Déclaration de M. Charles Josselin, secrétaire d'état à la coopération, sur le budget 1998 et les orientations de la francophonie, à Paris au Sénat le 9 octobre 1997.

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Circonstance : Présentation du budget de la francophonie par M. Charles Josselin au Sénat, à Paris le 9 octobre 1997

Texte intégral

Je suis heureux de présenter, aujourd'hui, devant vous le budget de la Francophonie.
Je le fais en tant que secrétaire d'Etat à la Coopération, délégué auprès du ministre des Affaires étrangères, exerçant par délégation de celui-ci les attributions du gouvernement en matière de Francophonie, étant entendu que la Francophonie relève du domaine partagé. C'est, en effet, évidemment, le président de la République qui représente la France aux sommets des pays ayant le français en partage, dits sommets francophones.

L'article 2 du décret d'attribution du secrétaire d'Etat à la Coopération dispose :

Le secrétaire d'Etat à la Coopération, sous l'autorité du ministre des Affaires étrangères, exerce par délégation de celui-ci les attributions de ce dernier relatives à la Francophonie et à la politique de coopération avec les organismes internationaux à vocation francophone. En ce domaine, il propose toutes les mesures, anime et oriente l'action des administrateurs intéressés. Il contribue à la définition des actions menées par l'Etat et par les organismes intéressés au développement de la Francophonie et de la langue française.

Selon l'article 6, le secrétaire d'Etat à la Coopération dispose des services du ministère des Affaires étrangères, et les autres départements ministériels lui assurent, en tant que de besoin, le concours de leurs services

Comme vous le savez peut-être, ce dispositif entre dans le cadre d'une réorganisation des structures de notre coopération, animée par un souci de cohérence. Ce souci de cohérence se manifeste de deux manières :

- Le secrétariat d'Etat à la Coopération a désormais en charge la coopération avec l'ensemble des pays du monde concernés, quel que soit le continent auquel ils appartiennent, alors que jusqu'à présent nos instruments de coopération relevaient, selon le champ géographique, du ministère de la Coopération (qui déployait son activité essentiellement - et presque exclusivement - en Afrique) ou du ministère des Affaires étrangères (pour les autres régions du monde)

- les départements ministériels de la Coopération et de la Francophonie ont été réunis en un seul, afin de faciliter les synergies, étant entendu que la Coopération est (avec la direction générale des Relations culturelles, scientifiques et techniques), le principal contributeur au budget de la Francophonie. Surtout, notre conception de la Francophonie n'est pas seulement celle d'une Francophonie culturelle ; nous entendons appréhender le développement. C'est également la manière de voir de nos partenaires, pour lesquels, de plus en plus, développement culturel et développement économique ont partie liée.

Je souhaitais apporter ces précisions, sachant que l'absence du mot "francophonie" dans les titres des ministres du nouveau gouvernement avait pu surprendre, voire susciter des interrogations.

J'en viens donc, si vous le voulez bien, à la présentation du budget de la Francophonie.

Elle ne va pas de soi, car elle pose au moins deux problèmes :
- le budget de la Francophonie est, si je puis dire, un "budget introuvable", dans la mesure où il est difficile à cerner et où c'est un budget éclaté.

la relation entre budget national et financements de la Francophonie multilatérale est telle que nos crédits affectés à la Francophonie multilatérale ne sont pas individualisés dans notre budget national.
Un "budget introuvable", disais-je. Cela tient en dernière analyse à ce que la notion de francophonie elle-même est difficile à définir.

On ne peut réduire le budget de la Francophonie à celui du Service des affaires francophones, qui est en principe en charge de la matière, mais est en fait un service chargé de coordonner les actions françaises en matière de francophonie. Son budget, très modeste, s'établit à moins de 62 MF.

En fait, on entend habituellement par "budget de la Francophonie" l'ensemble des contributions françaises à la francophonie multilatérale, soit les contributions à :

l'ACCT (agence de coopération culturelle et technique)
l'AUPELF-UREF
l'Université Senghor d'Alexandrie
l'AIMF
TV5 (encore que souvent seule est comptabilisée la contribution à TV5
Afrique, qui fait l'objet d'une décision des Sommets francophones, tandis que le reste du budget de TV5 fait l'objet de décisions des réunions annuelles des ministres de TV5).

Globalement, cela représente un montant total d'environ 620 MF (soit environ deux-tiers de l'ensemble des contributions apportées à la francophonie multilatérale par les 49 pays et communautés participants). Je signale que, sur ces 620 MF, la coopération verse pour sa part 210 MF environ.

