Texte intégral
Mesdames,
Messieurs,
J'ai annoncé, hier, lors d'une conférence de presse le programme d'actions " maladies d'Alzheimer " du gouvernement. Ce programme d'actions était mentionné dans les principaux axes de la politique de santé que j'ai présenté en mars dernier. J'ai le plaisir, aujourd'hui, au cours de cette réunion internationale de la société française de neurologie sur les démences, de vous en présenter les grandes lignes.
Vous le savez 500 000 à 600 000 personnes en France seraient atteints de démence dont 350 000 de maladies d'Alzheimer. La prévalence des démences augmente avec l'âge passant de 1% entre 65 et 69 ans à plus de 15% au-delà de 85 ans. Les experts estiment à plus de 100 000 le nombre de nouveaux cas par an et prédisent en 2020 un doublement de ces cas.
A ces aspects épidémiologiques, il faut souligner les particularités cliniques des démences qui altèrent les capacités cognitives, qui entraînent la perte des repères dans le temps et dans l'espace, qui provoquent des troubles graves du comportement et une perte de l'autonomie... L'apparition de ces symptômes, qui évolue sur plusieurs années, sont terribles ; les malades sont conscient de la réalité de leurs troubles ; le conjoint, la famille, les proches constatent une lente et irréversible dégradation des fonctions supérieures et il arrive un moment où l'évolution de la maladie rend inexorable l'entrée en institution.
A la demande du gouvernement et plus particulièrement de Martine Aubry le Pr. Jean-François Girard, ancien directeur général de la santé a dressé un bilan de la situation et fait des propositions. J'ai, également, pris connaissance des recommandations exprimées à l'issue du colloque européen sur la maladie d'Alzheimer de décembre 2000.
C'est ce constat qui m'a amené à proposer, dans mon programme de santé publique annoncé en mars 2001, la maladies d'Alzheimer et les maladies apparentées comme une priorité de santé et amènent à vous proposer un programmes d'actions articulés sur 6 objectifs :
1 - Identifier les premiers symptômes et orienter,
Dans notre pays, la moitié des démences ne sont pas diagnostiquées. Il convient donc de permettre l'identification des symptômes pouvant amener au diagnostic. Je souhaite même pour ma part favoriser le diagnostic précoce qui permet la mise en oeuvre d'un projet de soins médico-psycho-social voire de retarder par des thérapeutiques l'évolution de certaines formes de la maladie. Cette démarche ne doit pas être confondue avec celle d'un dépistage ; une campagne de dépistage systématique en population générale n'est pas justifiée dans les conditions actuelles. Il n'existe pas, en effet, de marqueurs permettant un diagnostic de certitude.
La première étape d'un diagnostic est de détecter les premiers symptômes, les premiers signes d'alerte que sont la diminution des performances dans certains actes de la vie quotidienne : utilisation du téléphone, des transports, gestion du budget,... Ces troubles de la mémoire sont trop souvent banalisés. Les personnes qui présentent ces troubles doivent pouvoir bénéficier d' explorations des fonctions cognitives adaptées. Les médecins généralistes ont dans ce domaine un rôle important à jouer dans l'identification des plaintes et dans l'orientation des personnes vers une consultation mémoire.
C'est pourquoi, j'ai demandé, d'une part, à l'INSERM de valider des outils d'évaluation des fonctions cognitives en médecine de ville et, que d'autre part, soit mise en oeuvre un plan de formation national des médecins généralistes. Dès 2002, seront élaborés des supports pédagogiques et entrepris une formation de formateurs, c'est à dire la formation de médecins chargés de former au niveau local les médecins généralistes ; 1,8 MF seront consacrés en 2002 à cette action.
2 - Structurer l'accès à un diagnostic de qualité
a - Développer des consultations mémoires,
Lorsque le médecin de ville détecte chez une personne un trouble de la cognition, il doit pouvoir l'adresser avec son accord à une consultation spécialisée. Cette démarche mobilise des moyens cliniques, paracliniques et des tests neuropsychologiques à travers une équipe pluridisciplinaire. En effet, le diagnostic de démence apparaît souvent comme un diagnostic d'exclusion ; il est particulièrement difficile à un stade précoce. L'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé a publié, en février 2000, des recommandations pratiques pour le diagnostic de la maladie d'Alzheimer.
