Texte intégral
Cette troisième Conférence des ministres de l'Enseignement supérieur et de la Recherche de la Francophonie me donne l'occasion de vous communiquer la vision que la France a de l'Université dans le monde aujourd'hui, c'est-à-dire une vision du savoir, de sa construction et de sa reproduction.
C'est la même question que se posent tous les ministres en charge de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, les présidents d'universités et les recteurs.
Ce sera le fil conducteur de cette réflexion introductive que l'AUPELF-UREF m'a proposé de vous adresser pour cerner le rôle de notre coopération francophone au service de la qualité des formations supérieures et de la recherche.
Le thème est ambitieux et concret à la fois. Il conduira les réflexions des prochains jours. Je suis heureux de constater que l'AUPELF-UREF a veillé à y associer les grands partenaires multilatéraux dont la vocation est de rassembler autour de l'Université toutes les forces qui lui permettront de se projeter dans l'avenir.
Je salue la présence parmi nous du CAMES, la plus ancienne de nos instances communes, et de l'UNESCO, qui prépare la grande Conférence mondiale de l'Enseignement supérieur de 1998, et me réjouit qu'elle ait la sagesse d'en confier le soin à l'un des vôtres, le professeur Ceddoh, éminent spécialiste et excellent connaisseur des mécanismes complexes de nos coopérations.
Au nord comme au sud, en effet, l'université doit faire face à de tels défis, à la fin du siècle, qu'il est réconfortant de constater partout la même volonté de renouveler nos lieux de savoirs et de s'interroger sur leur rôle dans nos sociétés.
Comment ne pas se réjouir enfin que ces échanges soient accueillis par le Vietnam qui illustre le souhait d'une francophonie multipolaire, où chacun témoigne de sa façon de s'inscrire dans le monde contemporain, et profite d'une langue commune pour en partager l'analyse et s'atteler ensemble aux solutions.
L'enjeu est d'importance et il est urgent. Je voudrais à nouveau vous en convaincre.
Pourquoi ?
Dans toutes nos sociétés, l'université est la clé de voûte du savoir et par conséquent, de la formation. Bien au-delà des élites, et cela tombe sous le sens, sa mission s'étend à tous ceux qui, à un moment où à un autre de la grande chaîne de transmission de la connaissance, ont un rôle à jouer dans la nation.
Tant vaut par conséquent l'université, tant vaut la ressource humaine chargée d'instruire, de penser, de découvrir, d'innover.
Cette responsabilité est considérable. Qu'on vienne à la négliger ou à l'ignorer, qu'on ne la pense pas dans toutes ses conséquences, et tôt ou tard, le prix à payer est élevé : retard pris sur le progrès économique, frustration des jeunes générations, difficultés à avancer sur le chemin du droit, de l'indépendance et finalement de la dignité d'un pays. Autant de factures infiniment lourdes, parce que le temps de la connaissance, plus qu'un autre, ne se rattrape pas. La crise que nous vivons ça et là, je l'analyse comme la manifestation de ces crispations et de ces frustrations.
On dit aujourd'hui que l'université doit changer. On le dit parce qu'on voit bien que, dans ses trois missions d'adaptation sociales ou économiques et techniques, de promotion des jeunes et de sanctuaire des libertés et des droits, elle paraît souvent piétiner.
On peut le dire autrement : la mondialisation des échanges est une telle évidence ? La pression sociale est si forte, partout, et les atteintes au droit de la personne humaine si difficilement supportables que le bouc émissaire est vite trouvé - l'université serait sclérosée, l'Etat défaillant, la société flouée. Cela est vrai et faux à la fois : l'Université doit changer pour les raisons que j'ai dites, mais la société doit changer avec elle pour changer l'université.
Ce changement, nous le voyons dans trois dimensions :
Celle du nombre d'abord, qui perturbe tellement la vie universitaire et oblige partout à repenser l'organisation des espaces et l'accueil des étudiants, ainsi que leur encadrement.
Est-ce seulement une contrainte ? Faut-il n'y voir qu'un échec ? J'ai envie de renverser la question.
La démocratisation du savoir n'est en effet pas un luxe, c'est une nécessité. La progression mécanique des flux d'étudiants introduit, c'est vrai, une contrainte budgétaire majeure mais elle manifeste en même temps une telle augmentation des compétences collectives et résulte de tant d'efforts qu'il serait inconcevable et probablement très grave de sacrifier l'acquis à la contrainte.
J'irai plus loin il y aurait quelque chose de choquant à vouloir absolument, notamment dans les pays en développement, proportionner le nombre d'étudiants d'un pays aux seules potentialités de son PIB. Qui peut le décider sinon le pays lui-même ?
Le vrai message n'est pas là: le progrès de la connaissance est partout indispensable. Il est légitime d'augmenter l'effort pour l'encourager, et il est plus que souhaitable de dire aux jeunes : vous avez le droit à un enseignement de haut niveau parce que la collectivité a besoin de vos initiatives et de vos compétences et qu'elle pâtirait de toute défaillance dans sa responsabilité
Mais ce message a son corollaire ; certes l'Etat a devant vous le devoir de veiller à ce que votre aspiration à une formation de qualité soit satisfaite. Mais ses moyens sont limités. Aussi a t-il cet autre devoir de les appliquer d'abord, et avec rigueur, à ce que vous attendez vous-même : une formation exigeante, et de qualité qui requiert des enseignants et des chercheurs eux-mêmes bien formés, des structures d'accueil aussi performantes que possible. Au-delà, l'effort doit être partagé. Partagé dans l'exigence académique ce qui suppose des évaluations sans complaisance et une reconnaissance du seul mérite, partagé aussi par la vie quotidienne avec précaution et attention aux situations précaires.
