Texte intégral
LEA SALAME
Bonjour à vous, Emmanuelle WARGON.
EMMANUELLE WARGON
Bonjour Léa SALAME.
LEA SALAME
Merci d'être avec nous. Vous êtes l'un des nouveaux visages du gouvernement, vous êtes entrée après la démission de Nicolas HULOT au ministère de la Transition écologique, d'abord quel sentiment vous traverse après ce week-end, après cet acte 4 de la mobilisation des gilets jaunes, est-ce que vous vous dites que le pire a été évité ou que le plus dur reste à faire ?
EMMANUELLE WARGON
Je crois que mon sentiment ce matin, c'est un sentiment d'urgence, urgence à trouver le moyen de renouer le dialogue ou de nouer le dialogue, urgence à passer à l'étape dans laquelle nous pouvons construire suite à ce mouvement, nous avons besoin de retrouver le calme, nous avons besoin que l'activité reprenne, nous avons besoin que les courses de Noël puissent avoir lieu. Et pour cela nous avons besoin de convaincre de notre capacité à avoir entendu ce mouvement et à changer.
LEA SALAME
Le « nous », vous pourriez dire « il », puisqu'au fond ça se résume à son intervention ce soir, « il » c'est Emmanuel MACRON, comment trouver les mots pour se réconcilier avec le pays, vous parlez de réconciliation, comment lâcher des choses sans se renier lui-même et surtout même s'il annonce une série de mesures ce soir, est-ce que ce sera suffisant ou est-ce que c'est trop tard ?
EMMANUELLE WARGON
Je pense qu'il y a la question des mots et le président lui-même l'a reconnu dans différentes interventions précédentes. Il a pu choquer à certains moments et je crois qu'il est prêt à dire que les mots sont importants. Mais après la réponse
LEA SALAME
Vous voulez dire qu'il est prêt à un mea culpa sur sa personne ?
EMMANUELLE WARGON
Après je pense que la réponse, elle est à court terme et à long terme, à court terme il faudra, nous avons commencé, des mesures d'apaisement, mais on voit bien que toutes les questions posées qui sont des questions de justice sociale, de justice fiscale, aussi des questions de vie quotidienne, comment est-ce qu'on construit des politiques publiques, qui sont au service de nos concitoyens, ces questions-là, on ne va pas les régler en 24 heures, en 48 heures, en une semaine, il faut qu'on les règles à travers la concertation qui s'engage. Et moi, je crois à ce processus de concertations.
LEA SALAME
Manifestement il n'y aura pas d'augmentation du SMIC, Muriel PENICAUD a fermé la porte hier vous qui venez du monde de l'entreprise, vous étiez à DANONE avant, est-ce que vous ne pensez pas que malgré tous ses défauts, il y en a, une augmentation du SMIC reste la mesure la plus parlante, la plus frappante pour les gens, plus qu'augmenter le minimum vieillesse ou la prime d'activité ?
EMMANUELLE WARGON
D'abord je crois que ce que les gens souhaitent, c'est du pouvoir d'achat et de pouvoir d'achat direct, pas du pouvoir d'achat à travers des aides. Mais la question des salaires pour moi, elle est plus globale que la question du SMIC, quand on regarde les salaires, c'est aussi l'échelle des salaires qui n'est pas suffisamment ouverte en France. Le SMIC, l'une des questions posées, c'est combien de temps on y reste, normalement on devrait pouvoir progresser, sortir du SMIC, avoir des évolutions salariales et je crois que c'est la modération salariale qui est issue, qui vient de loin, les 35 heures, puis la crise de 2008, qui maintenant est en question.
LEA SALAME
Donc clairement vous demandez aux entreprises d'en faire plus, vous demandez aux entreprises, aux chefs d'entreprise d'augmenter les salaires, c'est ça que vous dites ?
EMMANUELLE WARGON
Oui, je pense que la négociation salariale doit reprendre ça a été dit d'ailleurs par le Premier ministre qui invite les entreprises à travers la négociation annuelle obligatoire, à retrouver des marges de manoeuvre et c'est aussi la question d'une prime qui pourrait arriver vite et qui serait défiscalisée.
LEA SALAME
Donc vous dites augmenter le SMIC, ce n'est pas la bonne réponse.
EMMANUELLE WARGON
Je dis le SMIC, c'est à la fois un outil intéressant et à la fois un outil d'éviction, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle on a créé la prime d'activité, moi j'y ai contribué il y a maintenant 10 ans, parce que la prime d'activité c'est le moyen d'augmenter le pouvoir d'achat au niveau du SMIC. Donc je dis le SMIC, ça n'est pas la seule réponse.
LEA SALAME
Est-ce qu'Emmanuel MACRON, est-ce que vous souhaitez qu'Emmanuel MACRON parle d'écologie ce soir, de transition écologique, de fiscalité écologique ou est-ce que ces mots-là sont devenus tabous pour le reste du quinquennat ?
EMMANUELLE WARGON
Alors pour moi la transition écologique, elle est toujours aussi urgente maintenant qu'il y a 2 mois au qu'il y a 6 mois. Il y a d'ailleurs une marche sur le climat qui a eu lieu dimanche, samedi pardon.
LEA SALAME
Vous y étiez ?
EMMANUELLE WARGON
Non, je n'y étais pas, mais c'est une marche que je soutiens, il y a eu 20.000 personnes.
LEA SALAME
Pourquoi vous n'y étiez pas ?
