incombent aujourd'hui à la police, et les problèmes aussi d'effectifs et de moyens, il n'y ait pas une partie des Français qui considère que si on consacre des milliers de policiers, en l'occurrence, à ce délit-là, eh bien, on en enlève ailleurs ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors, d'abord, ce n'est pas le sentiment que j'ai, puisque les études d'opinion que nous avons
RENAUD DELY
Pas votre sentiment, mais celui de l'opinion, est-ce que vous ne pensez pas que les Français peuvent être étonnés
MARLENE SCHIAPPA
Alors justement, les études d'opinion fondent mon sentiment, donc les études d'opinion nous disent qu'il y a entre 70 et 92 % de la population qui approuvent cette loi contre le harcèlement de rue, donc j'ai le sentiment, fondé sur ces études d'opinion, que la population y est favorable.
RENAUD DELY
Approuver la loi, c'est une chose, bien sûr, mais ensuite, s'inquiéter des conditions d'application si elle nécessite des milliers de policiers
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez, il n'y a pas des policiers qui vont patrouiller à la recherche de harcèlements de rue en groupe pendant toute la journée, ça fait partie de leurs missions prioritaires, ça n'est pas évidemment la seule mission prioritaire, et la police de la sécurité du quotidien, elle n'aura pas les mêmes missions, par définition, son titre l'indique, que les autres forces de l'ordre. Ça fait partie de toutes ces incivilités contre lesquelles il faut lutter.
RENAUD DELY
On va évoquer un autre engagement du candidat MACRON, sur lequel vous-même, vous êtes évidemment impliquée en première ligne, c'est la PMA, la Procréation Médicalement Assistée, étendue à toutes les femmes, c'est pour quand ? Ça devait être, là aussi, dans le cadre de la révision des lois bioéthiques au mois de septembre
MARLENE SCHIAPPA
Absolument, tout à fait. Alors, à l'automne, encore une fois, 2018, il y a quatorze mois, environ, j'avais annoncé que ce serait fait à l'automne, ce serait lancé à l'automne 2018, la ministre des Solidarités et de la santé va effectivement lancer la révision de la loi bioéthique. Les Etats généraux de la bioéthique se sont achevés, donc l'ensemble de la société a été consulté. Ça aussi, c'était un engagement de campagne du président de faire en sorte d'écouter tout le monde. Cet engagement, il a été parfaitement respecté. Et maintenant, place au débat parlementaire, sous l'égide
RENAUD DELY
Agnès BUZYN a déjà annoncé que, évidemment, le texte serait repoussé, puisqu'on attend encore un avis, puis un rapport, etc., ce ne sera pas avant la fin de l'année.
MARLENE SCHIAPPA
Il m'a semblé que c'était en débat à la fin de l'automne, que le débat commencerait, le débat parlementaire, les travaux parlementaires, à la fin de l'automne.
RENAUD DELY
Pourquoi est-ce que le Gouvernement est aussi prudent sur cette réforme, la PMA pour toutes les femmes, vous redoutez des réactions dans l'opinion, par exemple de la Manif pour tous qui se mobilise déjà contre cette réforme ?
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez, sincèrement, les extrémistes et notamment la Manif pour tous, mais pas uniquement, d'autres mouvements qui sont
MARC FAUVELLE
La Manif pour tous c'est des extrémistes ?
MARLENE SCHIAPPA
J'allais dire d'autres mouvements qui sont encore plus extrémistes
MARC FAUVELLE
Vous avez dit notamment, c'est pour ça que
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez, la Manif pour tous est un mouvement qui a appelé à voter pour Marine LE PEN à la dernière élection présidentielle, donc je ne sais pas comment on peut qualifier Marine LE PEN
MARC FAUVELLE
Vous pensez que je vous pose la question naïvement, mais dans toutes les familles, ou pas d'ailleurs, qui ont manifesté au moment du mariage pour tous, il n'y avait que des extrémistes ?
MARLENE SCHIAPPA
Pas du tout, et d'ailleurs moi j'ai fait partie des gens qui disaient que les gens qui étaient opposés au mariage pour tous n'étaient pas forcément des homophobes, et c'est un point de vue qui est minoritaire dans la famille politique dont je viens, et dans l'engagement qui est le mien pour les droits des personnes LGBT, puisque vous savez que j'ai en charge la lutte contre l'homophobie, au Gouvernement.
MARC FAUVELLE
Un tout petit mot sur la PMA, elle sera remboursée par la Sécurité sociale ou pas ?
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez, c'est mon souhait personnel, ce n'est pas là une information du Gouvernement, mais c'est mon souhait personnel, c'est aussi la ligne de la République en Marche, qui a été annoncée par Christophe CASTANER et par son bureau exécutif. Je crois qu'il est logique et qu'il est non discriminant pour les femmes qui y ont recours, quelle que soit leur vie amoureuse ou sexuelle, qu'elles soient remboursées par la Sécurité sociale, mais cela sera débattu, encore une fois, dans le cadre du débat parlementaire de la révision des lois de bioéthique.
RENAUD DELY
Un tout autre sujet pour terminer Marlène SCHIAPPA. Le patron de la Fédération française de tennis, Bernard GIUDICELLI, a indiqué qu'il souhaitait interdire l'année prochaine à Serena WILLIAMS de jouer dans la même tenue qu'elle portait la saison dernière à Roland Garros, en l'occurrence une combinaison noire et moulante, parce qu'il faut respecter le jeu et l'endroit, dit-il. Que pensez-vous de ces propos ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors deux choses. D'abord sur ce cas en particulier. Serena WILLIAMS a réagi en disant qu'elle comprenait qu'il y ait des règlements, il y a un tournoi de tennis, et c'est Rafael NADAL qui l'a rappelé, dans lequel tout le monde doit être vêtu de blanc, donc elle a dit qu'elle n'était pas choquée qu'il y ait des règles vestimentaires à Roland Garros, néanmoins, je ne sais pas si vous avez vu qu'elle a participé à un autre tournoi de tennis dans un immense
MARC FAUVELLE
L'US Open, avec une petite jupe ballerine
MARLENE SCHIAPPA
Dans un immense tutu noir, et elle a gagné quand même parce qu'elle gagne très souvent. Mais ce que je voudrais
RENAUD DELY
Qu'est-ce qu'elle dit cette polémique ?
MARLENE SCHIAPPA
Cette polémique elle nous dit qu'on peut avoir gagné plus de 70 fois, remporté, je crois, 23 grands chelems, et néanmoins qu'il y a toujours quelqu'un pour dire aux femmes comment elles devraient s'habiller ou ne devraient pas s'habiller, ça me rappelle les polémiques, dont j'ai fait objet moi-même, puisque j'ai osé mettre, en période de canicule, une robe d'été, et ça m'a valu insultes, menaces, etc. Donc, plus largement, ça nous interroge sur le contrôle social du corps des femmes, mais là, en l'état, Serena WILLIAMS elle-même dit qu'elle comprend qu'il y ait un règlement et que Roland Garros est souverain dans ce règlement.
MARC FAUVELLE
Merci Marlène SCHIAPPA d'avoir été en direct avec nous ce matin.
MARLENE SCHIAPPA
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 septembre 2018