J'observe que ce sont les pays qui éprouvent les plus lourdes difficultés qui ont ces dernières années eu le sursaut nécessaire pour éviter que leur université ne devienne un carrefour des impasses sociales, où l'on n'apprend plus, mais où l'on s'accroche désespérément à une survie illusoire. J'en appelle pour eux à une solidarité qui est la base de notre coopération francophone. Vers eux, et je songe notamment à l'Afrique, elle doit tourner son effort, non pas en décidant à leur place, mais en les aidant à s'approprier les outils de gestion et d'évaluation qui permettront d'atteindre le premier objectif : un espace universitaire normal, où l'on apprend et où l'on cherche.
Un espace universitaire égal aux autres, car admettant les standards internationaux de l'enseignement supérieur.
L'accès au livre à bas prix sur la base de partenariats éditoriaux sûrs, des systèmes d'information modernes ouvrant à une diffusion peu coûteuse du savoir en font partie et l'AUPELF-UREF s'y emploie avec succès.
Cette prise de participation de la coopération francophone à l'amélioration de la vie intellectuelle est décisive. Il faut en approfondir encore les actions.
D'autres partenaires, et nous en faisons partie, estiment aussi que la qualité dépend beaucoup de la modernité de la gestion des espaces universitaires. Beaucoup de pays nous savent attentifs à ce point-là. Je souhaite que nous soyons suivis sur ce chemin en apportant les moyens additionnels dont l'Etat n'a pas sur le champ la disponibilité, mais dont il retrouve ensuite le bénéfice en sachant encadrer, animer, évaluer ses étudiants, ses formateurs et ses chercheurs selon des méthodes et des valeurs qui nous sont propres et dans lesquelles se reconnaîtra l'immense collectivité des intellectuels. Tout simplement parce qu'ils seront ainsi mieux reconnus par leurs pairs, partout dans le monde.
La Qualité, c'est ensuite des connaissances. L'université est ici face à un redoutable défi : le savoir se renouvelle à une vitesse vertigineuse, les connaissances se recomposent de façon inattendue pour produire les compétences dont le monde a besoin ; pour le dire autrement, il me semble que la complexité du développement, où qu'on soit aux quatre points cardinaux de la planète, exige un formidable décloisonnement des savoirs pour comprendre et maîtriser la complexité.
Le seul exemple de l'écologie pour utiliser l'environnement sans le gâcher et ainsi assurer la survie des générations futures en dit long sur le sujet. On sait aussi comment la troisième révolution industrielle s'est faite sur des formidables capacités de recherche en mathématiques et en informatique, qui bouleversent aujourd'hui le rapport au temps, à l'espace, au travail, au profit.
Aujourd'hui, plus aucun pays ne dispose de toute la science. Elle est fragmentée, elle procède par échos, par dialogues et par consultations successives. Elle se constitue par équipe au travail, mobilisées sur des objets du savoir, donc de recherches liées aux grands thèmes du développement, et il nous faut donc nous organiser en conséquence.
Est-il besoin de dire combien la coopération universitaire francophone est ici un besoin, un devoir ?
Je ne suis pas de ceux qui pensent que la Francophonie doit lutter pied à pied comme si elle était menacée de disparition. Nos enfants aujourd'hui doivent savoir deux, trois langues, et leur chance sera de se frotter à des cultures et à des techniques dont ils nous rapporteront ensuite le fruit. Nos intellectuels pensent et publient en français. Mais ils publient aussi en anglais, c'est la règle pour être lu partout. Veillons à ce que le français soit respecté et tienne sa place dans l'échange international et soyons fermes sur le sujet. Mais, ne nous enfermons pas dans un débat sans consistance.
Le vrai problème n'est pas là. Il est dans la nécessité de faire pour nous même progresser la connaissance dans des domaines où tout abandon serait fatal pour un développement responsable et souverain. Il est des solutions qu'on doit trouver par soi-même pour rester soi-même, debout.
Ou qu'on se tourne, le problème est constant: pour exister dans le monde, il ne faut pas être moyen, il faut être excellent. C'est vrai dans la médecine et la pharmacie, dans les sciences de l'ingénieur et les sciences dures ; et ce n'est pas moins vrai dans les sciences économiques et sociales où s'affrontent des systèmes de valeur face auxquelles on a le droit de faire des choix, parce qu'ils conditionnent la survie de ces valeurs, c'est-à-dire de nos patrimoines culturels.