Le constat actuel est celui d'une grande hétérogénéité des consultations spécialisées et d'un accès difficile aux tests neuropsychologiques du fait même du peu de neuropsychologues formés. Les délais d'attente sont longs, trop longs. Ainsi, dans le Nord-Pas-de-Calais, région dynamique où il existe, d'ores et déjà, dans de nombreuses villes des consultations mémoire et où les acteurs travaillent dans une dynamique de réseau le délai moyen d'attente varie de 3 à 6 mois.
J'ai demandé à la Direction de l'Hospitalisation et de l'Organisation des Soins de préparer un cahier des charges précis de ces consultations qui seront dénommées " consultations mémoire ". Les moyens de ces consultations seront renforcés. Ainsi en 2002,
35 MF seront destinés au recrutement de personnels médical et non médical. L'accent sera mis sur le recrutement de neuropsychologues. L'effort financier pour répondre aux besoins, devra être envisagé de manière pluriannuelle.
Mais permettre un diagnostic signifie, également, qu'une réponse adaptée médico-psycho-sociale soit proposée à la personne atteinte de démence. En effet, d'une part des médicaments permettent de ralentir dans certaines situations l'évolution de la maladie et, d'autre part les retentissements de la maladie sur la vie quotidienne et sociale nécessitent un soutien et un accompagnement des familles. C'est pourquoi, je tiens à ce que dans le cahier des charges des consultations mémoire soit intégrée la notion de projet de soins et de prise en charge globale dans une logique de travail en réseau avec l'ensemble des acteurs, en particulier les généralistes et les professionnels du monde médico-social.
b - Lever le doute diagnostic - permettre l'accès à des centres mémoires de ressource et de recherche,
Lever l'incertitude, permettre un diagnostic dans des formes précoces, être un recours pour les consultations mémoires pour les cas complexes et difficiles, nécessitent que nous disposions de centres mémoire de ressource. C'est pourquoi, j'ai souhaité qu'à travers un cahier des charges ces centres soient identifiés. Ils devront avoir une activité de recherche notamment clinique. Ces centres mémoire de ressource et de recherche constituent des structures de deuxième niveau articulés avec les consultations mémoire.
Je souhaite que ces centres jouent un rôle moteur dans l'animation de réseaux de consultations mémoire régionales ou interrégionales, assurent des actions de formation médicales et paramédicales et participent à une réflexion éthique sur laquelle je reviendrais.
Une enveloppe de 5 MF permettra de renforcer leurs moyens.
3 - Préserver la dignité des personnes
Les particularités cliniques de la maladie d'Alzheimer rendent les personnes souffrant de cette pathologie très vulnérables. Au cours de l'évolution de cette maladie surviennent des situations critiques, des situations de crise qui posent des problèmes éthiques. Il nous faut, par conséquent, réfléchir sur les conditions de l'annonce d'un diagnostic pour une maladie aussi grave et les conséquences que cela entraînent, sur la signification du consentement aux soins pour les personnes à un stade évolué de la maladie, mais aussi sur des situations de la vie quotidienne comme la conduite automobile ou la privation de liberté Nous pouvons établir des référentiels, des recommandations construits autour du respect impératif de la personne malade. Nous réunirons cinq tables rondes citoyennes associant l'ensemble des experts avec bien entendu les représentants des associations de malades et nous diffuserons largement les résultats de ces réflexions. Les centres mémoire de ressource et de recherche mettront en place quant à eux des espaces éthiques pour aider à prendre des décisions difficiles, pour organiser une médiation en cas de conflit... Cette mission sera inscrite dans leur cahier des charges.
