Texte intégral
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Bonjour à tous. Mon invitée ce matin est la Secrétaire d'Etat chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Bonjour Marlène SCHIAPPA.
MARLENE SCHIAPPA, SECRETAIRE D'ETAT A L'EGALITE FEMMES-HOMMES ET A LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS
Bonjour.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous qui êtes justement chargée de la lutte contre les discriminations en général, est-ce que vous estimez qu'aujourd'hui il y a deux France ? La France des privilégiés et la France des oubliés. En tout cas, c'est ce que disent les Gilets jaunes, Marlène SCHIAPPA.
MARLENE SCHIAPPA
Moi, je crois que ce qu'il faut éviter à tout prix justement, c'est le clivage. Donc il y a effectivement des gens qui vivent bien et des gens qui vivent avec beaucoup plus de difficultés mais moi je m'oppose à ce qu'on entend, cette petite musique qui vise à dire qu'il y aurait la France de Paris avec les nantis et la France des territoires avec les gens dans les difficultés. D'abord parce qu'il y a des gens qui sont dans une galère terrible en région parisienne. Il ne suffit pas d'être à Paris pour être privilégié
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Non, non, je ne parlais pas de l'ensemble. Je parlais de ce que certains sociologues appellent la France des anywhere, ceux qui peuvent vivre partout parce qu'ils en ont les moyens et ceux des somewhere qui sont dans leur territoire.
MARLENE SCHIAPPA
Je pense que c'est un sujet intéressant de sociologie mais qui est là aussi assez caricatural. Il y a aussi des gens qui vivent très bien dans les territoires puis il y a aussi les gens des banlieues que l'on entend assez peu. Il y a assez peu de jeunes de banlieue par exemple parmi les Gilets jaunes.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est vrai. Comment vous l'interprétez d'ailleurs que ce mouvement, on le voit, c'est plutôt un mouvement de classes moyennes populaires ? On voit les âges de trente ans aux retraités et pas beaucoup de gens de banlieue.
MARLENE SCHIAPPA
Oui. Vous savez, moi je suis élue de la Sarthe et j'étais donc vendredi à la rencontre de Gilets jaunes qui m'ont dit : « Nous, on se sent aussi déconsidérés. » Donc je crois qu'au-delà de la question du pouvoir d'achat qui est importante et qui est centrale, il y a aussi cette question de déconsidération. Et puis une autre chose que j'ai observée et qui me frappe, c'est la porosité de ce qu'on appelle maintenant les fake news. C'est-à-dire que quand j'ai demandé à ces Gilets jaunes quelles étaient leurs revendications, parmi leurs dix revendications, il y en a au moins quatre qui étaient basées sur des fausses informations. Ils pensent qu'on interdit le fioul, ils pensent qu'on a arrêté les pensions de réversion, ils pensent que les mariages des députés sont pris en charge par leurs impôts, et cætera et cætera. Donc moi, je suis assez frappée et assez interrogée sur la manière dont ces fausses informations circulent plus vite que les véritables informations.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Je vais reposer et préciser ma question sur la sociologie de ce qu'on voit. Effectivement c'est la France des territoires, il y a sans doute la France des banlieues, mais il n'y a pas la France des quartiers comme parfois on la caricature. Pourquoi ils ne sont pas dans les mouvements, sur les barrages ? Cette jeunesse qui parfois se manifeste par sa désespérance ; on se rappelle de la crise des banlieues en 2005. Ils ne sont pas là.
MARLENE SCHIAPPA
Bien sûr. C'est un constat que je fais avec vous, je n'en ai pas forcément les tenants et les aboutissants. Mais après, on voit aussi qu'il y a parfois une forme de deux poids deux mesures dans le traitement de ces mobilisations ou de ces manifestations voire de ces émeutes. Parce que lorsque ce sont des jeunes de banlieue, Marine LE PEN par exemple se précipite avec d'autres leaders politiques pour demander un couvre-feu, des mesures, de la sévérité. Là, ce sont des Gilets jaunes ; on a l'impression qu'il y a une forme peut-être un peu plus de complaisance de la part
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Elle les encourage Marine LE PEN vous voulez dire ?