Derrière la recherche, il y a l'industrie. Derrière l'industrie, il y a le profit. Et le profit n'est jamais neutre, jamais indifférent. La concurrence féroce qui s'exerce dans la recherche, nous devons en prendre acte et décider ou non que notre solidarité profitera à tous quand elle s'attachera à penser ensemble des domaines où nos pays jouent leur avenir : l'intégration économique en est un, l'environnement aussi, que j'ai déjà cité, me paraissent deux thèmes majeurs auxquels j'ajouterais volontiers un domaine dont les pays et les régions les plus fragiles ressentent le besoin : il s'agit de cet ensemble de disciplines qui bâtissent l'ordre social et la vie collective : la politique, le droit et l'éthique dont à mon avis, on se préoccupe insuffisamment et bien à tort. L'histoire est là pour en témoigner.
Je reconnais avec vous tous que nous avons avec l'AUPELF-UREF réussi à redonner un vif espoir aux chercheurs en les réunissant sur des réseaux que progressivement reconstituent les forces de leurs équipes. Et cela était d'autant plus nécessaire que justement aujourd'hui, la pensée s'inscrit dans la liaison et la communication permanentes. Il faut poursuivre dans cette voie, inlassablement sans doute en ciblant toujours mieux l'effort sur des systèmes d'information qui ne laissent aucun pays, aucune université sur le bord du chemin. Il faut se réjouir de ce que nos chefs d'Etat débattent dans quelques jours d'un plan d'action sur les inforoutes: la circulation des connaissances entre nos intellectuels est l'outil qu'il faut leur remettre et développer pour leur permettre d'exister. RIO, le système SYFED-REFER ont de ce point de vue ouvert la voie.
Mais il nous faut produire plus encore et mieux: à quoi bon des réseaux et une communication qui ne feraient pas le poids dans la compétition internationale au motif d'une production insuffisante et insuffisamment valorisée ?
Vous le comprenez au travers de mon propos. Je crois que c'est dans la recherche que nous devons maintenant redoubler d'efforts. C'est d'elle que l'université tirera sa nouvelle substance et la reconnaissance internationale. Je dirai même qu'aucune université virtuelle (et Dieu sait que nous sommes attentifs à ce projet) n'aura de chance de s'imposer, fut-ce avec la plus grande sophistication de technique, si elle ne véhicule pas des contenus qui rivalisent avec la production internationale.
De ce point de vue, un exemple me paraît éclairant celui de la recherche agronomique Elle est en train de se structurer en partenariat mondial. Le système qui doit en résulter est fondé sur la coopération de trois types d'acteurs les systèmes nationaux de recherche agronomique du Sud qui se sont organisés en forums régionaux, les institutions de recherche avancées du Nord et enfin les seize centres internationaux affiliés au Groupe consultatif pour la Recherche agronomique internationale. La France et l'Union européenne soutiennent fermement l'émergence de cette structure. Il me paraîtrait intéressant et avantageux qu'un, ou plusieurs, réseaux thématiques francophones du Sud y jouent également un rôle clairement identifié. En outre, une telle organisation à l'échelle mondiale devrait intégrer les problèmes liés à la formation de professionnels et de chercheurs, importante question à laquelle la Francophonie pourrait apporter des réponses originales ; je pense ici, vous l'aurez compris, au réseau des CRESA créés par l'AUPELF-UREF.
Il serait facile de démontrer que le même principe agirait utilement dans les domaines que j'ai cités tout à l'heure et où la défense d'un patrimoine commun retentit sur l'avenir : je suis prêt, et nous l'avons dit à l'AUPELF-UREF à mieux rationaliser et conjuguer nos efforts pour que des partenariats robustes créent ou renforcent des pôles de recherche d'excellence. Je les vois volontiers, je le répète, dans l'économie, dans les sciences politiques et dans les sciences humaines. La recherche française est disposée, j'en suis sûr, à y apporter ses forces, dans un partenariat égal qu'attendent les chercheurs de la Francophonie.
Mais cette recherche ne doit pas obéir à la seule logique d'un transfert Nord-Sud, et c'est par ce troisième point que je veux finir.
Que recherchons-nous ?
Des solutions aux plus graves problèmes de développement. Que refusons-nous ?
Une recherche importée qui fasse fi des retards des uns, de l'impécuniosité des autres.
Que voulons-nous ? Une recherche qui produise une expertise forte, susceptible de trouver, sur le terrain, les solutions aux questions qui se posent.
Je tiens qu'il y a un lien entre cette conception de la recherche dans le développement et les progrès de la démocratie. Si nous voulons des peuples acteurs de leur destin, il faut élargir le champ de l'expertise, donc du savoir. C'est la seule manière d'éviter qu'une petite élite ne décide pour tous. Le sens de l'avenir n'est pas dans des solutions importées ou maîtrisées par quelques uns.
Prenons l'exemple justement de l'école et de l'université. Il n'y a pas de remède miracle aux crises actuelles. L'issue est dans des solutions novatrices et courageuses qui sachent tirer profit des meilleures analyses économiques, culturelles, sociales de ce problème complexe.
Convenons que si la Francophonie est maintenant un peu plus présente dans ces analyses, elle n'en a pas fait assez tôt un objet de recherche alors que c'est une question lancinante et que tous nos pays partagent. Surtout, c'est un domaine de la vie publique qui met en jeu nos héritages culturels, notre façon de concevoir l'avenir.