4 - Soutenir et informer la personne malade et sa famille : allocation personnalisée d'autonomie, accueil de jour, centres locaux d'information et de coordination
Vivre avec la maladie d'Alzheimer est une réalité pour une grand part des français. En effet, les experts estiment que 75% des personnes atteintes de maladie d'Alzheimer restent et vivent à domicile ou chez leurs proches. Ceci témoigne de l'immense solidarité familiale qui existe dans notre pays. Je tiens à rendre hommage ici tout ceux qui au quotidien aident, soignent leurs proches atteints de cette terrible maladie. Ceci permet à la personne malade de garder ses repères et de maintenir une relation affective qui contribue sans nul doute à amoindrir les perturbations dont ils sont l'objet. Mais il faut aussi savoir que l'investissement des personnes au quotidien auprès d'une personne atteinte de maladie d'Alzheimer est considérable, qu'il entraîne souvent un épuisement physique et psychologique et qu'il convient de permettre aux aidants de " souffler ". C'est pourquoi, il devient nécessaire d'offrir une palette de réponses médico-sociales financières et d'hébergement.
A - Tout d'abord, je souhaite rappeler que la prise en charge de la maladie d'Alzheimer est éprouvante au long cours et que le coût des aides à domicile, des aides au répit et des aides techniques est lourd pour les familles quand il n'est pas inabordable. La loi du 20 juillet 2001 qui institue une allocation personnalisée d'autonomie (l'APA) est une grande réforme qui va modifier profondément la prise en charge des personnes âgées en perte d'autonomie. Elle est personnalisée fonction du degré d'autonomie ; elle est universelle et concerne toutes les personnes de plus de 60 ans quelles que soient leurs ressources ; elle est, enfin, d'accès égal, c'est à dire que son montant est le même pour tous. Il faut maintenant que ce dispositif ce mette en place. Les prestations financières qui seront fournies sont d'un tout autre ordre que la prestation spécifique dépendance (PSD) dont chacun s'accorde aujourd'hui à reconnaître les limites (conditions d'accès trop restrictives, montants trop faibles, traitement inéquitable des personnes selon les départements, ...). Ainsi pour vous donner un exemple concret à dépendance égale, l'aide maximum obtenu au titre de la PSD était de 4 800 F/mois ; elle sera de 7 000 F pour l'APA.
L'APA fait appel à la solidarité nationale et à la solidarité locale. Ce dispositif d'un montant d'environ 16 milliards par an est cofinancé par les conseils généraux et l'Etat.
Je voudrais également vous annoncer la mise en place d'un comité scientifique chargé de proposer des adaptations de la grille nationale d'évaluation de la perte d'autonomie (AGGIR) afin de mieux répondre aux besoins, notamment en terme d'accompagnement et d'aides techniques, des personnes âgées présentant une détérioration intellectuelle.
B - Ensuite, il faut accroître les capacités en accueil de jour. Ce type d'accueil qui permet de recevoir pour une ou plusieurs journées par semaine des personnes présentant une détérioration intellectuelle constitue une aide important pour les malades et leurs familles. En effet, la mise en oeuvre au sein de ces établissements d'un projet individuel d'aide et des soins et les activités qui y sont proposées permet de préserver et de maintenir une vie sociale et une certaine forme d'autonomie. Elle permet, aussi, de permettre à l'aidant de " souffler " pendant le temps de cet accueil et contribue par voie de conséquence à faciliter la vie à domicile pour tous.
Nous créerons 7 000 places d'accueil de jour en 4 ans qui viendront s'ajouter aux 3 160 places existantes. En 2002, 1 750 places seront créées correspondant à un coût de 78,5 MF. Afin de réduire les dépenses engagées par les familles qui vous le savez sont lourdes, l'Assurance-Maladie prendra en charge une partie du prix de journée, 150F , par personne malade accueillie. L'allocation personnelle d'autonomie (l'APA) et l'allocation compensatrice tierce personne pour les moins de 60 ans compléteront en partie les frais restant à la charge de la personne malade.
