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R. Artz Vous avez été très actif dans le trimestre qui s'achève : votre déclaration de candidature à la présidentielle, des déplacements à la rencontre des Français, le congrès de l'UDF, un livre sur "la relève"... Mais vos sondages n'ont pas décollé. Où en est votre campagne électorale ?
- "La campagne va s'ouvrir. Elle n'est pas ouverte, puisque les deux principaux candidats, J. Chirac et L. Jospin, ne sont pas entrés en campagne. Et elle s'ouvrira - en tout cas, c'est la conviction qui est la mienne - sur des idées, sur l'attente d'une manière nouvelle de faire de la politique. C'est à partir de ce moment que nous serons entrés sur le ring ou sur le stade, et que les campagnes pourront être jugées."
C'est-à-dire que ce que vous aviez lancé comme idée, d'être le troisième homme, puis d'incarner la relève, tout cela, c'était des hors-d'oeuvre ?
- "C'était des entrées en campagne, dans des circonstances qui n'étaient pas faciles, parce que vous savez ce qu'ont été les évènement internationaux. Ils dépassaient de très loin les enjeux de la politique française."
Allez-vous démarrer sur de nouveaux thèmes ? Par exemple, je sais que vous avez visité hier un centre d'hébergement et d'assistance pour sans-abri, à Nanterre. Est-ce le signe d'un marquage social ?
- "Si le centre et la droite ne sont pas sociaux, ils ne l'emporteront pas. C'est-à-dire que s'ils ne peuvent pas montrer que, à leur manière, ils sont plus généreux et plus justes que la gauche ne l'est, ils ne l'emporteront pas. Et, pour moi, c'est une certitude que j'illustrerai. Je prends un exemple : vous venez d'en parler, j'ai passé la soirée au centre d'hébergement de Nanterre, là où on accueille les SDF, les sans-abri, des clochards, pour la nuit. Il y a sept ans, on faisait campagne, souvenez-vous, sur la fracture sociale..."
C'était J. Chirac....
- "Dieu sait qu'en 1997, la gauche a dit que ce serait "la priorité des priorités". Est-ce que depuis cinq et sept ans, la misère a reculé en France ? Non. Au contraire, elle s'est aggravée. Est-ce que la pauvreté a reculé en France ? Non. Au contraire, elle s'est aggravée."
Et vous allez des propositions précises ?
- "Je ferai des propositions précises. J'en fais une devant vous : ce qui est frappant, malgré tous les efforts qui sont consentis par les promoteurs du Samu social, c'est que ces femmes et ces hommes à la dérive, lorsque le matin vient, on les renvoie dans la rue. On les accueille pour la nuit, et le matin, on les charge à nouveau dans des cars et on les renvoie dans la rue. Eh bien, je pense qu'il faut prévoir un accueil différent, des sortes de pensions, dans lesquelles on pourrait les accueillir le jour et la nuit. Parce qu'en France, on se préoccupe des clochards et de la très grande misère en hiver et pendant la nuit. Les Restos du coeur fonctionnent en hiver, c'est très bien, mais il faut manger tous les jours. Donc, l'idée d'un accueil qui ne serait pas limité à l'hiver et à la nuit, mais qui au contraire prendrait aussi en charge pendant le jour, pour donner un ancrage, c'est une de ces idées, qu'à mon avis, il faut défendre dans les mois qui viennent."
En matière sociale, actuellement, il y a les médecins généralistes qui sont en grève. Que leur dites-vous ? Que oui, il faut revaloriser tous leurs tarifs ?
- "Les médecins et les infirmières sont en but au mal français. C'est-à-dire que lorsqu'on parle, lorsqu'on s'exprime en France, lorsqu'on essaie de traduire ses attentes, personne ne vous écoute. Personne ! Les ministères sont sourds, les administrations aussi. Et le seul moyen de se faire entendre, c'est de déclencher des mouvements revendicatifs durs, par exemple cette grève des soins. Cela n'est pas normal. Tant qu'on ne changera pas la manière de gouverner la France et tant qu'on ne créera pas la possibilité de prendre les problèmes avant qu'ils ne se posent, de les prendre en amont, on ne gouvernera pas ce pays comme il doit l'être. Et on ira de grève en grève, et je le prédis, de recul en recul. Car chaque fois que la grève devient dure, on cède. Et les Français ont parfaitement compris que le seul moyen de faire céder, c'était d'avoir une grève ou un mouvement le plus dur possible."
Et vous, vous pourriez faire différemment, vous pensez ?
- "Je suis absolument certain que dès l'instant où on bâtirait une vie sociale différente, avec des partenaires sociaux, des porte-paroles, des "corps intermédiaires" comme on dit, des syndicats ou des associations, capables de saisir les autorités avant que les problèmes ne deviennent durs, de se mettre autour de la table et de parler, comme on le fait dans tous les pays d'Europe - parce que ce qui est frappant, c'est que tous les pays d'Europe fonctionnent comme cela."
Allez-vous, dans la deuxième partie de la campagne, à partir de la semaine prochaine, être moins critique vis-à-vis de J. Chirac que vous ne l'avez été ?
- "Quand on se présente à une élection, c'est pour proposer une perspective différente. Et je continuerai à le faire."
C'est peut-être cela votre difficulté : d'être dans le même camp que Chirac et de se démarquer de lui ?
- "Si je pensais que la France était bien gouvernée par les uns ou par les autres, je serais tranquillement dans l'une ou l'autre équipe, et je me contenterais d'être un supporter - je suis sûr qu'il y a des avantages et des intérêts à l'être. Mais je pense que la France mérite d'être gouvernée différemment, et je le dirai."
Continuez-vous de craindre une chiraquisation de la droite, au travers, par exemple, les réunions de l'Union en mouvement ?
- "Je n'ai jamais accepté et je n'accepterai jamais qu'un mouvement politique se réfère seulement à un homme. Je trouve que c'est, d'une certaine manière, abandonner ses idées et son esprit critique que de faire un mouvement politique pour un homme, quel qu'il soit et fut-il Président. Pour moi, un mouvement politique, ce sont des idées, c'est une manière de vouloir se battre ensemble pour changer le monde, et sûrement pas se référer à un homme les yeux fermés."
Vous n'avez pas beaucoup de soutien parmi les députés de l'UDF.
- "Pas du tout ! Lorsque vous verrez les chiffres, vous verrez qu'au contraire, ce soutien est très large. Alors, il y a des exceptions. C'est la vie..."
A partir de début 2002, vous considérez que c'est un oral de rattrapage pour vous ?
- "Je considère que les Français attendent des idées. Et il va falloir les donner. Il va falloir répondre concrètement - pas abstraitement - aux questions qu'ils se posent, et mettre sur la table des propositions suffisamment simples pour qu'ils puissent y reconnaître leur avenir. Ceux qui seront capables de le faire, intéresseront les Français. Et en tout cas, pour ma part, c'est ce que je vais faire."
Le thème de la relève a-t-il été un bon thème ?
- "C'est la question de fond. Si l'on considère que les choses vont bien comme cela, on s'inscrit, encore une fois, dans le comité de soutien de l'un ou de l'autre des deux sortants. Mais si l'on considère que depuis des années et des années, la France est mal gouvernée, alors, on défend l'idée d'une relève. C'est le choix que j'ai fait et c'est que je vais porter et défendre dans les semaines qui viennent."
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 27 décembre 2001)