S'il n'y a pas de solution toute faite, il ne peut y avoir de solution importée et il serait regrettable qu'elle soit moins présente que d'autres là où elle est la plus attendue.
Je propose qu'à un moment ou à un autre, nous nous penchions sur ce problème et unissions nos forces pour penser l'Education dans toutes ses dimensions économiques, sociales, administratives et qu'enfin nous disposions d'une capacité de recherche et d'action coordonnée, active, généreusement disponible aux questions de nos gouvernements.
Entendons-nous : il ne s'agit pas obligatoirement de construire des murs, mais bien de fédérer l'intelligence, solidariser les énergies, créer cette société des esprits qui est le propre de l'initiative francophone. Et lorsque je parlais d'éducation, c'était pour faire image. Dans d'autres domaines, je l'ai dit, la francophonie est tout aussi sollicitée.
Voilà autant de raisons supplémentaires pour souhaiter qu'aux réseaux d'enseignants et de chercheurs nous ajoutions le projet de quelques pôles de recherche dans les pays en développement, et prioritairement au Sud qui manifesteront l'intention profonde de la Francophonie : dans l'enseignement supérieur et la recherche, la coopération n'a pas de fin, ou si vous voulez de terme. C'est la seule manière de faire vivre et enrichir l'intelligence. Mais, elle doit se fixer des objectifs qui concernent les grands défis humains et des modalités qui manifestent une éthique : celle du partage de la responsabilité pour répondre à ces défis.
La Coopération francophone entretient simultanément ces deux façons de rechercher la qualité : qualité des productions, qualité des échanges, ou pour le dire autrement, exigence de la production, exigence du partenariat. La France est particulièrement consciente du contexte dans lequel doit se projeter l'université d'aujourd'hui : le triple défi du nombre, de l'espace ouvert et concurrentiel de la connaissance, du rôle phare de la formation et de la recherche dans la vie civile, elle le connaît chez elle et souhaite en partager les difficultés et les espoirs avec ses amis.
Elle ne peut le faire que sur la demande de ses partenaires et lorsqu'ils manifestent leur volonté de s'investir dans la revitalisation de leurs espaces universitaires. Cela doit se faire sur des contrats clairs où chacun place ses propres forces, indique ses contraintes et ses atouts, dans l'intérêt bien compris de l'enseignement et de la recherche.
Mais, elle souhaite résolument partager avec ses partenaires ce qu'elle recherche pour elle-même : pour comprendre et maîtriser la complexité du monde, il nous faut à tous un espace de connaissance élargi, pluriel, un espace d'échange libre, qui s'appuie également sur des pôles spécialisés. Ce sont ces équipes dans ces pôles qui sauront faire surgir les vraies questions susceptibles de mobiliser les universités et les grands centres de recherche du nord, eux-mêmes engagés dans la compétition internationale et qui prendront le temps de s'inscrire dans le développement pourvu qu'on les mobilise sur des sujets qui les préoccupent.
J'ai à dessein accentué mon propos sur la recherche pour montrer que l'université n'est plus dans son rôle, si sa mission d'enseignement néglige la conquête permanente de la connaissance pour la transmission de savoirs utiles et actualisés.
Mais faut-il ajouter que cette mission serait incomplète si l'université n'administrait pas la preuve qu'elle est de son temps, faite pour des jeunes qui veulent être actifs, et pour une société qui se détournera d'elle si elle se montre impuissante à valoriser leurs compétences.
Le maître mot est ici professionnalisation.
J'en suggère un autre : partenariat.
Car chacun, je crois, doit être à sa place. Mais tout comme le savoir, les compétences se construisent selon des parcours et avec des acteurs divers.
Le monde rural, l'entreprise, l'administration, l'école, en bref, le monde du travail, voilà un acteur que l'université ne peut ignorer. Elle doit aider tout étudiant à un moment ou un autre à le connaître et l'approcher. Certes, les formules sont difficiles à trouver. Mais si l'on veut une université décrispée, des étudiants motivés, des formations pertinentes, un accueil plus facile dans l'emploi, alors la voie doit être ouverte.
Ce que l'on sait faire pour les brevets de techniciens supérieur, il faut en transférer plus systématiquement l'esprit. Ce sera la meilleure façon de réconcilier le savoir avec la réalité quotidienne du travail, de l'initiative et du développement.
La Francophonie a ici une tâche immense : elle est une partie de la société de l'information, et elle le montre. Elle demeure une grande partie de la société des esprits, et elle le sait. Mais il faut maintenant lui fixer des objectifs très précis qui lui permettront de faire plus rapidement valoir des résultats dans la concurrence.
Elle a pour finir un principe de solidarité qu'avec activité et détermination, a mis en oeuvre notre communauté. A nous ensemble, dans l'exigence de redorer le blason de l'université francophone : virtuelle certes, pour élargir au maximum l'espace de vos partenariats. Mais réelle dans l'approche et le traitement de quelques grands thèmes communs qui, aux points cardinaux de notre coopération, préoccupent les puissances publiques, et doivent mobiliser la recherche et l'enseignement. Il n'y a aucun de ces thèmes qui puissent résister à la pleine mobilisation de l'intelligence et à la mise en relation des cultures.