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez, je ne dirais pas qu'elle les encourage mais je dirais qu'en tout cas, elle a appelé à venir sur les Champs-Elysées alors que tout le monde a dit que c'était une mauvaise idée d'un point de vue de la sécurité. Et il y a, oui, des responsables politiques : Marine LE PEN mais elle n'est pas la seule, François RUFFIN aussi, qui jettent de l'huile sur le feu, qui relaient des menaces de mort à l'encontre du Président de la République par exemple. Je trouve que c'est très grave.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Comment vous caractériseriez ce mouvement ? Est-ce que vous avez compris leurs demandes et quelles sont les solutions que vous pourriez leur apporter ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui, j'ai compris en tout cas. D'abord, c'est un mouvement très hétérogène. Donc moi, j'ai rencontré une dizaine de personnes de délégations de Gilets jaunes de la Sarthe qui, entre eux, n'étaient pas d'accord.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous faites partie des ministres qui avez rencontré des Gilets jaunes effectivement en fin de semaine.
MARLENE SCHIAPPA
Absolument et je vais poursuivre. Parce que moi, je suis élue de la Sarthe donc je suis allée en Sarthe, mais je m'occupe aussi de l'égalité entre les femmes et les hommes, donc dans les jours à venir, je vais rencontrer
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il y a beaucoup de femmes sur les barrages.
MARLENE SCHIAPPA
Absolument. Il y a beaucoup de femmes donc dans les jours à venir, je vais rencontrer des Gilets jaunes qui sont des femmes et qui portent des demandes qui me semblent assez légitimes. Au demeurant si vous me le permettez, moi je suis assez surprise de voir qu'il y a des gens qui découvrent 1 : que les femmes savent se mobiliser. Ça fait longtemps que les femmes sont mobilisées.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Non, ce n'est pas une découverte mais c'est formidable de voir qu'effectivement c'est un mouvement très mixte.
MARLENE SCHIAPPA
Si, pour certains leaders politiques c'est une découverte. Et 2 : qui découvrent que les femmes sont surreprésentées dans la précarité. Parce que les femmes sont surreprésentées dans les temps partiels subis et pas choisis, nous sommes surreprésentées dans les familles monoparentales donc qui doivent gérer seules l'éducation des enfants avec un seul revenu, nous sommes surreprésentées dans les personnes qui sont dans la précarité. Donc là, on dirait qu'on découvre maintenant que les femmes sont surreprésentées dans la précarité.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors vous qui finalement êtes en train de m'expliquer que vous comprenez très bien sociologiquement qui sont ces Gilets jaunes, j'ai envie de vous dire donc vous les comprenez, est-ce que vous allez jusqu'à les soutenir ? Parce que, vous avez raison, des femmes seules, des femmes qui ont des temps partiels, qui ont des SMIC à temps partiel, qui ne peuvent pas s'occuper convenablement de leurs enfants, vous comprenez ces gens.
MARLENE SCHIAPPA
Deux choses. Moi, je comprends.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous avez une sensibilité de gauche à l'origine.
MARLENE SCHIAPPA
Absolument et je viens de ces milieux-là. Ma soeur travaille dans une école rurale, mon beau-frère est infirmier aux urgences, j'ai une belle-mère qui a été au chômage. Ce sont des choses que je peux comprendre.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Est-ce qu'ils sont Gilets jaunes votre beau-frère, votre soeur ?
MARLENE SCHIAPPA
Ils ne sont pas Gilets jaunes mais c'est leur sensibilité.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Parce que vous êtes ministre ?
MARLENE SCHIAPPA
Ça n'a absolument rien à voir, c'est ridicule, excusez-moi. Ça n'a rien à voir. Non, ce qu'il y a, c'est que comme vous l'avez dit, moi j'ai une sensibilité de gauche, dans une famille qui a une sensibilité de gauche, qui se bat pour des luttes collectives et quand ils manifestent, c'est pour demander qu'il y ait plus d'hôpitaux, plus de professeurs et cætera et ça n'est pas pour être contre des taxes. Mais ce que je voudrais dire, c'est que ce mouvement qui est très hétérogène, il y a des revendications diverses. Moi sur la douzaine, dizaine de Gilets jaunes que j'ai rencontrés en Sarthe, tous et toutes n'étaient pas d'accord entre eux sur les revendications.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On l'a vu.
