Interview de Mme Florence Parly, ministre des armées, à RTL le 7 décembre 2018, sur l'armée et la contestation des "Gilets jaunes".

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Florence PARLY, ministre des Armées, est avec nous ce matin. Bonjour.
FLORENCE PARLY
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vous propose d'écouter Eric, qui est en direct avec nous. Bonjour Eric.
ERIC
Bonjour Jean-Jacques, merci de m'avoir pris à l'antenne, c'est rare.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je résume Eric. Vous me dites si je dis des bêtises vous êtes à Cergy dans le Val-d'Oise, vous êtes informaticien de profession, c'est ça ?
(…)
JEAN-JACQUES BOURDIN
Eric, il va parler lundi. Lundi, c'est ça Florence PARLY ?
FLORENCE PARLY
Il parlera lorsqu'il l'estimera nécessaire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, ça oui.
FLORENCE PARLY
J'ai vu ce matin que il parlera en début de semaine, oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Probablement lundi. Eric, bon vous, vous attendrez évidemment lundi ce qu'il va proposer. Mais il y a une négociation qui commence, moi je veux être un peu le médiateur dans tout ça, une négociation qui commence le 15, une négociation très importante et il n'est pas question pour les Gilets jaunes d'enlever les Gilets avant le 15.
(…)
JEAN-JACQUES BOURDIN
Florence PARLY, je vais vous prendre dans deux minutes, parce qu'on va faire un peu de pubs. A tout de suite.
(…)
JEAN-JACQUES BOURDIN
Florence PARLY est donc avec nous. Florence PARLY, est-ce que l'armée sera dans Paris demain ? Oui ou non ? Va intervenir pour maintenir l'ordre ?
FLORENCE PARLY
Jean-Jacques BOURDIN, bonjour d'abord.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bonjour, oui.
FLORENCE PARLY
L'armée n'a pas vocation à faire du maintien de l'ordre. Le maintien de l'ordre, ce sont les policiers et les gendarmes qui le réalisent. Donc l'armée ne sera pas présente pour faire du maintien de l'ordre. En revanche, comme vous le savez, depuis les attentats terroristes de 2015, les Français savent bien que les militaires sont présents dans un certain nombre de lieux, ils font de la lutte contre le terrorisme, et naturellement la menace terroriste elle n'a pas disparu du fait des violences et des événements comme par enchantement. Donc elle reste malheureusement toujours élevée, et donc les militaires continueront d'assurer leur mission dans le cadre de Sentinelle.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais s'il y a des débordements à Paris par exemple demain, est-ce que les militaires peuvent intervenir ?
FLORENCE PARLY
Ils ne sont ni formés, ni équipés pour cela.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc ils n'interviendront pas, quoi qu'il arrive.
FLORENCE PARLY
Ils n'interviendront pas, ils sont, comme c'est prévu depuis un an, ils assument un certain nombre de missions qui permettent de décharger les policiers et les gendarmes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire d'assurer des gardes statiques ?
FLORENCE PARLY
Par exemple assurer la protection d'aéroports, de gares, comme ils le font depuis des mois.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce qu'ils pourraient faire, oui, ce qu'ils pourraient faire demain aussi.
FLORENCE PARLY
Naturellement, et tout ceci contribue à soulager si je puis me permettre, les forces qui elles sont toutes entières dédiées au maintien de l'ordre et à la protection des Français.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, pas de recours à l'armée, pas de recours à l'armée demain.
FLORENCE PARLY
Tout simplement parce que ce n'est pas les missions de l'armée. L'armée doit protéger notre territoire contre les menaces extérieures, les accès maritimes, les accès aériens qui ne seraient pas souhaités, et mener cette lutte contre le terrorisme, qu'elle mène à l'extérieur de nos frontières et qu'elle mène aussi à l'intérieur, dans le cadre de cette opération Sentinelle.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Florence PARLY, il y aura quelques véhicules blindés de la gendarmerie, des blindés à roues, on est bien d'accord, les VBRG, qui ont été utilisés notamment, notamment à Notre-Dame-des-Landes je crois.
FLORENCE PARLY
C'est exact. Ces blindés sont quand même des blindés, hein, oui ?
FLORENCE PARLY
Mais Jean-Jacques BOURDIN, vous conviendrez que ce que nous avons vu depuis plusieurs jours, en particulier samedi dernier, correspond à un niveau de violences jamais vu. Vous conviendrez aussi, que les forces de l'ordre ont besoin elles aussi de pouvoir se protéger, elles ont été prises à partie, parfois extrêmement violemment, vous savez qu'il existe sur les réseaux sociaux toutes sortes de menaces, y compris des menaces de mort qui circulent, quel que soit…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais j'entends les…
FLORENCE PARLY
La situation est très sérieuse, et donc il est normal et légitime, c'est même le rôle de la République et des institutions, que de protéger nos concitoyens. Donc, que les forces de sécurité intérieure se dotent de tous les moyens permettant de faire respecter cet ordre républicain, pour pouvoir protéger les personnes, parce que ce dont on parle, c'est de la protection des personnes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les personnes mais aussi protéger les Institutions…
FLORENCE PARLY
Protéger les Institutions.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pardon, protéger l'Assemblée nationale, l'Elysée, c'est ça aussi !
FLORENCE PARLY
Protéger, faire en sorte que ce spectacle des vitrines cassées, ne se reproduise plus. Bref, casser ne permet pas de reconstruire une société. Et je crois que ce qui est important de rappeler, et ça l'a été d'ailleurs par votre auditeur tout à l'heure, c'est qu'un certain nombre, face à cette colère, qui est une colère profonde, qui est une colère intense, qui est une colère sincère, pour l'essentiel de ceux qui défendent…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est extraordinaire, parce que vous dites "colère sincère, légitime presque", aujourd'hui, alors qu'il y a encore six mois vous ne disiez pas cela. Il y a eu une évolution dans le discours des responsables politiques, quels qu'ils soient d'ailleurs.