Il y aurait toutes les raisons un jour de regretter de ne pas l'avoir tenté.
Je vous remercie./.
(source http://www.diplomatie .gouv.fr, le 8 octobre 2001)
C'est la même question que se posent tous les ministres en charge de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, les présidents d'universités et les recteurs.
Ce sera le fil conducteur de cette réflexion introductive que l'AUPELF-UREF m'a proposé de vous adresser pour cerner le rôle de notre coopération francophone au service de la qualité des formations supérieures et de la recherche.
Le thème est ambitieux et concret à la fois. Il conduira les réflexions des prochains jours. Je suis heureux de constater que l'AUPELF-UREF a veillé à y associer les grands partenaires multilatéraux dont la vocation est de rassembler autour de l'Université toutes les forces qui lui permettront de se projeter dans l'avenir.
Je salue la présence parmi nous du CAMES, la plus ancienne de nos instances communes, et de l'UNESCO, qui prépare la grande Conférence mondiale de l'Enseignement supérieur de 1998, et me réjouit qu'elle ait la sagesse d'en confier le soin à l'un des vôtres, le professeur Ceddoh, éminent spécialiste et excellent connaisseur des mécanismes complexes de nos coopérations.
Au nord comme au sud, en effet, l'université doit faire face à de tels défis, à la fin du siècle, qu'il est réconfortant de constater partout la même volonté de renouveler nos lieux de savoirs et de s'interroger sur leur rôle dans nos sociétés.
Comment ne pas se réjouir enfin que ces échanges soient accueillis par le Vietnam qui illustre le souhait d'une francophonie multipolaire, où chacun témoigne de sa façon de s'inscrire dans le monde contemporain, et profite d'une langue commune pour en partager l'analyse et s'atteler ensemble aux solutions.
L'enjeu est d'importance et il est urgent. Je voudrais à nouveau vous en convaincre.
Pourquoi ?
Dans toutes nos sociétés, l'université est la clé de voûte du savoir et par conséquent, de la formation. Bien au-delà des élites, et cela tombe sous le sens, sa mission s'étend à tous ceux qui, à un moment où à un autre de la grande chaîne de transmission de la connaissance, ont un rôle à jouer dans la nation.
Tant vaut par conséquent l'université, tant vaut la ressource humaine chargée d'instruire, de penser, de découvrir, d'innover.
Cette responsabilité est considérable. Qu'on vienne à la négliger ou à l'ignorer, qu'on ne la pense pas dans toutes ses conséquences, et tôt ou tard, le prix à payer est élevé : retard pris sur le progrès économique, frustration des jeunes générations, difficultés à avancer sur le chemin du droit, de l'indépendance et finalement de la dignité d'un pays. Autant de factures infiniment lourdes, parce que le temps de la connaissance, plus qu'un autre, ne se rattrape pas. La crise que nous vivons ça et là, je l'analyse comme la manifestation de ces crispations et de ces frustrations.
On dit aujourd'hui que l'université doit changer. On le dit parce qu'on voit bien que, dans ses trois missions d'adaptation sociales ou économiques et techniques, de promotion des jeunes et de sanctuaire des libertés et des droits, elle paraît souvent piétiner.
On peut le dire autrement : la mondialisation des échanges est une telle évidence ? La pression sociale est si forte, partout, et les atteintes au droit de la personne humaine si difficilement supportables que le bouc émissaire est vite trouvé - l'université serait sclérosée, l'Etat défaillant, la société flouée. Cela est vrai et faux à la fois : l'Université doit changer pour les raisons que j'ai dites, mais la société doit changer avec elle pour changer l'université.
Ce changement, nous le voyons dans trois dimensions :
Celle du nombre d'abord, qui perturbe tellement la vie universitaire et oblige partout à repenser l'organisation des espaces et l'accueil des étudiants, ainsi que leur encadrement.
Est-ce seulement une contrainte ? Faut-il n'y voir qu'un échec ? J'ai envie de renverser la question.
La démocratisation du savoir n'est en effet pas un luxe, c'est une nécessité. La progression mécanique des flux d'étudiants introduit, c'est vrai, une contrainte budgétaire majeure mais elle manifeste en même temps une telle augmentation des compétences collectives et résulte de tant d'efforts qu'il serait inconcevable et probablement très grave de sacrifier l'acquis à la contrainte.
J'irai plus loin il y aurait quelque chose de choquant à vouloir absolument, notamment dans les pays en développement, proportionner le nombre d'étudiants d'un pays aux seules potentialités de son PIB. Qui peut le décider sinon le pays lui-même ?
Le vrai message n'est pas là: le progrès de la connaissance est partout indispensable. Il est légitime d'augmenter l'effort pour l'encourager, et il est plus que souhaitable de dire aux jeunes : vous avez le droit à un enseignement de haut niveau parce que la collectivité a besoin de vos initiatives et de vos compétences et qu'elle pâtirait de toute défaillance dans sa responsabilité
Mais ce message a son corollaire ; certes l'Etat a devant vous le devoir de veiller à ce que votre aspiration à une formation de qualité soit satisfaite. Mais ses moyens sont limités. Aussi a t-il cet autre devoir de les appliquer d'abord, et avec rigueur, à ce que vous attendez vous-même : une formation exigeante, et de qualité qui requiert des enseignants et des chercheurs eux-mêmes bien formés, des structures d'accueil aussi performantes que possible. Au-delà, l'effort doit être partagé. Partagé dans l'exigence académique ce qui suppose des évaluations sans complaisance et une reconnaissance du seul mérite, partagé aussi par la vie quotidienne avec précaution et attention aux situations précaires.