MARLENE SCHIAPPA
Néanmoins, il y a quelque chose qu'on ne peut que comprendre. L'un d'eux m'a dit : « Vous savez, moi je suis Gilet jaune parce que quand je suis invité à dîner dans ma belle-famille, je n'ai pas de quoi amener un petit bouquet de fleurs pour venir au dîner. Donc j'arrive tant bien que mal à payer mes factures mais tous les petits plaisirs de la vie pour moi c'est terminé, parce qu'il y a une hausse des prix trop forte » Nous ce qu'il faut leur répondre, c'est que nous sommes en train de travailler justement pour que chacune et chacun puisse vivre, bien vivre de son travail. Mais le travail que nous menons en termes de politiques publiques, il va porter ses fruits dans quelques années et c'est cette transition qui est difficile.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous demandez du temps.
MARLENE SCHIAPPA
Non, je ne demande pas du temps. Je ne demande rien parce que je comprends que quand on n'arrive pas à remplir son frigo et qu'on se demande si on va offrir un repas de Noël à ses enfants, on ne peut pas se dire : « Moi, je vais attendre trois ans que la situation du pays aille mieux. » Donc c'est à nous de trouver des réponses pour faire en sorte que cette période de transition entre le moment où nous sommes arrivés et le moment où nos politiques produisent des résultats se passe mieux pour l'ensemble de ces Français. C'est ce que fait le Premier ministre aujourd'hui même en rencontrant l'ensemble des parties prenantes.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors c'est intéressant parce que vous dites que les personnes que vous connaissez ne réclament pas forcément moins d'impôts, moins de taxes mais plus d'hôpitaux, plus de services publics. Par exemple vous, vous pensez qu'il faut moins d'impôts pour taire la colère des Gilets jaunes ou pas ?
MARLENE SCHIAPPA
Moi, je ne pense pas qu'il faille moins d'impôts dans l'absolu. Je pense qu'il faut mieux d'impôts. Et ce que m'ont dit les gens que j'ai rencontrés, ils ne sont pas contre l'impôt. Je leur ai dit au début : « Mais vous êtes contre l'impôt, c'est notre bien commun. C'est qui paye nos routes, nos hôpitaux, nos écoles. » Ils m'ont dit : « Non, on n'est pas contre l'impôt mais on ne veut pas avoir le sentiment d'être les seuls à payer. » Et je les comprends.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Marlène SCHIAPPA, il va falloir accorder vos violons au sein du Gouvernement parce qu'écoutez ce que disait Gérald DARMANIN il y a quinze jours au Grand jury.
GERALD DARMANIN, MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS
La question aujourd'hui, c'est la justice fiscale. Est-ce que les Français souhaitent une baisse encore plus rapide parce que nous la faisons des impôts ? Moi, je partage cette opinion qu'il faut baisser plus fortement les impôts. Mais je dis, parce que je suis responsable, il faut baisser en même temps les dépenses. Et moi, je constate que nous sommes peu nombreux parmi les responsables politiques à tenir un discours de vérité qui consiste à dire qu'il faut d'abord baisser les dépenses pour baisser les impôts.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors vous n'est pas d'accord ensemble. Lui pense qu'effectivement la demande des Gilets jaunes c'est moins d'impôts et que, du coup, il faut baisser la dépense donc sans doute moins de services publics.
MARLENE SCHIAPPA
Non, non, il n'a pas dit moins d'impôts, il dit un montant, un seuil d'impôts qui soit inférieur. Ce n'est pas la même chose.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Je ne comprends pas la différence.
MARLENE SCHIAPPA
La différence, c'est que vous avez plusieurs sortes d'impôts et à l'intérieur de ces sortes d'impôts, vous avez des montants. Par exemple nous, qu'est-ce que nous avons fait ? Nous avons supprimé la taxe d'habitation pour une grande partie des Françaises et des Français.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Progressivement. En trois ou quatre ans.