C- Enfin, je souhaite profiter de l'occasion qui m'est donné aujourd'hui d'évoquer la place et le rôle du dispositif " CLIC ", c'est à dire les centres locaux d'information et de coordination. Leur but est d'offrir aux personnes âgées et à leur entourage un lieu proche de leur domicile d'accueil, d'écoute et d'information afin de les aider au mieux, faire valoir leur droit, les orienter vers les structures susceptibles de répondre à leurs besoins : les consultations mémoire, les réseaux de santé, les associations d'usagers ou de malades... Il faut que les parents ou les proches sachent quoi faire lorsque " un ancien devient dépendant ". Les CLIC sont co-financés par l'Etat, le conseil général et les caisses de sécurité sociale, ... Notre objectif est de financer 1 000 CLIC en 5 ans. 70 MF ont été attribués dès 2001 à cet effet, 150 MF sont prévus pour 2002.
5- Améliorer la qualité des structures d'hébergement
S'agissant des établissements d'hébergement pour personnes âgées (les EHPAD), je sais qu'ils accueillent aujourd'hui pour moitié des personnes souffrant de troubles démentiels à des stades souvent très évolués. Je sais, aussi, que les conditions d'accueil ne sont pas adaptés et que les moyens humains sont insuffisants. La réforme tarifaire des EHPAD est en cours, 1,2 milliards y est consacré dés 2002. Elle intègrera un volet tarifaire " Qualité " pour renforcer en moyen humain, former les médecins coordonnateurs des EHPAD et pour adapter l'architecture intérieur de ces établissements. C'est trois mesures sont attendues et transformeront je n'en doute pas le cadre de vie des personnes qui y sont accueillies et la qualité de leur prise en charge.
L'hébergement temporaire, formule d'accueil limitée dans le temps qui peut permettre aux familles de s'absenter quelques jours, sera quant à lui renforcé ; 750 places supplémentaires seront créés en 2002 pour un budget de 49,5 MF. Toutefois, il me semble important de souligner les difficultés que peuvent rencontrer les malades dans ce type de situation du fait de la perte de leurs repères et qui peut rendre difficile la reprise de l'aide pour les familles. C'est pourquoi, il m'apparaît important que les expérimentations en cours soient évaluées.
6- Et enfin, le dernier volet de notre programme d'actions concerne les études et la recherche clinique.
Dans ce domaine des efforts importants ont été fait ces dernières années. Il faut souligner, bien sûr, le travail de l'INSERM mais aussi les efforts accomplis dans le cadre du programme hospitalier de recherche clinique qui je vous le rappelle à en 1998 retenu comme priorité nationale la maladie d'Alzheimer. Des efforts restent à accomplir en particulier en recherche clinique. Trois axes en recherche clinique, en recherche appliquée m'apparaissent prioritaires :
celui de l'identification des facteurs de risque qui, à terme, pourrait permettre de proposer une stratégie de prévention domaine dans lequel nous sommes aujourd'hui démunis - J'attends beaucoup de l'étude " 3 cités " ;
Je souhaite aussi que les cliniciens puissent disposer de recommandations pour l'élaboration d'un projet de soins et de soutien des personnes atteintes de maladie d'Alzheimer - il est, en effet fondamental que la prise en charge soit globale et qu'elle ne se limite pas à la seule prescription médicamenteuse. Le maintien des repères, la stimulation cognitive et la poursuite d'activités sont également des approches thérapeutiques ;
Enfin, nous devons disposer d'outils de formation, d'éducation à la santé sur la maladie d'Alzheimer pour les professionnels de la santé et les aidants afin de favoriser une prise en charge de qualité et faire en sorte que l'ensemble des ressources soit utilisées en tant que de besoins.
Voilà Mesdames, Messieurs les grands axes du programme d'actions du gouvernement sur la maladie d'Alzheimer et les maladies apparentées. Je voudrais remercier Mme la Professeure Sylvie Legrain, chef de projet personnes âgées, pour sa collaboration et son aide dans la conception de ce programme ainsi que Mme la Professeure Florence Pasquier. Je me félicite de cette excellente collaboration entre neurologue et gériatre. Je compte sur l'ensemble des acteurs pour faire en sorte que les malades souffrant de démences et qui sont compte tenu de leur pathologie particulièrement vulnérables puissent être soignées et accompagnées dans la dignité. Vous êtes des interlocuteurs avertis et digne de confiance. Je tiens à vous remercier de votre engagement.