J'observe que ce sont les pays qui éprouvent les plus lourdes difficultés qui ont ces dernières années eu le sursaut nécessaire pour éviter que leur université ne devienne un carrefour des impasses sociales, où l'on n'apprend plus, mais où l'on s'accroche désespérément à une survie illusoire. J'en appelle pour eux à une solidarité qui est la base de notre coopération francophone. Vers eux, et je songe notamment à l'Afrique, elle doit tourner son effort, non pas en décidant à leur place, mais en les aidant à s'approprier les outils de gestion et d'évaluation qui permettront d'atteindre le premier objectif : un espace universitaire normal, où l'on apprend et où l'on cherche.
Un espace universitaire égal aux autres, car admettant les standards internationaux de l'enseignement supérieur.
L'accès au livre à bas prix sur la base de partenariats éditoriaux sûrs, des systèmes d'information modernes ouvrant à une diffusion peu coûteuse du savoir en font partie et l'AUPELF-UREF s'y emploie avec succès.
Cette prise de participation de la coopération francophone à l'amélioration de la vie intellectuelle est décisive. Il faut en approfondir encore les actions.
D'autres partenaires, et nous en faisons partie, estiment aussi que la qualité dépend beaucoup de la modernité de la gestion des espaces universitaires. Beaucoup de pays nous savent attentifs à ce point-là. Je souhaite que nous soyons suivis sur ce chemin en apportant les moyens additionnels dont l'Etat n'a pas sur le champ la disponibilité, mais dont il retrouve ensuite le bénéfice en sachant encadrer, animer, évaluer ses étudiants, ses formateurs et ses chercheurs selon des méthodes et des valeurs qui nous sont propres et dans lesquelles se reconnaîtra l'immense collectivité des intellectuels. Tout simplement parce qu'ils seront ainsi mieux reconnus par leurs pairs, partout dans le monde.
La Qualité, c'est ensuite des connaissances. L'université est ici face à un redoutable défi : le savoir se renouvelle à une vitesse vertigineuse, les connaissances se recomposent de façon inattendue pour produire les compétences dont le monde a besoin ; pour le dire autrement, il me semble que la complexité du développement, où qu'on soit aux quatre points cardinaux de la planète, exige un formidable décloisonnement des savoirs pour comprendre et maîtriser la complexité.
Le seul exemple de l'écologie pour utiliser l'environnement sans le gâcher et ainsi assurer la survie des générations futures en dit long sur le sujet. On sait aussi comment la troisième révolution industrielle s'est faite sur des formidables capacités de recherche en mathématiques et en informatique, qui bouleversent aujourd'hui le rapport au temps, à l'espace, au travail, au profit.
Aujourd'hui, plus aucun pays ne dispose de toute la science. Elle est fragmentée, elle procède par échos, par dialogues et par consultations successives. Elle se constitue par équipe au travail, mobilisées sur des objets du savoir, donc de recherches liées aux grands thèmes du développement, et il nous faut donc nous organiser en conséquence.
Est-il besoin de dire combien la coopération universitaire francophone est ici un besoin, un devoir ?
Je ne suis pas de ceux qui pensent que la Francophonie doit lutter pied à pied comme si elle était menacée de disparition. Nos enfants aujourd'hui doivent savoir deux, trois langues, et leur chance sera de se frotter à des cultures et à des techniques dont ils nous rapporteront ensuite le fruit. Nos intellectuels pensent et publient en français. Mais ils publient aussi en anglais, c'est la règle pour être lu partout. Veillons à ce que le français soit respecté et tienne sa place dans l'échange international et soyons fermes sur le sujet. Mais, ne nous enfermons pas dans un débat sans consistance.
Le vrai problème n'est pas là. Il est dans la nécessité de faire pour nous même progresser la connaissance dans des domaines où tout abandon serait fatal pour un développement responsable et souverain. Il est des solutions qu'on doit trouver par soi-même pour rester soi-même, debout.
Ou qu'on se tourne, le problème est constant: pour exister dans le monde, il ne faut pas être moyen, il faut être excellent. C'est vrai dans la médecine et la pharmacie, dans les sciences de l'ingénieur et les sciences dures ; et ce n'est pas moins vrai dans les sciences économiques et sociales où s'affrontent des systèmes de valeur face auxquelles on a le droit de faire des choix, parce qu'ils conditionnent la survie de ces valeurs, c'est-à-dire de nos patrimoines culturels.