MARLENE SCHIAPPA
Evidemment progressivement. Rien ne se fait comme ça de façon radicale. Mais nous avons néanmoins fait en sorte que pour l'immense majorité des Français, il n'y ait plus de taxe d'habitation. Ça, c'est supprimer un impôt et c'est ce que nous avons fait et nous le revendiquons. Et ensuite, quand je dis qu'il faut mieux d'impôts, je vais aborder un sujet qui fâche un peu mais la question de l'ISF, parce que moi j'ai entendu beaucoup de Gilets jaunes me dire : « On veut que vous remettiez l'ISF »
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Exactement, parce qu'ils considèrent qu'on a fait des cadeaux aux riches alors qu'ensuite on a demandé des efforts aux plus modestes, notamment en augmentant les taxes sur l'essence.
MARLENE SCHIAPPA
Absolument et je comprends ce sentiment qui peut être perçu
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous êtes d'accord avec eux ?
MARLENE SCHIAPPA
Je comprends le sentiment quand c'est perçu
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous étiez contre la suppression de l'ISF ?
MARLENE SCHIAPPA
Je vais au bout de mon raisonnement. Je comprends le sentiment quand c'est perçu de cette manière. D'abord l'ISF, il a été transformé. Il faut savoir c'était un impôt qui coûtait plus à recouvrir qu'il ne rapportait d'argent.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ça, ce n'est pas vrai.
MARLENE SCHIAPPA
Ah si, c'est vrai.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On sait que c'est un impôt qui coûte à recouvrer mais les quatre milliards qu'on a supprimés, ils rapportaient quatre milliards.
MARLENE SCHIAPPA
Non, non, c'est ce que disent les experts.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ça ne coûte pas quatre milliards de fonctionnaires pour récolter l'impôt.
MARLENE SCHIAPPA
C'est ce que disent les experts indépendants à cet égard en termes d'économies.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Pas tous.
MARLENE SCHIAPPA
Beaucoup entre. Et ensuite, nous, nous allons évaluer cela sous l'autorité du Premier ministre. Et si le Premier ministre considère que ça a fait perdre de l'argent au pays, nous en tirerons les conséquences mais d'abord je crois qu'il faut l'évaluer
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous n'excluez pas le retour de l'ISF ce matin ?
MARLENE SCHIAPPA
Ce n'est pas ce que je dis. Ce que je dis, c'est qu'il faut d'abord évaluer les choses et moi je pense qu'il faut sortir des solutions manichéennes, des totems et des choses dont on dit pour, contre, oui, non et cætera. On est dans une situation inédite dans notre pays avec une crise subtile qui appelle des réponses subtiles et construites. Il ne s'agit pas de faire plaisir à telle ou telle personne ; il s'agit de transformer le pays de manière efficace.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Marlène SCHIAPPA, ce type de débat est très intéressant. Vous l'avez au sein du conseil des ministres ? Vous dites parfois : il faut qu'on mette à plat, qu'on fasse le bilan de la suppression de l'ISF et qu'on regarde si oui ou non il faut le réinstaurer ?
MARLENE SCHIAPPA
Bien sûr. Mais faire le bilan de la suppression, enfin de la transformation de l'ISF qui est devenu un impôt
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Foncier.
MARLENE SCHIAPPA
Voilà, foncier, absolument, donc qui n'a pas été supprimé mais qui a été transformé pour être encore plus efficace, évidemment il est prévu qu'il soit fait. Ce n'est pas forcément
Il n'y a pas de tabou si vous voulez.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On sent deux sensibilités quand même au sein de Gouvernement. On sent que le « en même temps » à un moment il faudra peut-être trancher. Est-ce qu'on fait une politique plus sociale en répondant aux Gilets jaunes ou on reste droit dans ses bottes vers le cap fixé il y a dix-huit mois ? Est-ce que le cap peut bouger ?
MARLENE SCHIAPPA
Moi, j'ai l'impression que personne n'est droit dans ses bottes comme vous le dites au Gouvernement. J'ai l'impression qu'il y a effectivement des sensibilités, des familles d'origines différentes.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est vrai. On les ressent maintenant aujourd'hui.