(source http://www.sante.gouv.fr, le 26 octobre 2001)
Messieurs,
J'ai annoncé, hier, lors d'une conférence de presse le programme d'actions " maladies d'Alzheimer " du gouvernement. Ce programme d'actions était mentionné dans les principaux axes de la politique de santé que j'ai présenté en mars dernier. J'ai le plaisir, aujourd'hui, au cours de cette réunion internationale de la société française de neurologie sur les démences, de vous en présenter les grandes lignes.
Vous le savez 500 000 à 600 000 personnes en France seraient atteints de démence dont 350 000 de maladies d'Alzheimer. La prévalence des démences augmente avec l'âge passant de 1% entre 65 et 69 ans à plus de 15% au-delà de 85 ans. Les experts estiment à plus de 100 000 le nombre de nouveaux cas par an et prédisent en 2020 un doublement de ces cas.
A ces aspects épidémiologiques, il faut souligner les particularités cliniques des démences qui altèrent les capacités cognitives, qui entraînent la perte des repères dans le temps et dans l'espace, qui provoquent des troubles graves du comportement et une perte de l'autonomie... L'apparition de ces symptômes, qui évolue sur plusieurs années, sont terribles ; les malades sont conscient de la réalité de leurs troubles ; le conjoint, la famille, les proches constatent une lente et irréversible dégradation des fonctions supérieures et il arrive un moment où l'évolution de la maladie rend inexorable l'entrée en institution.
A la demande du gouvernement et plus particulièrement de Martine Aubry le Pr. Jean-François Girard, ancien directeur général de la santé a dressé un bilan de la situation et fait des propositions. J'ai, également, pris connaissance des recommandations exprimées à l'issue du colloque européen sur la maladie d'Alzheimer de décembre 2000.
C'est ce constat qui m'a amené à proposer, dans mon programme de santé publique annoncé en mars 2001, la maladies d'Alzheimer et les maladies apparentées comme une priorité de santé et amènent à vous proposer un programmes d'actions articulés sur 6 objectifs :
1 - Identifier les premiers symptômes et orienter,
Dans notre pays, la moitié des démences ne sont pas diagnostiquées. Il convient donc de permettre l'identification des symptômes pouvant amener au diagnostic. Je souhaite même pour ma part favoriser le diagnostic précoce qui permet la mise en oeuvre d'un projet de soins médico-psycho-social voire de retarder par des thérapeutiques l'évolution de certaines formes de la maladie. Cette démarche ne doit pas être confondue avec celle d'un dépistage ; une campagne de dépistage systématique en population générale n'est pas justifiée dans les conditions actuelles. Il n'existe pas, en effet, de marqueurs permettant un diagnostic de certitude.
La première étape d'un diagnostic est de détecter les premiers symptômes, les premiers signes d'alerte que sont la diminution des performances dans certains actes de la vie quotidienne : utilisation du téléphone, des transports, gestion du budget,... Ces troubles de la mémoire sont trop souvent banalisés. Les personnes qui présentent ces troubles doivent pouvoir bénéficier d' explorations des fonctions cognitives adaptées. Les médecins généralistes ont dans ce domaine un rôle important à jouer dans l'identification des plaintes et dans l'orientation des personnes vers une consultation mémoire.
C'est pourquoi, j'ai demandé, d'une part, à l'INSERM de valider des outils d'évaluation des fonctions cognitives en médecine de ville et, que d'autre part, soit mise en oeuvre un plan de formation national des médecins généralistes. Dès 2002, seront élaborés des supports pédagogiques et entrepris une formation de formateurs, c'est à dire la formation de médecins chargés de former au niveau local les médecins généralistes ; 1,8 MF seront consacrés en 2002 à cette action.
2 - Structurer l'accès à un diagnostic de qualité
a - Développer des consultations mémoires,
Lorsque le médecin de ville détecte chez une personne un trouble de la cognition, il doit pouvoir l'adresser avec son accord à une consultation spécialisée. Cette démarche mobilise des moyens cliniques, paracliniques et des tests neuropsychologiques à travers une équipe pluridisciplinaire. En effet, le diagnostic de démence apparaît souvent comme un diagnostic d'exclusion ; il est particulièrement difficile à un stade précoce. L'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé a publié, en février 2000, des recommandations pratiques pour le diagnostic de la maladie d'Alzheimer.