Mais, en définitive, d'autres crédits concourent également à la promotion de la Francophonie : les crédits consacrés à la promotion de la langue française ou à l'enseignement français à l'étranger par exemple. Souvent, l'opinion publique (et les parlementaires) ne comprennent pas que l'on ne comptabilise pas ces crédits. Mais où s'arrêter ? Les crédits affectés à nos centres culturels pourraient aussi être comptabilisés, mais aussi les crédits d'assistance technique (en accroissant la présence française, les projets d'assistance technique suscitent une "appétence de français ").

Ce budget introuvable est d'autre part "éclaté" entre plusieurs ministères et le plus souvent, au sein de ceux-ci, entre plusieurs services. Sont mis à contribution (pour le financement de la Francophonie multilatérale) :

le ministère des Affaires étrangères (service des affaires francophones ; direction des Relations culturelles, scientifiques et techniques)

- Le secrétariat d'Etat à la Coopération (toutes les sous-directions de la Direction du développement)

Le ministère de l'Education nationale (DRIC - Direction des relations internationales et de la Coopération)

- le ministère de la Culture
- Le ministère de la Jeunesse et des Sports
- et bientôt, nous l'espérons, le ministère de l'Economie et des Finances (secrétariat d'Etat à l'Industrie).

La seconde raison pour laquelle il est difficile de présenter le budget de la Francophonie, c'est que, parmi les financements de la Francophonie multilatérale, seuls sont individualisés dans nos documents budgétaires :

- notre contribution statutaire à l'ACCT (qui est la seule organisation internationale de la Francophonie). Comme toute contribution à une organisation internationale, celle-ci est inscrite au budget de la direction des Affaires financières du Quai d'Orsay

le budget du service des Affaires francophones, qui dispose de deux lignes de crédit :

au chapitre 42-10, paragraphe 10 pour le financement des opérations de la Francophonie multilatérale,

au chapitre 42-10, paragraphe 20, pour le financement des associations francophones.

Il est à noter que le service des Affaires francophones a obtenu une mesure nouvelle de 3 MF pour le financement du secrétariat général de la Francophonie
Le montant global inscrit au projet de budget 1998 pour ces deux paragraphes est de 61.685.644 F (contre 62.705.000 F en 1997, et ce malgré une mesure nouvelle de 3 MF obtenu pour financer le Secrétariat général de la Francophonie ; ce besoin s'explique par le fait que la base 1997 reprise pour la négociation du budget 1998 est la base 1997 amputée des régulations intervenues en cours d'année.

Pour le reste, nos versements à la Francophonie multilatérale ne sont pas individualisés dans les documents sur la base desquels s'effectue la procédure budgétaire. Ils sont répertoriés selon des classifications internes à chacun des ministères considérés et ne sont pas toujours identifiables comme crédits affectés à la Francophonie (ils sont souvent "mêlés" dans un même paragraphe bud gétaire à d'autres crédits, qui financent des opérations de même nature, mais réalisées en bilatéral). C'est seulement a posteriori, dans les jaunes budgétaires, que les crédits de la Francophonie donnent lieu à une présentation analytique, et que l'on peut opérer une discrimination entre crédits bilatéraux et crédits multilatéraux pour les opérations de même nature.

Il résulte de cette situation que, pour l'essentiel, il est en théorie impossible à ce stade de la procédure budgétaire, de préciser le montant global des crédits affectés à la Francophonie.

En pratique, il est vrai, les principales administrations concernées sont décidées à affecter à la Francophonie, au sein du budget qui leur est imparti, des montants au moins équivalents à ceux de l'an dernier.

En fait, d'ailleurs, il conviendra de dégager des crédits supplémentaires pour financer les opérations nouvelles qu'arrêtera le Sommet de Hanoï et que la simple reconduction des crédits accordés aux opérateurs de la Francophonie pour le biennum en voie d'achèvement ne suffira pas à financer.

Si vous le voulez bien, le dernier volet de mon exposé sera consacré, précisément, au Sommet de Hanoï. Quel doit être, dans notre esprit, la signification du Sommet de Hanoï ? Quelles priorités doit-il définir en matière de programmes ?

La France souhaite naturellement que le Sommet de Hanoï permette de régler définitivement les questions institutionnelles, sur lesquelles s'est trop souvent focalisé le débat francophone ces dernières années.

En décembre 1995, le Sommet de Cotonou a, comme vous le savez, arrêté les grandes lignes d'une réforme des institutions de la Francophonie.

