Texte intégral
Mesdames et messieurs,
Je vous prie de m'excuser de passer en coup de vent. Il est en ce moment beaucoup question de l'énergie et de son coût. Au-delà des mécontentements et des manifestations qui se font jour et qui peuvent elles-mêmes susciter un certain mécontentement, j'espère qu'il en restera quelque chose et que nous pourrons mener un débat intéressant sur la question du prix comme des coûts de production. Quoi qu'il en soit, je défendrai toujours qu'il est plus sain que le prix couvre le coût de production, ce qui n'est pas toujours simple à faire admettre dans le débat public.
De la même manière, pour maîtriser les prix, il faut développer des technologies dont on maîtrise les coûts de production. Il est parfois difficile de le faire comprendre à des producteurs.
Dans le secteur de l'électricité, nous avons présenté avant-hier la programmation pluriannuelle de l'énergie. Ses enjeux généraux, depuis le climat jusqu'aux sujets les plus particuliers (niveau de consommation, prix, etc.) ont été mis en exergue.
Nous avons la chance en France que l'électricité soit décarbonée, au point que le problème du CO2 ne porte pas sur l'électricité. Personne ne parle de substituer aux moyens de production actuels des moyens carbonés. Ce sont les transports ou le logement qui concentrent les émissions.
Nous irons même encore plus loin avec l'arrêt de la production thermique à charbon. Les dernières centrales à charbon seront fermées d'ici à 2022. Le grand axe de notre politique dans le secteur de l'électricité est le développement des énergies renouvelables. Nous visons à atteindre un taux de 40 % dans la production globale d'électricité en 2030, par une trajectoire de développement des capacités d'éolien (terrestre, posé en mer ou flottant). Ainsi, nous visons à multiplier par 2,5 les capacités de production éolienne installées et par 5 les capacités de production solaire photovoltaïque. Nous avons retenu ces deux techniques, car nous avons la préoccupation du prix et du coût de production. Or c'est dans ces deux secteurs que les prix de production ont le plus baissé. C'est en nous appuyant sur des filières technologiquement fiables et économiquement compétitives que nous réussirons. Nous tenons à compter 3 GW d'éolien posé et 1 GW d'éolien flottant. Certains trouvent que c'est insuffisant. Nous avons considéré que cette filière devait encore être développée, sans renouer toutefois avec les difficultés de l'éolien posé. Nous pourrions de surcroît accélérer à terme, si le succès était au rendez-vous.
S'agissant de la production d'électricité, il me semble important de souligner que la diversification est importante dans les technologies, tout comme la diversification territoriale. Nous quittons une production centralisée pour passer à une diffusion plus large. C'est un atout pour nos territoires et notamment pour les campagnes. Cette transformation s'accélérera.
Des conséquences apparaîtront aussi sur le réseau. Ces mutations sont déjà engagées. Nous sommes engagés dans une transformation de notre système de production d'électricité qui n'avait jamais eu lieu depuis le lancement du programme électronucléaire, qui était déjà une transformation profonde. Des capacités de production anciennes, thermiques, continueront à être fermées, comme ce fut le cas pour les centrales au fioul, au profit des centrales nucléaires ou des centrales à gaz. Sur ce point, nous avons toujours fait état de notre volonté de progressivité. Il appartiendra à EDF de nous exposer les démarches à mener pour permettre ces fermetures, sous l'autorité de l'ASN. L'ASN pourrait aussi demander à l'opérateur d'arrêter une centrale en particulier, pour y mener des travaux de mise aux normes. Tel est le cas dans certaines centrales belges, dont plusieurs ont été mises à l'arrêt simultanément. Nous travaillons d'ailleurs à l'interconnexion au niveau européen, pour garantir la sécurité de l'approvisionnement. Nous continuerons à investir pour la favoriser. Je précise que l'Allemagne ne peut pas aider la Belgique sans passer par un autre pays, faute d'interconnexion avec ce pays.
Passons à la question de l'intermittence, qui est entrée dans le langage courant, malgré son inexactitude. La variabilité de la production peut parfois être prévisible, la variabilité de la consommation pouvant aussi être impactante. Il faut la lisser ou du moins apprendre à la gérer.
Nous travaillons en outre sur le stockage. Si des solutions à coût raisonnable émergeaient, elles faciliteraient sans doute les énergies renouvelables. Je préfère ne pas attendre une hypothétique rupture technologique magique. Certaines innovations comme le numérique apportent déjà de nombreuses opportunités. Personne ne l'aurait imaginé il y a quinze ou vingt ans. Nous ne saurions ancrer nos perspectives stratégiques sur la possible arrivée d'une technologie.
De son côté, la mobilité électrique revêt une grande importance. Nous nous engageons dans cette voie. Elle est d'ailleurs appelée à s'accélérer. Nous appuyons des initiatives soutenables en ce qui concerne les voitures électriques, avec un objectif de 4,8 millions de voitures électriques en circulation en 2028, sachant que nous comptons aujourd'hui 32 millions de véhicules dans les rues. D'ici là, certaines questions complexes devront être tranchées, comme l'installation massive des bornes de recharge.
Certains affirment que la voiture électrique ne réussira que si la capacité de production augmentait fortement. Nous estimons plutôt que la consommation d'électricité est appelée à rester stable, grâce à une plus grande efficacité énergétique.
Il est important que la ligne politique soit claire et accompagne les évolutions. Autant il faut avancer progressivement, autant les actions doivent rester cohérentes dans le temps. Ceux qui en appellent à arrêter la fiscalité écologique renvoient sans doute la voiture électrique aux calendes grecques. Or il nous faut changer d'échelle dans les économies d'énergie, dans le bâtiment et les transports, dans la production d'énergie renouvelable et dans le développement de la voiture électrique. Pour cela, il nous faut être cohérents et responsables dans nos dispositifs et nos actions. Nous devons d'ailleurs remplacer le terme de transition par celui de transformation, pour saisir de nouvelles opportunités respectueuses de l'environnement mais aussi attractives sur le plan économique. Notre pays en est capable et dispose de forces à mettre en avant.
Source http://ufe-electricite.fr, le 19 décembre 2018