Le constat actuel est celui d'une grande hétérogénéité des consultations spécialisées et d'un accès difficile aux tests neuropsychologiques du fait même du peu de neuropsychologues formés. Les délais d'attente sont longs, trop longs. Ainsi, dans le Nord-Pas-de-Calais, région dynamique où il existe, d'ores et déjà, dans de nombreuses villes des consultations mémoire et où les acteurs travaillent dans une dynamique de réseau le délai moyen d'attente varie de 3 à 6 mois.
J'ai demandé à la Direction de l'Hospitalisation et de l'Organisation des Soins de préparer un cahier des charges précis de ces consultations qui seront dénommées " consultations mémoire ". Les moyens de ces consultations seront renforcés. Ainsi en 2002,
35 MF seront destinés au recrutement de personnels médical et non médical. L'accent sera mis sur le recrutement de neuropsychologues. L'effort financier pour répondre aux besoins, devra être envisagé de manière pluriannuelle.
Mais permettre un diagnostic signifie, également, qu'une réponse adaptée médico-psycho-sociale soit proposée à la personne atteinte de démence. En effet, d'une part des médicaments permettent de ralentir dans certaines situations l'évolution de la maladie et, d'autre part les retentissements de la maladie sur la vie quotidienne et sociale nécessitent un soutien et un accompagnement des familles. C'est pourquoi, je tiens à ce que dans le cahier des charges des consultations mémoire soit intégrée la notion de projet de soins et de prise en charge globale dans une logique de travail en réseau avec l'ensemble des acteurs, en particulier les généralistes et les professionnels du monde médico-social.
b - Lever le doute diagnostic - permettre l'accès à des centres mémoires de ressource et de recherche,
Lever l'incertitude, permettre un diagnostic dans des formes précoces, être un recours pour les consultations mémoires pour les cas complexes et difficiles, nécessitent que nous disposions de centres mémoire de ressource. C'est pourquoi, j'ai souhaité qu'à travers un cahier des charges ces centres soient identifiés. Ils devront avoir une activité de recherche notamment clinique. Ces centres mémoire de ressource et de recherche constituent des structures de deuxième niveau articulés avec les consultations mémoire.
Je souhaite que ces centres jouent un rôle moteur dans l'animation de réseaux de consultations mémoire régionales ou interrégionales, assurent des actions de formation médicales et paramédicales et participent à une réflexion éthique sur laquelle je reviendrais.
Une enveloppe de 5 MF permettra de renforcer leurs moyens.
3 - Préserver la dignité des personnes
Les particularités cliniques de la maladie d'Alzheimer rendent les personnes souffrant de cette pathologie très vulnérables. Au cours de l'évolution de cette maladie surviennent des situations critiques, des situations de crise qui posent des problèmes éthiques. Il nous faut, par conséquent, réfléchir sur les conditions de l'annonce d'un diagnostic pour une maladie aussi grave et les conséquences que cela entraînent, sur la signification du consentement aux soins pour les personnes à un stade évolué de la maladie, mais aussi sur des situations de la vie quotidienne comme la conduite automobile ou la privation de liberté Nous pouvons établir des référentiels, des recommandations construits autour du respect impératif de la personne malade. Nous réunirons cinq tables rondes citoyennes associant l'ensemble des experts avec bien entendu les représentants des associations de malades et nous diffuserons largement les résultats de ces réflexions. Les centres mémoire de ressource et de recherche mettront en place quant à eux des espaces éthiques pour aider à prendre des décisions difficiles, pour organiser une médiation en cas de conflit... Cette mission sera inscrite dans leur cahier des charges.