MARLENE SCHIAPPA
Bien sûr, mais évidemment. Mais moi, je n'ai jamais dit que j'arrêtais d'être de gauche et Gérald DARMANIN n'a jamais dit qu'il arrêtait d'être de droite.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais est-ce qu'à un moment donné, il ne va pas falloir trancher ?
MARLENE SCHIAPPA
Et ce n'est pas pour cela qu'on ne travaille pas bien ensemble puisqu'il a par exemple débloqué 100 % du budget pour les droits des femmes, ce qui a permis une première historique de faire en sorte qu'on puisse dépenser pour 2019 530 millions d'euros pour soutenir les femmes notamment qui sont victimes de violences et l'égalité entre les femmes et les hommes. Donc nous avons des sensibilités différentes mais nous travaillons ensemble. Le cap reste le même parce que nous pensons que notre cap et le programme sur lequel a été élu le Président de la République et ont été élus les députés de la majorité, ce cap est bon. Mais je crois qu'il faut ajuster le chemin que nous avons pris, le chemin pour arriver jusqu'à ce cap pour faire en sorte que ce chemin ne soit pas trop difficile pour les plus faibles, les plus fragiles et les plus modestes d'entre nous.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est un discours nouveau qu'on entend ce matin sur LCI avec vous Marlène SCHIAPPA : il faut ajuster le cap et entendre
MARLENE SCHIAPPA
Non, il faut garder le cap mais ajuster le chemin. Quand vous savez que vous voulez aller en haut d'une montagne, vous pouvez vous dire : « Je vais y aller à toute allure et tant pis pour ceux qui suivent ou ceux qui ne suivent pas » ou vous pouvez vous dire justement : « Les premiers de cordée vont hisser ceux qui sont en bas. On va y aller tous ensemble et au rythme qui va convenir à toutes et à tous sans perdre personne et sans laisser personne sur le bord du chemin. »
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Est-ce que pour faire ce chemin sinueux, on peut renoncer temporairement, un moratoire sur les taxes sur l'essence au 1er janvier ? Est-ce que c'est sur la table, en discussion ?
MARLENE SCHIAPPA
A ma connaissance, ce n'est pas sur la table mais par principe, puisque le Premier ministre Edouard PHILIPPE ouvre des discussions et des concertations, c'est qu'il peut redéfinir et redécider de ce qu'il met sur la table ou pas. Il va recevoir là les chefs de partis.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Effectivement toute la journée.
MARLENE SCHIAPPA
Absolument.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On va voir son agenda, l'agenda du Premier ministre Edouard PHILIPPE.
MARLENE SCHIAPPA
Voilà.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ça va commencer ce matin effectivement. Il va recevoir Laurent WAUQUIEZ, il va recevoir
MARLENE SCHIAPPA
Voilà, les présidents de groupes, des Gilets jaunes de nouveau. Et je voudrais dire que le Premier ministre
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Olivier FAURE, Laurent WAUQUIEZ, GUERINI et l'après-midi Marine LE PEN, Jean-Luc MELENCHON et Benoît HAMON.
MARLENE SCHIAPPA
Voilà, absolument. D'ailleurs le Premier ministre avait déjà ouvert la porte de Matignon à des Gilets jaunes. Il n'y a qu'un d'entre eux qui a daigné s'y rendre.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Demain, il va rencontrer d'autres Gilets jaunes.
MARLENE SCHIAPPA
Voilà. Il va de nouveau ouvrir la porte. Moi-même, je suis allée à leur rencontre en Sarthe, je vous l'ai dit, je rencontrerai d'autres Gilets jaunes de nouveau au cours des semaines à venir. Donc nous sommes vraiment dans le dialogue avec une main tendue pour travailler ensemble.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et donc là, tous les dirigeants politiques qu'il va rencontrer aujourd'hui, il y a du grain à moudre, Marlène SCHIAPPA ? Vous le disiez, tout est sur la table, on peut ajuster le cap.