FLORENCE PARLY
Mais, le propre des responsables politiques, c'est aussi de tenir compte d'une situation. Cette situation est grave et sérieuse.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est aussi de prévoir ce qui risque de se passer.
FLORENCE PARLY
Vous avez raison, toujours
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et peut-être que si le président de la République s'était exprimé beaucoup plus tôt, tout de suite, avait pris des mesures d'entrée, peut-être que nous n'en serions pas là Florence PARLY.
FLORENCE PARLY
Jean-Jacques BOURDIN, je crois qu'il faut maintenant gérer une situation sérieuse, et il faut le faire en ayant en tête que la vie de nos concitoyens, la protection des personnes, la protection des biens, est une priorité absolue. Et donc moi, je souhaite aujourd'hui me concentrer sur cette tâche, appeler aussi chacun d'entre nous, quand je dis chacun d'entre nous je ne vise personne en particulier, mais chacun d'entre nous à la Responsabilité. Et je pense qu'il est important en cette veille de nouvelles manifestations, que tous ceux qui ont des revendications à exprimer, et qui le font depuis plusieurs semaines, veillent à ne pas se mêler à d'autres personnes dont l'objectif ce n'est pas de porter ces revendications, c'est au contraire de les desservir, parce que casser n'a encore une fois jamais résolu le moindre problème. Et c'est pour cela que je me permets d'insister sur le fait qu'il y a déjà eu des décisions qui ont été prises, c'est la preuve que les revendications d'un certain nombre de Gilets jaunes ont été entendues : suppression de toute hausse de taxes sur les carburants, suppression de hausse du prix du gaz et de l'électricité, et surtout une main tendue pour dialoguer. Parce que comment peut-on se comprendre si on ne dialogue pas d'abord ? Et pour cela il faut que la sérénité revienne et que l'ordre soit maintenu. De nouvelles violences demain, ne feraient en rien progresser la cause des Gilets jaunes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Florence PARLY, un mot quand même sur cette image qui a fait le tour des réseaux sociaux, ces lycéens, vous l'avez vu l'image sur les réseaux sociaux ? Ces lycéens à genoux qui sont menottés, entourés de CRS, c'est choquant non ?
FLORENCE PARLY
Jean-Jacques BOURDIN, je mesure la force des images.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.
FLORENCE PARLY
Mais les images elles doivent aussi être regardées avec recul, avec de la perspective, et c'est ce que vous faites dans les médias, vous mettez en perspective, vous expliquer les choses…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, c'est notre rôle
FLORENCE PARLY
Donc cette image ne peut pas être vue de façon brute, il faut aussi comprendre les raisons pour lesquelles les policiers ont été amenés à intervenir. Il y a eu beaucoup de violences, des violences pendant lesquelles les lycéens eux-mêmes se sont mis en danger, certains ont été blessés par leurs propres agissements, donc moi je suis obsédée par le fait que demain il ne doit pas y avoir de violences, parce que je ne veux pas qu'il y ait de personnes dont la vie soit menacée.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, c'est un jour, dites-mois, Laurent NEUMANN. Eric BRUNET, bonjour, c'est un jour demain, charnière hein.
LAURENT NEUMANN
Oui, parce qu'au fond de ce qui va se passer demain, dépendra sans doute en partie la suite, notamment les conditions du dialogue, disait Florence PARLY, mais c'est absolument juste, ça va faire dépendre aussi le contenu de la prise de parole du président de la République.
(…)
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'ISF, Florence PARLY, vous êtes pour un rétablissement de l'ISF ou pas, vous ?
FLORENCE PARLY
Nous avons pris des mesures qui étaient connues, lors de la campagne présidentielle. Pourquoi cet impôt a-t-il été partiellement remis en cause ? Pour permettre aux entreprises françaises, en effet, de se financer. Et pourquoi c'est important que les entreprises françaises…
JEAN-JACQUES BOURDIN
A condition que l'argent ait servi à ça, pardon, Florence PARLY, mais…
FLORENCE PARLY
C'est ce qui permet de créer in fine des emplois, et je crois que même si ce n'est peut-être pas le sujet de préoccupations numéro un aujourd'hui…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non…
FLORENCE PARLY
Mais relancer l'économie, c'est aussi ce qui contribuera à résoudre pour partie les problèmes auxquels les Français sont confrontés.
LAURENT NEUMANN
Madame la Ministre, tout à l'heure vous disiez à juste titre que la politique ça consistait à gérer des émotions, vous avez parfaitement raison, mais supprimer l'ISF ça crée une émotion politique, qui va bien au-delà des raisons pour…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Là il y a une urgence, c'est le pouvoir d'achat immédiat.
FLORENCE PARLY
Je crois justement Jean-Jacques BOURDIN, que le dialogue auquel le gouvernement appelle, doit permettre de poser l'ensemble de ces questions, et la fiscalité fait partie de ces questions.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais évidemment.
FLORENCE PARLY
Elle est importante.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais elle est essentielle même la fiscalité. La fiscalité ça ne veut pas dire que l'impôt sur le revenu, ça veut dire toutes les taxes et contributions, parce que les mots sont multiples, que nous payons, que les Français paient. Merci Florence PARLY, merci messieurs, d'être venue nous voir.
FLORENCE PARLY
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 décembre 2018