4 - Soutenir et informer la personne malade et sa famille : allocation personnalisée d'autonomie, accueil de jour, centres locaux d'information et de coordination
Vivre avec la maladie d'Alzheimer est une réalité pour une grand part des français. En effet, les experts estiment que 75% des personnes atteintes de maladie d'Alzheimer restent et vivent à domicile ou chez leurs proches. Ceci témoigne de l'immense solidarité familiale qui existe dans notre pays. Je tiens à rendre hommage ici tout ceux qui au quotidien aident, soignent leurs proches atteints de cette terrible maladie. Ceci permet à la personne malade de garder ses repères et de maintenir une relation affective qui contribue sans nul doute à amoindrir les perturbations dont ils sont l'objet. Mais il faut aussi savoir que l'investissement des personnes au quotidien auprès d'une personne atteinte de maladie d'Alzheimer est considérable, qu'il entraîne souvent un épuisement physique et psychologique et qu'il convient de permettre aux aidants de " souffler ". C'est pourquoi, il devient nécessaire d'offrir une palette de réponses médico-sociales financières et d'hébergement.
A - Tout d'abord, je souhaite rappeler que la prise en charge de la maladie d'Alzheimer est éprouvante au long cours et que le coût des aides à domicile, des aides au répit et des aides techniques est lourd pour les familles quand il n'est pas inabordable. La loi du 20 juillet 2001 qui institue une allocation personnalisée d'autonomie (l'APA) est une grande réforme qui va modifier profondément la prise en charge des personnes âgées en perte d'autonomie. Elle est personnalisée fonction du degré d'autonomie ; elle est universelle et concerne toutes les personnes de plus de 60 ans quelles que soient leurs ressources ; elle est, enfin, d'accès égal, c'est à dire que son montant est le même pour tous. Il faut maintenant que ce dispositif ce mette en place. Les prestations financières qui seront fournies sont d'un tout autre ordre que la prestation spécifique dépendance (PSD) dont chacun s'accorde aujourd'hui à reconnaître les limites (conditions d'accès trop restrictives, montants trop faibles, traitement inéquitable des personnes selon les départements, ...). Ainsi pour vous donner un exemple concret à dépendance égale, l'aide maximum obtenu au titre de la PSD était de 4 800 F/mois ; elle sera de 7 000 F pour l'APA.
L'APA fait appel à la solidarité nationale et à la solidarité locale. Ce dispositif d'un montant d'environ 16 milliards par an est cofinancé par les conseils généraux et l'Etat.
Je voudrais également vous annoncer la mise en place d'un comité scientifique chargé de proposer des adaptations de la grille nationale d'évaluation de la perte d'autonomie (AGGIR) afin de mieux répondre aux besoins, notamment en terme d'accompagnement et d'aides techniques, des personnes âgées présentant une détérioration intellectuelle.
B - Ensuite, il faut accroître les capacités en accueil de jour. Ce type d'accueil qui permet de recevoir pour une ou plusieurs journées par semaine des personnes présentant une détérioration intellectuelle constitue une aide important pour les malades et leurs familles. En effet, la mise en oeuvre au sein de ces établissements d'un projet individuel d'aide et des soins et les activités qui y sont proposées permet de préserver et de maintenir une vie sociale et une certaine forme d'autonomie. Elle permet, aussi, de permettre à l'aidant de " souffler " pendant le temps de cet accueil et contribue par voie de conséquence à faciliter la vie à domicile pour tous.
Nous créerons 7 000 places d'accueil de jour en 4 ans qui viendront s'ajouter aux 3 160 places existantes. En 2002, 1 750 places seront créées correspondant à un coût de 78,5 MF. Afin de réduire les dépenses engagées par les familles qui vous le savez sont lourdes, l'Assurance-Maladie prendra en charge une partie du prix de journée, 150F , par personne malade accueillie. L'allocation personnelle d'autonomie (l'APA) et l'allocation compensatrice tierce personne pour les moins de 60 ans compléteront en partie les frais restant à la charge de la personne malade.