MARLENE SCHIAPPA
Je ne dis pas que tout est sur la table, ça appartiendra au Premier ministre de dire ce qu'il décide de retenir ou de ne pas retenir. Mais je voudrais saluer cette démarche d'écoute et de travail commun.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc il va rencontrer toutes ces personnalités politiques aujourd'hui
MARLENE SCHIAPPA
Voilà.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais effectivement demain des Gilets jaunes, ceux qui voudront venir. C'est compliqué de trouver des Gilets jaunes prêts à discuter et surtout qui ne disparaissent pas le lendemain, parce que les porte-parole changent d'un jour à l'autre.
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez, c'est un mouvement hétérogène comme j'ai dit qui n'est pas structuré et je ne les blâme pas. Moi je leur ai dit : « Ce n'est pas à moi de vous structurer » pour ce qui concerne mon département parce qu'il y avait des débats entre eux pour savoir qui avait le droit de porter la parole ou de ne pas porter la parole, mais je pense que c'est important d'avoir des interlocuteurs et on voit à quel point c'est difficile. Vous savez, tout le monde
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous avez été agacée vendredi. Vous avez dit : « On n'est pas un self-service. »
MARLENE SCHIAPPA
Absolument. Matignon, ce n'est pas un self-service. Parce que moi, vous savez, moi je Républicaine avant tout. Je suis de gauche mais de gauche républicaine. Et donc moi, je crois à nos institutions, je respecte le suffrage universel, je respecte le Président de la République, le Premier ministre même dans le passé quand ils n'ont pas été de mon bord politique ou qu'ils ne correspondaient pas à mon choix d'électrice. Et oui effectivement, je trouve ça assez surprenant pour ne pas dire le contraire, que quand on est invité à parler les yeux dans les yeux avec le Premier ministre de la République française, on ne vienne pas honorer ce rendez-vous effectivement.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous parliez du respect des anciens présidents, vous avez vu que lui, François HOLLANDE, la semaine dernière, il a encouragé les gilets jaunes, qu'il a rencontrés, à continuer leur combat. Vous trouvez ça normal, logique, politique ?
MARLENE SCHIAPPA
Ça lui appartient, sincèrement, je trouve que François HOLLANDE, vu les conditions dans lesquelles il a été contraint de ne pas se représenter à sa propre succession serait bien inspiré de moins donner son avis sans cesse et de moins donner de leçons, quand on a échoué soi-même, on ne donne pas de leçons aux gens qui se démènent pour remettre justement le pays en l'état ; je le respecte tout à fait en tant qu'ancien président de la République, je pense qu'il pourrait respecter un peu davantage le choix des Françaises et des Français qui s'est exprimé au suffrage universel pour élire Emmanuel MACRON, président de la République.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Allez, on va parler du silence d'Emmanuel MACRON depuis son retour d'Argentine, hier, pourquoi le président ne parle pas ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors, d'abord, il a parlé notamment en Argentine, où il a fait des déclarations très fortes
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais depuis son retour en France, il s'est passé tellement quelque chose d'inouï quand même en France dans plusieurs grandes villes, et notamment à Paris, que beaucoup de Français attendent que le président parle.
MARLENE SCHIAPPA
Le président, quand il venait d'arriver, est allé justement à la flamme du soldat inconnu, l'a ravivée
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais sans parler
MARLENE SCHIAPPA
Sans parler aux médias forcément
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il est allé voir les forces de l'ordre, ce qui était normal, et on le comprend
MARLENE SCHIAPPA
Bien sûr, il a parlé aux forces de l'ordre
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais les Français ont peut-être besoin d'une parole
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez, moi, je crois que le président de la République, on parlait des institutions tout à l'heure, le président de la République, il est le président de la République, il est le garant de nos institutions, il est le garant des valeurs républicaines, parler, faire de la politique, c'est le travail du gouvernement, du chef du gouvernement, Edouard PHILIPPE, c'est ce qu'il fait aujourd'hui et c'est ce qu'il faisait précédemment, et de nous toutes et tous, le gouvernement, et c'est pour ça que je suis avec vous aujourd'hui, je crois que chacun doit être dans son rôle, dans sa position et tenir les mission qui sont les siennes.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Est-ce qu'il y a un problème MACRON, en tout cas, ce que disent les études d'opinion, c'est que les Français lui en veulent, en veulent particulièrement au président et attendent particulièrement de lui une parole, une action, un infléchissement du cap, comme vous en parliez tout à l'heure.