Derrière la recherche, il y a l'industrie. Derrière l'industrie, il y a le profit. Et le profit n'est jamais neutre, jamais indifférent. La concurrence féroce qui s'exerce dans la recherche, nous devons en prendre acte et décider ou non que notre solidarité profitera à tous quand elle s'attachera à penser ensemble des domaines où nos pays jouent leur avenir : l'intégration économique en est un, l'environnement aussi, que j'ai déjà cité, me paraissent deux thèmes majeurs auxquels j'ajouterais volontiers un domaine dont les pays et les régions les plus fragiles ressentent le besoin : il s'agit de cet ensemble de disciplines qui bâtissent l'ordre social et la vie collective : la politique, le droit et l'éthique dont à mon avis, on se préoccupe insuffisamment et bien à tort. L'histoire est là pour en témoigner.
Je reconnais avec vous tous que nous avons avec l'AUPELF-UREF réussi à redonner un vif espoir aux chercheurs en les réunissant sur des réseaux que progressivement reconstituent les forces de leurs équipes. Et cela était d'autant plus nécessaire que justement aujourd'hui, la pensée s'inscrit dans la liaison et la communication permanentes. Il faut poursuivre dans cette voie, inlassablement sans doute en ciblant toujours mieux l'effort sur des systèmes d'information qui ne laissent aucun pays, aucune université sur le bord du chemin. Il faut se réjouir de ce que nos chefs d'Etat débattent dans quelques jours d'un plan d'action sur les inforoutes: la circulation des connaissances entre nos intellectuels est l'outil qu'il faut leur remettre et développer pour leur permettre d'exister. RIO, le système SYFED-REFER ont de ce point de vue ouvert la voie.
Mais il nous faut produire plus encore et mieux: à quoi bon des réseaux et une communication qui ne feraient pas le poids dans la compétition internationale au motif d'une production insuffisante et insuffisamment valorisée ?
Vous le comprenez au travers de mon propos. Je crois que c'est dans la recherche que nous devons maintenant redoubler d'efforts. C'est d'elle que l'université tirera sa nouvelle substance et la reconnaissance internationale. Je dirai même qu'aucune université virtuelle (et Dieu sait que nous sommes attentifs à ce projet) n'aura de chance de s'imposer, fut-ce avec la plus grande sophistication de technique, si elle ne véhicule pas des contenus qui rivalisent avec la production internationale.
De ce point de vue, un exemple me paraît éclairant celui de la recherche agronomique Elle est en train de se structurer en partenariat mondial. Le système qui doit en résulter est fondé sur la coopération de trois types d'acteurs les systèmes nationaux de recherche agronomique du Sud qui se sont organisés en forums régionaux, les institutions de recherche avancées du Nord et enfin les seize centres internationaux affiliés au Groupe consultatif pour la Recherche agronomique internationale. La France et l'Union européenne soutiennent fermement l'émergence de cette structure. Il me paraîtrait intéressant et avantageux qu'un, ou plusieurs, réseaux thématiques francophones du Sud y jouent également un rôle clairement identifié. En outre, une telle organisation à l'échelle mondiale devrait intégrer les problèmes liés à la formation de professionnels et de chercheurs, importante question à laquelle la Francophonie pourrait apporter des réponses originales ; je pense ici, vous l'aurez compris, au réseau des CRESA créés par l'AUPELF-UREF.
Il serait facile de démontrer que le même principe agirait utilement dans les domaines que j'ai cités tout à l'heure et où la défense d'un patrimoine commun retentit sur l'avenir : je suis prêt, et nous l'avons dit à l'AUPELF-UREF à mieux rationaliser et conjuguer nos efforts pour que des partenariats robustes créent ou renforcent des pôles de recherche d'excellence. Je les vois volontiers, je le répète, dans l'économie, dans les sciences politiques et dans les sciences humaines. La recherche française est disposée, j'en suis sûr, à y apporter ses forces, dans un partenariat égal qu'attendent les chercheurs de la Francophonie.
Mais cette recherche ne doit pas obéir à la seule logique d'un transfert Nord-Sud, et c'est par ce troisième point que je veux finir.
Que recherchons-nous ?
Des solutions aux plus graves problèmes de développement. Que refusons-nous ?
Une recherche importée qui fasse fi des retards des uns, de l'impécuniosité des autres.
Que voulons-nous ? Une recherche qui produise une expertise forte, susceptible de trouver, sur le terrain, les solutions aux questions qui se posent.
Je tiens qu'il y a un lien entre cette conception de la recherche dans le développement et les progrès de la démocratie. Si nous voulons des peuples acteurs de leur destin, il faut élargir le champ de l'expertise, donc du savoir. C'est la seule manière d'éviter qu'une petite élite ne décide pour tous. Le sens de l'avenir n'est pas dans des solutions importées ou maîtrisées par quelques uns.
Prenons l'exemple justement de l'école et de l'université. Il n'y a pas de remède miracle aux crises actuelles. L'issue est dans des solutions novatrices et courageuses qui sachent tirer profit des meilleures analyses économiques, culturelles, sociales de ce problème complexe.
Convenons que si la Francophonie est maintenant un peu plus présente dans ces analyses, elle n'en a pas fait assez tôt un objet de recherche alors que c'est une question lancinante et que tous nos pays partagent. Surtout, c'est un domaine de la vie publique qui met en jeu nos héritages culturels, notre façon de concevoir l'avenir.
S'il n'y a pas de solution toute faite, il ne peut y avoir de solution importée et il serait regrettable qu'elle soit moins présente que d'autres là où elle est la plus attendue.
