Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2019 (nos 1255, 1302).
Nous abordons l'examen des crédits relatifs à la défense (no 1302, annexes 13 et 14 ; no 1304, tome IV ; no 1306, tomes II, III, IV, V et VI) et aux anciens combattants, à la mémoire et aux liens avec la nation (no 1302, annexe 7 ; no 1306, tome I).
La parole est à Mme la ministre des armées.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, il y a quelques mois, vous avez voté la loi relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025. Ce texte était une promesse, un engagement : celui du renouveau de nos armées, celui d'un modèle d'armée complet et équilibré, celui de la réparation d'années où le fossé s'était creusé entre nos engagements opérationnels et les moyens accordés à nos armées. Le projet de loi de finances pour 2019 envoie un message fort, un signal clair : la remontée en puissance commence et elle commence maintenant.
C'est d'abord un budget de reconquête. Il nous place parfaitement sur la trajectoire prévue : consacrer 2 % de notre PIB à la défense d'ici à 2025, conformément à l'engagement du Président de la République. Dans les grandes lignes, ce projet de loi de finances alloue 35,9 milliards d'euros à la défense, c'est-à-dire 1,82 % du PIB et 1,7 milliard d'euros de plus que l'année dernière. Le budget des armées augmente donc de 5 % par rapport à l'année dernière, quand nous avions déjà augmenté les crédits de la défense de 1,8 milliard d'euros.
J'y tiens aussi, c'est un budget sincère, qui ne se fonde que sur des crédits budgétaires et ne fait aucun pari sur des recettes exceptionnelles.
Dans le détail, j'avais décidé de placer l'humain au cœur de mon action et d'améliorer concrètement les conditions de vie de nos militaires et de leurs familles. Le PLF pour 2019 donne des moyens au plan famille : 57 millions d'euros contre 23 millions l'année dernière.
Il améliore la protection des combattants, avec 25 000 nouveaux gilets pare-balles.
Il consent un effort conséquent pour que nos militaires puissent s'entraîner et agir dans les meilleures conditions, avec une augmentation de près de 8 % des crédits d'entretien des matériels, qui atteignent 4,2 milliards d'euros.
Le PLF pour 2019 lance aussi un très vaste renouvellement de nos matériels, parfois trop vieux et usés par des engagements opérationnels éreintants, avec 19,5 milliards d'euros de crédits d'équipement et des livraisons prévues pour nos trois armées. Je ne vais pas tout citer mais, pour prendre quelques exemples concrets, 2019 marquera l'arrivée des 89 premiers blindés Griffon, d'une frégate multi-missions ou encore d'un deuxième A330 Phénix.
Enfin, ce budget laisse la place aux deux autres axes structurants de la loi de programmation militaire, la LPM : la préparation aux conflits du futur et l'innovation, avec notamment 758 millions d'euros prévus pour les études amont, soit une hausse de 5 %, et des crédits et des emplois supplémentaires pour les capacités clés du renseignement, du cyber et du numérique. Ainsi, sur les 450 créations de postes supplémentaires prévues au budget du ministère des armées pour l'année 2019, 199 seront dédiées au renseignement et 129 à la cyberdéfense et à l'action dans l'espace numérique. Par ailleurs, nous continuons à mener les seize chantiers de modernisation de notre ministère car ces moyens nous imposent des responsabilités et chaque euro dépensé doit être un euro utile.
Le PLF pour 2019 est le budget des promesses tenues. Il nous permet d'entamer sur les meilleures bases la loi de programmation militaire. À nous maintenant de veiller à le respecter et à l'inscrire dans le réel. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des armées.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le budget 2019 de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation » s'établit à 2,3 milliards d'euros, dont 2,2 milliards d'euros pour les deux programmes placés sous ma responsabilité, le 167 et le 169.
En préambule, je dirais que ce budget découle d'une méthode, la concertation, que je vous avais proposé d'adopter l'an dernier, lors du vote du budget 2018, et que nous avons appliquée. La concertation a eu lieu tant avec les associations d'anciens combattants qu'avec les parlementaires, comme je m'y étais engagée, mais aussi, sous l'impulsion du Président de la République, avec les harkis, le groupe de travail installé sur la question nous ayant remis un rapport dont découlent certaines mesures que je vais maintenant vous présenter.