MARLENE SCHIAPPA
Il y a quelque chose, bien sûr, de très personnalisé, d'abord, parce que la 5ème République, elle est ainsi, la Constitution de 1958, elle est faite pour faire en sorte que le président de la République soit véritablement le chef de l'Etat et qu'il y ait une forme de personnalisation à son endroit, et particulièrement depuis qu'il est élu justement au suffrage universel direct, ce qui n'était pas le cas précédemment, mais je crois que par-dessus, nous avons un renouvellement de la vie politique, donc certains membres du gouvernement ne sont pas encore identifiés ou connus, et donc forcément, ça se cristallise sur le président, peut-être aussi parce que les Français ont mis beaucoup d'espoir, il a été élu par les Françaises et les Français, qui mettent et qui mettaient et qui mettent toujours, j'espère, un espoir dans l'action du président de la République.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, l'opposition a beaucoup d'idées pour vous, notamment, on va écouter Laurent WAUQUIEZ qui, hier, au 13h de TF1, évoquait un référendum, on l'écoute.
LAURENT WAUQUIEZ, PRESIDENT DU PARTI LES REPUBLICAINS
Qu'est-ce qu'il faut faire, il faut rendre la parole aux Français, j'en suis absolument convaincu, il faut qu'il y ait un référendum, parce qu'on a d'un côté un président qui ne comprend plus la France, des Français qui sont en colère et la violence, l'objectif, c'est : je demande un référendum sur l'ensemble des mesures du gouvernement, sur la transition énergétique et notamment les impôts et les taxes, pourquoi ? Parce que le président de la République ne l'avait pas mis dans son programme présidentiel, il ne l'a jamais expliqué.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Est-ce qu'il faut un référendum pour demander leur avis aux Français sur la hausse notamment de la taxe carbone ?
MARLENE SCHIAPPA
Mais là, on dirait qu'on assiste à un concours Lépine de l'idée la plus insolite, la plus originale, etc., ce n'est pas ça, et d'ailleurs, moi, dans les gilets jaunes que j'ai rencontrés, il ne m'est pas apparu qu'ils demandaient un référendum sur tel ou tel sujet. En revanche, remettre à plat la question de l'impôt, on en parlait tout à l'heure, moi, je crois que c'est une question subtile, intéressante, le consentement à l'impôt, c'est ce qui fonde aussi notre bien commun, l'adhésion la République est quelque part une forme de citoyenneté. Alors personne n'aime payer ses impôts, moi-même, quand ma fiche d'impôts arrive, que je dois envoyer un chèque, je ne suis pas ravie, mais je crois que, idéologiquement, philosophiquement, c'est important, c'est ce qui fait notre adhésion à la République aussi
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Marine LE PEN et Jean-Luc MELENCHON qui réclament, eux, la dissolution de l'Assemblée, une option aussi ?
MARLENE SCHIAPPA
Ça n'est pas mon souhait. Je pense qu'ils en parleront, et elle en parlera avec le Premier ministre, ça n'est pas mon souhait, parce qu'il y a eu des élections récentes, et je ne vois pas pourquoi on devrait dissoudre l'Assemblée nationale, il faut respecter peut-être aussi le suffrage universel, alors Marine LE PEN a perdu l'élection présidentielle, Jean-Luc MELENCHON a perdu l'élection présidentielle, leur parti respectif ont perdu les élections législatives, puisqu'une large majorité des députés élus sont des députés La République En Marche et MoDem, ils le déplorent, et il faut qu'ils aient aussi la patience et la compréhension des Françaises et des Français qui se sont exprimés dans les urnes, et il faut respecter cela.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Merci beaucoup Marlène SCHIAPPA d'avoir été avec nous ce matin
MARLENE SCHIAPPA
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 décembre 2018