Je propose qu'à un moment ou à un autre, nous nous penchions sur ce problème et unissions nos forces pour penser l'Education dans toutes ses dimensions économiques, sociales, administratives et qu'enfin nous disposions d'une capacité de recherche et d'action coordonnée, active, généreusement disponible aux questions de nos gouvernements.
Entendons-nous : il ne s'agit pas obligatoirement de construire des murs, mais bien de fédérer l'intelligence, solidariser les énergies, créer cette société des esprits qui est le propre de l'initiative francophone. Et lorsque je parlais d'éducation, c'était pour faire image. Dans d'autres domaines, je l'ai dit, la francophonie est tout aussi sollicitée.
Voilà autant de raisons supplémentaires pour souhaiter qu'aux réseaux d'enseignants et de chercheurs nous ajoutions le projet de quelques pôles de recherche dans les pays en développement, et prioritairement au Sud qui manifesteront l'intention profonde de la Francophonie : dans l'enseignement supérieur et la recherche, la coopération n'a pas de fin, ou si vous voulez de terme. C'est la seule manière de faire vivre et enrichir l'intelligence. Mais, elle doit se fixer des objectifs qui concernent les grands défis humains et des modalités qui manifestent une éthique : celle du partage de la responsabilité pour répondre à ces défis.
La Coopération francophone entretient simultanément ces deux façons de rechercher la qualité : qualité des productions, qualité des échanges, ou pour le dire autrement, exigence de la production, exigence du partenariat. La France est particulièrement consciente du contexte dans lequel doit se projeter l'université d'aujourd'hui : le triple défi du nombre, de l'espace ouvert et concurrentiel de la connaissance, du rôle phare de la formation et de la recherche dans la vie civile, elle le connaît chez elle et souhaite en partager les difficultés et les espoirs avec ses amis.
Elle ne peut le faire que sur la demande de ses partenaires et lorsqu'ils manifestent leur volonté de s'investir dans la revitalisation de leurs espaces universitaires. Cela doit se faire sur des contrats clairs où chacun place ses propres forces, indique ses contraintes et ses atouts, dans l'intérêt bien compris de l'enseignement et de la recherche.
Mais, elle souhaite résolument partager avec ses partenaires ce qu'elle recherche pour elle-même : pour comprendre et maîtriser la complexité du monde, il nous faut à tous un espace de connaissance élargi, pluriel, un espace d'échange libre, qui s'appuie également sur des pôles spécialisés. Ce sont ces équipes dans ces pôles qui sauront faire surgir les vraies questions susceptibles de mobiliser les universités et les grands centres de recherche du nord, eux-mêmes engagés dans la compétition internationale et qui prendront le temps de s'inscrire dans le développement pourvu qu'on les mobilise sur des sujets qui les préoccupent.
J'ai à dessein accentué mon propos sur la recherche pour montrer que l'université n'est plus dans son rôle, si sa mission d'enseignement néglige la conquête permanente de la connaissance pour la transmission de savoirs utiles et actualisés.
Mais faut-il ajouter que cette mission serait incomplète si l'université n'administrait pas la preuve qu'elle est de son temps, faite pour des jeunes qui veulent être actifs, et pour une société qui se détournera d'elle si elle se montre impuissante à valoriser leurs compétences.
Le maître mot est ici professionnalisation.
J'en suggère un autre : partenariat.
Car chacun, je crois, doit être à sa place. Mais tout comme le savoir, les compétences se construisent selon des parcours et avec des acteurs divers.
Le monde rural, l'entreprise, l'administration, l'école, en bref, le monde du travail, voilà un acteur que l'université ne peut ignorer. Elle doit aider tout étudiant à un moment ou un autre à le connaître et l'approcher. Certes, les formules sont difficiles à trouver. Mais si l'on veut une université décrispée, des étudiants motivés, des formations pertinentes, un accueil plus facile dans l'emploi, alors la voie doit être ouverte.
Ce que l'on sait faire pour les brevets de techniciens supérieur, il faut en transférer plus systématiquement l'esprit. Ce sera la meilleure façon de réconcilier le savoir avec la réalité quotidienne du travail, de l'initiative et du développement.
La Francophonie a ici une tâche immense : elle est une partie de la société de l'information, et elle le montre. Elle demeure une grande partie de la société des esprits, et elle le sait. Mais il faut maintenant lui fixer des objectifs très précis qui lui permettront de faire plus rapidement valoir des résultats dans la concurrence.
Elle a pour finir un principe de solidarité qu'avec activité et détermination, a mis en oeuvre notre communauté. A nous ensemble, dans l'exigence de redorer le blason de l'université francophone : virtuelle certes, pour élargir au maximum l'espace de vos partenariats. Mais réelle dans l'approche et le traitement de quelques grands thèmes communs qui, aux points cardinaux de notre coopération, préoccupent les puissances publiques, et doivent mobiliser la recherche et l'enseignement. Il n'y a aucun de ces thèmes qui puissent résister à la pleine mobilisation de l'intelligence et à la mise en relation des cultures.
Il y aurait toutes les raisons un jour de regretter de ne pas l'avoir tenté.
Je vous remercie./.
(source http://www.diplomatie .gouv.fr, le 8 octobre 2001)