C'est un bon budget, qui maintient et confirme tous les droits des anciens combattants. Aucun dispositif budgétaire n'est revu, aucun dispositif fiscal n'est modifié. Les crédits d'action sociale accordés à l'ONAC - l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre - sont maintenus à leur niveau de 26,4 millions d'euros. Les moyens d'action des opérateurs du monde combattant sont intégralement reconduits. Le maillage territorial de l'ONAC est maintenu. Le budget de l'Office s'élève à 57,6 millions d'euros ; la légère baisse de 400 000 euros est liée à des économies de fonctionnement et ne remet aucunement en cause le maillage territorial. L'Institution nationale des Invalides poursuit le déploiement de son projet d'établissement, axé autour de la reconstruction physique et psychique de nos blessés ; la subvention du ministère est maintenue à 12 millions d'euros et l'INI bénéficiera de 35 millions d'euros d'autorisations d'engagement pour le mener à bien. La subvention à l'Ordre national de la Libération augmente de pratiquement 400 000 euros pour atteindre 1,7 million. Ainsi, ce budget maintient les efforts en faveur du monde combattant.
Ce budget contient également des dépenses nouvelles, correspondant aux mesures nouvelles en faveur du monde combattant. Je pense en premier lieu, bien sûr, à l'extension de la carte du combattant aux anciens combattants présents en Algérie entre le 3 juillet 1962 et le 1er juillet 1964, soit environ 50 000 personnes. C'est une attente ancienne des associations, que nous satisfaisons dès cette année avec une inscription budgétaire de 6,6 millions d'euros en 2019, promise à une montée en puissance pour atteindre 30 millions d'euros en année pleine, dès 2020. Les conclusions du groupe de travail sur la situation des harkis ont conduit à d'autres mesures nouvelles : la hausse de 400 euros de l'allocation de reconnaissance et de l'allocation viagère, et l'institution d'un dispositif de solidarité au profit des descendants des harkis. Ce dispositif, qui fonctionnera pendant quatre ans, représentera un montant de 30 millions d'euros. Au total, en 2019, 10 millions d'euros sont inscrits pour compléter les mesures en faveur des harkis et de leurs enfants. Enfin, j'ai décidé de procéder à la revalorisation des expertises médicales dans le cadre des demandes de dossiers de pensions militaires d'invalidité.
Je dirai deux mots sur les crédits consacrés au lien entre l'armée et la nation, qui évoluent peu. Le budget de la journée défense et citoyenneté se maintient à 15,3 millions d'euros. Les crédits de fonctionnement du service militaire volontaire, pérennisé par la loi de programmation militaire dans son format actuel, seront désormais inscrits dans le programme « Lien entre la nation et son armée » pour un montant de 2,5 millions d'euros.
Le budget mémoire reflète la fin, dans quelques semaines, du centenaire de la Première Guerre mondiale. Il est ramené à 16 millions d'euros, contre 28 millions en 2018 - un niveau correspondant à une action mémorielle hors cycle exceptionnel. Sur ce montant, 5,5 millions d'euros financeront les commémorations, sachant que l'année 2019 sera centrée sur le soixante-quinzième anniversaire de la libération du territoire. Je suis très heureuse d'annoncer que le monument dédié aux soldats tombés en OPEX - opérations extérieures -, attendu par nos jeunes anciens combattants et nos militaires actuellement engagés dans les conflits, verra le jour en 2019 et sera, je l'espère, inauguré en novembre de cette année ; 1,2 million d'euros y sont consacrés dans ce budget.
Comme vous le constatez, le budget 2019 est dynamique ; il maintient les droits et en crée de nouveaux. Je compte sur vous pour l'adopter à une très large majorité. (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM, LaREM et UDI-AGIR ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.)
(...)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des armées.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées. Monsieur le député, vous posez une question très importante. Nous nous trouvons effectivement à une période charnière pour le monde combattant : je souhaite aux anciens combattants d'être en bonne santé et de vivre longtemps, mais c'est un fait que leur nombre diminue progressivement, tandis que la proportion de « jeunes » anciens combattants parmi eux augmente petit à petit.