EMMANUELLE WARGON
Je n'y étais pas parce que dans ce mouvement qui agrège des revendications contre le gouvernement et des revendications pour le climat, je pense aussi qu'il faut laisser l'expression, sans donner une impression de récupération. Néanmoins c'est Laurence TUBIANA qui le dit, la négociatrice des COP, ce serait folie d'opposer urgence climatique, transition écologique et justice sociale. On a besoin des deux, pendant que nous discutons, on a rapport sur rapport qui nous disent que les émissions de gaz à effet de serre ont continué, qui nous disent que nous avons peu de temps pour agir. Surtout moi j'ai discuté avec des personnes qui portent des gilets jaunes, c'est difficile d'agréger, c'est difficile de dire il n'y a pas d'universalité, mais les gens avec lesquels j'ai discuté, ils ne sont pas contre la transition écologique, ils ne sont pas plus ou moins écologiques que les autres, ils disent, ce n'est pas possible de le faire dans les conditions dans lesquelles on vit, donnez-nous la possibilité de le faire, accompagnez nous, ne mettez pas la charrue avant les boeufs. Donc la transition écologique, elle est toujours là, elle doit être là, c'est la manière qui doit changer.
LEA SALAME
La taxe carbone, vous l'aviez défendu, on se souvient il y a quelques semaines, c'est comme ça que les gens vous ont connu, puisque vous vous étiez filmée avec un Smartphone pour répondre à Jacline MOURAUD en défendant la taxe carbone, vous aviez dit il faut l'appliquer cette taxe carbone, c'est bien, il faut faire la convergence diesel-essence, est-ce que vous dites encore ça ce matin ?
EMMANUELLE WARGON
A moyen, long terme la convergence diesel-essence, elle est légitime, il n'y a pas de raison de taxer plus ou moins l'essence ou le diesel. Le diesel émet des particules fines. A court terme, on a eu raison de d'annuler cette taxe, il faut que nous trouvions
LEA SALAME
Pardon mais vous vous reniez, vous reniez ce que vous disiez dans la vidéo. Je n'y peux rien, mais c'est la vérité.
EMMANUELLE WARGON
Entre-temps il s'est passé des choses, entre-temps un mouvement de contestation est monté. Cette taxe, elle est autour de 3 centimes par litre, entre-temps le litre d'essence et de gasoil a baissé aussi, mais on voit bien qu'au-delà du montant lui-même, c'est tout le système qui est remis en cause. On a cru qu'on pouvait ajouter une taxe supplémentaire, elle est légitime économiquement, elle a du sens, elle n'était pas acceptable socialement, il faut l'entendre, on l'a entendu.
LEA SALAME
Et donc il faut dire maintenant la taxe carbone, c'est terminé. Hier je ne sais pas si vous avez lu La Tribune de Jean TIROLE dans le JDD, il l'a défend cette taxe, il dit, elle est bien cette taxe, il dit ça a marché en Suisse, ça a marché en Suède et pourtant elle était beaucoup plus haute qu'en France, c'est juste qu'elle a été très mal appliquée en France.
EMMANUELLE WARGON
Il faut un nouveau pacte fiscal et dans ce nouveau pacte fiscal quand on aura remis à plat la fiscalité, quand on aura retrouvé les bases du consentement à l'impôt, alors on pourra de nouveau argumenter pour expliquer pourquoi cette taxe a du sens. Cette taxe a sûrement plus de sens que beaucoup de taxes en France aujourd'hui, simplement l'ajouter sur une base fiscale déjà très chargée, ça n'était pas la bonne méthode.
LEA SALAME
Pourquoi c'est l'écologie qui trinque à chaque fois ? Je veux dire, on est on est les champions des prélèvements des impôts et des prélèvements obligatoires, et ça cale sur l'écologie comme il y a, sous François HOLLANDE avec les bonnets rouges, ça cale sur l'écologie, comment vous expliquez ça ?
EMMANUELLE WARGON
Je ne suis pas sûr que ce soit l'écologie qui trinque, c'est le point de cristallisation. La contestation est née de cette taxe, aussi parce qu'on a dit aux gens, changez de moyen de transport alors que parfois c'est juste très difficile de changer de moyens de transport et qu'il faut d'abord accompagner la transition vers des transports différents avant de pouvoir reparler taxation. Donc le gouvernement a entendu, abandonné la mesure qui posait problème, c'était une mesure de taxation écologique, mais on voit bien que le débat va bien plus loin et vraiment je ne crois pas que nos concitoyens soient contre l'écologie ou la transition écologique. Je crois que la question de solidarité qui nous est posée, c'est la solidarité entre les riches et les pauvres mais c'est aussi la solidarité entre aujourd'hui et demain et ça les gens l'entendent. La question qui nous est posée, c'est la manière, le fait d'arriver avec en surplomb en expliquant aux gens ce qui est bien pour eux, alors qu'on a oublié peut-être la base de la co-construction, de la discussion, du débat, c'est ça qu'il faut que nous retrouvions.
LEA SALAME
Une dernière question, on n'a pas respecté nos émissions, nos obligations d'émissions de gaz à effet de serre en 2017, les obligations fixées par l'Accord de Paris, la France est au-dessus, est-ce que cette année Emmanuelle WARGON, vous pouvez nous dire qu'on respectera nos obligations ou on sera encore au-dessus ?
EMMANUELLE WARGON
Je ne peux pas vous dire qu'on respectera, il est assez probable qu'on soit en stagnation ou en tout cas autour de la stagnation.
LEA SALAME
C'est-à-dire qu'on sera toujours à plus 7% de ce qu'on doit faire ?
EMMANUELLE WARGON
Je pense que l'un des enjeux les plus importants pour les émissions carbone, c'est le chauffage, la rénovation des bâtiments, là c'est un secteur sur lequel on peut faire des progrès, au bénéfice à la fois de la planète et des factures de chauffage de nos concitoyens. Donc là on est vraiment dans un système gagnant-gagnant et là on peut avancer.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 11 décembre 2018