En décembre 1996, la Conférence ministérielle de Marrakech a apporté à la Charte de l'ACCT (rebaptisée Charte de la Francophonie) les amendements nécessaires à la mise en oeuvre de la réforme décidée à Cotonou.

La principale novation est la création d'un poste de Secrétaire général de la Francophonie. Désigné pour quatre ans par les chefs d'Etat et de gouvernement, il sera le porte-parole politique et le représentant officiel de la Francophonie sur la scène internationale. Il présidera le conseil permanent. Il sera le plus haut responsable de l'Agence de la Francophonie, qui restera le seul organisme intergouvernemental de la Francophonie et son principal opérateur.

La direction administrative de l'Agence sera assurée par un administrateur général, qui participera à la définition des programmes et sera responsable de leur exécution.

Sur une question importante, la Conférence de Marrakech n'est pas parvenue à un consensus. La France avait demandé que le CPF joue un rôle de Conseil d'administration de l'ACCT. Cette question sera de nouveau traitée, à la demande de la France, au Sommet de Hanoï. Les perspectives de consensus apparaissent désormais bonnes.

La réforme institutionnelle achevée, les conditions seront réunies pour développer "une Francophonie vivante et attractive" que le Premier ministre, M. Jospin, a appelée de ses voeux lors de sa déclaration de politique générale, devant l'Assemblée nationale le 19 juin dernier, et dont il a fait une des priorités de l'action du nouveau gouvernement dans le domaine international.

Cette Francophonie sera plurielle, linguistique et culturelle, certes, mais aussi politique et économique.

Sur le premier point (Francophonie politique), la désignation d'un secrétaire général marquera une étape essentielle.

S'agissant de l'espace économique francophone, nous savons gré au Vietnam, pays organisateur, d'avoir placé cette notion au coeur des travaux préparatoires au Sommet de Hanoï. Il n'est guère aisé d'inscrire cette notion dans les faits. Mais nous y sommes comme vous très attachés. Sans fondement économique, la Francophonie ne pourra véritablement prendre son essor. Sans économies vivaces, nous ne pourrons préserver notre identité culturelle. C'est pourquoi vous pouvez compter sur le soutien plein et entier du gouvernement que je représente pour que le Sommet de Hanoï permette des avancées significatives dans ce secteur.

En matière de programmes, je souhaite pour ma part que le Sommet de Hanoï privilégie quatre secteurs stratégiques :

- la coopération institutionnelle en vue de l'approfondissement de l'Etat de droit. Je n'ai pas besoin d'insister sur l'importance de ce thème, mais je voudrais préciser que, de mon point de vue, la démocratie n'est pas seulement une valeur essentielle en elle-même ; elle est aussi une condition du développement.

- la promotion de l'enseignement du et en français, ainsi que la promotion du français dans les institutions internationales. La question de la langue demeure naturellement centrale, et le fait que la Francophonie étende progressivement son action à l'ensemble des domaines de la vie politique et sociale ne doit pas conduire à négliger ce qui est au coeur même de notre identité. Je considère pour ma part que la question de la place du français dans les organisations internationales a été un peu négligée au cours des dernières années.

- la formation, depuis la formation de base jusqu'à celle des élites. Je souhaite pour ma part que la Francophonie investisse toujours davantage dans les hommes, qui représentent sa richesse majeure. D'ores et déjà, le Sommet de Cotonou a affirmé la priorité qui s'attache à la restauration d'un enseignement de base de qualité. Il nous faut également nous interroger sur la manière d'éviter que les nouvelles élites africaines ne soient formées dans des pays tiers, je pense naturellement aux Etats-Unis mais aussi à d'autres, en Asie par exemple. La formation n'est d'ailleurs pas seule en cause à cet égard, c'est toute notre politique à l'égard du tiers-monde qui est concernée - je pense au problème des visas -, et en définitive le modèle de société et la part de rêve que la Francophonie est ou n'est pas en mesure d'offrir.

les inforoutes. La Francophonie serait condamnée si elle ne parvenait pas à s'approprier ces vecteurs de la modernité. Je mesure la difficulté de l'entreprise, ainsi que le risque de plaquer sur les réalités du sous-développement (auxquelles sont hélas confrontés nombre des membres de notre communauté francophone) des instruments inadaptés. Mais il nous faut absolument parvenir à sortir de ce dilemme et à relever ce défi.

Telles sont, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, les priorités que je serais
heureux de vous voir partager. Je vous remercie de votre attention.

(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 octobre 2001)