Depuis un an, je travaille avec les associations du monde combattant et j'essaie de les sensibiliser à cette évolution, dont elles sont bien conscientes, et de leur faire valoir - car nous ne pouvons en décider à leur place - la nécessité d'envisager des regroupements au sein de fédérations déjà existantes ou de fondations, importantes et actives. Avec ces structures, nous pourrons poursuivre le travail de mémoire en cours, crucial pour la jeunesse. Les associations doivent comprendre que ces regroupements les doteront des moyens de continuer leur travail.
De notre côté, nous poursuivrons bien sûr - il y va de notre responsabilité - le travail de mémoire et le très important recueil de témoignages directs des combattants et de leur famille, afin de constituer une base de données d'archives qui sera à la disposition de la nation dans les années à venir et qui fera une place aux conflits modernes, appelés à passer un jour dans la mémoire et dans l'histoire.
J'encourage les associations à mener cette réflexion ; nous en parlons régulièrement avec elles et nous serons là pour les accompagner.
M. Olivier Becht. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Olivier Damaisin.
M. Olivier Damaisin. Madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, c'est une injustice, oui, une injustice : plus de 500 hommes ont été tués ou portés disparus en Algérie entre 1962 et 1964. La présence des forces françaises armées sur place après le cessez-le-feu du 19 mars 1962 est un épisode relativement peu connu du grand public. De cette date à juillet 1964, des militaires continuèrent d'assurer des opérations de sécurité. Pourtant, rien n'a été fait pour eux depuis cinquante-quatre ans.
C'était une question d'équité : les militaires français présents en Algérie entre le 3 juillet 1962 et le 1er juillet 1964, après les accords d'Évian qui ont mis fin à la guerre, bénéficieront désormais de la carte du combattant. Lors de la campagne présidentielle de 2017, Emmanuel Macron s'était engagé à la leur attribuer. Le Gouvernement - à votre initiative, madame Darrieussecq - vient de le proposer.
Près de 35 000 personnes, dont une majorité d'anciens appelés, seraient potentiellement concernées par cette mesure. Outre le port de la croix du combattant, la carte donne droit à une retraite d'un montant de 749 euros par an et, à partir de soixante-quinze ans, à une demi-part supplémentaire pour le calcul de l'impôt sur le revenu ; elle permet également de souscrire une rente mutualiste. Jusqu'à présent, seul le titre de reconnaissance de la nation était accordé aux soldats de la période allant de 1962 à 1964.
Madame la secrétaire d'État, pourquoi avoir attendu cinquante-quatre ans ? Quelles démarches nos honorables soldats vont-ils devoir accomplir pour bénéficier de la carte du combattant ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des armées.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées. Monsieur le député, une action collective et concertée avec les associations a abouti à la décision d'attribuer la carte du combattant aux soldats de la période 1962-1964. Nous avons ainsi fait droit à une priorité du monde combattant.
En pratique, 50 000 personnes peuvent prétendre à l'obtention de cette carte. J'ai signé un arrêté interministériel modifiant l'arrêté du 12 janvier 1994 ; il a été transmis au ministère de l'action et des comptes publics et sera publié dès que celui-ci l'aura signé. Un formulaire spécifique de demande, respectant les normes du CERFA, a été élaboré et sera disponible dans toutes les directions départementales de l'ONAC et sur le site internet de l'Office. Nous préservons la proximité, puisque les demandes seront traitées par les antennes départementales de l'ONAC. La Commission nationale de la carte du combattant, dont l'avis est obligatoire, doit se réunir en début d'année prochaine ; dès que son avis sera édité, il sera transmis au service départemental compétent, puis au pôle retraite de l'ONAC, puis à l'organisme payeur de la retraite du combattant. Tout est mis en œuvre pour simplifier la procédure à suivre par le demandeur, afin que celui-ci ne se perde pas dans des circuits administratifs complexes.
Si les dossiers affluaient, l'Office pourrait recruter des vacataires, mais il me semble qu'il sera capable, à moyens constants - auxquels il faudra peut-être ajouter temporairement des vacataires -, de traiter ces dossiers dans les meilleures conditions.
Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 8 novateur 2018