C- Enfin, je souhaite profiter de l'occasion qui m'est donné aujourd'hui d'évoquer la place et le rôle du dispositif " CLIC ", c'est à dire les centres locaux d'information et de coordination. Leur but est d'offrir aux personnes âgées et à leur entourage un lieu proche de leur domicile d'accueil, d'écoute et d'information afin de les aider au mieux, faire valoir leur droit, les orienter vers les structures susceptibles de répondre à leurs besoins : les consultations mémoire, les réseaux de santé, les associations d'usagers ou de malades... Il faut que les parents ou les proches sachent quoi faire lorsque " un ancien devient dépendant ". Les CLIC sont co-financés par l'Etat, le conseil général et les caisses de sécurité sociale, ... Notre objectif est de financer 1 000 CLIC en 5 ans. 70 MF ont été attribués dès 2001 à cet effet, 150 MF sont prévus pour 2002.
5- Améliorer la qualité des structures d'hébergement
S'agissant des établissements d'hébergement pour personnes âgées (les EHPAD), je sais qu'ils accueillent aujourd'hui pour moitié des personnes souffrant de troubles démentiels à des stades souvent très évolués. Je sais, aussi, que les conditions d'accueil ne sont pas adaptés et que les moyens humains sont insuffisants. La réforme tarifaire des EHPAD est en cours, 1,2 milliards y est consacré dés 2002. Elle intègrera un volet tarifaire " Qualité " pour renforcer en moyen humain, former les médecins coordonnateurs des EHPAD et pour adapter l'architecture intérieur de ces établissements. C'est trois mesures sont attendues et transformeront je n'en doute pas le cadre de vie des personnes qui y sont accueillies et la qualité de leur prise en charge.
L'hébergement temporaire, formule d'accueil limitée dans le temps qui peut permettre aux familles de s'absenter quelques jours, sera quant à lui renforcé ; 750 places supplémentaires seront créés en 2002 pour un budget de 49,5 MF. Toutefois, il me semble important de souligner les difficultés que peuvent rencontrer les malades dans ce type de situation du fait de la perte de leurs repères et qui peut rendre difficile la reprise de l'aide pour les familles. C'est pourquoi, il m'apparaît important que les expérimentations en cours soient évaluées.
6- Et enfin, le dernier volet de notre programme d'actions concerne les études et la recherche clinique.
Dans ce domaine des efforts importants ont été fait ces dernières années. Il faut souligner, bien sûr, le travail de l'INSERM mais aussi les efforts accomplis dans le cadre du programme hospitalier de recherche clinique qui je vous le rappelle à en 1998 retenu comme priorité nationale la maladie d'Alzheimer. Des efforts restent à accomplir en particulier en recherche clinique. Trois axes en recherche clinique, en recherche appliquée m'apparaissent prioritaires :
celui de l'identification des facteurs de risque qui, à terme, pourrait permettre de proposer une stratégie de prévention domaine dans lequel nous sommes aujourd'hui démunis - J'attends beaucoup de l'étude " 3 cités " ;
Je souhaite aussi que les cliniciens puissent disposer de recommandations pour l'élaboration d'un projet de soins et de soutien des personnes atteintes de maladie d'Alzheimer - il est, en effet fondamental que la prise en charge soit globale et qu'elle ne se limite pas à la seule prescription médicamenteuse. Le maintien des repères, la stimulation cognitive et la poursuite d'activités sont également des approches thérapeutiques ;
Enfin, nous devons disposer d'outils de formation, d'éducation à la santé sur la maladie d'Alzheimer pour les professionnels de la santé et les aidants afin de favoriser une prise en charge de qualité et faire en sorte que l'ensemble des ressources soit utilisées en tant que de besoins.
Voilà Mesdames, Messieurs les grands axes du programme d'actions du gouvernement sur la maladie d'Alzheimer et les maladies apparentées. Je voudrais remercier Mme la Professeure Sylvie Legrain, chef de projet personnes âgées, pour sa collaboration et son aide dans la conception de ce programme ainsi que Mme la Professeure Florence Pasquier. Je me félicite de cette excellente collaboration entre neurologue et gériatre. Je compte sur l'ensemble des acteurs pour faire en sorte que les malades souffrant de démences et qui sont compte tenu de leur pathologie particulièrement vulnérables puissent être soignées et accompagnées dans la dignité. Vous êtes des interlocuteurs avertis et digne de confiance. Je tiens à vous remercier de votre engagement.
(source http://www.sante.gouv.fr, le 26 octobre 2001)